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L’indépendante cheikha
La cheikha est présente physiquement dans les lieux publics qui pourtant, comme les affaires publiques, sont monopolisés par l’homme. Dans la société marocaine, l’homme est toujours intermédiaire de la femme contrairement à la cheikha qui se prend en main tant bien économiquement qu’au niveau social. Ainsi, elles n’ont pas peur de fréquenter les milieux masculins les plus fermés, d’être en contact avec les hommes et même de commercer avec eux. Effectivement, l’argent est prédominant dans la fonction de cheikha, et loin d’être un tabou, il est exhibé en étant accroché à sa poitrine ou à sa ceinture. L’action du spectateur d’accrocher un billet à la cheikha est ce que l’on appelle lghrama. Sujet de consommation et actrice du jeu politique, la cheikha montre sa valeur en exposant l’argent qui lui est donné. Une pratique que l’on retrouve chez les danseuses de danse orientale aussi.
A travers ses paroles, l’Aïta permet à la parole féminine, qui est tout autant soumise aux convenances que le corps féminin, de se faire entendre même si elle est considérée comme source de danger.
Grâce à l’Aïta, la cheikha réussit à rompre les rapports aux espaces de parole conventionnellement établis, donne à la vie et aux peines un espace pour être exprimés même si la parole du monde public est, comme les affaires publiques, réservée aux hommes car ils en sont les acteurs.et crée un lien concret entre le monde masculin et féminin.
En fait, la cheikha assume une fonction carnavalesque. Elle incarne une certaine idée de la fête et de la délivrance. Le rôle des masques de carnaval est d’éviter aux personnes d’êtres stigmatisées par les débordements auxquels ils se livrent. La différence entre le carnaval et le spectacle de cheikhats est donc dans la personnification de la transgression.
Qu’il s’agisse de faire référence à ses qualités professionnelles ou à son histoire personnelle. La transgression est alors vue comme un acte de résistance et considérée comme une volonté d’affirmation et de revendication dans une perspective libertaire ou féministe. Ce discours s’appuie sur le choix assumé par certaines de mener cette vie. Il s’agit d’une volonté d’émancipation dont les contreparties négatives sont souvent passées sous silence ou dédramatisées. Ce qui prime c’est le courage de ces femmes : celui d’avoir fait ce choix de vie et de l’assumer, celui d’avoir inversé les rôles de l’ordre établi (Soum-Pouyalet 2013).
Les cheikhat d’antan, par leur utilisation de l’arabe dialectal marocain, par le fait de traiter de sujets tabous et de se mettre en avant devant un public tout aussi bien masculin que féminin ont fait qu’elles ont partagé entre elles et avec leur public dans un espace où la musique est centrale des rapports symboliques qui crée l’identité. Aujourd’hui, Kabareh Cheikhats reprennent ces mêmes principes en réunissant un public dans un espace clos où la musique est centrale, ils les rattachent à l’histoire de leur pays par le chant et le langage pour en faire une force et une identité.
Kabareh Cheikhats transportent le chant de l’Aïta, un répertoire ancien, rural, portant un message, dans un milieu urbain et moderne. Ils ravivent la mémoire de chants rejetés et dénigrés. Ils chantent un passé commun et une identité partagée. C’est le cas par exemple pour « نﺎﻌﺠﺸﻟا ةﺪﯿﺼﻗ » qui signifie « la poésie des courageux » une Aïta enregistrée par Pathé25 chantée et expliqué à tous les spectacles, qui raconte la résistance réussie des tribus de Tadla et ses environs contre l’occupant français en 1907. A l’unanimité, tous les membres de Kabareh Cheikhats m’ont confié apprécier particulièrement de chanter cette chanson. Le sentiment sur scène est fort : ils comprennent et ressentent les paroles. Ils font ainsi de l’Aïta une source documentaire, une fonction d’éducation et un instrument de cohésion sociale et de sociabilité. Pour ce qui est du choix du personnage, l’élément de transgression mis en avant entraîne une inversion des rôles, faisant de la cheikha une féministe de son époque et de Kabareh Cheikhats des féministes de la leur par le fait de jouer « un rôle conjuratoire des peurs masculines en gommant la distance des hommes d’avec le féminin, cet inconnu » (Soum-Pouyalet 2013).
Les enregistrements « sauvetage »
Pour retrouver cet ancien répertoire et le remettre au goût du jour, Kabareh Cheikhats effectuent leurs recherches sur la plateforme Gallica. Les Archives de la Parole ont été fondées par l’historien de la langue française Ferdinand Brunot en 1911 et ont pu voir le jour grâce aux généreux dons d’Emile Pathé, l’un des deux frères de la société Pathé Frères, celui qui s’occupait de la banche phonographique. Jusqu’en 1930, Pathé offre aux Archives de la Parole « un laboratoire d’enregistrement, équipé de phonographes, des cires vierges pour les enregistrements, des techniciens de la firme mis à disposition des Archives, le pressage et la gravure dans l’usine Pathé de Chatou des disques produits par les Archives de la Parole, etc. On compte également un nombre important de disques du catalogue commercial, et plus particulièrement des catalogues étrangers » (Ouijjani 2012). Plusieurs dons de disques ont été fait régulièrement aux Archives de la Parole et plusieurs de ces dons relèvent d’une extrême rareté aujourd’hui puisqu’ils n’ont jamais été réédités ou qu’il n’en existe pas d’autres exemplaires dans le monde. C’est le cas de « 620 enregistrements maghrébins, orientaux et turcs » (Ouijjani 2012).
Les disques produits par les Archives de la Parole et par le Musée de la Parole et du Geste, comme les disques Pathé donnés à ces institutions, ont intégré la Phonothèque nationale à partir de 1938, et sont aujourd’hui conservés par le département de l’Audiovisuel de la BnF, successeur de la Phonothèque nationale. L’ensemble de ces fonds est progressivement diffusé en ligne dans Gallica.
« Avec 434 disques, auxquels il convient d’extraire 50 disques en double ou triple exemplaires, les disques marocains représentent la composante la plus importante du fonds en terme numérique » (Ouijjani 2012). Comme le Maroc était sous le protectorat français et espagnol, son contexte politique le distingue de l’Algérie et la Tunisie et fait de lui un pays négligé des compagnies de disques mais cela étant, et comme nous l’apprend Bernard Moussali, à partir de 1912 et jusque dans les années 1950, le Maroc fut « la chasse gardée de la société Pathé » qui se consacra quasi exclusivement au développement du marché local « Les morceaux marocains du fonds, interprétés dans près de quatre langues (chleuh, hébreu, espagnol et arabe dialectal), ont été exécutés par une soixante d’artistes, toute configuration confondue, allant du soliste accompagné de ses musiciens aux différents groupes. Comme nous le fait justement remarquer Christian Poché, « la titulature musicale des artistes était complexe », les titres de mahlem, mahlema, mahlemines (mot décliné au masculin, féminin et au pluriel) que l’on observe sur les disques, signifient « professeur ou encore maître ». Ils renvoyaient aux musiciens profanes savants, musulmans ou juifs. Le titre de cheikh qui pourrait se traduire par le « sage », apparaît également sur les disques, sa déclinaison au féminin cheikha, renvoyait aux « chanteuses légères », tandis que le titre de raïs concernait les artistes berbères » (Ouijjani 2012).
Outre la musique, on note que les disques marocains contiennent des enregistrements parlés, renfermant des sketchs humoristiques et d’un registre de langue très familier. Les thèmes choisit puisent leurs sources dans le quotidien. On peut ainsi distinguer les sketchs ayant pour thème une dispute ou un quiproquo, des thèmes anecdotiques, moralisateurs ou encore, à caractère religieux. Bouchaib El Bidaoui va reprendre la relève de ces sketchs et les adapter à sa vision des choses. Lui et sa troupe vont commencer à se déguiser en femmes sur scène.
DES HOMMES HABILLES EN FEMMES : SE JOUER DES CATEGORIES RIGIDES :
Sur les traces de Bouchaib El Bidaoui et son personnage « la casablancaise » Kabareh Cheikhats ont fait du costume leur atout principal en s’appropriant un vêtement appartenant au sexe opposé. L’étape de la transformation se révèle être la plus importante pour la concrétisation du spectacle. Les membres de la troupe ne laissent rien au hasard et font appel à leur entourage pour les aider. La pièce maîtresse du déguisement est le caftan, la tenue que porte habituellement la cheikha. Pour se la procurer, chaque membre de Kabareh Cheikhats a eu un recours particulier.
Le choix d’incarner une cheikha :
De la même manière que l’évolution de leur maquillage, il est clair qu’à leur début, la transformation passait principalement par l’aspect physique, de manière très accentuée. Aujourd’hui, leur choix de s’habiller en femme et mieux assumé. Le personnage de chacun a pu prendre forme et a été dompté. Ainsi Kabareh Cheikhats réussissent à susciter un effet de choc au niveau visuel mais de façon différente. Ce n’est plus un visage sans barbe, un teint blanc, des joues rouges et des lèvres rouges qui vont faire intégrer l’idée de la femme chez le public. Ici le déguisement agit comme un élément déclencheur pour l’acteur, afin que le personnage puisse ressortir. Il n’est plus question de ressembler à une femme mais d’en être une. C’est aussi pour le spectacle de Kabareh Cheikhats une manière d’amuser le public en s’amusant du stéréotype et du poids que les conventions font porter à la société. Comme « chez Marivaux, le travestissement se fait « outil de connaissance » du masculin et du féminin tel qu’inscrits socialement, voire économiquement : « Consciemment ou inconsciemment le dramaturge agence, en effet, les discours sur le sexe et les discours sexuels, les corps sexués et les corps érotiques de sorte qu’il soit toujours tenu compte des positions sociales des acteurs et qu’aucun caractère, aucun désir, masculin ou féminin, ne soit abusivement « naturalisé » ou « essentialisé » » (Bernard 2013).
Ajouté à cela, ils jouent la cheikha qui, par son chant, se trouve dans la liminalité. Sujette, dans les relations sociales, à une mise à l’écart et un rejet, la cheikha flotte entre les interstices de la structure sociale. Victor Turner un anthropologue américain, dans son ouvrage Le phénomène rituel, structure et contre-structure a repris les travaux de Van Gennep dans Les rites de passages, et propose le concept de liminalité. Il le tire du nom latin de limen, signifiant le seuil. La liminalité recouvre donc toutes les situations dans lesquelles les personnes ne sont ni ici ni là, mais dans une sorte d’entre deux, métaphoriquement sur le seuil de la maison, ni dehors mais pas encore dedans.
« Chaque séquence de passage se caractérise par une succession de trois stades, la séparation, le seuil et l’agrégation ; à chaque stade correspondent des rites particuliers qui permettent le changement de statut de l’individu. La phase de seuil caractérise le moment où l’individu a perdu un premier statut et n’a pas encore acquis le second. Cette situation liminaire est une condition essentielle et nécessaire du passage car, en annulant les marques d’un statut antérieur, elle rend possible l’acquisition de l’autre statut. L’individu se trouve alors dans une situation spéciale pendant un temps plus ou moins long : il flotte entre deux mondes. C’est cette marginalité que recouvre le concept de liminalité. » (Calvez 1994).
Par son art, la cheikha a perdu sa condition sociale sans pour autant en gagner une autre, stable et reconnue. En jouant la femme cheikha, Kabareh Cheikhats devient le moyen par lequel elle peut enfin arriver à la phase post-liminaire : l’agrégation. Leurs spectacles vont devenir « les rites de passage [qui] font succéder des séquences de séparation, de marge et d’agrégation au terme desquelles on accède à un statut qualitativement voire ontologiquement différent du précédent » (Dartiguenave 2012).
Perceptions internes et externes du spectacle
Lors de la conférence « Rencontre du Moi – « genres et stéréotypes » » les invités étaient :
• Hassan Ennaji professeur en sociologie à l’Université Mohamed V de Rabat.
• Sonia Terrab journaliste, romancière et réalisatrice de la série web Marrokiates27 mais surtout du documentaire « Shakespeare à Casablanca » avec la troupe du JAA.
• Ghassan et Amine comme représentants de Kabareh Cheikhats.
Ghassan reprend la modératrice qui utilise le mot « caricature » pour définir leur travail, en argumentant que « ce n’est pas une caricature de la femme ou de la cheikha qu’on fait. C’est plutôt une représentation. ». Dans le dictionnaire Larousse, la définition donnée au mot caricature est la suivante : « Représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par l’exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, dans une intention satirique ». L’intention même de la caricature est en contradiction avec ce que cherche à apporter le spectacle de Kabareh Cheikhats. Le but n’est pas de faire une représentation exagérée et amplifiée de la cheikha pour une critique moqueuse du chant de l’aïta.
Ce choix d’incarner une cheikha, une femme, tout en refusant de la caricaturer, l’objectif de défendre un art musical – l’Aïta – qui a permis à la femme de libérer sa parole et de s’exprimer dans une société patriarcale, en plus du fait d’intégrer des citations de personnages emblématiques du féminisme dans leur spectacle telle que Simone De Beauvoir citée en français « on ne nait pas femme, on le devient » et traduite en arabe dialectal marocain
« makantzadouch mra, kan welliw mra » a fait qu’un certain groupe de leur public interprète cela comme une forme d’engagement féministe. L’Aïta devient ainsi une source de pouvoir militant pour celui qui la chante. « Leur partition, qui se veut féministe, résonne avec l’actualité marocaine et le mouvement de dénonciation des violences sexuelles #MeToo qui s’est exprimé
dans le monde de la musique autour de l’affaire Saad Lamjarred28 » un célèbre chanteur marocain accusé de viol au Etats-Unis et d’agression sexuelle avec violence en France. En se retrouvant dans le spectacle, le public se l’approprie créant ainsi un sentiment d’appartenance.
LES METAMORPHOSES PENDANT L’AÏTA :
Permettant aux femmes de s’exprimer librement et de rendre visible et d’affirmer cette identité au sein de l’espace social, l’Aïta devient un vecteur identitaire fondamental. Hier comme aujourd’hui l’Aïta s’adapte à la société et évolue au fur et mesure des changements sociétaux. Aujourd’hui, Kabareh Cheikhats reprennent ce registre presque oublié pour le remettre à la lumière du jour et le transmettre. Dans les sociétés à tradition orale, pour sauvegarder l’identité, la « mimesis la plus absolue » est prônée, c’est-à-dire une reproduction à l’identique (Derive 2009). En gardant les mêmes rythmes, le même texte et les mêmes expressions, ce n’est pas qu’un simple apport esthétique qui est gardé mais c’est un « moyen mnémotechnique » (Calvet 1984) qui va permettre de faciliter la mémorisation et du coup la transmission. Kabareh Cheikhats font ça en gardant les textes de Aïta tels quels et en ne chantant que les chansons originales même si certaines ont été reprises.
En plus de cela, s’ajoutent bon nombre d’autres moyens mnémotechniques dont le rapport à l’œuvre. Ce moyen est celui qui est le plus fortement utilisé par Kabareh Cheikhats. Leur amour pour le chant de l’Aïta a été leur première motivation pour la création de ce spectacle. C’est un sentiment qu’il essaye de faire passer à tous les spectateurs à travers leur choix de répertoire pour que le spectateur puisse se rapprocher du chant et s’y identifier, que ce soit par rapport à un thème chanté ou un personnage joué.
Même si la mimesis est l’idéal recherché, la diversité est tolérée. Certains éléments doivent rester immuables comme le contenu, la forme, la vocalisation et l’être contextuel ou structurel (Calvet 1984). La touche d’« improvisation » ou d’originalité qu’apporte Kabareh Cheikhats serait le lien qu’ils arrivent à créer entre les sujets de la société marocaine actuelle et celle d’antan, c’est ces discours de Simone De Beauvoir qui ressortent de la bouche d’une cheikha, c’est les récits historiques des chants de Aïta qu’ils dépoussièrent. Toutefois, de par leur position, ils deviennent garants d’une histoire et d’une mémoire mais aussi responsables de la transmission de certaines valeurs et fidèles à la tradition. La parole de Kabareh Cheikhats est alors régulée par des principes d’organisation culturelle et sociale.
La relation qu’entretiennent Kabareh Cheikhats avec le public est très importante. Vis-à-vis de ce dernier, Kabareh Cheikhats ont beaucoup d’éléments à respecter. Pour mener à bien leur
« mission ». Kabareh Cheikhats ont décidé d’incarner l’emblème même de l’Aïta : la cheikha. Pour que la prestation soit la plus complète possible, les membres de la troupe vont chercher au plus profond d’eux même et ailleurs afin d’arriver à se métamorphoser en cheikha.
Selon Brunel, la métamorphose combine donc l’identité et l’altérité. Les êtres se transforment parce qu’ils veulent être autre chose ou parce qu’ils s’imaginent qu’ils sont autre chose. Dans ce processus de transformation, la réalité du corps s’associe à l’imaginaire. C’est aussi la raison pour laquelle ce terme est particulièrement intéressant par rapport à l’expérience vécue par les comédiens de Kabareh Cheikhats.
A travers l’Aïta, ils vont pouvoir vivre des métamorphoses impliquant des changements de personnalités et de comportements mais aussi des changements physiques par leur travestissement. Le travestissement est le moyen d’acquérir l’identité que l’on souhaite et cette possibilité de devenir ce que l’on veut peut induire à des remises en question par rapport à son identité propre. A travers cette pratique et lorsqu’elle est maîtrisée, l’individu peut changer de caractère et d’identité.
L’identité personnelle ne semble plus avoir lieu d’être, car elle peut être dissimulée, manipulée, changée à volonté. Un individu peut donc ainsi réunir en une seule personne une, deux, voire trois identités distinctes en en développant de nouvelles ou en exposant différentes facettes de sa personnalité.
A travers le déguisement, il va ainsi être possible d’exposer le profond intérieur de la personne, d’adopter un caractère ou des valeurs que l’individu n’adopte pas dans la vie de tous les jours. Comme il donne aussi l’occasion de se délivrer totalement de soi pour incarner un individu différent et représenter une rupture avec le « soi ».
Ajouté à cela, le travestissement peut aussi avoir des répercussions sur la place de l’individu en société et son statut en bien comme en mal.
A travers toutes ces possibilités offertes par le travestissement, le déguisement semble représenter un « autre soi », un complément d’identité pour la personne qui souhaite l’utiliser.
Au Maroc, où la religion d’Etat est l’Islam, le travestissement est mal perçu, dans un premier temps, religieusement. Mais en plus de cela, il l’est aussi culturellement et particulièrement lorsque c’est un homme qui s’habille en femme. Une telle action est perçue comme un rabaissement de l’homme, un manque de roujoula qui se traduirait par « masculinité » dont la principale caractéristique serait la virilité. Ainsi, le choix de Kabareh Cheikhats de, non pas jouer la cheikha, mais se métamorphoser en elle est une transgression à la culture de la société marocaine qui est pourtant acceptée.
L’acceptation même de cette transgression réside dans la métamorphose. Les membres de Kabareh Cheikhats choisissent la personnalité de la cheikha qu’ils veulent laisser les guider. Ils l’adaptent à un registre connu de la possession au Maroc pour rapprocher le personnage du spectateur. Mais pour ne pas tomber dans la confusion du personnage avec le comédien, Kabareh Cheikhats ont su faire garder une distance entre leurs personnages et le spectateur. Pour cela, ils ont cherché à laisser au spectateur un œil critique au spectacle et un discernement continu entre le réel et le jeu du réel.
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Table des matières
Partie 1 : l’Aïta comme ressource de soi ?
Chapitre 1 : Le chant, la cheikha : une place sociale qui évolue
Origine de l’Aïta
Polysémie du mot « cheikha »
Les sujets de l’Aïta
L’indépendante cheikha
Les enregistrements « sauvetage »
Chapitre 2 : Des hommes habillés en femmes : se jouer des catégories rigides
Le rôle du déguisement
Le choix d’incarner une cheikha
Perceptions internes et externes du spectacle
La mise en énigme
Partie 2 : les métamorphoses lors de l’Aïta
Chapitre 1 : choisir et incarner sa cheikha
Avoir sa cheikha
Jouer sur les actions de Kabareh Cheikhats
Répercussion sur le comportement de Kabareh Cheikhats
L’aita : l’élément déclencheur
Une cheikha perdue
Chapitre 2 : Rupture avec le personnage, retour à soi
Préparation à la sortie du personnage
Sortie totale du personnage
Conclusion
Bibliographie
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