Resilience des BAKA face aux mutations socio environnementales

APERCU DU CONTEXTE 

L’Afrique centrale connait de nombreuses crises post indépendances parmi lesquelles les dictatures, les coups d’états, les guerres civiles, les crimes rituels, la corruption, la crise économique et la déterritorialisation des pygmées des forêts. Ce tableau des catastrophes ne confirme-il pas les fameux écrits de HEGEL suivant lesquels la vaste partie subsaharienne du continent africain est « le pays de l’enfance qui, au-delà du jour de l’histoire consciente, est enveloppé dans la couleur noire ». Et, sans avoir besoin de mobiliser de telles références, l’actualité africaine depuis quelques années indique l’importance de la pauvreté, de l’apparition d’endémies chroniques (malaria) et d’épidémies nouvelles (VIH, Ebola), ne laisse pas de suggérer que, décidément, cette Afrique constitue un monde à part .

Dans cette litanie de préoccupations, nous avons choisi celle des populations vulnérables et fragiles pour appliquer le concept de résilience. Dans cette litanie de préoccupations, nous avons choisi celle des populations vulnérables et fragiles pour appliquer le concept de résilience sociale et environnementale.

Un historien sagace et prudent, MVENG (1991) soulignait que c’est vers les années 1950 que le Cameroun a commencé sa politique de sédentarisation des pygmées aux abords des routes dans l’optique de les intégrer à la vie moderne du pays. Le Cameroun justifiait ainsi sa politique de sédentarisation à travers des projets de recensement des occupants de son territoire et de planification des activités de développement. TEMGOUA (2014 :207) évoque plutôt des raisons économiques ayant amené l’État du Cameroun à spolier les pygmées des espaces forestiers. Il s’agit principalement de l’exploitation des ressources forestières (bois, minerais, etc..), des terres (Création des plantations agro industrielles) et des territoires (politique d’aménagement des aires protégées et d’implémentation des chefferies).

Appellations génériques

Les appellations génériques se rapportant aux pygmées, aux peuples indigènes, et aux autochtones méritent d’être définies enfin d’évacuer toutes incompréhensions.

Pygmées

D’après BAHUCHET, l’appellation « pygmées » a émergé grâce à une tombe de la VIe dynastie à Béni Hassan en Egypte où on peut voir figurant dans une peinture, un nain négroïde. A côté de lui, on lit le mot « Akka » nom qui désigne aujourd’hui encore l’un des plus importants groupes de pygmées d’Afrique équatoriale. Aussi, le compte rendu du Général Hirkhouf retrouvé dans le tombeau du Pharaon Nefrikare où il est précisé la découverte d’un peuple des arbres, des êtres de petite taille qui chantent et dansent pour honorer leur Dieu, atteste de l’existence des pygmées en Afrique.

Durant la période de l’antiquité les pygmées seront représentés sur les navires des phéniciens, sur les vases, les mosaïques de Pompéi. Ces nains appelés pygmaos qui, en grec signifie « haut d’une coudée. » (BAHUCHET, 1993) ont été mentionnés par de nombreux auteurs comme Homère, Hérodote, Aristote, Pline et Strabon. Pendant longtemps, les explorateurs et les scientifiques ont entretenu des débats sur la taille des pygmées, d’aucuns les situant entre l’animalité et l’humanité (ALBERT 1200- 1280) et d’autres les considérant comme des êtres monstrueux. ALBERT (1200-1280) pense que les pygmées dans l’ordre de la nature manquent des caractéristiques psychiques et physiques qui les rapprochent fortement des humains. ALBERT (1200-1280) reconnaît que les pygmées sont différents des animaux parce qu’ils communiquent donc ils ont un langage, la base de l’humanité. Mais pour lui, même si les pygmées utilisent un langage, leur faculté mentale rudimentaire ne permet pas d’assurer une communication fluide. Il continue en disant que les pygmées vivent dans une forme communautaire irrégulière caractérisée par un manque de moralité, de honte et d’esprit de création (JAHODA 1999 cité par RUPP 2011). A travers des récits plus ou moins fantasmatiques, le mythe du pygmée s’entretiendra jusqu’au XIXe, sans que les études ne soient jamais menées pour apporter de nouvelles connaissances à ces représentations. C’est grâce à l’expédition de l’explorateur allemand SCHWEINFURTH que les contacts réels s’établissent avec les pygmées. Il renseigne dans son livre, Au Cœur de l’Afrique (1875) sur l’existence réel des pygmées et leur humanité. Dans un chapitre, il parle de la capture d’un pygmée par ABDES-SAMATE. La description qu’il en fait atteste de la morphologie que pourrait avoir un pygmée. Par ailleurs, l’histoire révèle que plusieurs Européens ont rencontré des pygmées, mais l’allemand Schweinfurth fut le premier à rencontrer les Akka.

En 1923, le Pape Pie XI a subventionné une expédition pour étudier les pygmées de la République centrafricaine. Cette étude conduite par SCHEBESTA, SCHWUACHER et VAN VERBER ont apporté en 1938 les premières informations clés sur les origines et l’unité sociale pygmée. Dans le domaine religieux, une production littéraire a suivi cette expédition et a conduit à lever l’équivoque sur les préjugés envers les pygmées en général. Par exemple le Sens du religieux chez les pygmées où SCHEBESTA (1963) approuve l’existence d’une religion des pygmées. Cette contribution a confirmé l’existence des pygmées comme êtres portant l’humanité en eux. Dans la même optique, le colloque sur les chasseurs-cueilleurs tenu à Chicago en 1966 sous l’égide de la fondation Wenner green a effacé un nombre considérable de préjugés et a relancé le débat sur la primitivité. En référence à une primitivité supposée, des communications avaient présenté un repère essentiel des comportements économiques et assureront des démonstrations sur les équilibres écologiques et les rapports entre groupes humains et écosystèmes. L’historiographie des pygmées retrace également leur occupation. Elle présente les différents groupes ethniques disséminés le long de l’équateur dans de nombreux États de l’Afrique centrale actuelle, allant de la partie occidentale Cameroun, Gabon, Congo, République démocratique du Congo, jusqu’au Rwanda, au Burundi et à l’Ouganda à l’Est. C’est ainsi qu’on retrouve çà et là les Babongo, Batwa, les Bendjele, les Twa, les Bakola ou Gyéli, les Bedzan et bien évidemment les Baka qui font l’objet de la présente étude. Malgré cette localisation des pygmées, leur origine demeure toujours une énigme scientifique. On ne saurait faire l’économie, en préambule sur les pygmées, de rappeler l’échec de plusieurs études.

Les études archéologiques menées sur l’origine des pygmées sont restées imprécises à cause de l’environnement forestier (GEOFFROY, 2015). En effet, dans les forêts humides et sombres où vivent ces peuples, les sols sont trop acides pour conserver les traces du passé ce qui complique les fouilles (PICHARD, 2009). C’est donc grâce à l’étude du patrimoine génétique et de ses mutations qu’on a pu remonter le fil du temps. Selon la préhistoire telle que les chercheurs la décrivent, les ancêtres des pygmées et des populations actuelles d’agriculteurs africains se sont séparés il y a environ soixante mille ans (VERDU, 2013) .

Quant aux deux principales populations pygmées actuelles, qui vivent dans les massifs forestiers distincts, à l’Est et l’Ouest du continent noir, elles se seraient séparées il y a vingt mille ans (BAHUCHET, 1992). Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs de l’Institut Pasteur ont analysé le génome de 236 personnes grâce à des prélèvements buccaux effectués parmi sept populations pygmées et trois groupes d’agriculteurs (VERDU et al 2010). Ces échantillons ont été prélevés par des linguistes et des ethnobiologistes (Muséum de Paris). Ils ont permis la comparaison de 24 régions non codantes de l’ADN . En fonction des variations observées, et en tenant compte d’une vitesse moyenne de mutation (l’horloge génétique ), il a été possible de distinguer à quelle époque les ancêtres de ces populations avaient divergé les uns des autres.

Les résultats obtenus diffèrent quelque peu de ceux livrés trois ans plutôt par la même équipe, en se fondant sur l’ADN mitochondrial, c’est-à-dire transmis uniquement par les femmes. La séparation des pygmées et des autres africains est alors évaluée à soixante-dix mille ans. Mais d’après Lluis Quintana Murcia, les dix mille années d’écart constituent plutôt une confirmation de la validité de l’approche, vu les incertitudes de cette méthode indirecte de datation. Il ressort que soixante mille ans, c’est aussi la date à laquelle on assiste à la sortie d’Afrique de l’Homo sapiens, note le généticien. A cette époque, il y aurait donc bien une révolution démographique qui cause à la fois cette sortie d’Afrique et le maintien des populations restées en Afrique. Vraisemblablement, l’expansion des populations d’agriculteurs a conduit à l’éclatement du groupe, analysent des chercheurs du Musée dans la revue Current Biology.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I APERCU DU CONTEXTE
II MOTIVATIONS DE LA RECHERCHE
II-1 Motivations scientifiques
II-2 Motivations personnelles
III MODALITES D’APPELLATIONS DES POPULATIONS ETUDIEES
III-1 Appellations génériques
III-1-1 Peuples indigènes
III-1-2 Peuples autochtones
III-2 Appellations spécifiques
IV PROBLEMATIQUE
V DEBAT AUTOUR DE LA SITUATION DES PYGMEES
V-1 L’agriculture comme stratégie de résilience
V-2 Autres lectures de l’adaptation des pygmées au contexte villageois
VI HYPOTHESE DE RECHERCHE
VII STRUCTURE DU TRAVAIL
CHAPITRE I: DESCRIPTION DU CADRE DE RECHERCHE
I BREFS RAPPELS SUR LE CAMEROUN
I-1 Localisation
I-1-1 Accessibilité à Moangue
I-1-2 Moangue le Bosquet : village à consonance résiliente
I-1-5 Organisation sociale
II TERMINOLOGIES DE LA PARENTE BAKA
II-1 Nouvelles logiques de la parenté dans le contexte de sédentarité
II-2 Mariages
II-2-1 Compensation matrimoniale dans sa constitution en forêt et au village
II-2-2 Division du travail chez les Baka du Bosquet
III CARACTERISTIQUES PHYSIQUES DE MOANGUE
III-1 climat
III-2 Végétation
III-2-3 Faune
III-2-4 Hydrographie
CONCLUSION
CHAPITRE 2: OPERATIONNALISATION DES CONCEPTS
I Baka
II La résilience, une notion polysémique
II-1 L’origine commune de la résilience
II-2 Approche psychologique
II-3 Appropriation de la résilience
II-4 Résilience ou deuil des modes de vie anciens
II-5 Résilience ou souffrance positive : une vision baka
II-6 Résilience comme nouveau concept de développement
II-7 Résilience comme assistance des « tuteurs »
II-8 Limites de la résilience
III- MUTATIONS SOCIO ENVIRONNEMENTALES
III-1 Mutations socio environnementales dans l’histoire
CONCLUSION
CHAPITRE 3 : PRESENTATION DES DONNEES ET APPROCHES THEORIQUES
I LES DONNEES COLLECTEES
I-1 Données littéraires
I-2 Données de terrain
I-2-1 Systèmes d’alliance
I-2-2 Identification des transformations sociales et environnementales
I-2-3 Représentations culturelles de l’espace des Baka
I-2-4 Stratégies de résilience
I-2-6 Participation à la vie politique
II- ACCOMPAGNEMENT DE L’ETAT DU CAMEROUN ET DE LA SOCIETE CIVILE
II-1 Cadre légal de reconnaissance des pygmées
II-2 L’action des sectoriels
II-3 Projets étatiques destinés aux Baka
II-4 Interventions de la société civile
III APPROCHES ANALYTIQUES
III-1 Ecologie culturelle
III-1-1 Déterminisme et possibilisme
III-1-2 Ecologie culturelle de STEWARD
III-1-3 Analogie avec les sciences naturelles
III-2 Résilience comme dynamisme social
III-2-1 Pluridisciplinarité
CONCLUSION
CHAPITRE 4 REPRESENTATIONS DE L’ESPACE FORESTIER CHEZ LES BAKA
I CADRE SPATIAL CONCEPTUALISE
I-1 Taxinomie Baka
I-2 Jengi ou Minfura dans la cosmogonie Baka
I-3 Structuration de l’espace Baka
II LOGIQUES D’APPROPRIATION DE L’ESPACE CHEZ LES BAKA
II-1 Espace et pratiques culturelles
II-2 Espace et formes de solidarité
II-2-1 Solidarités des rencontres
II-2-2 Solidarités des jeux
II-2-3 Solidarités d’ambiance
III CORPS COMME MATERIALISATION DE L’ESPACE
III- 1 Corps comme entité spirituelle
III-1-1 Tatouages ou Télé
III -1-2 Taille des dents
CONCLUSION GENERALE

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