Réponse immunitaire et mécanisme d’évasion immunitaire
Réponse antivirale immédiate
Les déterminants de la réponse immunitaire immédiate au SARS-CoV-2 ne sont pas encore connus, mais peuvent être extrapolés à partir des modèles d’infection virale (Figure. 4). L’infection des cellules épithéliales et immunitaires génère plusieurs signaux de danger, reconnus par différents récepteurs liant l’ARN viral ou des protéines de surface virales. Ces récepteurs vont ensuite activer des facteurs de transcription [13]. Cette activation entraîne la sécrétion de cytokines (TNF-alpha, Interleukine-1, Interleukine-6) entraînant une hyperperméabilité capillaire et l’attraction de cellules inflammatoires, et d’interférons de type I (IFN1), qui promeuvent l’expression de gènes cibles [14]. Ces interférons vont promouvoir l’expression de gènes cibles par liaison à leur récepteur IFNAR, signalant par JAK/STAT [15]. La voie des interférons de type I est centrale dans la réponse antivirale initiale, et permet notamment d’inhiber la réplication virale, de protéger les cellules non-infectées et de stimuler l’immunité lymphocytaire antivirale (lymphocytes TCD8, NK) conduisant à la lyse des cellules infectées [16]. L’activation des facteurs de transcription entraîne une sécrétion cytokinique initiale par les cellules infectées (interférons, TNF- alpha, Interleukine-1, Interleukine-6, chimiokines). Les antigènes viraux sont internalisés par les cellules présentatrices d’antigène, apprêtés puis présentés via les complexes majeurs d’histocompatibilité de type 1 (pour l’ARN viral) et de type 2 (pour les protéines de surface) aux lymphocytes T CD4, CD8 et lymphocytes B, polarisés par la sécrétion cytokinique initiale, assurant l’instauration d’une immunité durable.
Évasion virale et échappement au système immunitaire
L’existence de mécanismes d’évasion immunitaire n’a, à cette date, pas été prouvée pour le SARS-CoV-2. Cependant, plusieurs virus de la famille des coronavirus ont développé des stratégies d’échappement au système immunitaire. Cette évasion virale repose sur plusieurs mécanismes :
– Echappement à la reconnaissance antigénique par les récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires (Pattern Recognition Receports ou PRR) via la production de vésicules à double membrane abritant le complexe de réplication viral [17] [18];
– Diminution de la signalisation des PRR par liaison compétitive de la protéine N à TRIM25, bloquant ainsi la signalisation de RIG-1, ou encore par la protéine NSP16 qui prévient la reconnaissance de l’ARN viral par MDA-5 [19] [20];
– Inhibition de l’induction de la voie des interférons par inhibition de la signalisation de STING et d’IRF-3 [21] [22] [23] [24].
– Blocage de la signalisation des interférons, via la régulation négative de l’expression d’IFNAR et de la phosphorylation de STAT-1 [25] [26];
– Blocage de la signalisation NF-keppaB par les protéines PLP du SARSCoV-1 et ORF4b, ORF5 du MERS-CoV [27] [28] [29].
Le SARS-CoV-2 partage l’expression de plusieurs de ces protéines virales associées à l’évasion immunitaire [30,31], et des modélisations d’interaction protéique suggèrent que ses protéines NSP13 et NSP15 pourraient également interagir avec la protéine TBK-1 et diminuer l’activation d’IRF-3 [32]. Ces mécanismes de résistance au système immunitaire pourraient avoir été acquis chez la chauve-souris, qui présente une sécrétion constitutive d’IFN-I [33].
Une réponse immunitaire amplifiée à la seconde phase de l’infection
L’inefficacité de la réponse immunitaire initiale entraîne une amplification de la réponse inflammatoire, responsable d’une aggravation clinique chez certains patients, qui survient autour de huit jours après l’apparition des symptômes, jusqu’à l’apparition d’un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) et d’une défaillance multi-viscérale, et s’accompagne de plusieurs signes d’hyperactivation du système immunitaire [34] [35] [36].
Réservoir du virus
Le SARS-CoV-2 appartient aux virus apparentés au SARS-CoV (Figure 1 B) dont le réservoir est la chauve-souris [5]. Cependant, les lieux de vie des chauvesouris étant éloignés des communautés humaines, le passage inter-espèce a probablement nécessité un hôte intermédiaire, comme l’ont été la civette palmée pour le SARS-CoV-1 ou le dromadaire pour MERS-CoV [15] [16]. Dans le cas du SARS-CoV-2, le pangolin, mammifère sauvage notamment consommé en Chine et dont la niche écologique recouvre celle des chauves-souris, pourrait avoir joué ce rôle, comme le suggère l’isolement d’une souche de coronavirus du pangolin très proche phylogénétiquement (92 % d’homologie) [7]. Par ailleurs, par rapport au SARS-CoV 1 et aux coronavirus de la chauve-souris, le SARSCoV-2 présente une modification importante du domaine liant de récepteur situé sur la protéine S et responsable d’un gain d’affinité pour son récepteur ACE2 [4] [5] [6]. Ce domaine de liaison est retrouvé quasiment à l’identique (seulement un acide-aminé différent) chez un coronavirus du pangolin [37] [38], accréditant l’idée que l’évolution du virus au contact du pangolin pourrait avoir favorisé le passage à l’homme, possiblement via la translocation du domaine de liaison [20]. Ce saut inter-espèce se serait produit en Chine, possiblement au marché de Huanan, puisque la majorité des premiers cas de COVID-19 y ont été exposés fin 2019 [39]. Néanmoins, l’analyse phylogénétique de virus isolés en Chine révèle qu’au moins deux souches différentes de SARS-CoV-2 étaient apparues plusieurs mois avant les premiers cas décrits [40].
Transmission
Le SARS-CoV-2 se transmet essentiellement par l’émission de gouttelettes respiratoires. Ces gouttelettes chargées de particules virales pourraient infecter un sujet susceptible soit par contact direct avec une muqueuse (transmission directe) soit par contact avec une surface infectée par les muqueuses nasales, buccales ou conjonctivales (transmission indirecte). Les particules lourdes émisses peuvent être projetées à quelques mètres de distance (1,5 à 2 mètres) mais ne persistent pas dans l’air. C’est de cette constatation qu’a été formulé en partie les mesures barrières à savoir la distanciation sociale préconisée dans la prévention du COVID-19. Bien que le virus puisse survivre au moins trois heures après aérosolisation expérimentale [41], il n’existe à ce jour aucune donnée montrant la transmission par aérosols du SARS-CoV-2. En revanche, le virus peut survivre plusieurs jours sur des surfaces inertes [41]. En dehors des prélèvements respiratoires, l’ARN viral a également été détecté dans les selles [35] et le sang des patients infectés [42] [44] [45] [46]. Si certains virus ont pu être cultivés vivants à partir des selles [44] et que le SARS-CoV-2 est capable d’infecter les entérocytes humains [46], il n’existe pas aujourd’hui de preuve définitive d’une transmission féco-orale significative. De même, malgré l’existence possible d’une virémie, la transmission intra-utérine du virus reste à démontrer à ce jour, bien que quelques cas suspects aient été rapportés [47]. Enfin l’isolement de l’ARN viral dans les urines reste à ce jour très peu décrit [45].
DIAGNOSTIC
Diagnostic positif
Circonstances de découverte
Après une période d’incubation silencieuse de 5 à 6 jours (pouvant aller jusqu’à 14 jours), la forme grave de l’infection à COVID-19 se caractérise principalement par la survenue d’une détresse respiratoire aigüe. Celle-ci est précédée de prodromes à type de syndrome grippal fait d’une fièvre d’apparition aigue supérieure à 39 degrés, parfois accompagnées de frissons, des céphalées, des myalgies, d’une toux (sèche dans la majorité des cas) associée à une sensation de dyspnée, une asthénie physique, une anorexie et des douleurs thoraciques. Ces signes sont souvent associés une anosmie et une agueusie. Ce tableau clinique survient dans la majorité des cas chez des patients porteurs de cormorbidités à savoir :
– Age supérieur à 60 ans
– Antécédents cardiovasculaires : HTA ; AVC ; coronaropathie ; chirurgie cardiaque ; insuffisance cardiaque NYHA 3 ou 4.
– Cardiopathie
– Pathologies respiratoires chroniques (BPCO ; Asthme)
– Diabète et obésité
– Néoplasie
– Grossesse (3ème trimestre)
– Maladie rénale chronique (clairance créatinine inférieure à 60ml/L)
– Immunodépression.
Examen clinique
Le tableau clinique est dominée par un tableau de pneumonie avec une détresse respiratoire.
➤ L’examen général est marqué par une altération de l’état général avec asthénie physique intense. Une fièvre peut être présente mais en général peu marquée. Des sueurs, une tachycardie, une hypertension artérielle systolo-diastolique et une désorientation spacio-temporelle en rapport avec une hypercapnie peuvent être observées.
➤ L’examen physique pleuro-pulmonaire met en évidence un syndrome de condensation pulmonaire
– Une saturation périphérique en oxygène (SpO2) inférieure ou égale à 90%
– Une polypnée avec une fréquence respiratoire supérieure à 30 cycles par minute ou une bradypnée avec une fréquence respiratoire inférieure à 10 cycles par minute voire des pauses respiratoires.
– On peut également observer des signes de luttes avec : un tirage sus claviculaire, un tirage sus sternal ou une respiration abdominale paradoxale avec un balancement thoraco-abdominal.
– L’auscultation pulmonaire met en évidence des râles crépitants le plus souvent bilatéraux dont l’étendue est fonction du degré d’atteinte pulmonaire.
Signes paracliniques
➤ Imagerie thoracique
Compte tenu des délais d’obtention des résultats de la RT-PCR, technique diagnostique de référence, le scanner thoracique joue un rôle pivot dans le triage des patients arrivant aux urgences, permettant de les hospitaliser en services «COVID » ou « non-COVID ». Le scanner initial doit être réalisé sans injection mais une injection est nécessaire en cas de suspicion d’embolie pulmonaire.
L’extension lésionnelle au scanner est corrélée à la sévérité clinique de la maladie. La sensibilité du scanner pour le diagnostic de COVID-19 est supérieure à 90 %, les faux négatifs (scanners normaux alors que la maladie est présente) correspondant généralement à des patients présentant des symptômes depuis moins de 3 jours [75] [76]. La spécificité du scanner est plus variable. Des séries chinoises et italiennes rapportent des valeurs de 25 % et 56 % respectivement [75] [76], mais elle pourrait atteindre 70 % selon d’autres séries encore non publiées.
Présentation scanographique typique
Les anomalies scanographiques les plus caractéristiques de la pneumonie COVID-19 sont des plages de « verre dépoli » (environ 80 % des cas), multifocales, bilatérales, asymétriques. L’atteinte prédomine classiquement dans les régions périphériques, postérieures et basales [76] (Figure 5). Il n’y a généralement pas de syndrome micronodulaire, d’excavation, de lignes septales, ni d’adénomégalies médiastinales. D’autres signes ont été rapportés comme la présence de fines réticulations, d’épaississement péribronchovasculaire, de dilatations vasculaires péri ou intralésionnelles ou de signes de distorsion parenchymateuse [76]. La présentation classique du COVID-19 pourrait être assez proche de celle d’autres pneumopathies virales, mais la topographie périphérique des lésions, la présence de fines réticulations et l’épaississement péribronchovasculaire seraient plus fréquemment retrouvés dans la pneumonie COVID-19.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I- ETHIOPATOGENIE
I-1- Agent pathogène
I-2- Caractéristiques génomiques et structurales
I-2-1- Génome
I-2-2- Structure du virus
I-3- Physiopathologie
I-3-1- Infection cellulaire
I-3-2- Réplication virale
I-3-3- Réponse immunitaire et mécanisme d’évasion immunitaire
I-3-3-1- Réponse antivirale immédiate
I-3-3-2- Évasion virale et échappement au système immunitaire
I-3-3-3 Une réponse immunitaire amplifiée à la seconde phase de l’infection
I-4- Réservoir du virus
I-5- Transmission
II- DIAGNOSTIC
II-1- Diagnostic positif
II-2- Diagnostic étiologique
II-3- Diagnostic de gravité
III- TRAITEMENT
III-1- Curatif
III-1-1- Buts
III-1-2- Moyens
III-1-2-1- Oxygénothérapie
III-1-2-2- Anticoagulation
III-1-2-3- Corticothérapie
III-1-2-4- Nutrition et hydratation
III-1-2-5- Antibiothérapie
III-1-2-6- Les thérapies antivirales (virucides) et adjuvantes
III-1-3- Indications
III-1-3-1- Prise en charge de la forme grave
III-1-3-2- Prise en charge de la forme modérée
III-1-3-3- Prise en charge de la forme légère
III-2- Préventif
III-2-1- Gestes barrières
III-2-2- Equipements de protections individuelles (EPI)
III-2-3- Vaccination
DEUXIEME PARTIE
I- CADRE D’ETUDE ET POPULATION
I.1- Cadre d’étude
I.2- Les locaux
I.3- Le personnel
II- PATIENTS ET METHODES
II-1- Patients
II-1-1- Critères d’inclusion
II-1-2- Critères de non inclusion
II-1-3- Population d’étude
II-2- Méthodologie
II-2-1- Type d’étude
II-2-2- Période d’étude
II-2-3- Données
II-2-3-1- Paramètres étudiés
II-2-3-2- Collecte et analyses des données
II-3- L’éthique
III- RESULTATS
III-1- Données épidémiologiques
III-1-1- L’âge
III-1-2- Le genre
III-1-3- La nationalité
III-1-4- Les comorbidités
III-1-5- Provenance
III-1-6- Délai d’admission en Réanimation
III-1-7- Période d’admission
III-1-8- Transport des malades
III-2- Les données cliniques
III-3- Les données paracliniques
III-3-1- La biologie
III-3-2- L’échographie cardiaque
III-3-3- Tomodensitométrie (TDM) thoracique à l’admission
III-4- Les données thérapeutiques
III-4-1- L’oxygénothérapie
III-4-1-1- Le support ventilatoire
III-4-1-2- La VNI
III-4-1-3- L’intubation oro-trachéale
III-4-2- La corticothérapie
III-4-3- L’antibiothérapie
III-4-4- L’anticoagulation
III-4-5- Hémodialyse
III-5- Les modalités évolutives
IV- DISCUSSION
IV-1- Contraintes et limites de l’étude
IV-2- Les données épidémiologiques
IV-2-1- L’âge
IV-2-2- Le genre
IV-3- Les comorbidités
IV-4- Provenance des malades et délai d’admission en réanimation
IV-5- Etat clinique des malades à l’arrivée en réanimation
IV-6- Bilan biologique à l’admission
IV-7- Tomodensitométrie à l’admission
IV-8- La prise en charge
IV-9- Les complications
IV-10- Le décès
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE