Le traumatisme artériel peut intéresser une partie ou la totalité des tuniques pariétales artérielles. Toute plaie qui saigne par jets ou pulsations doit être à priori considérée comme touchant une artère. Le traumatisme artériel est relativement rare, il représente 2,4% des traumatismes des membres. Les plaies artérielles représentent 90% des traumatismes artériels. Les artères les plus souvent touchées sont les artères fémorales et poplitées aux membres inférieurs (1). Les traumatismes ouverts exposent à deux risques importants : un risque immédiat : hémorragique, mettant en jeu le pronostic vital et un risque secondaire: ischémique et infectieux par contamination du foyer traumatique, mettant en jeu le pronostic fonctionnel du membre.Les deux risques font du traumatisme artériel une urgence vasculaire. La tolérance à l’ischémie est plus importante au membre supérieur par rapport au membre inférieur. La présence de lésionsostéo-articulairesassociées, responsables de 10% de mortalité, constitue un facteur de gravité du traumatisme artériel (2).
RESEAU ARTERIEL DU MEMBRE INFERIEUR
ORIGINE DE LA VASCULARISATION ARTERIELLE DU MEMBRE INFERIEUR
Les artères du membre inférieur font suite à l’aorte abdominale. L’aorte abdominale se bifurque à la projection de la quatrième vertèbre lombaire pour donner naissance aux deux artères iliaques communes. Chaque artère iliaque commune se divise en deux branches pour donner naissance aux artères iliaques externe et interne (hypogastrique). Les principaux troncs artériels du membre inférieur font suite à l’artère iliaque externe. L’artère iliaque externe s’étend de la bifurcation iliaque à l’arcade crurale où elle devient artère fémorale commune. Ses collatérales sont peu nombreuses : l’artèreépigastrique inférieure qui se dirige en haut et en dedans vers l’ombilic et va s’anastomoser avec la branche abdominale de la mammaire interne ; l’artère circonflexe iliaque profonde qui se dirige vers l’épine iliaque antéropostérieure.
PRINCIPALES ARTERES DU MEMBRE INFERIEUR
L’artère fémorale commune oblique vers le bas et le dehors, présente un trajet vertical à la hauteur du fond du cotyle, dans le triangle de Scarpa, où l’artère chemine sur 4 ou 5cm avant de se bifurquer en fémorale profonde et fémorale superficielle. Ses collatérales sont : l’artère sous-cutanée abdominale ; l’artère circonflexe iliaque superficielle ; les artères honteuses externes supérieures et inférieures destinées aux organes génitaux.L’artère fémorale commune a un réseau anastomotique peu efficace d’où l’appellation de mauvaise artère. L’artère fémorale profonde descend en dehors et en arrière de la fémorale commune, elle traverse le grand adducteur en constituant la troisième perforante. Ses branches collatérales sont : les artères de la fourche fémorale (composées de l’artère circonflexe interne ou postérieure, l’artère circonflexe externe ou antérieure et les artères du quadriceps. Le cercle des circonflexes s’anastomose avec les artères obturatrices et ischiatiques) ; les trois artères perforantes (qui traversent les insertions des adducteurs pour gagner la région postérieure de la cuisse.
Elles sont anastomosées entre elles par des collatérales ascendantes et descendantes. Elles réalisent donc un réseau de suppléance à l’artère fémorale) ; les artères des adducteurs. L’artère fémorale superficielle descend à la partie interne de la cuisse jusqu’à l’anneau du 3ème adducteur où elle devient l’artère poplitée. Ses collatérales sont grêles et peu nombreuses à savoir les collatérales musculaires et la grande anastomotique qui rejoint le réseau péri articulaire du genou au niveau du condyle interne.L’artère fémorale se palpe au niveau du trigone fémoral (pouls fémoral). L’artère poplitée fait suite à l’artère fémorale superficielle, oblique en bas et en dehors à son origine, chemine verticalement au sein du creux poplité et se termine par bifurcation en tronc tibio-péronier et artère tibiale antérieure à un niveau variable : audessus, au niveau ou au-dessous du col de la fibula. Ses collatérales sont : les artères articulaires supéro-externe et interne, inféro-externe et interne (formant le réseau péri articulaire du genou anastomosé en haut avec la grande anastomotique, en bas avec les artères de la jambe) ; les artères jumelles (artères collatérales musculaires ou artères surales) externe et interne. L’artère poplitée a un réseau anastomotique peu efficace d’ où l’appellation de mauvaise artère.L’artère poplitée se palpe au niveau de la face postérieure du genou (pouls poplité).
L’artère tibiale antérieure se dirige vers la fibula, enjambe le bord supérieur du ligament interosseux, parcourt la loge antérieure de la jambe, surcroise le bord antérieur du tibia jusqu’à l’interligne tibio-tarsien où elle devient l’artère pédieuse. Ses collatérales supérieures sont les artères récurrentes tibiales et fibulaires antéropostérieures qui participent au réseau péri articulaire du genou. Ses collatérales inférieures sont les artères malléolaires dont la malléolaire interne qui s’anastomose avec son homologue née de la tibiale postérieure ; et la malléolaire externe qui s’anastomose avec les fibulaires et la dorsale du tarse. Le tronc tibio-péronier se bifurque en deux branches, l’artère fibulaire et l’artère tibiale postérieure. Il donne naissance à la récurrente tibiale interne qui participe au réseau péri articulaire du genou. L’artère tibiale postérieure vascularise la loge postérieure de la jambe et gagne la gouttière calcanéenne interne où elle se divise en artère plantaire interne et artère plantaire externe qui vont assurer la vascularisation plantaire du pied. Ses collatérales sont des branches musculaires, l’artère malléolaire postéro-interne, des rameaux calcanéens. Le pouls tibial postérieur s’explore par un palper des doigts en crochet dans la gouttière rétro malléolaire médiale (pouls tibial postérieur). L’artère fibulaire peut naître de la tibiale antérieure dans 1% des cas. Elle donne des collatérales musculaires et des anastomoses du cou de pied avec les territoires des artères tibiales antérieures et postérieures.
L’artère pédieuse assure la vascularisation dorsale du pied jusqu’au premier espace interosseux où elle s’anastomose avec l’artère plantaire externe. Elle donne plusieurs collatérales : l’artère du sinus du tarse, dorsale du tarse, artère sus tarsienne interne, artère dorsale du métatarse qui donne naissance aux artères interosseuses dorsales des deuxième, troisième et quatrième espaces inter métatarsiens.L’artère pédieuse se palpe au niveau de la face antérieure de la cheville en dehors des tendons et au milieu du premier espace inter métatarsien (pouls pédieux). L’artère plantaire interne se dirige vers l’extrémité postérieure du premier métatarsien et donne les collatérales internes et externes du gros orteil. L’artère plantaire externe, volumineuse, longe le bord externe du pied jusqu’à la base du 5e métatarsien où elle se poursuit par l’arcade plantaire qui donne naissance à la collatérale externe du cinquième orteil aux artères interosseuses plantaires des deuxième, troisième et quatrième espaces. Des perforantes postérieures anastomosent les interosseuses plantaires et les interosseuses dorsales correspondantes. La vascularisation des orteils est assurée par quatre collatérales : deux plantaires et deux dorsales. Il existe un réseau d’anastomose au niveau du pied permettant une possibilité de suppléance dans les oblitérations artérielles.
RAPPEL HISTOLOGIQUE
La section vasculaire est circulaire et la paroi comprend trois tuniques concentriques dont l’importance relative varie selon les vaisseaux (Figure N°3). On distingue de l’intérieur vers l’extérieur : l’intima ; la media et l’adventice. L’intima : tissu très actif sur le plan métabolique, il favorise les interactions permanentes avec le sang, il s’agit d’une monocouche cellulaire appelée endothélium rendant le reste de la paroi artérielle « non mouillable » et empêche ainsi le sang de coaguler dans les vaisseaux. La média: véritable charpente élastique du vaisseau, elle emmagasine de l’énergie pendant la systole (contraction du cœur et éjection du sang dans les vaisseaux) qu’elle restitue en diastole (temps de repos). Son épaisseur décroît vers la distalité. L’adventice, ou tunique externe : enveloppe fibreuse très résistante, c’est elle qui « contient » la pression à laquelle est soumise le vaisseau, elle supporte l’innervation et la vascularisation du vaisseau. La paroi artérielle est caractérisée par une média musculo-élastique,contrairement à la média d’une veine qui est démunie d’une membrane élastique. L’intima d’une artère ne possède pas de valvules comme dans la lumière veineuse.
HISTORIQUE DE LA CHIRURGIE ARTERIELLE
Si les hémorragies graves et les gangrènes d’origine vasculaire existent depuis la nuit des temps, la capacité à les traiter est récente. Pendant des siècles, les patients mourraient ou étaient amputés devant des médecins dépourvus de moyens efficaces.
La Nuit (de l’antiquité au siècle des lumières)
Au deuxième siècle après Jésus Christ, Claude Gallieneffectuaitdes ligatures artérielles avec des boyaux d’animaux torsadés dénommés «catgut». En 1551, Ambroise Paré, chirurgien du roi Charles IX ,a condamné la cautérisation des plaies vasculaires et préconise de lier les vaisseaux après les avoir saisis avec une pince angulée munie de mors antidérapantsdénommée « Bec de Corbin » . En 1887 : Jules Péana inventéles pinces hémostatiques à crémaillère, ancêtre des pinces et clamps vasculaires actuels.
L’aube (Les révolutions du 19ème siècle)
En 1895, Wilhelm Conrad Röntgen découvrit l’effet des rayons X sur une plaque photographique. En 1929, la première aortographie a été réalisée parReynaldo Dos Santos.
L’aurore (Le début du 20ème siècle)
En 1902, Alexis Carrel a développéune technique de suture vasculaire par surjet triangulaire, puis la technique d’élargissement des artères par interposition latérale d’une pièce d’artère, de veine ou de péritoine. Il a reçu le Prix Nobel en 1912. En 1937, Jean Fiollea présenté le premier rapport sur l’embolectomie (ablation chirurgicale d’un caillot sanguin qui a migré dans une artère et a bloqué la circulation sanguine) au Collège Français de Chirurgie. En 1924, René Lerichea créé, à Strasbourg, la première école de physiologie vasculaire, et a contribué à former de nombreux chirurgiens français (René Fontaine, Jean Kunlin, …) et étrangers (Michael De Bakey, Jean Cid Dos Santos, …). Ceux-ci ont été ensuite les pionniers de la compréhension et du traitement des maladies artérielles .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. RESEAU ARTERIEL DU MEMBRE INFERIEUR
I.1. ORIGINE DE LA VASCULARISATION ARTERIELLE DU MEMBRE INFERIEUR
I.2. PRINCIPALES ARTERES DU MEMBRE INFERIEUR
II. RAPPEL HISTOLOGIQUE
III. HISTORIQUE DE LA CHIRURGIE ARTERIELLE
III.1. La Nuit (de l’antiquité au siècle des lumières)
III.2. L’aube (Les révolutions du 19ème siècle)
III.3. L’aurore (Le début du 20ème siècle)
III.4. Le tournant (Les années quarante)
III.5. Les grandes premières chirurgicales (milieu du XXème siècle)
III.6. Le développement de la chirurgie vasculaire (1960-1990)
III.7. L’époque moderne
IV. OUTILS DIAGNOSTIQUES EN CHIRURGIE ARTERIELLE
IV.1. CLINIQUE
IV.2. PARACLINIQUE
V. TYPES DE LESIONS
V.1. Plaies
V.1.1. Plaies latérales
V.1.2. Plaies franches
V.1.3. Plaies transfixiantes
V.2. Contusions
V.2.1. Ruptures sous adventitielles
V.2.2. Ruptures intimales isolées
V.3. Plaies contuses
V.4. Spasme artériel
VI. TECHNIQUES DE REPARATION ARTERIELLE
VI.1. CHIRURGIE CONVENTIONNELLE
VI.1.1. La suture latérale simple
VI.1.2. Suture avec patch veineux ou prothétique
VI.1.3.Résectionanastomose
VI.1.4. Pontage veineux ou prothétique
VI.2. CHIRURGIE ENDOVASCULAIRE
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. PATIENTS ET METHODES
I.1. PATIENTS
I.1.1. Critères d’inclusion
I.1.2. Critères d’exclusion
I.2. METHODES
I.2.1. Cadre de l’étude
I.2.2. Paramètres étudiés
I.2.3. Limites de l’étude
II. RESULTATS
II.1. Epidémiologie
II.1.1. Fréquence
II.1.2. Age
II.1.3. Sexe
II.2. Comorbidités
II.3. Etiologies
II.4. Délai de prise en charge
II.5. Diagnostic
II.5.1. Mécanisme du traumatisme
II.5.2. Bilan lésionnel
II.5.2.1. Topographie
II.5.2.2. Types de lésion
II.5.2.3. Lésions associées
II.5.3.Signes cliniques à l’admission
II.5.4. Examens complémentaires
II.6. Prise en charge thérapeutique
II.6.1. Traitements médicaux prescrits
II.6.2. Traitements chirurgicaux
II.6.3. Abstention-surveillance
II.7. Durée d’hospitalisation
II.8. Evolution et pronostic
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSION, SUGGESTIONS
I. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
I.1. Epidémiologie
I.1.1. Fréquence
I.1.2. Age
I.1.3. Sexe
I.2. Comorbidités
I.3. Etiologies
I.4. Délai de prise en charge
I.5. Diagnostic
I.5.1. Mécanisme du traumatisme
I.5.2. Bilan lésionnel
I.5.2.1. Topographie
I.5.2.2. Types des lésions
I.5.2.3. Lésions associées
I.5.3. Signes cliniques à l’admission
I.5.4. Examens complémentaires
I.6. Traitement
I.6.1. Traitements médicaux
I.6.2. Traitements chirurgicaux
I.6.2.1. Sutures vasculaires
I.6.2.2. Résection-anastomose
I.6.2.3. Pontage
I.6.2.4. Shunt temporaire
I.6.2.5. Réparation des lésions veineuses associées
I.6.2.6. Réparation des lésions osseuses associées
I.6.2.7. Prévention et traitement d’un syndrome d’ischémiereperfusion (syndrome de revascularisation)
I.6.2.8. Amputation
I.6.2.9. Traitements endovasculaires
I.7. Durée d’hospitalisation
I.8. Evolution et pronostic
II. SUGGESTIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE