Réseaux causaux probabilistes à grande échelle

L’identification du rôle des organes qui composent le corps humain, et le problème inverse qui consiste à localiser anatomiquement le support biologique d’une fonction, occupent une partie des recherches de l’homme depuis l’antiquité. Suivant les évolutions de ces recherches, le siège de la pensée a successivement été placé dans divers endroits du corps humain (le cœur a, par exemple, connu un grand succès), avant de se stabiliser finalement, à l’époque de la renaissance, au niveau du cerveau. Il s’en est suivi une période d’intérêt pour cet organe, qui s’est traduite par de grandes avancées en ce qui concerne l’anatomie du système nerveux central. Ce n’est qu’au XIXème siècle, avec les débuts de la neuropsychologie, symbolisés notamment par les travaux de Paul Broca [Broca ’61], que l’étude des relations entre l’anatomie du cerveau et sa fonction a réellement débuté. Les premiers outils de la neuropsychologie étaient uniquement d’ordre analytique, ils reposaient sur l’étude de cas cliniques. Le neuropsychologue tentait d’expliquer le rapport entre le comportement anormal observé chez un individu et la lésion neurologique présentée par celui-ci. Mais les technologies développées au cours du XXème siècle ont permis la définition d’une nouvelle méthode d’étude expérimentale : les études en activation. Les techniques de neuroimagerie fonctionnelle rendent désormais possible l’observation non-invasive (i.e. sans traumatisme) de l’activité du cerveau in vivo, pendant la réalisation d’une tâche cognitive.

Ces nouvelles techniques ont permis de mieux connaître l’organisation fonctionnelle du cerveau, mais elles ont avant tout exposé toute la complexité du traitement cérébral. On suppose aujourd’hui que la résolution d’une tâche cognitive donnée implique la mise en œuvre de tout un réseau d’aires cérébrales. Chaque aire est une population de neurones aux caractéristiques très variables. Dans un réseau donné, une aire possède un rôle bien particulier, indispensable à la bonne marche du réseau. De plus, une aire peut faire partie de plusieurs réseaux différents. Les études actuelles en neuropsychologie tentent de définir les liens entre les fonctions cognitives réalisées et les réseaux sous-jacents. Cependant, ce travail est rendu difficile par le fait qu’un réseau d’aires peut intervenir dans la résolution de plusieurs tâches différentes, et inversement, une tâche peut nécessiter l’activation de plusieurs réseaux.

La seule utilisation des techniques de neuroimagerie ne permet pas de résoudre ce type de problème, car les résultats obtenus ne reflètent que la conséquence de la mise en œuvre des mécanismes (l’activation de certaines aires cérébrales), et pas la façon dont ces mécanismes fonctionnent. Pour y remédier, une approche possible est d’interpréter ces mécanismes en termes de traitement de l’information cérébrale, au haut niveau qui est celui des réseaux d’aires cérébrales. On considère qu’à ce niveau, les mécanismes cérébraux sont l’intégration de mécanismes de plus bas niveau, qui sont étudiés par la neuroanatomie, la neurophysiologie et la neurobiologie, chez l’homme et chez l’animal. Toute la difficulté consiste à fusionner ces informations que l’on peut qualifier d’hétérogènes (car caractérisées par différentes échelles, espèces, etc.), de manière à les utiliser dans un but interprétatif. Cette intégration passe, à notre sens, par l’utilisation de modèles informatiques, qui permettraient en outre de compenser l’absence d’observation directe du fonctionnement cérébral.

La plupart des travaux en modélisation cérébrale sont répartis sur trois champs de recherche : la neuroimagerie, les sciences cognitives, et les neurosciences computationnelles. Dans le premier cas, les modèles s’appuient sur des techniques statistiques. Dans le deuxième cas, la plupart des travaux utilisent des techniques symboliques d’intelligence artificielle. Enfin, les neurosciences computationnelles sont largement dominées par les réseaux de neurones formels. Toutefois, aucun de ces modèles n’a pour objectif de résoudre le problème décrit auparavant, i.e. l’interprétation de données de neuroimagerie en termes de traitement de l’information cérébrale par le biais de modèles biologiquement plausibles.

Pour combler cette lacune, le projet de neurosciences computationnelles MITIC (Modélisation du Traitement de l’Information Cérébrale) a été mis en place par l’unité 455 de l’Inserm, dans le but de définir un cadre formel de modélisation adapté. Cela signifie que le formalisme doit permettre de représenter explicitement l’information cérébrale et les mécanismes de traitement au niveau intégré des réseaux d’aires. De plus, le formalisme doit rendre possible l’intégration des différentes sources d’information précédemment décrites (neurophysiologie, etc.). Enfin, les connaissances en neurosciences étant sujettes à une perpétuelle évolution et à des remises en cause incessantes, le formalisme ne doit pas être rigide, et au contraire permettre de facilement adapter les modèles aux nouvelles découvertes.

I.NEUROSCIENCES INTEGRATIVES 

Le cerveau humain est un système éminemment complexe et mal connu. On distingue principalement deux types d’approches pour le décrire : le niveau structurel et le niveau fonctionnel. Dans le premier cas, le cerveau est considéré comme un ensemble de structures biologiques interconnectées. Cela peut se faire à différentes échelles spatiales, de la région cérébrale au neurone. Dans le second cas, le cerveau est vu comme un ensemble de fonctions qui interagissent. Là aussi, l’étude peut être menée à différentes échelles, de la fonction cognitive très complexe à la primitive fonctionnelle. Les deux aspects sont liés, bien sûr, dans le sens où le niveau anatomique est le support physique du niveau fonctionnel. La neuroimagerie fonctionnelle est le principal outil permettant d’étudier ce lien entre fonction et structure. Toutefois, cet outil est imparfait. Tout d’abord, ses échelles spatiale et temporelle ne sont pas forcément compatibles avec l’étude de l’évolution rapide de l’activité neuronale, ou de sa localisation spatiale précise. D’autre part, ce n’est pas directement l’activité neuronale qui est directement observée grâce aux techniques de neuroimagerie, mais certaines de ses manifestations.

Afin de faire le lien entre ces connaissances hétérogènes du cerveau, l’utilisation d’un outil de modélisation s’impose. Dans ce chapitre, nous allons dans un premier temps décrire les principales propriétés anatomiques et fonctionnelles du cerveau. Puis, nous aborderons les caractéristiques des techniques de neuroimagerie. Grâce à ces informations, et en tenant également compte de nos objectifs de modélisation, il nous sera alors possible de déduire un certain nombre de contraintes qu’un outil de modélisation doit respecter.

CERVEAU

Dans cette partie, nous abordons les descriptions structurelle et fonctionnelle du cerveau. Elles n’ont pas pour but d’être exhaustives, mais de donner suffisamment d’informations pour justifier les choix de modélisation faits par la suite.

Description anatomique

Système nerveux central
Le système nerveux humain est subdivisé anatomiquement en un système nerveux central (SNC), comprenant l’encéphale et la moelle épinière, et un système nerveux périphérique, réunissant les nerfs qui parcourent le reste du corps. La description suivante est courte, et consacrée au seul système nerveux central, et plus particulièrement à l’encéphale, qui est la partie d’intérêt dans le cadre de ce travail de modélisation.

Le SNC est extrêmement important, puisqu’il s’agit en quelque sorte du centre de commande du corps humain. En conséquence, il est très protégé, au moyen de plusieurs couches anatomiques : une protection osseuse tout d’abord, puis une triple protection membranaire comprenant successivement la dure-mère, l’arachnoïde, et la pie-mère. Outre leur rôle protecteur, ces différentes couches constituent également des obstacles à la bonne observation de l’activité cérébrale via les techniques de neuroimagerie.

L’encéphale se découpe en trois parties : le cerveau, le tronc cérébral et le cervelet . Le cervelet est situé en arrière de la boîte crânienne, et il est constitué de deux hémisphères cérébelleux. Il est relié (entre autres) aux muscles du corps via la moelle épinière. Il a essentiellement un rôle dans la motricité, il permet de coordonner les mouvements volontaires, mais aussi involontaires : gestion de l’équilibre et de la posture. Il constitue un centre d’intégration de l’information motrice et de décision quant au mouvement à effectuer. Il est également impliqué dans l’apprentissage, en particulier l’apprentissage moteur [van Mier ’00]. Le tronc cérébral est situé sous le cerveau et assure la liaison avec la moelle épinière. Le cerveau constitue la plus grosse partie de l’encéphale. Il est creusé de cavités appelées ventricules cérébraux. Il se compose de deux hémisphères cérébraux qui concentrent l’essentiel de l’activité cérébrale en termes de fonctions cognitives. La surface des hémisphères cérébraux est appelée cortex cérébral. Elle est extrêmement plissée, formant de nombreuses circonvolutions (les gyri) séparées par des sillons (les scissures). Ces séparations anatomiques permettent de découper chaque hémisphère cérébral en quatre lobes (Figure I.1.1.a) : frontal (au niveau du front), temporal (au niveau des tempes), pariétal (dessus du crâne), occipital (arrière du crâne). Ces quatre lobes constituent le néocortex. Sur la face interne de chaque hémisphère, on trouve une dernière structure corticale (Figure I.1.1.b), qui n’est pas considérée comme un lobe. Il s’agit du cortex limbique. Les hémisphères cérébraux contiennent des structures neuronales, dites sous-corticales. On trouve notamment les ganglions de la base (comprenant entre autres la substance noire et le corps strié, lui-même composé du striatum et du pallidum), l’amygdale, le thalamus, et l’hypothalamus. Ces structures sont désignées globalement sous le nom de noyaux gris centraux. Les noyaux gris centraux sont impliqués dans la mémoire, le traitement d’informations sensorielles, et le contrôle de la motricité. L’hippocampe est également une structure sous-corticale, mais il ne fait pas partie des noyaux gris centraux. Le système limbique est un réseau de structures comportant : le cortex limbique, l’hypothalamus, l’amygdale, ainsi qu’une partie des ganglions de la base, une partie du thalamus, une partie de l’hippocampe, et une partie du cortex préfrontal.

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Table des matières

Introduction
I. Neurosciences Intégratives
1. Cerveau
1.1. Description anatomique
1.2. Description fonctionnelle
1.3. Plasticité cérébrale
2. Neuroimagerie fonctionnelle
2.1. Techniques de surface
2.2. Techniques tomographiques
2.3. Autres Techniques
2.4. Etudes en activation
3. Contraintes
3.1. Architecture en réseau
3.2. Temporalité
3.3. Non-linéarité
3.4. Incertitude et imprécision
3.5. Causalité
3.6. Information cérébrale au niveau intégré
3.7. Plasticité
II. Modélisation cérébrale
1. Neuroimagerie
1.1. Localisation
1.2. Coactivation
1.3. Liens anatomiques
1.4. Bilan
2. Approche cognitive
2.1. Modèles symboliques
2.2. Réseaux bayésiens
2.3. Bilan
3. Neurosciences computationnelles
3.1. Réseaux de neurones
3.2. BioCaEn
3.3. Bilan
4. Formalisation des contraintes
4.1. Causalité
4.2. Autres contraintes
III. Modélisation Causale
1. Caractéristiques des formalismes existants
1.1. Réseaux de neurones formels
1.2. Simulation qualitative
1.3. Formalismes de l’incertain et de l’imprécis
1.4. Conclusion
2. Algorithmes pour l’inférence et l’apprentissage
2.1. Inférence dans les modèles d’espace d’états non-linéaires
2.2. Apprentissage dans les réseaux ART
IV. Concepts et définitions
1. Représentation en réseau
1.1. Réseau statique
1.2. Réseau dynamique
2. Représentation de l’information cérébrale
2.1. Magnitude
2.2. Type
2.3. Complémentarité des deux composantes
3. Traitement et propagation de l’information cérébrale
3.1. Définitions
3.2. Description des mécanismes
4. Processus d’apprentissage
4.1. Définitions
4.2. Description des mécanismes
5. Conclusion
V. RAGE : définition du formalisme
1. Représentation de l’information
1.1. Magnitude
1.2. Type
2. Description des nœuds
2.1. Etat d’un nœud
2.2. Table de préférence des types
3. Propagation et traitement de l’information
3.1. Activation
3.2. Emission
3.3. Conclusion
4. Mécanismes d’apprentissage
4.1. Renforcement, introduction et oubli
4.2. Glissement et fusion
4.3. Conclusion
4.4. Exemple
5. Discussion sur le formalisme
5.1. Propriétés du formalisme
5.2. Respect des contraintes
5.3. Comparaisons avec d’autres formalismes
6. Etude du comportement d’un noeud
6.1. Paramètres
6.2. Type d’activation constant
6.3. Type d’activation variable
6.4. Apprentissage à partir d’une TPT vierge
Conclusion

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