Représentations sociales et stéréotypes

Représentations sociales et stéréotypes

Les individus se créent sans cesse de nouvelles représentations sur leur environnement et leur entourage. Les groupes se définissent en général en termes de « nous » et « eux », résultat « D’un des processus les plus fondamentaux de l’être humain, la catégorisation sociale (Tajfel, 1981). A l’aide de cet outil cognitif, nous découpons, classifions et ordonnons notre environnement physique et social (Fiske & Neuberg, 1990). Le découpage de la réalité en catégories distinctes nous permet d’agir plus efficacement en termes de temps et d’efforts et s’avère très adaptatif pour l’être humain » (Bourhis, Gagnons et Moise, 1994, p.163). Ainsi, ce comportement a quelque chose de spontané et d’inévitable dans tout type de relations, que cela soit entre groupes ou entre individus, chacun arrive avec une certaine image de l’autre. Toutefois, chacun peut aussi se targuer d’appartenir à un certain groupe social, « toute représentation conditionne la manière d’être et de se dire d’un individu » (Hattiger, 2001, p. 164), elle permet également à l’individu de se créer un système d’anticipation et d’attentes. Pour Guimelli, cité par Bonnec et Mompelat (1994), les représentations sociales sont définies comme « l’ensemble des connaissances, des croyances et des opinions partagées par un groupe à l’égard d’un objet social donné » (pp. 138-139). Hattiger (2001) explique que « Les représentations sociales permettent (…) à l’individu d’exprimer son identité, son appartenance sociale à un groupe social défini en comparaison avec d’autres groupes sociaux.

En outre, elles permettent d’insérer l’individu dans le champ social puisqu’elles rendent compte de sa relation avec autrui, les groupes sociaux, la société et la culture en général (Kaes, 1968, 1976). Les représentations sociales vont donc nous permettre de mieux saisir les relations, tant réelles qu’imaginaires, entre des groupes sociaux majoritaire et minoritaire et, plus précisément, de pointer les différentes interactions possibles selon la nature des minorités en question » (pp.153-154). Cette notion est importante car les élèves d’une classe de développement peuvent souffrir des représentations que se font les élèves des classes ordinaires à leur sujet. Ils sont souvent minoritaires au sein des écoles et donc des cibles idéales pour être sujets aux critiques. Le simple fait d’appartenir à la classe de développement au sein de l’école les catégorisent automatiquement aux yeux des autres. Le fait d’être isolé dans une classe distincte, les identifie immédiatement aux yeux des autres, qui, souvent, ignorent les raisons précises qui les y ont conduits. Comme l’évoque Hattiger, la notion de représentation sociale renvoie également aux aspects relationnels qui se jouent entre les différents protagonistes.

Cet auteur évoque même le côté imaginaire de certains types de relation, soit également le fait que les élèves des classes de développement peuvent se faire de fausses idées et imaginer que tout le monde les perçoit comme inférieurs ou les considère autrement. Cette dimension aura sans aucun doute un impact sur la relation que ses élèves construisent avec leur scolarité dans ce type de classe. Ainsi, lorsque la représentation que l’on se fait de l’autre est figée et inconsciente, alors cette image devient négative et se transforme en stéréotype ou en jugements. Le stéréotype est « un ensemble de croyances partagées à propos des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi des comportements, propres à un groupe de personnes (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1994, cité par Yzerbyt et Schardon, p.129) ». Ils peuvent autant être liés au genre, à l’âge, à la classe sociale qu’à la culture. Mais en plus, les stéréotypes vont influencer la manière de s’approprier de nouvelles informations, ainsi que la manière de se souvenir d’un élément, les stéréotypes déforment la réalité à tel point que certaines croyances stéréotypées peuvent se perpétuer sur plusieurs générations.

Effectivement, le stéréotype le plus commun concernant les élèves qui se trouvent en transition entre une classe primaire en l’enseignement spécialisé et la classe de développement en école secondaire est qu’ils sont en échec scolaire car ils seraient plus « bêtes » que les autres. Or, il s’avère souvent que ces élèves ont de bonnes aptitudes pour apprendre, mais qu’ils ont souvent besoin d’un accompagnement plus intensif. Ce stéréotype est malheureusement présent étant donné que cette population augmente et n’est pas en corrélation, entre autres, avec le nombre d’enseignants formés pour leur offrir un suivi adéquat. Cette image est toutefois très réductrice, car cela ne veut de loin pas dire que tous les enfants qui arrivent dans ces classes ne peuvent pas continuer à évoluer dans leurs apprentissages. Cette image peut être lourde à porter pour ces élèves et contribuer à les démotiver et à renforcer leur sentiment de ne pas être bon ou de ne pas aimer l’école. Il pourra être intéressant de voir de quelle manière ces stéréotypes influencent leur investissement scolaire, et si celui-ci a évolué durant le processus de transition en lien avec les représentations sociales auxquelles ils ont dû faire face.

La reconnaissance

Parvenir à porter un regard sur soi fait partie du processus identitaire et cela ne se fait généralement pas sans le regard que l’autre porte sur soi. Lacroix (2003) explique que la reconnaissance est « cette volonté et ce besoin de susciter l’estime chez l’autre et chez soi afin de légitimer nos actions et nos prises de décision » (p.108). Ainsi, l’individu se sent reconnu dans ce qu’il est uniquement au travers du message que les autres lui renvoient, ce feed-back lui permet alors d’agir. Mais la reconnaissance est également une histoire individuelle et personnelle. Taylor, cité par Payet et Battegay (2008), dit que « la reconnaissance met au centre la valeur de la réalisation de soi, on ne peut être soi-même qu’en étant reconnu » (p. 29) mais les auteurs vont plus loin en précisant que « la reconnaissance s’inscrirait dans le registre de la reprise : réparation, repentir, réconciliation, qui met au centre la valeur de la responsabilité d’autrui, du souci d’autrui » (Payet & Battergay, 2008, p. 29). Le parcours vers la reconnaissance est donc un travail sur soi, mais également un travail « avec » les autres, voire une lutte. En effet, les auteurs qui abordent la notion de reconnaissance le font souvent en parlant de l’origine du besoin de reconnaissance, soit une situation de mépris, une injustice, ou encore « une blessure morale de n’avoir pas été reconnu dans sa compréhension de soi » (Honneth, 2008, p. 50).

L’autre est non seulement à la base du besoin de reconnaissance par ses attitudes parfois dénigrantes et dévalorisantes, mais l’autre peut également être l’aidant, celui qui permet de parvenir à se sentir reconnu. Très souvent, « l’autre » permettant ce cheminement est rarement une personne anodine ou une institution, « Ce mode de reconnaissance réciproque ne va pas au-delà du cercle des relations sociales primaires, telles qu’elles existent dans les liens affectifs propres aux cadres familiaux, amicaux ou amoureux. (…) Elles ne peuvent être transposées à volonté à un très grand nombre de partenaires de l’interaction » (Ibid, p.51). Il semble effectivement extrêmement important que l’entourage proche de l’individu manifeste un sentiment de reconnaissance car c’est ainsi que l’individu construit son identité et sa place dans la société. Ainsi, le rôle que peut jouer tant la famille que l’enseignant ou la direction d’une école peut être capital pour permettre à ces élèves de se sentir reconnus et avoir le sentiment d’être important, et donc que leur scolarité est également importante. Leur investissement scolaire peut en être d’autant plus influencé. Toutefois, pour parvenir à accepter de se sentir reconnu, l’individu doit également avoir construit un rapport positif à lui-même. Or, cela n’est pas toujours une évidence. Dans la situation de ces élèves qui se trouvent dans ce nouveau lieu de vie scolaire, l’école secondaire, certains stéréotypes peuvent apparaître comme blessants et constituer une forme de mépris, de non prise en considération de leurs spécificités, de leur identité tant personnelle que culturelle. Or, c’est souvent cela qui est en jeu, l’élève a besoin de se sentir reconnu tel qu’il est, il a besoin de sentir le regard positif des autres pour avancer.

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Table des matières

I. Introduction
II. Problématique
1. Cadre théorique
1. a. Intégration scolaire
1. b. La transition
1. c. Représentations sociales et stéréotypes
1. d. La reconnaissance
1. e. Rapport au savoir
2. Question de recherche, objectifs et hypothèses de recherche
III. Méthodologie
1. Contexte de la recherche
2. Description de la population
3. Démarche méthodologique
3.a. Approche méthodologique et technique d’entretien
3.b. Première et seconde séries d’entretiens
3.c. Méthode et étapes choisies pour l’analyse des données
3.c.1. Méthode
3.c.2. Codage des données
IV. Analyse et présentation des résultats
1. Présentation des tableaux d’analyse et commentaires de chaque cas
1.a. Etude de cas de John
1.b Etude de cas de Jessica
1.c. Etude de cas de Kevin
1.d. Etude de cas d’Arthur
1.e. Etude de cas d’Elodie
1.f. Etude de cas de Michaël
1.g. Etude de cas de Marie
1.h. Etude de cas de Denis
2. Résultats d’analyse
2.a. Rapport au monde, à l’environnement physique, au fonctionnement et au règlement de l’école
2.b. Rapport aux autres, aux enseignants, aux pairs et à la famille
2.c. Rapport à soi, représentation de lui-même
2.d. Le rapport au savoir et son influence sur leur investissement scolaire
2.f. Tendance générale
2.e. Confirmation ou infirmation des hypothèses
V. Conclusion
VI. Bibliographie
1. Références bibliographiques
2. Sites Internet consultés

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