Histoire de la ligamentoplastie
L’histoire de la chirurgie de reconstruction du ligament croisé antérieur remonte à la fin du 19ieme siècle avec Mayo Robson, qui a été le premier à décrire cette chirurgie. Il proposa la réparation par suture direct du LCA mais faute de cicatrisation, cette technique a été abandonnée dans les années 70. Ensuite apparaissent les plasties avec deux conceptions qui s’opposent : les plasties anatomiques reconstruisant le LCA natif et les plasties fonctionnelles extra articulaires externes, l’une contrôlant la laxité frontale, l’autre la laxité rotatoire. La plastie extra-articulaire isolée est abandonnée par la suite. Après l’abandon des ligaments synthétiques devant un taux de rerupture élevé, c’est dans les années 80 90 que commencent les débats sur le type de greffe des plasties anatomiques : aux ischio-jambiers, au tendon rotulien, sur le nombre de faisceaux plus ou moins associées aux plasties extra-articulaires. Les modes de fixations des transplants viennent ensuite se rajouter à ces nombreuses controverses. Aujourd’hui, la greffe au tendon rotulien ainsi qu’aux ischiojambiers sont les techniques les plus utilisées(1).
Rupture du LCA chez les militaires
En population sportive, la rupture du LCA est extrêmement fréquente et varie selon le type de sport. Au football, la rupture du LCA touche 0,084 pour 100 joueurs sur une saison, soit 6% des traumatismes du genou (2). Les autres activités les plus concernés sont le handball, le rugby, le judo et le ski. La population militaire est régulièrement amenée à pratiquer ces sports dans les activités de maintient des conditions physiques. Elle est aussi exposée à des pratiques plus spécifiques à risque comme le parachutisme ou les parcours d’obstacles. Les ruptures du ligament croisé antérieur (LCA) sont très fréquents dans cette population, les études américaines rapportent une incidence entre 5 et 10 fois plus élevée dans la population militaire que dans la population générale (3,4). Cela pose plusieurs problèmes : des difficultés à poursuivre la carrière militaire avec un nombre important de patients déclarés inaptes ou réformés et une atteinte de la capacité opérationnelle des armées. Antoch et al rapportent un retour au poste sans restriction inférieur à 50% après cette chirurgie dans la population militaire (5). Le retour à la compétition dans les populations de sportifs de haut niveau est équivalent, entre 44 et 55 % retrouvés dans la littérature (6,7) et contraste avec les résultats aux scores fonctionnels type IKDC souvent très élevés (8).
Hypothèse
Les techniques de reconstruction aux ischio jambiers présentent de nombreuses possibilités de fixation de greffe. La technique que nous utilisons par DTZ4, décrite par Lubowitz (9), fixé par double endobouton réglable, semble présenter des défaillances biomécaniques de tension en essai in vitro du fait d’un allongement du mode de fixation du greffon (10) cependant, cela n’a pas été pas été confirmé par des études cliniques et l’évaluation objective de la technique Toggle Lock avec fixation Zip Loop [ZIMMER-BIOMET] ® sur des populations militaires ou sportifs de haut niveau n’a encore jamais été étudiée dans la littérature. Les avantages théoriques apportés par cette technique sont pourtant nombreux : absence de tunnel ouvert avec préservation du stock osseux, réglage de la tension permettant de remplir la totalité de l’alvéole osseuse avec le greffon sans espace vide, diamètre plus important de la greffe plus résistant à la reruture (11), préservation du semi-tendieux, moindres douleurs post opératoires par rapport à un prélèvement de l’appareil extenseur et aspect esthétique des cicatrices (12,13).
Nous avons cherché à évaluer cette technique en la comparant à la technique par DIDT classique sur le retour aux activités professionnelles sans restriction sur une population exclusivement militaire d’active, à majorité employée dans les forces combattantes à haute exigence (légion étrangère, commandos de l’air, marins pompiers…). Nous avons aussi étudié la proportion de militaires ayant pu retrouver leur niveau sportif antérieur par l’analyse de leur test sportif, l’évolution précoce de la force musculaire sur test isocinétique, le statut clinique et médico-administratif à 4 ans de recul et le taux de complications post opératoire.
L’hypothèse principale était une équivalence en termes de retour au poste antérieur entre ces deux techniques.
Populations
Dans une étude comparative avec récupération des données rétrospective monocentrique multi opérateur, menée à l’Hôpital d’Instruction des Armées Laveran (Marseille, FRANCE), nous avons inclus 147 militaires opérés d’une reconstruction du LCA entre le 2012 et 2019 avec un recul moyen de 4 ans.
Critères d’inclusion
Les critères d’inclusion étaient :
– Militaire d’active à l’inclusion ;
– Rupture du LCA isolée ou associée à une ou plusieurs atteintes méniscales confirmée par l’IRM.
– Chirurgie de reconstruction du LCA entre janvier 2012 et décembre 2019
– Suivi dans le service de rééducation de l’HIA LAVERAN .
Critères d’exclusion
Les critères d’exclusion étaient :
– Reprises de ligamentoplastie ;
– Réalisation d’une ténodèse latérale ;
– Autre technique que DIDT et DTZ4 décrite plus loin .
Le groupe DIDT correspondait aux patients ayant bénéficié de la technique en double brin avec prélèvement des deux tendons ischio jambiers, fixés par vis d’interférence et endo bouton fixe au fémur et vis d’interférence tibiale. Le groupe DTZ4 était les patients opérés par la technique de greffe courte en quadruple brin fixés par endo bouton fémoral et tibial réglables. Sur les 147 patients, 14 patients ont été perdus de vu, 133 patients ont pu être analysés sur le critère de jugement principal. Tous les patients ont été opérés par la même équipe chirurgicale, le chirurgien pratiquant la technique qu’il maitrisait le mieux. Dans le groupe DIDT, 64 patients ont pu être analysés et 69 patients dans le groupe.
Critère de jugement principal
Le critère de jugement principal était le retour au poste antérieur sans restriction d’aptitude dans l’année qui suivait la convalescence théorique post opératoire de 8 mois.
Techniques chirurgicales
DIDT
Longino et al. l’ont décrite en 2012 (14), pour le groupe DIDT, l’intervention débutait par le prélèvement des deux tendons ischiojambiers, non pédiculés, préparés sur table à l’aide de l’ancillaire ACUFEX Graftmaster II [Smith&NephewTM] ®. Le second temps était arthroscopique. En cas de lésions méniscales, une résection partielle (16 cas), élargie (6 cas) ou une suture all-inside (Fast-fix, Smith&Nephew®) (3 cas) était réalisée. A l’aide d’un viseur placé à main levée entre les épines tibiales, la broche guide tibiale était positionnée puis un tunnel complet était foré au diamètre du transplant. La visée fémorale se faisait à l’aide du viseur décalé de l’ancillaire avec passage de la broche guide en ‘’in-out’’, un tunnel borgne était réalisé ensuite par méchage antérograde en fonction du diamètre du transplant. La fixation du transplant se faisait par un fil SMS FIBER 5 métriques sur endobouton JMT ® non réglable au niveau du fémur et vis d’interférence ORTHOMED ® résorbable au niveau du fémur et du tibia. Un contrôle des conflits était toujours réalisé en fin d’intervention. La tension du transplant était réglée à la main, genou en flexion à 30°, jambe en RE et vérifiée au crochet palpeur avant fermeture.
DTZ4
Comme décrit par Silva et Sampaio (15), pour le groupe DTZ4, l’intervention commençait par le prélèvement du semi-tendineux, replié en quatre brins et préparé à l’aide de l’ancillaire ZIP LOOP all inside [BIOMET ZIMMER] ® avec mise en contrainte du greffon entre 100N et 200N pendant 15 minutes. Le second temps arthroscopique consistait en une exploration de l’articulation. En cas de lésions méniscales, une résection partielle (12 cas), élargie (4 cas) ou une suture all-Inside (Fast-fix) (11 cas) était réalisée. A l’aide un viseur tibial placé entre des épines tibiales, la broche guide était mise en place afin de réaliser un tunnel borgne rétrograde du diamètre du transplant, et dépendant de la longueur du transplant. La visée fémorale se faisait à l’aide un viseur décalé de l’ancillaire avec passage de la broche guide en ‘’in-out’’, un tunnel borgne était réalisé de façon antérograde en fonction du diamètre et de la longueur du transplant. La fixation du transplant se faisait par endobouton tibial et fémoral reliant la greffe courte par le système ZIP LOOP® réglable des deux côtés. Un contrôle des conflits était toujours réalisé en fin d’intervention. La tension du transplant était réglée à la main, genou en flexion à 30°, jambe en RE, et vérifiée au crochet palpeur avant fermeture
Les 2 groupes ont été construits sans aucune différence sur leurs indications respectives, seul l’expérience du chirurgien déterminait le type de technique utilisée.
Évaluation
Données
Les données-patients (résultats test-isocinétique, complications, aptitudes, tests sportifs) étaient récupérées à partir du moment où ils consultaient un des rééducateurs ou chirurgiens de notre hôpital. Les patients étaient suivis de façon clinique et via des tests isocinétiques jusqu’à définition du statut d’aptitude final qui leur permettait de reprendre les activités selon leur état clinique. Selon le protocole utilisé par nos rééducateurs, la course en ligne droite était autorisée à 4 mois, la course en virage à 6 mois, les sports pivots et le statut sur l’aptitude général du militaire (systématique ou par dérogation) à 8 mois et le statut sur les aptitudes spécifiques (Troupes AéroPortées (TAP), commando…) à 1 an.
Suivi
Nous les avons ensuite recontactés afin de recueillir les informations cliniques des patients à 4 ans de recul moyen. Les dernières données d’aptitudes ont été récupérées à partir du logiciel de suivi de patient AXONE. Les données étaient recueillies par un investigateur différent de l’opérateur. L’évaluation sportive était réalisée à partir des résultats CCPM annuels (Contrôle de Condition Physique du Militaire) (16) avec les mêmes barèmes que les militaires non opérés et à l’aveugle de la technique opératoire : le COOPER consistait à réaliser en 12 min la distance maximale en course à pied, la marche-course consistait en une course à pied avec équipement militaire sur une distance de 6 à 8 kilomètres (selon l’âge) chronométrée. Ces tests comptaient dans la notation annuelle du militaire. Un patient retrouvait un niveau sportif équivalent ou supérieur lorsqu’il obtenait des résultats CCPM au moins équivalent aux tests pratiqués avant chirurgie. Le taux d’échec incluait les reruptures du transplant, les sensations instabilités rapportées par le patient au dernier recul ou une décision de réforme à cause de leur genou opéré. Les données des tests isocinétiques étaient réalisées à 4 et 8 mois dans le service de rééducation de notre hôpital afin de suivre la récupération musculaire de nos patients. Le positionnement des tunnels était évalué sur les radiographies post opératoires du genou de face pour leur angulation avec l’interligne articulaire et de profil selon les critères d’Aglietti.
|
Table des matières
1. Remerciements
2. Introduction
2.1 Histoire de la ligamentoplastie
2.2 Rupture du LCA chez les militaires
2.3 Hypothèse
3. Matériel et méthode
3.1 Populations
3.1.1 Critères d’inclusion
3.1.2 Critères d’exclusion
3.1.3 Critère de jugement principal
3.1.4 Critères de jugement secondaires
3.2 Techniques chirurgicales
3.2.1 DIDT
3.2.2 DTZ4
3.3 Évaluation
3.3.1 Données
3.3.2 Suivi
3.4 Analyses statistiques
4. Résultats
4.1 Caractéristiques démographiques des populations
4.2 Évaluation du critère de jugement principal
4.3 Evaluation médico-administrative
4.4 Évaluation clinique
4.5 Évaluation sportive
4.6 Évaluation isocinétique
4.7 Évaluation radiologique
4.8 Complications et échecs
5. Discussion
6. Conclusion
7. Références
8. Glossaire
9. Annexes
10. Serment d’Hippocrate
Télécharger le rapport complet