Répartition géographique et réservoirs de Coxiella burnetii
La fièvre Q a une répartition géographique mondiale à l’exception de la NouvelleZélande et dans l’Antarctique [105]. Les animaux domestiques et sauvages constituent le réservoir de germes. Les études de séroprévalence réalisées à travers le monde montrent que l’infection des ruminants par Coxiella burnetti est endémique dans le monde entier. Les ruminants domestiques comme les bovins, ovins et caprins sont généralement à l’origine de la contamination de l’homme. Arricau-bouvery & Rodokalis [11] ont fait le point bibliographique sur la séroprévalence de la fièvre Q chez les ruminants (toutes espèces confondues) en Allemagne, au Tchad, en Turquie et en Italie variant de 1,3% à 13 % .
L’infection semble sévir sur l’ensemble du territoire français et, selon les régions, le pourcentage d’infection des ovins varie de 0,3 à 39%, celui des caprins de 0 à plus de 5% et celui des bovins de 1,8 à 12,3% [76]. Les carnivores domestiques (chiens et chats) de même que les tiques constituent une source mineure de contamination. Chez les humains, la prévalence de la maladie dans le monde est mal connue dans la mesure où la maladie est souvent bénigne et passe inaperçue à cause de ses aspects cliniques non spécifiques. En France, l’incidence de la fièvre Q dans le sud de la France est estimée à 50 cas pour 100 000 habitants [77]. Au Sénégal, très peu de travaux ont été consacrés à cette zoonose négligée. Un taux d’infection faible de 0,91% (toutes espèces confondues) est signalé avec un pic dans le Vallée du Fleuve Sénégal de 2,45% chez les ruminants [61]. Les cas positifs sont toujours associés à des phénomènes d’avortement et le rôle joué par les tiques dans l’épidémiologie de la maladie paraît évident.
Ailleurs en Afrique, des études réalisées sur l’homme et les animaux, ont révélé la circulation du germe par la présence d’anticorps anti-Coxiella burnetii en IFI. Par exemple pour l’homme, en Zambie, des auteurs signalent une prévalence de l’ordre de 8,2% [85], 26% en Tunisie [68] et37% au [60]. Chez les animaux au Zimbabwe, les résultats suivants ont été trouvés au cours d’une étude de sérosurveillance : bovins : 39 %, chiens : 15 %, caprins : 10 % [60]. On note également des taux élevés de positivité chez les chats en Afrique australe .
Modes de contamination
L’épidémiologie de la fièvre Q se caractérise par l’existence de deux cycles de transmission : un sauvage et un domestique.
Pour le cycle sauvage, les tiques joueraient un rôle de premier plan dans la transmission de la maladie entre les animaux sauvages comme les rongeurs, les lagomorphes et les oiseaux. Aucune étude importante n’a été menée en Afrique pour déterminer le rôle des tiques dans la chaîne de transmission de la maladie. Le partage des pâturages entre animaux domestiques et sauvages pourrait être favorable à une transmission vectorielle de la zoonose. Il est important de noter que les agressions multifactorielles des écosystèmes sénégalais ont pour conséquences la raréfaction de la faune sauvage sur les parcours du bétail. Par contre la pression des tiques sur le cheptel est encore très importante. Des études ont montré que les animaux infectés développent une bactériémie transitoire pouvant permettre la contamination des tiques. Coxiella burnetti se multiplie alors dans le tube digestif (estomac et intestin) et est excrété dans les déjections sur la peau et le pelage. Les animaux sains sont contaminés directement par piqûre ou indirectement par les déjections. Les animaux infectés excrètent le germe dans l’environnement par l’intermédiaire des produits de la mise bas, les fèces, les urines et le lait. La résistance très élevée de la bactérie dans le milieu extérieur, favorise la transmission par l’inhalation d’aérosols provenant d’un milieu infecté. Ainsi, la voie aérienne constitue le mode de contamination majeure et l’environnement, la source principale. La contamination de l’homme se fait suite à un contact direct avec les animaux ou par inhalation de poussières provenant de ces derniers. Les animaux les plus incriminés sont les ruminants domestiques (bovins, caprins et ovins). La fièvre Q est une maladie hautement professionnelle et affecte les éleveurs, les personnels des abattoirs, les vétérinaires, les inséminateurs, les personnels des laboratoires etc. Mais aussi des personnes peuvent occasionnellement être contaminées d’une manière indirecte par les poussières d’un troupeau qui traverse une localité non agricole. Cependant, les autres espèces animales comme les animaux de compagnie (chiens et chats) joueraient un rôle qui semble être sous estimé. Pourtant 6 à 20% des chats peuvent être séropositifs et une enquête récente, effectuée sur des chiens militaires, montre un pourcentage de séropositivité de 9,8% pour les chiens des camps militaires du sud est de la France, de 11,6% pour les chiens militaires du Sénégal, de 8,3% pour les chiens militaires de Cote d’Ivoire et de 5,2% pour les chiens des camps militaires de Guyane française [20]. Des cas d’infection familiale sont survenus en France et l’origine serait des pigeons.
Des cas de contamination non conventionnelle sont souvent évoqués comme des militaires en manœuvre ou au combat, contamination de campeurs dormant sur de la paille, contaminations de citadins habitant à proximité des routes empruntées par les troupeaux en transhumance, citadins résidant à proximité d’un abattoir, individus jouant aux cartes dans une salle où une chatte mettait bas, employés d’un garage contaminés par un de leurs collègues possédant un chat et dont les vêtements étaient contaminés, employés du tri postal contractant la fièvre Q en manipulant des sacs transportés dans des wagons à bestiaux. D’autres modes d’infection tels que la consommation d’eau, d’aliments contaminés et surtout de lait cru ou de produits laitiers au lait cru sont possibles même si leur importance, souvent qualifiée de faible, est en fait mal connue [77]. Une contamination par voie transplacentaire ou par l’intermédiaire de transfusions sanguines semble rare. La contamination par voie cutanée est possible et elle a été décrite chez un patient ayant écrasé une tique infectée entre ses doigts. La transmission par voie sexuelle a été démontrée chez la souris et elle a été soupçonnée chez l’homme. Au total, les modes de contamination sont variables : la voie respiratoire, digestive et autres (transmission verticale et sexuelle).
POUVOIR PATHOGENE
Coxiella burnetii est une bactérie possédant un grand pouvoir infectieux. L’inoculation de 2 Coxiella en phase I à des souris, des cobayes, des œufs embryonnés et des cultures cellulaires assure l’infection de 55% de ces organismes, soit une DI50 de 0,5 à 2 [86]. Muramatsu et al [81], ont inoculé des cobayes avec une souche Nine Mile. Deux à quatre de ces organismes provoquent une séroconversion, une hyperthermie et la présence de bactéries dans les rates de cobayes, 30 jours après l’inoculation. Les cellules cibles de Coxiella burnetii sont essentiellement les monocytes et les macrophages des organes infectés [104]. Cependant, le germe peut occasionnellement se retrouver dans les cellules endothéliales [14]. Lors d’une contamination par voie respiratoire, les macrophages bronchoalvéolaires sont les premières cellules infectées mais les cellules de Küppfer du foie peuvent également être infectées à la faveur d’une dissémination par voie hématogène. Lors d’une contamination par voie digestive, les cellules de Küppfer constitueraient les sites primaires de la multiplication bactérienne. Secondairement, d’autres organes peuvent être infectés, notamment la rate et, surtout, l’utérus et les glandes mammaires. Dans tous les cas, les organes colonisés par Coxiella burnetii sont surtout ceux de la sphère génitale : l’utérus gravide et la mamelle [49]. Une persistance de l’agent pathogène dans les nœuds lymphatiques rétromammaires est fréquente chez les ruminants. L’inhalation de poussières infectées constitue le principal mode de contamination de l’homme. La multiplicité des réservoirs, la contamination massive de l’environnement, la résistance du germe dans le milieu extérieur, le pouvoir infectieux élevé du germe (une bactérie suffit à contaminer l’homme) et la dissémination de poussières contaminées par le vent expliquent que les circonstances de la contamination humaine sont multiples [41].
SYMPTOMES
La fièvre Q est une maladie caractérisée par l’absence de signes cliniques et lésionnels spécifiques, ce qui rend le diagnostic clinique peu opérationnel. Les symptômes présentent une certaine variabilité selon l’origine de l’infection : infections expérimentales et infections dans les conditions naturelles.
Infections expérimentales
Une étude a été réalisée à l’INRA de Tours en 1973 et portait sur l’inoculation de Coxiella burnetii par voie intradermique à douze génisses de huit à onze mois [49]. Les animaux ont ensuite été suivis pendant dix-huit mois, au cours desquels deux phases successives ont pu être mises en évidence. Une première phase, aiguë, se caractérise par une hyperthermie, une anorexie et une pneumonie chez toutes les génisses, dans les vingt quatre à quarante huit heures suivant l’inoculation, puis une guérison clinique apparente dans les sept jours. La deuxième phase, chronique, se caractérise par des troubles de la reproduction : deux génisses avortent et trois restent stériles. Certaines sont abattues et autopsiées et des lésions myocardiques et pulmonaires ont été observées. En 2001, une expérience a porté sur trois groupes homogènes de chèvres gestantes indemnes de fièvre Q (sérologies négatives), inoculées à quatre vingt dix jours de gestation, par des doses variables de Coxiella burnetii [10]. Vingt sur vingt cinq des chèvres avortent, quelle que soit la dose inoculée. On observe deux vagues d’avortements, l’une à vingt neuf jours, l’autre à quarante trois jours après inoculation. Une analyse bactériologique portant sur les placentas, montre que tous, sauf une, sont contaminés par la bactérie. Chez le fœtus, le principal organe contaminé est le poumon.
Infections naturelles
Chez les animaux
L’incidence clinique de la fièvre Q chez les ruminants est faible, l’infection est donc majoritairement inapparente. [104]. Cependant, on peut parfois observer des signes cliniques non spécifiques comme des troubles de la reproduction. L’avortement demeure le signe clinique majeur de la fièvre Q chez les ovins et caprins, et occasionnelle chez les bovins et a lieu en fin de gestation [88]. Lors de la primo-infection d’un troupeau, on observe une vague d’avortements sur des animaux pour la première fois en contact avec le germe. Puis l’enzootie évolue de façon cyclique, le nombre d’avortements diminue et ne concerne plus que les primipares. Les gestations suivantes ne semblent pas perturbées. On peut également observer d’autres troubles, tels que des mortinatalités, des mises-bas prématurées ou des naissances d’animaux chétifs. [105]. Chez les bovins, on observe plus fréquemment des métrites en série, et des troubles de la fertilité. [18, 105]. La voie de pénétration majeure de la bactérie est la voie aérienne. Les macrophages alvéolaires et les cellules de Küppfer constituent les premières cibles. Malgré cela, les manifestations pulmonaires de la maladie ne sont pas très fréquentes. Des bronchopneumonies associées à de la toux sont observées et avec des complications dues à de la pasteurellose [117]. Les symptômes cardiaques sont également très rares en dehors de l’infection expérimentale. Il en va de même pour les symptômes digestifs, tels que des gastroentérites .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE: REVUE BIBLIOGRAPHIQHE
INTRODUCTION
I. BACTERIOLOGIE
I.1 Systématique
I.2 Caractères biologiques et variations génétiques
II. EPIDEMIOLOGIE
II.1 Répartition géographique et réservoirs de Coxiella burnetii
II. 2 Modes de contamination
III. POUVOIR PATHOGENE
IV. SYMPTOMES
IV.1 Infections expérimentales
IV. 2 Infections naturelles
IV.2.1 Population animale
IV.2.2. Population humaine
V. LESIONS
V.1 Placentaires
V.2 Chez l’avorton
VI. DIAGNOSTIC
VI.1 Bactériologie
VI.2 Sérologie
VII. TRAITEMENT
VIII. PROPHYLAXIE
VIII.1 Sanitaire
VIII. 2 Médicale
IX. AUTRES MALADIES ABORTIVES
IX.1 Brucellose
IX.2 Salmonelloses
IX.3 Chlamydophylose
IX.4 Diarrhée virale bovine
IX.5 Rhino trachéite infectieuse bovine (IBR)
IX.6 Néosporose
CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE DE LA FIEVRE Q AU SENEGAL
I. LE MILIEU D’ETUDE
I.1 Le Bassin Arachidier (BA)
I.2 Le Sénégal Oriental Haute Casamance (SOHC)
I.3 La Vallée du Fleuve Sénégal (VFS)
I.4 La Zone sylvo-pastorale (ZSP)
I.5 Zone des Niayes (ZN)
II. MATERIEL ET METHODES
II.1 Population animale
II.1.1 Caractéristiques de l’échantillon
II.1.2 Systèmes d’élevage
II.2 Population humaine
II.3 Prélèvements de sang, analyses sérologiques et traitements statistiques
II.3.1 Prélèvements de sang
II.3.2 Analyses sérologiques
II.3.2.1 Fièvre Q
II.3.2.2 Brucellose
II.3.2.3 Salmonellose
II.3.2.4 Chlamydiophylose
II.3.2.5 Néosporose
II.3.2.6 IBR
II.3.2.7 BVD
II.3.3 Traitements statistiques
III RESULTATS
III.1 Résultats 1: Les performances de reproductions des troupeaux de ruminants au Sénégal
III.1.1 Résultats zootechniques
III.1.1.1 Composition et structure du cheptel
III1.1.2 Origine des animaux
III.1.1.3 Mode de conduite des troupeaux
III.1.2 Paramètre de reproduction des troupeaux enquêtés
III.2 Résultats 2:Séroprévalences de la fièvre Q et des autres maladies abortives chez les ruminants
III.2.1 Séroprévalence en fonction des espèces animales
III.2.2 Séroprévalence en fonction des zones écogéographiques
III.2.3 Séroprévalence en fonction des classes d’âges
III.3 Résultats 3 : L’incidence de la fièvre Q sur la fertilité des troupeaux de ruminants au Sénégal
III.3.1 Séroprévalence en fonction des avortements
III.4 Résultats 4 : Le risque zoonotique de la fièvre Q au Sénégal
III.4.1 Séroprévalence de la fièvre Q chez les femmes en consultation prénatale
IV DISCUSSION
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES