Le Sénégal, comme la plupart des pays en Afrique est caractérisé par le plurilinguisme qui se matérialise par la présence de plusieurs langues qui y cohabitent. Dans cette diversité linguistique évaluée à une vingtaine de langues, seules six langues : le sérère, le diola, le malinké, le soninké, le poular, et le wolof ont été officiellement reconnues comme langues nationales selon le décret n°71- 566 du 21 mai 1971. Mais la nouvelle Constitution du 7 janvier 2001 reconnait comme langue nationale, toute langue autochtone ayant été codifiée. Toutefois, le wolof est devenu la langue véhiculaire (langue d’unification entre plusieurs groupes ethniques) du pays parlé par la majorité des sénégalais sans qu’il y ait jamais une décision politique clairement formulée.
A cette aire linguistique occupée par les langues citées, vient s’ajouter le français, langue héritée de la colonisation à l’indépendance du pays en 1960. Suivant leur politique linguistique, les autorités compétentes ont opté pour un monolinguisme officiel faisant donc du français la seule langue officielle du Sénégal. Au-delà de ce statut de langue officielle, le français est la langue des médias, des institutions, de l’administration des échanges internationaux et même de l’enseignement. Il a toujours été la seule langue d’enseignement du pays jusqu’en octobre 1978 quand l’état a décidé d’ouvrir trois classes expérimentales en langue wolof. Et par la suite, nous avons assisté à la création de nouveaux instituts bilingues dans le système éducatif sénégalais. De cette diversité linguistique citée précédemment faisant du Sénégal un pays plurilingue, naitra une situation de diglossie, français/ langues nationales ou français/langues locales. Cet état de fait provoque un mélange de codes ou des interférences linguistiques dans les pratiques langagières des sénégalais.
Ainsi, les locuteurs sénégalais en particulier les élèves se forgent des représentations linguistiques sur leur langue ou encore sur celle de leurs semblables, des représentations qui sont souvent engendrées par des formes d’insécurités linguistiques affectant ainsi leurs pratiques langagières ou leur apprentissage en français. Ceci s’explique par une forte présence des langues nationales en particulier le wolof (langue véhiculaire du pays), dans les pratiques langagières des élèves en langue d’apprentissage en l’occurrence le français. Nous nous intéressons donc à cette étude intitulée : Représentations et insécurité linguistique en milieu scolaire au Sénégal, pour analyser l’ensemble des images ou opinions que ces élèves se forgent du français, langue d’apprentissage scolaire, mais aussi des langues autochtones. En effet, nous notons de nos jours une forte présence du wolof dans les productions langagières des sénégalais en particulier dans les domaines administratifs et scolaires, des domaines où le français en tant que langue officielle devrait être la seule langue de communication. Cette présence du wolof dans les productions en langue cible (Français) est due pour la plupart du temps à un phénomène d’insécurité linguistique. Dès lors, ces apprenants, pour résoudre ce phénomène d’insécurité linguistique dans leurs productions langagières, adoptent un mélange de codes (alternance codique, code switching, interférence…).
En vue de mener notre étude à terme, nous avons décidé de commencer par une approche théorique de la question soulevée. Dans cette partie, nous aurons d’abord: la présentation et la définition du sujet, la problématique, les hypothèses et la définition des concepts mobilisés. Ensuite, une partie méthodologique qui se chargera de la présentation de la démarche de l’enquête et en même temps de l’analyse du corpus. Enfin, une dernière partie destinée à la présentation en annexe de notre corpus. Ce corpus est constitué d’un questionnaire pour une étude quantitative et des échantillons d’interviews recueillis auprès des élèves pour le versant qualitatif.
HYPOTHESES
Le Sénégal est un pays où cohabitent plusieurs langues d’où son caractère de pays plurilingue. Dans ce contexte de cohabitation émergeront deux langues qui s’imposent de par leur statut à savoir le français : langue officielle, langue des institutions et le wolof : langue véhiculaire, langue de la communication informelle interethnique. En effet, comme nous l’avons annoncé dans la problématique, nous constatons de nos jours que le wolof est très présent dans les domaines théoriquement réservés au français à savoir l’administration ou l’école sénégalaise. A cet effet, les locuteurs sénégalais, en particulier les élèves, dans ce contexte de diglossie, alternent le plus souvent dans leurs pratiques langagières quotidiennes ces deux langues pour des raisons multiples. Ainsi, ce phénomène de représentation ou attitude sociolinguistique régi par des formes d’insécurité linguistique à l’égard du français langue officielle, langue d’apprentissage nous permettra d’avancer les hypothèses suivantes:
►Les élèves se représentent différemment la langue française ainsi que les langues autochtones selon leur appartenance ethnique. Etant donné que la représentation d’une/des langue(s) est une perception individuelle mais surtout collective.
►L’insécurité linguistique des élèves est due à leur connaissance de la norme standard ou du moins de la norme valorisée. Connaissant cette norme, au moment de la prise de parole, l’élève est dans un combat permanent de commodité ou de concordance à celle-ci.
►La connaissance insuffisante de la langue (le français) par les élèves, les poussent à se rabattre sur une langue locale qui, le plus souvent est le wolof pour combler leur production langagière. Etant donné que la langue maternelle des élèves ne coïncide pas toujours avec la langue d’apprentissage et que cette langue maternelle n’est pas non plus codifiée ou normalisée, ce qui favorise ces représentations.
►Les représentations relèvent du fait que le français est une langue étrangère au Sénégal. Donc, par non identification à celui-ci, les élèves manifestent des formes d’insécurité identitaire, en s’agrippant à leur langue et en manifestant des sentiments de rejet du français.
►Pour des raisons communicationnelles, ces élèves adoptent le mélange de codes dans leurs interactions pour faciliter la compréhension de l’autre. C’est ce qui a été le but même de l’expérimentation de Jean Dard en 1817 à Saint Louis qui utilisait le wolof comme médium d’enseignement du français pour pallier les blocages dus à l’enseignement du français au Sénégal.
LES DIFFERENTES APPROCHES DE LA NOTION DE REPRESENTATION
La notion de représentation est d’abord utilisée en philosophie puis dans les sciences humaines (histoire, géographie, psychologie sociale) avant de faire son entrée en sociolinguistique. Cependant, la notion abordée différemment selon les chercheurs et selon les domaines d’études aura des terminologies assez différentes car les méthodes d’approche et leur utilisation dans les sciences ne recouvrent pas les mêmes réalités.
DES REPRESENTATIONS SOCIALES AUX REPRESENTATIONS SOCIOLINGUISTIQUES
La langue est, avant tout, un ensemble de pratiques et de représentations (Louis-Jean Calvet. 1999. P. 16). Cette notion de représentation a longtemps été l’objet d’étude dans plusieurs disciplines relatives aux sciences humaines et sociales telles qu’en psychologie sociale, en sociologie, en histoire, en philosophie, en linguistique etc. Comme le rappelle Louis Porchet (1997. P. 11) cité par Castellotti : « la question des représentations est l’une des plus anciennes de l’histoire de la philosophie ». Le concept de « représentation » que nous tenons de Durkheim (1898) se rapporte à une tradition psychosociologique permettant d’étudier les formes de comportements sociaux et les pensées d’une société par rapport à une réalité. C’est un concept autour duquel se conçoivent des manières de penser et d’agir des individus d’une communauté pour une vie communautaire harmonieuse. Selon lui, ces représentations sont des formes de pensées partagées par une société : «représentations collectives » qui sont souvent reliées à des croyances, aux mythes ou aux savoirs scientifiques que l’individu acquière par l’éducation en famille ou à l’école.
G. Desbois et G. Rapegno, cités par K. Bouchet (1999. p. 173) diront à ce propos que la langue comme fait de culture « est l’objet de multiples représentations et attitudes individuelles, collectives, positives ou négatives, au gré des besoins et intérêts. Ces représentations qui tiennent leur origine dans le mythe ou la réalité du rapport de la puissance symbolique, dictent les jugements et les discours, commandent les comportements et actions ». La langue devient donc tout un ensemble de réalités sur lesquelles est fondée une communauté et permettant ainsi de la qualifier aussi bien que ses membres.
Ainsi, Durkheim fait les mêmes remarques, car il suppose que, les représentations collectives agissent sur l’individu au point de lui imposer des manières de penser et d’agir, régis par les institutions sociales (règles sociales, morales, juridiques et politiques). Ceci dénote que l’individu est déterminé par son milieu social, puisque les perceptions collectives le conditionnent au respect des règles préétablies par la communauté qu’il est tenu de respecter et d’appliquer. Donc les représentations collectives seraient l’autorité qu’exerce la communauté sur chacun de ses membres. La conformité à ces règles aura pour intérêt de créer une harmonie conviviale pour l’intérêt de toute la communauté.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
I. LES DIFFERENTES APPROCHES DE LA NOTION DE REPRESENTATION
II. MISE EN CONTEXTE DES REPRESENTATION
III. PRESENTATION ET DEFINITION
DEUXIEME PARTIE : CADRE METHODOLOGIQUE ET ANALYTIQUE
I. METHODOLOGIE
II. ANALYSE DES DONNEES DU CORPUS
INTERVIEWS
CONCLUSION GENERALE
REFFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
REFFERENCE BIBLIOGRAHIE
WEBOGRAPHIE
ANNEXES