Réseaux cognitifs sans fil pour des applications industrielles 4.0

La notion d’Industrie 4.0 est née en 2011 en Allemagne. Elle traduit la volonté d’augmenter la compétitivité de l’industrie allemande face à la concurrence d’autres nations. Pour cela, l’Industrie 4.0 propose des objectifs techniques et organisationnels ambitieux comme une amélioration de la flexibilité et une meilleure gestion des moyens de production. Cela implique par exemple l’utili‐ sation de technologies ouvertes et standardisées comme celle de l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) ou de l’IETF (Internet Engineering Task Force). L’Industrie 4.0 se démarque par l’utilisation de l’Internet des Objets et des systèmes cyber‐physiques (Cyber‐Physical Systems). Un système cyber‐physique est un système connecté à un réseau d’information et interagissant avec le monde physique. Les robots et les capteurs sont des exemples de systèmes cyber physiques. Pour relier ces systèmes, les réseaux sans‐fil sont une solution efficiente maximisant la flexibilité. Malheu‐ reusement, les réseaux sans‐fil sont sensibles aux phénomènes d’interférences. Pour y remédier, une solution au problème d’interférences peut être la radio cognitive. La radio cognitive consiste à reparamétrer automatiquement les paramètres des couches basses (physique, voire liaison) afin d’augmenter entre autres le débit ou la fiabilité. Ce concept a été étendu dans les réseaux cognitifs. Les réseaux cognitifs sont des réseaux capables d’optimiser automatiquement les différents para‐ mètres des couches de services afin d’atteindre un ou plusieurs objectifs de performances comme l’amélioration de la fiabilité ou la diminution du délai. Les réseaux cognitifs peuvent répondre aux besoins de fiabilité et de qualité de service des réseaux industriels selon nous. L’objectif de cette thèse est d’étudier les réseaux cognitifs et de les intégrer dans les réseaux industriels sans‐fil. Cette thèse s’inscrit dans le cadre du projet COWIN (CO gnitive W ireless networks for I ndustrial applica‐ tio N s) soutenu par les RFI Wise et Atlanstic 2020, qui sont deux programmes Recherche, Formation et Innovation de la région Pays de la Loire.

L’Industrie du futur 4.0 

Avec le perfectionnement de l’électronique et le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) à la fin du XXe siècle, l’industrie entra dans une nouvelle ère. L’industrie 3.0 commence dans le début des années 70. Elle renforce l’automatisa‐ tion et introduit l’informatique dans l’industrie. L’objectif était que les ouvriers n’aient plus à faire les tâches simples et répétitives. Cela implique une réduction de la masse salariale non qualifiée, et aussi l’emploi de personnel qualifié pour la maintenance des équipements. En complément de l’automatisation, l’informatique dans l’entreprise permet une meilleure gestion des ressources. Par exemple, les entreprises s’équipent de progiciel de gestion intégré, ce qui permet la centralisation des informations et de la planification. Les communications sont aussi facilitées par le déploiement de réseaux haut‐débit et de l’Internet. Mais l’industrie poursuit sa course à la compétitivité. Elle montre finalement que l’industrie doit adopter les nouvelles technologies de son époque pour rester compétitive. De nos jours, l’infor‐ matique et l’automatisation ne sont plus des nouvelles technologies. Elles ne sont plus suffisantes pour se différentier. Cela implique que l’industrie 3.0 n’est plus suffisante pour qu’une industrie soit compétitive. Il faut donc de nouvelles normes et technologies pour l’industrie. C’est là qu’intervient l’Industrie 4.0. Dans ce même chapitre, nous commencerons par aborder les origines de l’Industrie 4.0. Puis, nous terminerons par les ambitions et les nouvelles contraintes de l’Industrie 4.0.

Les origines de l’Industrie 4.0

L’Industrie 4.0 possède quelques prérequis techniques. Avant de passer à l’Industrie 4.0, il faut déjà avoir la maîtrise de l’industrie 3.0 [Chr17]. Comme il était indispensable d’avoir l’électrisation pour utiliser la robotique, il est indispensable d’utiliser l’automatisation et les NTIC pour commen‐ cer à mettre en œuvre l’Industrie 4.0. L’autre prérequis concerne l’Internet des Objets (Internet of Things, IoT). L’IoT est un domaine qui est apparu durant la dernière décennie. Il repose surtout sur les capteurs et les terminaux de faible puissance connectés à Internet. L’Industrie 4.0 repose aussi sur les systèmes cyber‐physiques. Un système cyber‐physique est un système où des éléments in‐ formatiques contrôlent les éléments physiques. Un distributeur de billet de banque est un exemple de système cyber‐physique car c’est un système connecté à un réseau informatique et manipulant des objets (les billets de banque). L’Internet des objets adapté à l’industrie et les systèmes cyber‐ physiques sont considérés comme des éléments fondamentaux de l’Industrie 4.0 [ZLZ15].

Les origines de l’Industrie 4.0 sont relativement simples. Le concept d’Industrie 4.0 est déve‐ loppé dans une étude sponsorisée par le ministère fédéral allemand de l’enseignement et de la recherche. Il a été demandé à un comité composé de chercheurs académiques et industriels de se pencher sur la question « comment sécuriser l’avenir de l’industrie manufacturière allemande» [Kag13]. La réponse de ce comité est un rapport d’environ 80 pages publié en 2013. Il fait rapidement un état des lieux de l’industrie au niveau mondial et propose un ensemble de recommandations pour mettre en place l’Industrie 4.0. L’industrie allemande fait partie des leaders mondiaux. Néanmoins, elle est menacée par l’industrie chinoise et étasunienne. L’industrie chinoise est capable de pro‐ duire des biens en grande quantité et à faible coût grâce à sa capacité de production importante et ses coûts salariaux plus faibles. Ce n’est pas le cas de l’industrie allemande. Elle doit donc trou‐ ver un moyen de rester compétitive, voire se démarquer des autres industries. Un autre élément vient handicaper l’industrie allemande. Le nombre de personnes hautement qualifiées est insuf‐ fisant pour satisfaire la demande. Le déficit tend même à se creuser dans les prochaines années. À défaut de pouvoir recruter, l’industrie allemande doit soit garder ses employés plus longtemps actifs, soit les faire évoluer en interne.

Il existe une initiativefrançaise nommée «Nouvelle France Industrielle» (NFI) depuis 2015 [Bel15]. Elle s’appuie aussi sur l’industrie du futur. Elle définit neuf secteurs clés : l’économie des données, les objets intelligents, la confiance numérique, l’alimentation intelligente, les nouvelles ressources, la ville durable, la mobilité écologique, les transports de demain et la médecine du futur. Enfin, ce projet précise 10 solutions dont l’usine du futur, les objets intelligents et la confiance numérique.

Les ambitions de l’Industrie 4.0

L’objectif principal de l’Industrie 4.0 est de créer de la valeur ajoutée dans l’industrie manufac‐ turière, indépendamment des coûts salariaux [Kag13]. Il est possible de découper cet objectif en plusieurs sous‐objectifs : l’optimisation des ressources et des moyens, une flexibilité accrue, une standardisation des technologies déployées et la sécurité informatique.

Une optimisation des moyens et des ressources

Le premier point est d’optimiser le processus de fabrication. Pour cela, il faut que les équipe‐ ments de production soient le plus polyvalent possible. L’objectif est de pouvoir remplacer une machine par une autre en cas de besoin. Par exemple, en cas de maintenance ou en cas de change‐ ment du bien à produire, l’usine ne doit pas être dépendante d’une machine. De plus, la chaîne de production doit être flexible. Elle doit pouvoir s’adapter rapidement au processus de production. Une chaîne de production capable de s’adapter rapidement permet d’éviter les temps morts. Ce n’est qu’un élément pour optimiser les coûts. D’autres éléments comme la gestion des matières pre‐ mières sont aussi importants. La nouveauté de l’Industrie 4.0 est la possibilité de simuler le niveau des stocks, le transport et la logistique. Cela permettra de mieux anticiper les approvisionnements par exemple. Les matières premières ne sont pas les seules ressources utilisées par l’industrie, il y a aussi l’énergie. La gestion de l’énergie peut être améliorée notamment pendant les week‐ends et les périodes de vacances. L’idée de Siemens repris dans [Kag13] est de pouvoir passer l’usine en «mode veille» à la manière d’un simple ordinateur ou du cloud computing. L’efficacité et l’efficience des ressources utilisées est un point clé pour réduire le coût des produits.

Vers plus de flexibilité

La flexibilité des processus de fabrication est un élément clé de l’Industrie 4.0. L’Industrie 4.0 permet la création de valeur par la personnalisation du bien par le client. L’objectif est que chaque client puisse demander un produit sur‐mesure. Pour cela, il faut donc pouvoir adapter le processus de fabrication en fonction des besoins. Les équipements doivent être reconfigurables «à la volée». Selon Grier [Gri17], l’idée est que les usines deviennent reconfigurables rapidement et à très faible coût à la manière du cloud computing. Ce qui implique le développement de solutions équivalentes à celles présentes dans le cloud computing. Nous retrouvons ce lien avec le cloud computing dans le nom de certains modèles [Xu12]. Par exemple, un modèle d’implémentation de l’Industrie 4.0 porte le nom de cloud manufacturing. Comme le cloud computing, l’Industrie 4.0 doit supporter l’inté‐ gration de bout‐en‐bout de la chaîne de valeur. C’est‐à dire qu’il faut que tous les éléments de la chaîne, des fournisseurs aux clients finaux en passant par le fabricant doivent être vus comme un en‐ semble, et plus comme des maillons indépendants. L’Industrie 4.0 doit aussi permettre l’intégration verticale. L’intégration verticale consiste à augmenter la capacité des éléments existants. L’intégra‐ tion verticale d’une usine consiste à pouvoir ajouter une ligne de production sans construire une autre usine, par exemple. L’intégration horizontale consisterait à construire une usine supplémen‐ taire de capacité comparable. Par analogie avec le cloud computing, l’intégration verticale consiste à augmenter la capacité d’un/des serveur(s). En intégration horizontale, un serveur supplémentaire est ajouté au groupe de serveurs.

Des technologies standardisées et ouvertes

Une recommandation pour l’Industrie 4.0 est de se reposer sur un unique ensemble de stan‐ dards ouverts. L’exemple cité dans [Kag13] est l’ensemble des normes IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) et IETF (Internet Engineering Task Force). Cette recommandation est im‐ portante car elle permettrait aux entreprises de ne pas être dépendant technologiquement. Par exemple, des solutions commerciales comme Sercos ou PROFINET se tournent vers des standards IEEE (Ethernet notamment) et IETF pour assurer leur pérennité. Malheureusement, une partie des technologies pour les réseaux industriels sont propriétaires. L’un des points bloquants est pour le moment la gestion du temps réel. Par exemple, Ethernet n’est pas particulièrement adapté au temps réel. Des solutions propriétaires comme les deux premières versions de Sercos ou PROFIBUS per‐ mettent une gestion « native» du temps réel et de la latence.

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Table des matières

Introduction générale
1 L’Industrie du futur 4.0
1.1 Introduction
1.2 Les origines de l’Industrie 4.0
1.3 Les ambitions de l’Industrie 4.0
1.3.1 Une optimisation des moyens et des ressources
1.3.2 Vers plus de flexibilité
1.3.3 Des technologies standardisées et ouvertes
1.3.4 Sécurité informatique
1.4 Conclusions
2 Réseaux de communication pour l’industrie du futur
2.1 Introduction
2.2 Réseaux câblés
2.2.1 Communication série
2.2.2 Ethernet et ses dérivés
2.2.3 Conclusions
2.3 Wireless Personal Area Network (WPAN)
2.3.1 IEEE 802.15.4
2.3.2 WIA‐PA
2.3.3 ISA100.11a
2.3.4 WirelessHART
2.3.5 Conclusions
2.4 Wireless Local Area Network
2.4.1 IEEE 802.11
2.5 Conclusions
3 Vers des réseaux intelligents
3.1 Introduction
3.2 Les problèmes d’interférences radio
3.2.1 Interférences multi‐trajets
3.2.2 Interférences multi‐utilisateurs
3.2.3 Gestion des collisions
3.2.4 Protocole de routage optimisé
3.2.5 Concurrence inter‐protocoles
3.3 Optimisation inter‐couches
3.3.1 Le principe de l’optimisation inter‐couches
3.3.2 Exemples d’application
3.3.3 Les limites de l’optimisation inter‐couches
3.4 Réseaux cognitifs
3.4.1 Définition d’un réseau cognitif
3.4.2 Quelques exemples d’applications des réseaux cognitifs
3.4.3 Architecture, implémentations et résultats
3.4.4 Conclusions sur les réseaux cognitifs
3.5 Conclusions
4 L’apprentissage par renforcement appliqué au routage
4.1 Introduction
4.2 Apprentissage par renforcement
4.2.1 Quelques exemples d’algorithmes d’apprentissage par renforcement
4.3 Applications de l’apprentissage par renforcement aux problèmes de réseaux infor‐ matiques
4.3.1 Application au paramétrage automatique du protocole TCP
4.3.2 Application à la fonction de routage
4.4 Q‐routing
4.4.1 Fonctionnement de Q‐routing
4.4.2 Analyse des résultats obtenus par Boyan et Littman
4.5 Modifications génériques de Q‐routing
4.5.1 Predictive Q‐routing
4.5.2 Dual Reinforcement Q‐Routing
4.5.3 Q‐Neural Routing
4.5.4 K‐Shortest path Q‐routing
4.5.5 Q2 ‐routing
4.6 Adaptation de Q‐routing à des scénarios particuliers
4.6.1 Q‐routing sur des scénarios avec mobilité
4.6.2 Q‐routing pour les réseaux de capteurs
4.6.3 Q‐routing pour la radio cognitive
4.7 Conclusions
Conclusion générale

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