Contexte
Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental fréquent caractérisé par des symptômes inattentifs, hyperactifs et / ou impulsifs entraînant des difficultés dans plusieurs domaines de la vie quotidienne : vie familiale, amoureuse, sociale, professionnelle. Des études longitudinales montrent que les symptômes à l’âge adulte peuvent persister dans plus de 50 % des cas (1) (2). Le TDAH de l’adulte est une entité validée et reconnue depuis plusieurs années. Plusieurs arguments participent à la validité du TDAH chez l’adulte comme la description des symptômes chez l’adulte, les comorbidités psychiatriques, le retentissement dans la vie quotidienne, l’histoire familiale du trouble, la réponse au traitement. Une étude menée en Suède a rapporté une réduction de 32% de la criminalité chez les patients TDAH lorsqu’ils recevaient un traitement médicamenteux comparé aux périodes pendant lesquelles ils n’en recevaient pas (3). Les mécanismes étiologiques du trouble ne sont pas encore entièrement compris, mais sont probablement multifactoriels et hétérogènes, avec de nombreux facteurs de risque, notamment environnementaux, prénataux et périnataux entres autres. Une forte composante génétique est également impliquée dans le TDAH, avec une héritabilité estimée de 70 à 80% trouvée dans une étude sur des jumeaux (4) (5). L’intégration récente du TDAH dans les troubles neurodéveloppementaux dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition (DSM-V) témoigne des travaux de ces dernières années montrant l’implication d’anomalies du réseau neuronal.
Place de la psychiatrie en médecine générale
La France est le pays où l’adressage du médecin traitant au psychiatre est le plus faible selon l’étude ESEMED menée en population générale dans 6 pays européens (7). Elle est le pays le moins bien classé en Europe en matière de santé mentale positive (9e rang sur 11 pays européens) alors que le taux de détresse psychique y est élevé (3e rang sur 11) et le taux de suicide et d’idées suicidaires est parmi les plus élevés d’Europe. Les médecins généralistes restent le premier recours pour des problèmes en lien avec la santé mentale. Ils garantissent des soins rapides devant une pathologie mentale avérée, ce d’autant que l’accès à une consultation libérale ou en CMP demande un délai d’attente (8). 15 à 40% des personnes vues par le médecin généraliste présentent un trouble mental avéré ou une souffrance psychique isolée ou associée à un trouble somatique (9), et 75% des prescriptions d’antidépresseurs et d’anxiolytiques sont faites par les médecins généralistes (10) ainsi que 90 % des prescriptions d’antidépresseurs en première intention.
DEFINITION
Symptômes cardinaux
Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental qui implique classiquement une triade de symptômes : inattention, impulsivité, hyperactivité. L’inattention prédomine chez l’adulte. Elle et indispensable pour poser le diagnostic. Elle se caractérise par une distractibilité, des « fautes d’inattention », des oublis fréquents, une procrastination. Ces éléments retentissent dans la vie personnelle et professionnelle. Le patient TDAH va par exemple s’investir avec enthousiasme dans un projet professionnel, mais la réalisation de tâches complexes nécessitant une attention soutenue est difficile. Il va plus vite se désintéresser, s’ennuyer, particulièrement devant des tâches répétitives et monotones. En revanche, les tâches « intéressantes » sont moins impactées, et le patient TDAH peut y passer plusieurs heures consécutives. Il a également plus de difficultés pour la lecture, celle-ci nécessitant une attention soutenue, l’obligeant à lire et relire régulièrement les mêmes pages. L’impulsivité et l’hyperactivité sont présentes à la fois sur le plan mental et le plan moteur.L’impulsivité va se caractériser au travers de situations de la vie quotidienne qui paraissent insupportables comme : une file d’attente, des ralentissements / bouchons de la circulation. Elle se voit également dans la prise de décision, qui peut se traduire sous la forme d’achats compulsifs, et de changement de métier, ou de relation affective. L’hyperactivité se caractérise typiquement par l’absence de repos des mains ou des pieds. Elle se voit également dans le choix et le nombre d’activités non sédentaires, personnelles ou professionnelles. La symptomatologie « motrice » est plus bruyante chez l’enfant. Chez l’adulte l’hyperactivité persiste le plus souvent sous des formes différentes, «intériorisées ». Le patient décrit des pensées continues, l’empêchant de mettre son esprit au repos.
Le DSM considère comme symptômes cardinaux seulement 2 dimensions : inattention et hyperactivité/impulsivité. La dimension émotionnelle est présente mais seulement dans les symptômes associés. Le terme de dysrégulation émotionnelle correspond également selon les auteurs aux termes : labilité émotionnelle (emotional lability), impulsivité émotionnelle (emotional impulsiveness), ou émotionnalité. Barkley (13) différencie l’impulsivité émotionnelle du DESR (deficient emotional selfregulation) qu’il qualifie de composante. L’impulsivité émotionnelle correspond aux situations d’humeur irritable, d’intolérance à la frustration, d’impatience, de colère, de tempérament explosif, d’énervement fréquent, découlant de l’incapacité à inhiber un comportement inapproprié associé à une forte émotion, positive ou négative. D’autres éléments de la régulation émotionnelle peuvent être touchés comme garder son calme après une excitation émotionnelle par un stimulus extérieur, recentrer son attention, organiser une action coordonnée dans un but extérieur, et caractérisent le DESR, selon Barkley.
Barkley milite pour l’intégration de cette symptomatologie dans les symptômes cardinaux du TDAH. Il annonce plusieurs arguments : l’histoire de la pathologie antérieurement décrite avec une dimension émotionnelle décrite constamment, la neurophysiologie et la neuroanatomie : réseau préfrontal impliqué en imagerie fonctionnelle, la fréquence de la symptomatologie chez les patients TDAH, et l’inclure expliquerait mieux certaines comorbidités notamment le trouble oppositionnel avec provocation (TOP). Surman et al (14) publient en 2013 une étude menée avec l’hypothèse que les symptômes du DESR seraient plus présents chez les patients TDAH et que leur présence serait associée à plus de comorbidités. Dans cette étude, les symptômes de DESR ont été définis par un questionnaire à 8 items. Ces 8 items ont été proposés par Barkley et correspondent aux symptômes d’impulsivité émotionnelle et de DESR :
• Rapidité à se mettre en colère ou être contrarié
• Facilement frustré
• Réaction émotionnelle excessive
• Facilement excité émotionnellement par les activités autour de soi
• Perte de sang froid
• Se disputer avec autrui
• Facilement susceptible ou dérangé par autrui
• Colérique .
Ce score DESR était associé à des symptômes TDAH plus sévères. Les patients TDAH avec un score DESR élevé présentaient une moins bonne qualité de vie (14) (15), une mauvaise adaptation sociale, moins de mariages, plus de divorces, et plus d’accidents de la route que chez les patients TDAH sans élévation du score DESR. Ces éléments incitent à penser que le DESR est un aspect important du tableau clinique du TDAH. Barkley et Fischer (16) mettent évidence une association significative entre dysrégulation émotionnelle et conséquences professionnelles chez des enfants suivis jusqu’à l’âge adulte . Cette association entre TDAH et DESR est importante à souligner, impliquant des thérapeutiques à proposer, qu’elles soient médicamenteuses ou médico-psychologiques.
La dysrégulation émotionnelle semble prendre une place importante dans le TDAH, et semble moins étudiée que les autres composantes. Barkley est favorable à ce que la dysrégulation émotionnelle reprenne une place centrale qu’elle a perdue lors de la Mise en place du DSM II. Il argumente notamment en soutenant l’hypothèse neuropsychologique associée à la neuroanatomie, et à la régulation émotionnelle de haut en bas (Top-Down) allant des zones corticales aux sous corticales. Cependant, Sur man et al, en 2015, (17) n’ont pas retrouvé de tests neuropsychologiques permettant de discriminer les patients TDAH sans et avec DESR, suggérant que les fonctions exécutives ne participent pas au DESR.
Prévalence
Fayyad et al (18) présentent en 2007 les résultats recueillis dans 10 pays. La France montre la plus forte prévalence avec un chiffre à 7,3%. La prévalence de la persistance du TDAH chez l’adulte diffère selon les méthodes utilisées : de 4 à 77% (2). Les méthodes diffèrent dans le recueil des informations : patient lui-même ou entourage, en entretien ou échelle de score. Lorsque seul le patient est interrogé le taux de persistance est plus faible, puisque le patient TDAH a tendance à sous-estimer inconsciemment les symptômes. On notera l’exemple d’une étude du Milwaukee qui montre un taux de persistance estimé à 5% lorsque les patients sont interrogés, et de 46% lorsque l’entourage des patients est interrogé.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
CONTEXTE
PLACE DE LA PSYCHIATRIE EN MEDECINE GENERALE
II. DEFINITION
A. SYMPTOMES CARDINAUX
B. PREVALENCE
DSM V
III. METHODES
A. STRATEGIE DE RECHERCHE
Sources
Critères d’inclusion
Critères d’exclusion
Sélection des articles
IV. HISTORIQUE
V. REPERAGE EN MEDECINE GENERALE
A. SUSPICION DIAGNOSTIQUE
B. DIFFICULTES DIAGNOSTIQUES
VI. DISCUSSION
A. LIMITES
B. PERSPECTIVES
VII. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE
RÉSUMÉ