Réserve, ventes de gré à gré et prix plafond
Réglementation
Les dispositions réglementaires du marché du carbone de la WCI sont divisées en trois catégories. Ces différentes catégories facilitent l’harmonisation de la liaison des marchés.La première catégorie représente les dispositions nécessairement identiques lors de la liaison. On y retrouve tout ce qui concerne les ventes aux enchères, les limites d’achats, les limites de possession et les transferts de droits d’émission. Il serait plutôt inusité de constater que le marché, une fois lié, donne différents poids à un droit d’émission ou qu’une entreprise puisse posséder presque tous les droits sur le marché parce qu’une juridiction a des restrictions plus faibles en ce qui concerne la limite de possession.La deuxième catégorie contient les dispositions devant produire des résultats similaires sans obligatoirement être identiques. On y retrouve les dispositions concernant la mesure, le rapport et la vérification des émissions. On veut s’assurer qu’une tonne de CO2 vaut la même chose dans toutes les juridictions.La dernière catégorie englobe les dispositions pouvant être totalement différentes d’une région à l’autre. On y retrouve l’inclusion des efforts de réduction des GES avant l’entrée en vigueur du marché du carbone et le système de crédits compensatoires.
Dispositions générales
Dans chacune des régions, les dispositions quant à la couverture des émissions sont presque les mêmes. Dans toutes les juridictions, les entreprises émettant 10 000 teCO2 ou plus doivent obligatoirement déclarer leurs émissions. Les entreprises possédant des bâtiments responsables de 25 000 teCO2 ou plus sont obligatoirement assujetties au SPEDE. Notez ici que c’est le bâtiment qui doit produire plus de 25 000 teCO2, l’entreprise peut posséder plusieurs bâtiments émettant 24 000 teCO2 sans être contrainte à acheter des droits d’émission même si au total elle émet plus de 25 000 teCO2. Il existe une option en Ontario et en Californie permettent aux entreprises émettant entre 10 000 teCO2 et 25 000 teCO2 de devenir participantes à part entière si elles le désirent (le Québec prévoit inclure une mesure semblable dans un avenir proche).
Le SPEDE vise les secteurs de l’industrie, de l’électricité et – depuis 2015 – les distributeurs de carburants et de combustibles fossiles. Les distributeurs couvrent essentiellement les émissions liées à la consommation des clients non-assujettis (pour éviter le double comptage) du carburant ou combustible qu’ils délivrent. L’unique exemption est l’utilisation du carburant pour les avions et les navires.Tous peuvent participer au marché du carbone. Un particulier peut acheter des droits d’émission et les revendre plus tard dans le but de réaliser un profit. Des groupes environnementaux peuvent également acheter des droits d’émission sans les exercer, dans l’objectif de faire diminuer la quantité de permis disponibles sur le marché. Nous verrons plus loin que les règles sont différentes pour ce genre de participants.L’échange intertemporel est permis directement du futur vers le présent. Les entreprises peuvent emprunter des droits d’émission aujourd’hui pour les utiliser plus tard, mais ne peuvent pas utiliser des droits d’émissions futurs à la période courante.
Droits d’émission
Chaque droit d’émission compense 1 teCO2. Il en existe différents types : le permis d’émission, le crédit compensatoire et le crédit pour réduction hâtive. Le permis d’émission (ou unité d’émission) est le type de droit d’émission le plus important dans le marché. Ce sont les droits d’émission émis et plafonnés par le gouvernement. Les entreprises peuvent s’en procurer via les ventes aux enchères qui ont lieux quatre fois par année, par des transactions entre entreprises sur le marché secondaire ou par une vente de gré à gré avec le gouvernement.Une entreprise peut également acheter un crédit compensatoire. Ces droits sont donnés par le gouvernement à une entreprise non-soumise par le SPEDE qui met en place un projet pour réduire ses GES. Nous les présentons en détail dans une prochaine section.Les crédits pour réduction hâtive sont distribués la première année du marché aux entreprises ayant réduit leurs émissions avant le début du SPEDE. Ils sont relativement peu importants.
Allocations gratuites
Les allocations gratuites sont des permis distribués gratuitement par le gouvernement. Pour en recevoir, l’entreprise doit faire face à de la concurrence sur le marché international ou sur le marché local par des entreprises étrangères. Elle peut alors éviter de payer une partie de ses droits d’émission. Cette mesure minimise donc les fuites de carbones.La réglementation québécoise et ontarienne prévoit des allocations gratuites aux entreprises œuvrant dans le secteur industriel (l’aluminium, la chaux, le ciment, etc). Les entreprises peuvent obtenir gratuitement ces allocations jusqu’à 80 % des émissions provenant des processus de combustion et jusqu’à 100 % pour le reste de la provenance des émissions. Le total des allocations gratuites diminue de 1 % à 2 % chaque année.La Californie permet aux entreprises exposées à la concurrence externe et à certains distributeurs de bénéficier d’allocations gratuites. Cette mesure supplémentaire concernant les distributeurs protège les consommateurs d’augmentations de tarifs trop élevées. L’État utilise majoritairement du gaz naturel pour produire son électricité. Les consommateurs sont donc touchés davantage par un prix sur les émissions de carbone qu’au Québec ou en Ontario où les hydrocarbures sont moins employés à cette fin.Même si l’entreprise bénéficie d’allocations gratuites, elle est incitée à réduire ses émissions. Le programme prévoit une baisse chaque année du nombre de permis distribués gratuitement. L’entreprise doit donc réduire ses émissions si elle ne veut pas payer dans le futur. En outre, si l’entreprise réduit plus que prévu, elle peut vendre à profit ses permis excédentaires.
Crédits compensatoires
La réglementation sur les crédits compensatoires est propre à chaque juridiction. Au Québec, le gouvernement permet cinq types de protocoles : le recouvrement d’une fosse à lisier, les sites d’enfouissements, la destruction des substances appauvrissantes de la couche d’ozone contenues dans des mousses isolantes ou utilisées en tant que réfrigérant et deux sur la destruction du CH4 occasionné par l’exploitation de mines de charbon.Les crédits compensatoires sont garantis par le gouvernement qui garde une réserve de 3 % des crédits compensatoires distribués au cas où certains seraient invalidés. L’entreprise qui achète un crédit compensatoire québécois subit donc un risque d’invalidation (il s’agit du risque que le projet générant les crédits compensatoires ne respectent pas les conditions gouvernementales et que les crédits soient inutilisables) pratiquement nul.En Californie, la réglementation est très différente. Il existe six types de protocoles : les projets de foresterie, les projets de foresterie urbaine, la destruction des substances appauvrissants la couche d’ozone, les fosses à lisier, la capture du méthane issue des mines et la culture du riz. Toutefois, la différence majeure entre les deux systèmes est que le risque d’invalidation n’est pas garanti. Dans cette optique, la réglementation californienne prévoit trois types de crédits compensatoires, les CCO-8, les CCO-3 et les CCO-0. Chaque type de crédits correspond à un risque d’invalidation. Plus le chiffre est élevé, plus l’entreprise doit subir un risque d’invalidation sur une longue période. Par exemple, un CCO-8 représente un risque d’invalidation à supporter sur un horizon de huit ans. De plus, certains contrats prévoient une disposition qui garantit certains CCO-8 et CCO-3. On y réfère généralement comme des « golden CCO ». La garantie de ce type de contrat vient de l’entreprise vendeuse. Puisque ce n’est pas le gouvernement qui garantit les « golden CCO », il existe tout de même un risque financier (si le crédit est invalidé), si l’entreprise est incapable de rembourser, de remplacer les droits d’émission ou si elle ferme ses portes.
L’Ontario n’a rien confirmé en ce qui concerne ses crédits compensatoires. Nous savons cependant qu’elle développe actuellement ses protocoles conjointement avec le Québec. De plus, tout comme ses partenaires, la limite d’utilisation des crédits compensatoires pour une entreprise est de 8 %.
Périodes de conformité
Une période de conformité représente l’intervalle de temps pour lequel les entreprises doivent couvrir leurs émissions. Par exemple, si la période de conformité est de trois ans et qu’une entreprise émet 50 000 teCO2 chaque année, elle doit cumuler l’équivalent de 150 000 teCO2 en droits d’émission à la fin de la période. Si elle est incapable d’atteindre la quantité de droits nécessaire, elle subit une sanction imposée par le gouvernement.Les périodes de conformité ont été déterminées au début du programme. Le plan prévoyait trois périodes entre 2013 et 2020. La première était de deux ans (2013-2014) et couvrait le secteur de l’industrie et de l’électricité. La seconde, de 2015 à 2017, ajoutait les distributeurs de carburants et de combustibles fossiles. La troisième dernière débutera avec l’intégration de l’Ontario au marché en 2018 et se terminera en 2020. Puisque l’Ontario a débuté son SPEDE en 2017, elle a une période de conformité de quatre ans commençant en 2017.
Plafonds
Le plafond d’émission est la base d’un marché du carbone. Il délimite le nombre maximum de permis créés chaque année. Ce plafond est propre à chaque région, mais lorsqu’il y a liaison de marché, il devient commun pour toutes les juridictions. Le Québec et la Californie, ont fixé leurs plafonds de 2013 à 2020 lors de la mise en place du marché. L’Ontario a fait de même en 2016 pour ses plafonds de 2017 à 2020.
Prix plancher
Le prix plancher est le prix minimum permis lors d’une vente aux enchères. Aucun droit d’émission ne peut être vendu en dessous de ce prix par le gouvernement. Si une entreprise achète des permis d’émission à une autre sur le marché secondaire, le prix plancher n’existe plus. Toutefois, puisqu’il y a un prix plancher lors des ventes aux enchères, le prix sur le marché secondaire à moins de chances de s’effondrer car les deux marchés sont étroitement liés. L’entreprise choisit d’acheter sur le marché secondaire si le prix y est moins élevé que lors des ventes aux enchères (vice-versa). En théorie, les prix sur les deux marchés sont donc identiques. En pratique, il peut cependant exister un écart entre les deux prix, surtout dans une période entre deux ventes aux enchères. Il est déjà arrivé que le prix sur le marché secondaire passe sous le prix minimum, mais la différence n’a jamais dépassé 5 %. La principale cause était la contestation en cours du programme en Californie qui créait beaucoup d’incertitude sur le marché (ce problème est présentement réglé).En 2012, le prix minimum était de 10$ (en dollars canadiens au Québec et en dollars américains en Californie) et a augmenté annuellement depuis au même rythme que l’inflation plus 5 %. UvB = UvB ∗ (1 + 0,05 + w) où PM est le prix minimum, t l’année et i l’inflation.
Le prix minimum retenu lors d’une vente aux enchères est le plus élevé entre les juridictions après l’ajustement du taux de change. En 2017, le prix minimum est celui de la Californie à 13,57$US (environ 18,28$CAN).
Réserve, ventes de gré à gré et prix plafond
La réserve est un nombre de permis placés de côté par le gouvernement à chaque année correspondant à un certain pourcentage du plafond, prédéfini au début du programme. Le Québec et la Californie ont la même réserve de 1 % pour 2013 et 2014, de 4 % de 2015 à 2017 et de 7 % de 2018 à 2020. L’Ontario a plutôt un taux constant de 5 % du plafond d’émission de 2017 à 2020.
Le mécanisme est simple : lorsque le prix augmente trop, le gouvernement met en marché les permis de la réserve pour augmenter l’offre et faire une pression à la baisse sur le prix. La réserve agit donc comme mécanisme de prix plafond.Les permis de la réserve sont uniquement vendus aux entreprises de la juridiction. Une entreprise californienne ne peut pas acheter de permis provenant de la réserve québécoise et vice-versa. Cette disposition du SPEDE est appelée une « vente de gré à gré ». Il existe trois catégories de prix lors des ventes de gré à gré. Chacun croît de 5 % par année plus inflation.UUBx = UUB x ∗ (1 + 0,05 + w)
PP est le prix plafond, X la catégorie A, B ou C (les prix étaient respectivement fixés en 2013 à 40$, 45$ et 50$), t l’année, i l’inflation.Les prix plafond et plancher assurent une certaine stabilité au marché. Le prix varie normalement à l’intérieur d’une fourchette de prix. Cependant, il est possible que les prix débordent des limites fixées. La fourchette de prix n’est donc pas un intervalle de prix absolu mais réduit les risques d’effondrement et de volatilité du marché.
Limites d’acquisition et de possession
La limite d’acquisition restreint l’achat de permis d’émission lors d’une vente aux enchères à 25 % pour un émetteur assujetti. Pour prévenir les pénuries imprévues, les participants volontaires (groupes environnementaux, particuliers, etc.) sont également contraints à une limite de 4 %.
La limite de possession est déterminée à partir d’une base de permis d’émission de 25 millions d’unités, de la proportion maximum d’unités de la base qu’une entreprise peut posséder, de la proportion maximale de permis excédentaires à la base et du plafond d’émission. Certaines exceptions existent pour les entreprises émettant plus que la limite de possession. Dans ce cas, la limite s’applique toujours, mais l’entreprise a une exemption supplémentaire équivalente au niveau d’émission des années antérieures.
UB = 0,1 ∗ » L + 0,025 ∗ (Uy z{lKB − » L)
UB = 2 500 000 + 0,025 ∗ (Uy z{lKB − 25 000 000)
LP est la limite de possession et t l’année.
Ces limites évitent qu’une entreprise contrôle le marché. Le marché du carbone est donc concurrentiel et la création d’un monopole ou d’un oligopole est peu probable.
Sanctions
En cas de non-respect de la réglementation, le ministre (ou l’administrateur désigné de la réserve en Californie) peut retirer les droits d’émission en trop si un participant excède sa limite de possession (sans remboursement). Un participant qui n’est pas conforme (n’a pas suffisamment de droits d’émission) devra acheter trois droits supplémentaires pour chaque droit d’émission manquant. Le compte où un participant stocke ses permis peut aussi être restreint si l’entreprise n’est pas en mesure de respecter sa pénalité. Si la situation perdure, d’autres sanctions plus sévères peuvent également être appliquées.
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Table des matières
Introduction
1 Revue de la littérature
1.1 Demande de permis d’émission
1.2 Échange intertemporel
1.3 Liaison entre deux régions
2 Réglementation
2.1 Dispositions générales
2.2 Droits d’émission
2.3 Allocations gratuites
2.4 Crédits compensatoires
2.5 Périodes de conformité
2.6 Plafonds
2.7 Prix plancher
2.8 Réserve, ventes de gré à gré et prix plafond
2.9 Limites d’acquisition et de possession
2.10 Sanctions
3 Prévisions des émissions
3.1 Description des données
3.2 Québec
3.2.1 Gaz et pétrole
3.2.2 Électricité
3.2.3 Transports
3.2.4 Industrie lourde
3.2.5 Bâtiments
3.2.6 Agriculture, déchets et autre
3.3 Ontario
3.3.1 Gaz et pétrole
3.3.2 Électricité
3.3.3 Transports
3.3.4 Industrie lourde
3.3.5 Bâtiments
3.3.6 Agriculture, Déchets et Autre
3.4 Californie
3.4.1 Électricité
3.4.2 Transports
3.4.3 Industrie
3.4.4 Commercial et résidentiel
3.4.5 Agriculture
3.5 Conclusion et incidence en lien avec le marché du carbone
4 Prévisions du marché
4.1 Crédits Compensatoires
4.1.1 Québec
4.1.2 Ontario
4.1.3 Californie
4.1.4 WCI
4.2 Marché du carbone
4.2.1 Québec
4.2.2 Ontario
4.2.3 Californie
4.2.4 WCI
4.2.5 Prix
4.3 Transferts de revenus
4.3.1 Ontario
4.3.2 Québec
4.3.3 Canada
4.4 Analyse et conclusions
Conclusion
Bibliographie
Annexe-A : Sommaire récapitulatif
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