L’étoile de mer polaire, Leptasterias polaris
L’astéride Leptasterias polaris (Müller et Troschel 1842) est retrouvée le long des côtes américaines de l’Atlantique Nord et de l’Arctique (Chabot et Rossignol 2003). Elle évolue principalement dans les eaux froides, sombres mais riches du Saint-Laurent. Elle est très abondante dans la zone infralittorale de l’estuaire du Saint-Laurent (Vincent 1990). C’est une espèce prédatrice qui se nourrit principalement de moules bleues Mytilus edulis (Himmelman et Outil 1991). L. polaris (Fig. 1.2A), comme les autres espèces du même genre, couve ses œufs en s’enroulant autour de la ponte à la fin décembre, jusqu’en mai et parfois un peu plus tard (Himmelman et al. 1982). Maintenue en aquarium alimenté en circuit ouvert avec l’environnement extérieur, le comportement de reproduction est synchronisé avec le milieu naturel et la chute de température à l’approche de l’hiver semble déclencher la ponte. Après 5 à 6 mois de couvaison, une jeune étoile de mer identique à l’adulte sort de l’œuf (Fig. 1.28) (Hamel et Mercier 1995).
LES CŒLOMOCYTES : SYSTÈME CIRCULATOIRE POUR L’ORGANISME
Les cœlomocytes sont les cellules présentes dans la cavité cœlomique. Ces cellules sont également retrouvées dans les tissus conjonctifs et les épithéliums ainsi que dans les lacunes hémales (Chia et Xing 1996). Plusieurs types cellulaires ont été identifiés dans le liquide cœlomique des échinodermes mais ne sont pas retrouvés chez tous les échinodermes et leurs proportions varient. Chez les astéries, plus de 95% des cœlomocytes sont des amœbocytes, qui sont responsables de la phagocytose (Kaneshiro et Karp 1980 ; Chia et Xing, 1996). Chez les échinidés, quatre types cellulaires ont été dénombrés: les cellules sphérules rouges et sans couleur, les cellules vibratiles dotées d’un flagelle et les amœbocytes responsables de la phagocytose (Hillier et Vacquier 2003). Quant aux holothuries, six types cellulaires ont été décrits chez Apostichopus japonicus: les lymphocytes, les cellules morula, les amœbocytes, les cellules cristales, les cellules fusiformes et les cellules vibratiles. Non seulement on retrouve une grande diversité morphologique dans les cœlomocytes, mais également une grande diversité fonctionnelle (Xing et al. 2008).
VIVRE EN MILIEU FROID
Les trois espèces d’ échinodermes à l’étude sont des organismes d’eaux froides vivant dans l’ estuaire et le golfe du Saint-Laurent. L’estuaire du Saint-Laurent, situé en zone subarctique, est un endroit unique, ponctué de longs hivers pendant lesquels la glace recouvre la surface de l’eau en milieu intertidal (EI-Sabh et Silverberg 1990). Les propriétés hivernales (glace, vagues, basse température) influencent grandement la structure et la succession des communautés benthiques du Saint-Laurent du milieu intertidal (Bourget et al. 1985). L’ effet de la température est universel sur tous les taxa et l’omniprésence des gradients de température (en fonction des latitudes, de l’ altitude, des profondeurs) conditionne la vie, et même peut la limiter dans certains cas. La température affecte grandement la physiologie des organismes, de la structure des macromolécules aux réactions chimiques (Hochachka et Somero 2002). Par exemple, le métabolisme des espèces augmente de façon croissante en fonction de la latitude, des zones polaires aux zones tropicales chez les poissons et les bivalves (Clarke et Johnston 1999, Peck 2002). Les échinodennes sont des ectothennes, c’est-à-dire que la température de leur corps suit la température du milieu. Pour les ectothennes, les variations journalières et saisonnières de température influencent fortement les taux de respiration, l’alimentation, la croissance et la locomotion. La température altère particulièrement les réactions chimiques et enzymatiques, les taux de diffusion, la fluidité des membranes cellulaires et la structure des protéines (Hochachka et Somero 2002).La température de l’ eau peut donc engendrer un certain stress sur les organismes se faisant ressentir sur les activités des cœlomocytes. En effet, elle influe particulièrement sur les propriétés physiques des membranes influençant directement les processus s ‘y déroulant comme l’activité des protéines. Les processus membranaires sont très sensibles à la température, bien plus que les processus se déroulant dans la phase aqueuse de la cellule. Les membranes cellulaires ont alors un rôle primordial dans l’établissement des limites thenniques tolérables par les organismes vivants. Les membranes cellulaires (Fig. lAA) ont un rôle de barrière physique protégeant le milieu intracellulaire de l’extérieur et jouent un rôle majeur dans le transport de molécules. Elles ont aussi une fonction bioénergétique grâce au système de transport de protons et d’électrons pour la fonnation d’A TP. Les membranes sont également essentielles dans les processus de signalisation cellulaire (Hochachka et Somero 2002). Deux propriétés membranaires sont particulièrement influencées par la température (Fig. lAB) : l’ordre des membranes (fluidité) et la phase des membranes (viscosité) (Crockett 1998, Hochachka et Somero 2002). Selon le modèle de l’adaptation homéovisqueuse (HVA), malgré les variations de température, la membrane plasmique conserve un environnement physique optimal pour le fonctionnement des protéines. L’ordre est maintenu.
LA CONTAMINATION DE L’ENVIRONNEMENT
La faune et la flore terrestre, aquatique et manne sont exposées à de multiples contaminants. Dans l’environnement du fleuve et de l’estuaire du Saint-Laurent, on retrouve un mélange de polluants composé de métaux (Gobeil et al. 2005), de xénoestrogènes (Aravindakshan et al. 2004), de composés organiques persistants (Metcalfe-Smith et al. 1995, Viglino et al. 2004) et de pesticides (Ashpole et al. 2004). Dans un rapport gouvernemental rédigé en 2007, le ministère Pêches et Océans Canada mentionnait aussi la présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des détergents et des produits pharmaceutiques en plus de ceux déjà cités (Dufour et Ouellet 2007). Tous ces contaminants sont retrouvés en concentration variable dans l’environnement et leur source n’est pas toujours connue (Gobeil et al. 2005). L’analyse chimique permet de connaître la quantité de contaminants présents dans les compartiments biotique et abiotique mais ne permet pas d’évaluer l’état de santé des organismes ni l’effet de la combinaison de plusieurs contaminants. Pour s’assurer de la qualité des milieux lors d’études environnementales, d’autres méthodes ont été développées, comme par exemple les biomarqueurs. Un biomarqueur est « un changement observable et/ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique ou comportemental qui révèle l’exposition présente ou passée d’un individu à au moins une substance chimique à caractère polluant» (Amiard et al. 1998). L’utilisation de biomarqueurs permet d’évaluer l’état général d’un organisme et par lui, de l’écosystème. Cette méthode, bien que plus intégrative, ne permet pas non plus d’indiquer l’interaction exacte entre les contaminants présents.Pourtant, des effets peuvent découler de la présence de plusieurs contaminants dans l’environnement car, une fois dans l’organisme, ces xénobiotiques peuvent interagir. Un xénobiotique se définit comme une « substance étrangère au milieu naturel ou à l’organisme possédant des propriétés toxiques même à faible dose» (Pelletier et al. 2004). La situation la plus simple est que l’effet du contaminant X n’interfère pas avec l’effet du contaminant Y et/ou des autres. Dans d’autres cas, une action combinée réciproque ou non est possible : c ‘ est ce qu ‘ on appelle interaction (Borm et Henderson 1996).Les interactions entre contaminants sur les organismes vivants sont réelles. Plusieurs études sont réalisées sur la phase toxicocinétique de l’exposition à de multiples contaminants. Un des exemples les plus fréquents est l’ interaction sur la biotransformation :un contaminant A agit sur la biotransformation d’ un contaminant B (Falahatpisheh et al. 200 1, Kannan et al. 1998, Padros et al. 2003). Le résultat d’une exposition multiple peut se traduire par un simple effet additif de plusieurs composés aux mécanismes similaires ou encore être la résultante d’une action synergique (Sargian et al. 2005) ou antagoniste (Falahatpisheh et al. 2001) entre les différents composés. L’effet additif est défini de la façon suivante: l’effet combiné est égal à la somme des effets individuels des xénobiotiques. Une interaction est synergique quand l’effet combiné est plus grand que la somme des effets individuels. Elle est antagoniste quand l’effet d’une substance toxique est diminué ou annulé par la présence d’une autre substance (Borm et Henderson 1996). La concentration des xénobiotiques impliqués est souvent un facteur très important dans l’effet combiné (Bae et al. 2001, Padros et al. 2003).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
CHAPITRE 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 . Anatomie et physiologie des échinodermes
1.2. Les espèces à l’étude
1.2.1. L’étoile de mer polaire, Leptasterias polaris
1.2.2. L’oursin vert, Strongylocentrotus drœbachiensis
1.2.3. Le concombre de mer commun, Cucumariafrondosa
1.3. Les cœlomocytes : système circulatoire pour l’organisme
1.4. Vivre en milieu froid
1.5. La contamination de l’environnement
1.6. La résistance aux xénobiotiques
1.6.1. Historique des MXR
l.6.2. Protéines de transport MXR
1.6.3. Identité des substrats et des inhibiteurs
1.6.4. Méthodes d’analyse des protéines MXR
1.6.5. La résistance aux xénobiotiques chez les échinodermes
1.7. Objectif général
1.8. Hypothèses de travail et structure de la thèse
1.8.1 . Objectif1
1.8.2. Objectif 2
1.8.3. Objectif3
CHAPITRE 2 RÉSISTANCE AUX XÉNOBIOTIQUES DANS LES CCELOMOCYTES DE TROIS ESPÈCES D’ÉCHINODERMES
2.1. Résumé
2.2. Abstract
2.3. Introduction
2.4. Materia1s and methods
2.4.1 AnimaIs and sampling cœlomocytes
2.4.2 Chemicals
2.4.3 Cytotoxicity test
2.4.4 MXR assay
2.4.5 Flow cytometry
2.4.6 Light and epifluorescence microscopy
2.4.7 Total proteins analysis, SDS-PAGE and Western blot analysis
2.4.8 Mass spectrometry analysis
2.4.9 Statistical analysis
2.5. Results
2.5.1 . Cell distribution in cœ10mic fluid
2.5.2. Cell viability
2.5.3. Measurement of MXR-Iike activity by FCM
2.5.4. Measurement of MXR-Iike proteins by SOS-PAGE and Western blot analysis
2.5.5. Identification of MXR-Iike proteins by mass spectrometry
2.6. Discussion
2.6.1 . Rhodamine B incorporation
2.6.2. Calce in incorporation
2.6.3. Responses comparison
2.6.4. Western Blot confirmation of MXR-1ike proteins in cœlomocytes
2.7. Conclusion
CHAPITRE 3 EFFET D’UN ACCROISSEMENT DE LA TEMPÉRATURE SUR LA PHYSIOLOGIE ET LE REMANIEMENT LIPIDIQUE DES CCELOMOCYTES DE LEPTASTERIAS POLARIS ET STRONGYLOCENTROTUS DRŒBACHIENSIS
3.1. Résumé
3.2. Introduction
3.3. Matériel et méthodes
3.3.1. Les animaux
3.3.2. Le prélèvement des cœlomocytes
3.3.3. Les analyses
3.3.4. Analyses statistiques
3.4. Résultats & discussion
3.4.1. Taille et concentration des cœlomocytes
3.4.2. Taille des cœlomocytes
3.4.3. Concentration cellulaire
3.4.4. Protéines
3.4.5. Viabilité cellulaire
3.4.6. Consommation d’ oxygène
3.4.7. Acide gras
3.4.8. Cholestérol
3.4.9. Conclusion
CHAPITRE 4 EFFET COMBINÉ DU PHÉNANTHRÈNE ET DES BUTYLÉTAINS ET RÔLE DE LA RÉSISTANCE AUX XÉNOBIOTIQUES DANS LA TOXICITÉ OBSERVÉE SUR LES CCELOMOCYTES DE LEPTASTERIAS POLARIS
4.1 Résumé
4.2 Abstract
4.3 Introduction
4.4 Materials and methods
4.4.1. AnimaIs and sampling of cœlomocytes
4.4.2. Chemicals
4.4.3. Cytotoxicity test
4.4.4. Interaction with MXR-like proteins activities
4.4.5. Statistical analysis
4.5 Results & discussion
4.5.1. Individual toxicants and their involvement with MXR-like proteins
4.5.2. Mixture oftoxicants and the potential of the MXR inhibitors to act on Phe/TBT toxicity
4.6 Conclusion
CHAPITRE 5 CONCLUSION
5.1 Résumé du chapitre 2
5.2 Résumé du chapitre 3
5.3 Résumé du chapitre 4
5.4 Perspectives
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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