Réseaux Sociaux numériques : essai de catégorisation et cartographie des controverses

Quel éclairage original et quel point de vue particulier, les Sciences de l‘information et de la Communication (SIC) en général et notre travail en particulier offrent-ils aux réseaux sociaux numériques?

Les nombreux discours environnant le web 2.0 sont venus récemment rappeler que les prédictions de transformations sociétales inférées de la technologie sont constamment réinitialisées. D‘abord, qu‘est ce que la communication ? Est-elle un « système ouvert d‘interactions d‘hommes entre eux, avec leurs média et leur environnement » , un idéal moderne (Wolton, 1997) ? Une caractéristique ontologique de l‘homme (Flusser, 1978) ? Une idéologie (Mucchielli, 2001), une utopie constitutive de notre société (P. Breton, 1992) ? Suite à ces multiples interrogations, nous voudrions rappeler que toute définition de la communication renvoie, plus ou moins explicitement, à une théorie de la communication qui est aussi, simultanément, une théorie de la science et de la société (Attallah, 2000). En effet, la perception de chaque chercheur s‘inscrit dans le contexte d‘une époque donnée et le chercheur accède au monde à travers un prisme qui s‘impose à tous : le symbolique. « Le symbolique est donc un réseau de significations que l‘individu va intérioriser et qui fonde sa manière de comprendre le monde. Ces réseaux de significations s‘articulent dans des constructions différentes (art, religion, science, etc.) et varient d‘une société à l‘autre » . Dans toute société, une construction théorique s‘inscrit dans une lutte de sens, dans une lutte sur les théories, leurs sens, leurs applications. Une construction théorique se caractérise par les batailles sur le sens des mots et des théories puisque ce sont les mots qui nous aident à donner sens à la société, voire à notre monde. Les mots : communication, réseaux sociaux numériques, traçabilité, public/privé, web (pour ne citer que quelques mots qui entrent dans notre travail) ne font pas exception à la règle. Pour le dire autrement, nous rejoignons Feyerabend qui pense que toute théorie est un choix normatif qui doit – justement pour respecter la liberté critique du lecteur et éviter ainsi de devenir une idéologie (au sens marxiste du terme) – s‘assumer comme tel. C‘est pourquoi nous allons, tour à tour, notre conception des SIC qui extrait théories, méthodes ou concepts des sciences sociales et les agencer d‘une manière à éclaircir et à situer notre terrain d‘analyse.

De l’intérêt de cette recherche pour le monde des réseaux sociaux numériques 

« Au nom de quoi un chercheur est-il fondé à proposer une (esquisse) du bilan de l‘apport des sciences de l‘information et de la communication à la recherche en information et communication et des potentialités qu‘elles portent ? » Avant d‘exposer les hypothèses, la démarche et le corpus, nous tacherons de cerner les caractéristiques de ce processus d‘innovation, qui se trouve au cœur même de notre objet de travail. L‘innovation engendre continuellement de nouveaux usages et pratiques qui, en retour, rendent très vite obsolètes les savoirs et savoir-faire et nécessitent donc leur réactualisation ; Des savoirs nouveaux sont nécessaires pour pouvoir s‘adapter à un environnement nouveau. Comment peut-on examiner et étudier un objet de communication qui est en perpétuelle évolution ? Il nous semble nécessaire avant de poursuivre notre raisonnement de définir certaines notions fondamentales qui font partie du cadre du développement : l‘innovation se distingue de l‘invention. Parler d‘innovation suggère que la nouveauté ait trouvé une forme d‘acceptabilité sociale. Elle est le fruit de l‘interaction entre la technique et la société. Elle réside dans l‘application qu‘une technique va trouver dans la société.

Chaque innovation suscite une floraison de « discours d‘accompagnement », servant à légitimer les choix des acteurs, à orienter les usages, à justifier l‘innovation ; ou au contraire à décrire, à en dénoncer les effets jugés nocifs. Internet, moins que toute autre innovation, n‘échappe à la règle et l‘essor du réseau des réseaux s‘est toujours accompagné des discours de légitimation les plus variés. Plusieurs chercheurs notamment américains, évoquent ainsi avec des accents lyriques la naissance d‘Internet, comparé à la « dernière frontière » et porteuse de toutes les utopies . Que l‘histoire et le développement des technologies de l‘information et de la communication, notamment Internet, aient sans cesse été surchargés de symboles, producteurs et déclencheurs de métaphores, n‘est certes pas nouveau. Un ouvrage attire particulièrement notre attention, c‘est celui de Mark Stefik intitulé « Internet Dreams : Archetypes, Myths and Metaphors for Inventiing the Net, publié en 1996 aux MIT Press » s‘intéresse à l‘importance et la signification des métaphores utilisées pour décrire l‘univers des réseaux d‘information. Comme le disait Serres (2000) : « le problème ici n‘est pas tant l‘existence, en soi inévitable, de cet imaginaire technique, dont Flichy a bien montré le rôle essentiel dans les processus d‘innovation, que son intrusion, souvent au premier degré, dans nombre d‘études à caractère historique. Preuve s‘il en est, que l‘étude du développement d‘Internet peine à sortir des filets de la rhétorique de l’utopie technique  ».

Sur un autre registre, chez les apologistes Outre-Atlantique, l‘évocation des origines communicationnelles constitue la principale justification du réseau des réseaux. Par conséquent, Michael Hauben nous explique que ce sont les visions prophétiques d‘un monde de la communication par réseau, élaborées notamment par Licklider, personnage far de l‘histoire d‘Internet, au début des années 60, qui forment la trame d‘Internet et des « netzines » .

Ce néologisme, élaboré par Michael Hauben, désigne les membres de cet univers communicationnel dont la définition suivante, représentative de l‘ « idéologie communicationnelle » d‘Internet : « Welcome to the 21st Century. You are a Netizen (a Net Citizen), and you exist as a citizen of the world thanks to the global connectivity that the Net makes possible. You consider everyone as your compatriot. You physically live in one country but you are in contact with much of the world via the global computer network. Virtually, you live next door to every other single Netizen in the world. Geographical separation is replaced by existence in the same virtual space » .

Jim Brain, compare Internet à la découverte de l‘Amérique: « In many ways, the Internet in the 1990‘s is much like the New World in 1492, after Christopher Columbus discovered it » . Les réseaux sociaux faisant partie d‘Internet et plus particulièrement du Web 2.0, peut-on alors parler d‘une découverte d‘un nouveau monde de plus?

Un processus d’émergence particulièrement complexe 

Qu‘est-ce qui caractérise l‘émergence de ce nouveau type de réseau et quelles sont les principales difficultés qui se présentent devant tout travail prenant les RSN pour objet de travail ? Notre objet d‘étude s‘inscrit dans une succession d‘évolutions techniques, dans un contexte où des acteurs élaborant des objets techniques cherchent à combler des désirs. Ainsi, « un objet technique n‘est jamais seul. Il s‘inscrit soit dans une famille d‘innovations utilisant les mêmes composantes techniques, soit dans un système technique plus large…» .

Nouvel espace de communication ou vecteur d‘une nouvelle culture pour certains, moyen d‘information particulièrement performant pour d‘autres, phénomène de mode ou outil d‘expression ? La qualification des RSN est loin d‘être établie et de susciter le consensus, preuve en est, leurs développements n‘est qu‘à ses débuts. Un nouveau dispositif technique vecteur et diffuseur d‘information, se constituant peu à peu son public spécifique ? Ou bien, un nouvel espace communicationnel, induisant une culture inédite, redéfinissant et créant de nouveaux modes de partage et d‘échange de l‘information ? Nous pensons, que ces deux attributs ne sont pas séparées l‘une de l‘autre mais ils mettent chacun l‘accent sur une dimension particulière, induisant par là-même des perceptions différents. Nous pensons, qu‘il faut juste accepter l‘hybridité de ce nouveau système de communication à la fois technique, social, professionnel, etc. Après la description historique et la mise en perspective méthodologique et théorique de notre objet de recherche, nous avons procédé à un questionnement de la sphère publique d‘Internet qui tendait à basculer dans la sphère privée, dans l‘intime, le dévoilement de soi et de ses opinions ; à un questionnement sur les communautés virtuelles, et sur les médias traditionnels versus les nouveaux médias afin de cartographier les controverses qui en découlent.

Les hypothèses retenues 

L‘évolution permanente des réseaux sociaux numériques, leur genèse, leur hétérogénéité, diversification et multiplicité et leur caractère collectif, sont autant des traits constitutifs du Web 2.0. C‘est parce qu‘ils reposent sur une infrastructure ouverte et hétérogène que les RSN ont pu devenir ce qu‘ils sont aujourd‘hui. Entreprendre une histoire de l‘émergence du terme réseau et des théories émises, nous aidera aussi à se demander : quel modèle théorique de l‘innovation va se trouver mis en œuvre dans ce travail ? Et sur quelle conception préalable des techniques et des rapports techniques/société repose ce modèle?

Plus encore que d‘autres champs du savoir, les questions épistémologiques sont au cœur de toute recherche en Sciences de l‘Information et de la Communication compte tenu du la continuelle émergence de nouveaux dispositifs et de l‘intense renouvellement des problématiques qui s‘est opéré dans notre champ d‘étude depuis plusieurs années. Ainsi, une histoire du terme réseau, réseau social et par la suite les réseaux sociaux numériques ne peut pas ne pas reposer les questions fondamentales suivantes sur l‘innovation: comment se fabrique l‘innovation technique ? Est-elle le produit de facteurs sociaux? C‘est un résultat propre à la logique interne technique ? Ou bien ce n‘est que l‘aboutissement de stratégies d‘acteurs? Autrement dit, la question du déterminisme s‘invite : qui détermine l‘innovation ? La technique, la société ou les deux à la fois ? Une question incontournable pour toute recherche en SIC et plus précisément une recherche sur les réseaux sociaux numériques. Dans ce travail, il ne s‘agit pas d‘inventer mais d‘explorer, très modestement, un certain nombre d‘approches philosophiques et de pensées de Simondon, Leroi-Gourhan, Latour, Pierre Lévy pour ne pas les citer tous qui nous aiderons à sortir des impasses des oppositions et à penser simultanément la technique et le social. « Médiations, interfaces, agencement, processus de traduction, dispositif socio-cognitif, milieu associé, extériorisation de l‘humain dans la technique : au-delà des spécificités, des différences voire des divergences qui peuvent opposer ces diverses notions, les approches de la médiation ont en commun de proposer une vision continuiste, relationnelle, associationniste, des phénomènes socio-techniques » . Dans l‘optique de compléter les approches de la médiation qui « elles ne sont pas forcément d‘un très grand secours pour penser les processus et les mécanismes mêmes de l‘innovation technique » , nous faisons appelle au courant de la sociologie de la traduction. Ce courant, défendu par Bruno Latour, relie approche philosophique et observation sociologique, réflexion globale et étude de cas, conceptualisation et outils méthodologiques précis.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : TOUR D’HORIZON. LES RESEAUX SOCIAUX NUMERIQUES : TENTATIVE DE DEFINITION, GENESE ET SPECIFICITES
Introduction à la première partie : Pourquoi l’histoire du « réseau » et des réseaux sociaux numériques ?
I- Aperçu historique et théorique d’une notion floue et flexible
1- Le « réseau », un terme polysémique
2- L’antiquité avec la mythologie
3- Emergence des réseaux techniques
4- Les origines de l’analyse des réseaux sociaux
II- Genèse et définition des Réseaux Sociaux Numériques
1- Une histoire naissante
2- Des tentatives de définitions des réseaux sociaux numériques
3- Types d’utilisateurs
4- Le Web 2.0 dans la dynamique des réseaux: définition et limites
III- Médias Sociaux : définitions, spécificités et positionnement
1- Spécificités des RSN
2- Qu’est- qu’un blog ?
3- Distinction entre un wiki, un blog et un site web
4- Définition et caractéristiques des forums
5- Spécificités des mondes virtuels, l’exemple de SecondLife
DEUXIEME PARTIE : L’HOMME ET LA TECHNIQUE
Introduction à la deuxième partie
I- Médiations, intelligence et dispositif virtuel
1- Penser l’articulation entre l’homme et la technique
2- L’individuation
II- Le dispositif virtuel, entre médiation et savoir
1- Le dispositif : concept polysémique dès son origine
2- Contre le déterminisme
3- La notion d’usage : pour un autre regard
III- Le virtuel : une notion de « passerelle »
1- La réalité virtuelle et la virtualité réelle
2- Histoire, Technique et Mémoire
3- Entre formes et normes
TROISIEME PARTIE : POSITIONNEMENT THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
Introduction à la troisième partie
I- Formulation d’un modèle théorique
1- L’approche de la sociologie de la traduction
2- La Théorie de l’Acteur-Réseau en expérimentation
3- La Symétrie de Bloor
II- Quelle démarche, quelle méthodologie ?
1- Une approche ethnométhodologique
2- L’observation
3- Une démarche empirique
III- Cartographier les controverses : un champ aux conflits multiples
1- Définition
2- Pourquoi faut-il cartographier les controverses?
CONCLUSION GENERALE

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