Association hétérospécifique permanente ou temporaire entre deux êtres vivants dans laquelle l’un des partenaires (hôte) est exploité spatialement et trophiquement par l’autre (parasite), le parasitisme concerne la quasi-totalité des espèces vivantes sur terre et ne semble épargner aucune espèce libre (Poulin & Morand, 2004 ; Bordes, 2009). En situation naturelle, un même hôte est généralement infesté par plusieurs espèces de parasites et une même espèce de parasite peut parfois infester plusieurs espèces hôtes (Bordes, 2009). Leur omniprésence au sein des différents biotopes est fortement corrélée à leur grande diversité et à l’importante biomasse qu’ils constituent (Poulin, 2001 ; Bordes, 2009). La multiplicité de leurs effets (physiologiques, éthologiques ou encore démographiques) sur les organismes hôtes ont amené de nombreux auteurs à attribuer aux parasites un rôle significatif et déterminant dans la composition et la dynamique des systèmes vivants (Torchin et al., 2003 ; Wood et al., 2007), allant même jusqu’à les établir en tant que puissante force sélective (Moore, 2002 ; Pedersen & Greives, 2008). La compréhension du fonctionnement des populations hôtes ainsi que l’étude des divers processus écologiques et évolutifs affectant la biodiversité semblent donc nécessiter l’appréhension des relations parasitaires et de leurs impacts (Daszak et al., 2000 ; Thomas et al., 2005 ; Bordes, 2009). L’un des processus combinant le mieux ces paramètres populationnels, écologiques et évolutifs est le phénomène d’invasion biologique qui « consiste en l’acquisition par une espèce d’un avantage compétitif à la suite de la disparition d’obstacles naturels à sa prolifération, avantage qui lui permet de se multiplier rapidement et de conquérir de nouvelles aires au sein d’écosystèmes dans lesquels elle devient une population dominante » (Valery et al., 2008). En d’autres termes, il s’agit de l’apparition et de la pérennisation d’une espèce, qualifiée alors d’« invasive », dans une aire donnée alors que cette espèce est connue dans une aire géographique généralement lointaine. Ce phénomène a des répercussions, notamment sur la biodiversité [remplacement d’espèces locales dites « natives » par compétition, hybridation et homogénéisation de la faune/flore, etc.], la santé publique [introduction de zoonoses ou nouveaux pathogènes] et la sécurité alimentaire [ravages de cultures, attaques de stocks, etc.] (Garba, 2012).
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
En amont de toute étude sur les implications des relations entre rongeurs commensaux et helminthes parasites du tube digestif, il apparaît opportun d’appréhender certains aspects de l’écologie (répartition et éthologie) de ces rongeurs et de la biologie (cycles de développement) des vers parasites de leur tube digestif.
Distribution en Afrique et éthologie de quatre espèces de rongeurs commensaux
Position systématique
Ces espèces répondent à la classification suivante, selon Carleton & Musser (2005): Embranchement Chordata, Classe Mammalia, Sous-classe Theria, Infra-classe Eutheria, Ordre Rodentia, Sous-ordre Myomorpha, Super-famille Muroidae, Famille Muridae, Sous-famille Murinae.
• Arvicanthis niloticus (Geoffroy, 1803).
• Mastomys natalensis (Smith, 1834).
• Mus musculus (Linnaeus, 1758).
• Rattus rattus (L., 1758).
Distribution et répartition sur le continent africain
• Arvicanthis niloticus : Ce rongeur, le plus ubiquiste des rongeurs sahélo-soudaniens avec Mastomys erythroleucus (Temminck, 1853), est présent au sud du Sahara, du Sénégal a l’Ethiopie d’ouest en est, jusqu’au delta du Nil (Egypte) vers le nord et jusqu’à la région des Grands Lacs vers le sud (Granjon & Duplantier, 2009). Commun au sein des cultures irriguées et des villages, il est retrouvé autour plutôt que dans les maisons ; il est également retrouvé dans les savanes sahéliennes, les steppes arides et les zones humides (Granjon & Duplantier, 2009).
• Mastomys natalensis : Cette espèce africaine possède la distribution la plus étendue dans le genre Mastomys (Thomas, 1915) : du Sénégal à l’Ethiopie et presque toute l’Afrique au Sud du Sahara exception faite du bloc forestier équatorial (Granjon & Duplantier, 2009). Présentant une grande capacité d’adaptation, cette espèce est strictement commensale en Afrique de l’Ouest où on ne la trouve qu’à proximité ou à l’intérieur des habitations humaines, alors qu’elle peut être rencontrée en extérieur en Afrique de l’est et en Afrique australe (Granjon & Duplantier, 2009).
• Mus musculus : Cette espèce cosmopolite native du sous-continent indien (Pocock et al., 2005) possède une adaptabilité et une capacité de dispersion importantes lui permettant, grâce notamment aux relations commensales entretenues avec l’homme, d’être présente sur toute l’étendue du continent africain (Berry, 1991).
• Rattus rattus : Originaire du sud-est asiatique (Aplin et al., 2011), ce rongeur cosmopolite est retrouvée sur toute l’étendue du continent africain du fait notamment de son transport et de sa dissémination lors des voyages humains (Nowak, 1999). Comme la souris domestique, elle y est essentiellement commensale de l’homme (Corbet & Southern, 1977).
Comportement trophique, social et reproductif
• Arvicanthis niloticus : Surtout herbivore, cette espèce principalement diurne se nourrit de feuilles, racines, graines d’herbes et plantes cultivées (riz surtout) ; mais, il consomme aussi des insectes qui peuvent représenter une grande part de son régime alimentaire surtout en saison humide (Granjon & Duplantier, 2009). Les individus de cette espèce vivent souvent en colonies de plusieurs males et femelles adultes avec des jeunes ; ils construisent des nids en herbes sur le sol, dans des terriers superficiels ou des fentes de dessiccation. Continue dans des conditions optimales, la reproduction fait suite à la saison des pluies et dure tant que les ressources sont disponibles (Granjon & Duplantier, 2009).
• Mastomys natalensis : La composition du régime alimentaire de cette espèce nocturne omnivore varie beaucoup selon la saison mais comprend principalement des graines et des arthropodes, l’herbe et les autres matières végétales ne constituant qu’une part restreinte mais régulière de son alimentation (Granjon & Duplantier, 2009). Les observations de Granjon & Duplantier (1993) montrent que les populations de M. natalensis vivent dans des trous ou terriers aménagés et forment des groupes familiaux constitués d’un mâle adulte (généralement agressif envers les autres mâles adultes à des fins territoriales et reproductives), plusieurs femelles adultes et un nombre variable de jeunes. En extérieur, la reproduction est saisonnière et débute lors de la saison des pluies avec une durée fonction de la quantité de ces pluies (Granjon & Duplantier,
• Mus musculus : Préférentiellement crépusculaire, cette espèce présente un régime alimentaire omnivore qui se compose, en extérieur, essentiellement de graines et occasionnellement d’insectes et de vers de terre (Granjon & Duplantier, 2009) et, dans les habitations, de toute nourriture accessible ainsi que divers matériels non comestibles pour l’homme (Kurta, 1995). Elle vit à l’intérieur de fentes murales ou rocheuses, de terriers aménagés ou dans tout autre endroit caché proche d’une source de nourriture (Kurta, 1995). La période de reproduction s’étend, à l’instar des autres espèces de rongeurs strictement commensaux, sur toute l’année tant que sont disponibles les ressources alimentaires (L. Granjon, communication personnelle).
• Rattus rattus : Omnivores, les individus de R. rattus consomment préférentiellement des fruits, céréales et autres matières végétales (Nowak, 1999). Cette espèce, bonne nageuse et fondamentalement nocturne, peut devenir diurne suivant certaines conditions (fortes densités, milieu strictement commensal, etc.) et, de par sa grande agilité, peut grimper dans des arbres ou des bâtiments allant jusqu’à 250 mètres de hauteur (Corbet & Southern, 1977) et nicher dans les toits de certaines habitations (Granjon & Duplantier, 2009). Les individus référables à cette espèce, en compétition probable avec M. natalensis et d’autres murinés africains commensaux (Granjon & Duplantier, 2009), ont tendance à vivre en groupes polygames pouvant atteindre jusqu’à une soixantaine d’individus sur de petites surfaces intensément défendues (Corbet & Southern, 1977; Nowak, 1999). La reproduction a lieu toute l’année lorsque les ressources sont permanentes (Granjon & Duplantier, 2009).
Cycles biologiques de quelques helminthes parasites récurrents du tube digestif de rongeurs commensaux
Les Nématodes (Règne Animalia ; Embranchement Nématoda, Potts, 1932). Leur cycle complet de développement comporte, depuis le stade œuf, quatre mues avec un troisième stade larvaire infestant (Chabaud, 1974 ; Anderson, 2000). Ce cycle peut être monoxène (un seul hôte) ou hétéroxène (au moins un hôte intermédiaire avant l’hôte définitif) (Anderson, 1988). Baer (1951) a définit la notion de « paraténèse » dans laquelle des organismes dits « hôtes paraténiques » permettent le transfert, d’un hôte à l’autre, de stades larvaires qui ne se développent pas ou très peu en leur sein. En outre, certaines espèces ont la capacité, lorsque les conditions deviennent inappropriées pour la survie et la transmission des stades larvaires, d’interrompre momentanément leur développement, jusqu’à ce que l’environnement redevienne propice (Gibbs, 1986).
Les Oxyures
Ce sont des parasites microphages strictement monoxènes qui vivent dans l’intestin postérieur et le caecum de nombreux Vertébrés et Arthropodes (Chabaud, 1974 ; Anderson, 2000). Position systématique : Classe Secernentea ; Ordre Oxyurida (Cobbold, 1864). Cycle biologique : Les femelles gravides migrent activement ou par transport fécal vers la région périanale de l’hôte pour y déposer leurs œufs.
Ce dépôt nocturne est souvent suivi de la mort de la femelle (Anderson, 1988). Les œufs s’embryonnent et les larves atteignent le stade infectieux soit in situ soit dans le milieu extérieur après expulsion fécale (Flynn, 1973 ; Anderson, 1988). L’hôte s’infeste ou se réinfeste soit de manière orale directe (ingestion d’œufs embryonnés directement depuis la région périanale) ou indirecte (ingestion d’eau ou de nourriture contaminées par des œufs embryonnés), soit par rétroinfestation (éclosion des œufs dans la région périanale et migration des larves dans la région caecale par la voie de l’anus) (Flynn, 1973). Les oxyures sont retrouvés chez les rongeurs essentiellement du fait de leur coprophagie (Chabaud 1974 ; Anderson, 2000). Exemples d’espèces rencontrées chez les rongeurs
• Syphacia muris (Yamaguti, 1941) (Famille Oxyuridae ; Cobbold, 1864) : Parasite usuel du caecum et parfois du rectum des rongeurs domestiques et sauvages (Flynn, 1973). Les femelles sont gravides à 6 jours post-infestation (Flynn, 1973 ; Wescott, 1982).
• Aspiculuris tetraptera (Nitzsch, 1821) (Famille Heteroxynematidae ; Skrjabin & Shikhobalova, 1948) : Parasite fréquent du colon des souris (M. musculus), des rats (Rattus spp.) et d’autres rongeurs (Flynn, 1973 ; Wescott, 1982). Le cycle complet dure 23 à 25 jours (Flynn, 1973).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Répartition en Afrique et éthologie de quatre espèces de rongeurs commensaux
I. 1. Position systématique
I.2. Distribution et répartition sur le continent africain
I.3. Comportement trophique, social et reproductif
II. Cycles biologiques de quelques helminthes parasites récurrents du tube digestif de rongeurs commensaux
II.1. Les Nématodes
II.1.1. Les Oxyures
II.1.2. Les Trichostrongles
II.1.3. Les Rictulaires
II.1.4. Les Spiruroides
II.1.5. Les Enoplida
II.2. Les Cestodes
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
I. Site d’étude
II. Espèces hôtes de l’étude
III. Capture et traitement des rongeurs hôtes
IV. Collecte et identification des parasites
IV.1. Collecte et tri préliminaire des parasites
IV.2. Identification des parasites
V. Analyses statistiques
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
I. Résultats
I.1. Hôtes examinés
I.2. Catalogue des genres et espèces parasites rencontrés
I.3. Caractéristiques de l’infestation des rongeurs par les communautés parasites
I.3.1. Prévalences globales d’infestation des espèces hôtes
I.3.2. Prévalences et abondances moyennes des différents parasites
I.3.3. Effet du sexe et de l’âge/état sexuel des hôtes sur leur niveau d’infestation
I.4. Richesse des peuplements parasites digestifs des rongeurs
I.5. Comparaison des spectres parasitaires des rongeurs hôtes
I.6. Analyse des communautés parasites au sein des individus hôtes
I.7. Influence de la localisation de l’hôte et de la distance géographique sur l’infestation
II. Discussion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES