Réplication du génome bactérien

Réplication du génome bactérien

Le cycle de réplication du chromosome bactérien

Chez les eucaryotes comme chez les procaryotes, les cellules grandissent puis se divisent, et donnent des cellules filles capables de faire de même. Il est important de transmettre aux cellules-filles la même information génétique, car si l’une en obtient trop et l’autre trop peu, cela affectera la survie de cette dernière et donc de l’espèce. Chez les eucaryotes, entre deux divisions le cycle cellulaire passe par plusieurs étapes : il y a une phase G1 de « repos » après la division cellulaire précédente, une phase S de réplication pendant laquelle le contenu en ADN de la cellule double, une phase G2 de préparation à la division cellulaire pendant laquelle l’ADN se condense en chromosomes puis la phase de division M. Chez les bactéries les phases sont nommées différemment : I ou B pour la phase G1, C pour la phase S et D pour les phases G2 et M. Toutes les cellules passent par ces quatre (ou trois pour les procaryotes) étapes différentes du cycle cellulaire, dans cet ordre. Le cycle chromosomique est cependant différent entre les deux domaines du vivant. Les chromosomes eucaryotes suivent un cycle de réplication-condensation-ségrégation (division cellulaire)-décondensation, dans cet ordre et une seule fois par cycle cellulaire. Or il est devenu très clair que contrairement aux étapes strictement consécutives des  chromosomes eucaryotes, les chromosomes procaryotes ont un cycle pendant lequel toutes ces étapes se déroulent en même temps. En effet, les bactéries font une ségrégation progressive de leur chromosome, au fur et à mesure de la réplication, et ces deux étapes du cycle chromosomique se font à la même vitesse. Les cellules eucaryotes ont des « checkpoints » pendant le cycle cellulaire afin de vérifier que le cycle chromosomique est coordonné, ceci pour éviter une mauvaise répartition de l’information génétique. Nous verrons que le cycle cellulaire et le cycle chromosomique chez les bactéries sont coordonnés également.

La réplication multiple

Alors que la réplication des chromosomes eucaryotes est initiée à plusieurs origines en même temps, chez les bactéries il n’y a qu’une seule origine de réplication par chromosome. Celle-ci initie un seul oeil de réplication qui est responsable de la réplication de tout le chromosome. Néanmoins, dans les meilleures conditions de croissance, E. coli, la bactérie la plus étudiée, est capable de se diviser toutes les 20 minutes environ, alors que le temps nécessaire pour répliquer son chromosome en entier est d’environ 40 minutes [Bremer & Dennis 1987]. Pour surmonter ce retard, E. coli est capable d’initier une nouvelle réplication à partir de la même origine, en parallèle de la première, c’est l’over-réplication ou la réplication en multi-fourche (voir figure 1.1, p.3). De fait, les cellules d’E. coli capables de se multiplier le plus vite peuvent avoir de 8 à 16 Origines de réplication à la fois, ce qui veut dire qu’elles peuvent avoir jusqu’à 4 cycles chromosomiques se chevauchant [Morigen et al. 2009]. D’autres bactéries sont capables de se diviser plus vite qu’il ne leur faut de temps pour répliquer leur chromosome, on peut citer entre autre B. subtilis [Quinn & Sueoka 1970] et V. cholerae [Stokke et al. 2011].

Découplage du cycle chromosomique et du cycle de division Une des explications quant à la sélection de cette capacité à initier plusieurs cycles de réplication est peut être la possibilité ainsi donnée aux bactéries de déconnecter temporairement le cycle chromosomique du cycle cellulaire. Ainsi si la division cellulaire est bloquée pour une quelconque raison, les bactéries continuent de croitre sans pouvoir se diviser et deviennent filamenteuses. L’over-réplication permet aux bactéries de remplir ces cellules filamenteuses avec des nucléoides complets comme observé chez E. coli [Visvalingam et al. 2012], [Tanaka et al. 1976]. Une fois que la division cellulaire est débloquée ou devient avantageuse, les cellules filamenteuses contenant plusieurs nucléoides pourront se diviser en cellules individuelles avec un seul nucléoide. Le dosage des gènes Quand le temps nécessaire pour répliquer le chromosome est plus long que le temps de division, le dosage des gènes près de l’Origine augmente de façon exponentielle avec le nombre de réplications multiples lancées en parallèle. Les bactéries capables de se multiplier rapidement, comme E. coli et B. subtilis, grâce à des cycles de réplication simultanés, accumulent et sélectionnent des gènes hautement exprimés près de l’Origine de réplication à cause de cet effet. Des bactéries ayant un temps de réplication largement suffisant pour répliquer leur chromosome, comme C. crescentus qui a un temps de multiplication de 90 min. n’ont pas ce biais dans la distribution des gènes hautement exprimés sur le chromosome. Alors que les effets du dosage des gènes n’ont été que rarement étudiés, ils ont été souvent invoqués pour expliquer les effets délétères des réarrangements du chromosome [Liu & Sanderson 1996], [Roth et al. 1996]. En effet, des inversions expérimentales sur le chromosome d’E. coli modifiant la distance de certains gènes à l’Origine, ont provoqué un ralentissement de la vitesse de croissance [Louarn et al. 1985].

La réplication est à la base de l’organisation du génome bactérien

La plupart des bactéries étudiées possèdent un unique chromosome circulaire. La réplication commence à l’Origine, et les deux fourches de réplications se déplacent le long des bras du chromosome, les réplichores. Chacune réplique les deux brins d’ADN. La vitesse à laquelle ces fourches progressent varie énormément d’une espèce à l’autre : elle est de 1000 nucléotides à la seconde chez E. coli alors qu’elle n’est que de 100 nucléotides à la seconde chez Mycoplasma capricolum. Les fourches de réplications s’arrêtent lorsqu’elles entrent en collision à l’opposé de l’origine sur le chromosome, au Terminus. Chez E. coli, des séquences ter auxquelles se fixent les protéines Tus permettent d’empêcher les fourches de réplication de passer le terminus et de commencer à répliquer l’autre réplichore [Bussiere & Bastia 1999]. Le système d’arrêt des fourches varie entre les bactéries, et la délétion des sites ter n’est pas létale chez B. subtilis [Iisma & Wake 1987] ou chez E. coli [Henson & Kuempel 1985].

La fourche de réplication L’élongation des brins d’ADN nouvellement synthétisés implique le déplacement des fourches de réplication le long du chromosome. Le complexe de polymérisation est composé de plusieurs enzymes [Glover & McHenry 2001] : on trouve entre autres une hélicase qui déroule le chromosome (DnaB chez E. coli) et des ADN-polymérases qui répliquent chacune un brin d’ADN. Les ADN polymérases sont constituées de la sous unité α (pour l’activité de polymérase), de la sous unité θ (qui vérifie l’activité d’exonucléase 3’→5’), et la sous unité τ qui permet à l’ADN polymérase de dimériser [Marians 1992]. Parce que l’ADN (de part sa composition et sa conformation) est orienté et que la polymérisation se fait dans le sens 5’→3’, un brin est synthétisé de façon continue, c’est le brin « direct » ou « leading strand », et l’autre brin est synthétisé en plusieurs étapes grâce à l’utilisation de fragments d’Okazaki, c’est le brin « retardé » ou « lagging strand ». L’ADN polymérase commence la synthèse de ces fragments d’Okazaki (qui font une taille entre 1000 et 2000 nucléotides chez E.coli) à partir d’amorces d’ARN synthétisées par l’ARN polymérase [Kitani et al. 1985]. Les amorces seront enlevées par une RNase et les espaces laissés seront complétés par des ADN polymérases dédiées .

Un biais dans la composition des deux brins La réplication du chromosome se fait fréquemment à des moments où la transcription est forte, des collisions entre l’ADN polymérase et l’ARN polymérase sont donc inévitables. Parce que les deux polymérases progressent dans le sens 5’→3’, si la transcription se fait sur le brin lagging, la collision est inévitable. Si la transcription se fait sur le brin leading, il y a collision dans 95% des cas, car l’ADN polymérase est 20 fois plus rapide que l’ARN polymérase. Dans le premier cas on parle de collision frontale, dans le second de collision coorientée. Ceci provoque une asymétrie entre les deux brins et la probabilité de collision (et sa résolution !) dépend donc de la direction de la transcription : des études chez E. coli [French 1992] et Saccharomyces cerevisiae [Deshpande & Newlon 1996] ont montré que seules les collisions frontales affectent de façon significative la progression de la fourche de réplication. Ainsi, la probabilité des collisions a mené au fil de l’évolution à une pression sélective vers le codage des gènes les plus fréquemment transcrits sur le brin leading. Ceci apporte plusieurs avantages : (1) une réplication de l’ADN plus rapide (2) moins de perte de transcription (3) une diminution du nombre d’arrêts de la fourche de réplication, qui sont dangereux pour la cellule [Kuzminov 2011]. D’ailleurs, des gènes hautement exprimés en relation avec la transcription comme par exemple les ARN ribosomaux (ARNr) ou les gènes codant pour les protéines ribosomales ont systématiquement été trouvés sur le brin leading des génomes [Zeigler & Dean 1990], [Blattner et al. 1997], [Rocha 2002]. De la même façon, les gènes essentiels sont plus fréquemment sur le brin leading, car l’arrêt de la transcription dû à une collision frontale pourrait produire des protéines tronquées, ce qui serait particulièrement délétère pour les cellules [Tao et al. 1999]. Cette organisation participe probablement à obliger les fourches de réplication à s’arrêter une fois arrivées au terminus : si elles continuent à répliquer le chromosome après l’avoir passé, les gènes ne sont plus dans la bonne orientation et les collisions frontales avec l’ARN polymérase deviennent très fréquentes, finissant par provoquer l’arrêt de la fourche [Rudolph et al. 2013]. Ceci est visible sur des données d’analyse de fréquence de marqueurs à haut débit, où dans une souche sauvage l’arrêt de la réplication au site dif est net [Rudolph et al. 2013]. Mais l’insertion de mutations ∆tus (qui élimine les barrières Tuster ) et rpoB*35 (qui déstabilise le complexe de transcription) montre une région de terminaison plus large. Ces mutations montrent que les deux systèmes fonctionnent de concert pour assurer un arrêt de la réplication à un endroit précis [Rudolph et al. 2013]. Ainsi, parmi les contraintes imposées par la réplication sur la distribution des gènes sur le chromosome bactérien, l’expression joue un rôle dans la distribution des gènes en fonction de leur distance à l’Origine, alors que le caractère essentiel des gènes joue un rôle dans leur répartition sur un brin d’ADN ou l’autre. Plusieurs études ont cherché à comprendre le biais qu’on peut trouver dans la composition en nucléotides des deux brins : en effet, le brin leading est plus riche en G qu’en C et (à un degré moins élevé) plus riche en T qu’en A [Lobry 1996], [Francino & Ochman 1997], [Karlin 1999]. D’ailleurs, calculer le biais en GC (en calculant (G-C)/(G+C) dans des fenêtres glissantes) est devenu une des méthodes standard pour identifier l’Origine et le Terminus de réplication dans beaucoup de bactéries [Grigoriev 1998]. La source majeure de cette asymétrie est à trouver dans les propriétés fondamentales de l’ADN, telles que sa stabilité chimique par exemple. L’hypothèse la plus probable est celle de l’instabilité de la cytosine [Frank & Lobry 1999]. Comparée à un ADN double brin, dans un ADN simple brin la déamination de la cytosine est 140 fois plus fréquente. Le brin lagging étant le plus exposé en simple brin, des mutations C→T peuvent provoquer un biais en GC et en TA.

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Table des matières

1 Introduction : Une information génétique organisée et structurée chez les bactéries
1.1 Réplication du génome bactérien
1.1.1 Le cycle de réplication du chromosome bactérien
1.1.2 La réplication multiple
1.1.3 La réplication est à la base de l’organisation du génome bactérien
1.1.4 L’orientation de certains motifs d’ADN facilite la ségrégation ou la réparation des chromosomes
1.1.5 Coordination entre réplication et ségrégation
1.1.6 Coordination entre réplication, ségrégation et division
1.2 Structure des chromosomes bactériens
1.2.1 Compaction du nucléoide bactérien
1.2.2 Les macrodomaines
1.3 Différents modèles et mécanismes de ségrégation des chromosomes
1.3.1 Différentes techniques d’études
1.3.2 Différents modèles bactériens d’organisation spatiale du chromosome
1.3.3 Les mécanismes de ségrégation des chromosomes
1.4 Les bactéries possédant plusieurs chromosomes
1.4.1 Plusieurs chromosomes, un intérêt d’étude
1.4.2 Vibrio cholerae comme modèle de cette étude
1.4.3 Un modèle abordable
1.4.4 les Vibrionaceae, un intérêt médical et environnemental
2 L’impact des sites parSI et oriCI sur l’organisation du chromosome
2.1 Introduction
2.2 The two cis-acting sites, parS1 and oriC1, contribute to the longitudinal organisation of Vibrio cholerae chromosome I
2.2.1 Abstract
2.2.2 Introduction
2.2.3 Results
2.2.4 Discussion
2.2.5 Material and Methods
2.2.6 Acknowledgments
2.2.7 References
2.2.8 Figures
2.2.9 Supplementary Materials, TextS1
2.2.10 Supplementary References
2.2.11 Supplementary Tables
2.2.12 Supplementary Figures
2.3 Discussion
3 Les régions terminales soeurs du chromosome II de Vibrio cholerae entrent en contact durant la division
3.1 Introduction
3.2 Vibrio cholerae chromosome II sister terminus regions contact each other during cell division
3.2.1 Abstract
3.2.2 Introduction
3.2.3 Results and discussion
3.2.4 Material and methods
3.2.5 Acknowledgments
3.2.6 References
3.2.7 Figures
3.2.8 Supplementary Materials
3.2.9 Supplementary Tables
3.2.10 Supplementary References
3.2.11 Supplementary Figures
3.3 Discussion
4 Films de croissance
4.1 Contraintes techniques
4.2 Analyse d’un film de croissance
4.3 Analyse des timelapses dans le futur
5 Conclusion

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