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EVOLUTION DU CONCEPT DANS L’HISTOIRE
LE CONCEPT OCCIDENTAL DE LA SCHIZOPHRENIE
Il semblerait que le terme de schizophrénie n’existait pas avant le XVIIème ou le XVIIIème siècle et c’est pourquoi personne n’en avait décrit les manifestations. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’elle a fait son apparition et elle s’est propagée rapidement vers le début du XXe siècle. [114]
Plusieurs études ont tenté d’expliquer l’apparition de la schizophrénie et parmi celles-ci nous retenons la tentative d’explication faite par Gottesman (1991) basée sur trois théories.
La première démontre que la schizophrénie existait déjà chez l’être humain et son association avec le stress liée à la perte d’espace personnel qu’engendrent l’urbanisation et l’industrialisation, aurait favorisé l’éclosion de celle-ci.
La deuxième en impliquant l’urbanisation et l’industrialisation met l’accent sur les modifications des structures familiales. En fait ces modifications ne sont que les conséquences des mutations socioéconomiques entraînées par l’urbanisation sauvage et l’industrialisation. Les modifications des structures familiales entraînent la rupture des traditions et la perte des repères culturels. Ce qui provoque la création des premiers asiles pour les aliénés.
Enfin, la troisième tente d’expliquer la propagation rapide de la schizophrénie au début du XXe siècle. Elle s’appuie sur l’hypothèse qui soutiendrait l’existence d’un mode de transmission viral comme ce fut le cas dans l’histoire du SIDA et les psychoses causées par l’invasion syphilitique du système nerveux central.
Les premières descriptions des manifestations comportementales apparentées à la schizophrénie ont été rapportées en 1745-1809 par un physicien français Philipe Pinel. Dès 1809 il caractérise des sujets qui sont des cas typiques de schizophrénie.
Il publie durant les décennies suivantes plusieurs descriptions de la maladie qu’il affuble chacune de noms différents. Parmi celles-ci certaines attirent l’intérêt de la population et servent d’inspirations aux hommes de théâtre et aux romanciers de l’époque.
Il faudra attendre plusieurs décennies pour trouver dans l’histoire une description médicale de cette folie et voir apparaître le terme « démence précoce ».La paternité de la description de la démence précoce fait l’objet de controverses entre les historiens qui tantôt l’accordent au français Bénédicte Augustin Morel (1809-1873), tantôt à l’allemand Emile Kraepelin (1856-1914).
Sur le plan chronologique le terme de démence précoce revient à Morel du fait qu’il a été le premier à l’utiliser. Les travaux de ce dernier sont orientés sur la mise en place d’un classement basé sur l’étiologie de la folie en tenant compte de la théorie de la dégénérescence et non sur la seule observation clinique.
Cette démarche fut un échec même si Morel fut le premier a avoir décrit les manifestations cliniques de la démence précoce et même si le terme de schizophrénie n’existait pas à époque. Il ne pouvait pas classer la démence précoce à partir des étiologies.
Cet échec a réduit le rôle de précurseur de Morel et a ouvert le champ à Kraepelin qui, avec la collaboration d’autres psychiatres allemands et prussiens, s’est attaqué au problème du choix des critères de la classification des maladies mentales.
A cette époque il existait aussi une confusion quant au terme « précoce »auquel on accordait parfois un sens lié à l’âge d’apparition de la maladie, parfois un sens lié à une évolution rapide vers un état d’affaiblissement psychique complet.
C’est dans la cinquième édition de son traité intitulé « Dementia Praecox and paraphrenia » qui parut en 1896 que le psychiatre allemand E. Kraepelin applique le terme démence précoce à un groupe de maladies qui débutent à l’adolescence et progressent vers la démence. Ce dernier considère que les manifestations extérieures de la maladie doivent être reléguées au second plan devant les conditions d’apparition, d’évolution et de terminaison de celle-ci.
Emile Kraepelin poursuit ses travaux et dans la sixième édition de son traité paru en1899, il consacre un chapitre complet à la démence précoce qu’il considère comme un maladie unique pouvant se présenter sous trois formes cliniques, hébéphrénique, catatonique et paranoïde. Selon lui le critère discriminatif essentiel de la démence précoce est évolutif et aboutit très souvent à un état d’affaiblissement psychique.
Emile Kraepelin n’a pas échappé aux nombreuses critiques portées sur ses travaux à savoir, le critère de discrimination évolutif, les classifications et l’étiologie de la démence précoce. Selon lui l’hypothèse le plus probable est que la maladie est due à une atteinte cérébrale c’est-à-dire une auto intoxication par des substances d’origine sexuelle accumulée dans l’organisme et envahissant le cerveau.
Kraepelin pensait avoir le mérite d’avoir abandonné la recherche d’une signification aux manifestations observées et de ne plus les prendre en compte que comme des symptômes objectifs ou quasi objectifs de telle ou telle maladie. Cet abandon de l’analyse psychologique pour formuler sa conception de la démence précoce lui vaut les critiques les plus acerbes (Kraeplin E., 1919).
A cet époque vers1900, Sigmund Freud (1856-1936) et Pierre Janet (1859-1947), les élèves de Charcot (1825-1893) étaient en train de triompher de la folie hystérique en utilisant l’analyse psychologique qui deviendra plus tard la psychanalyse et en décrivant les concepts de dissociation de la conscience et de refoulement dans l’inconscient.
Jusqu’à la fin des années 70, la monographie de Kraepelin demeure la description la plus complète des symptômes de la schizophrénie d’un point de vue phénoménologique, c’est-à-dire, sans interprétation physiologique ou psychologique. La chose qu’on lui reproche est le fait qu’il n’avait pas l’idée de penser que la schizophrénie peut être la conséquence de certains événements sociaux et qu’elle est influencée par des forces sociales. Kraepelin s’intéresse à la structure du phénomène plutôt qu’à son
contenu, à la manière de penser du patient plutôt qu’à ce qu’il pense.
En 1911, un psychiatre suisse du nom d’Eugène Bleuler applique la psychanalyse naissante à la démence précoce et utilise pour la première fois le terme SCHIZOPRENIE pour désigner celle-ci. Il publie dans la même année une monographie des démences précoces, résultat de plusieurs années de recherche. Cette publication est considérée comme la voie tracée de la naissance de la schizophrénie moderne.
Bleuler utilise les racines grecques pour formuler le terme schizophrénie qui illustre mieux, selon lui, la séparation de certaines fonctions psychiques. Sur le plan étymologique, schizo vient du grec « skhizein » qui signifie fendre, séparer et « phrénie » de frêne qui veut dire esprit.
Les travaux de Bleuler contribuent de façon significative à humaniser le concept de schizophrénie en faisant remarquer que certaines manifestations schizophréniques sont observables chez les personnes ayant un fonctionnement normal. Selon Bleuler la division de l’esprit, observée chez les schizophrènes, est plus importante que l’évolution vers la démence comme caractéristique de base de la maladie (Kaplan H.I. & Shadock, B. J., 1992).
A la fin du XIXe et au début du XXe siècle nous assistons à l’émergence d’un concept qui est l’ethnopsychiatrie, qui se démarque de la psychiatrie. A cet égard, Emile Kraepelin, le père de la psychiatrie Allemande, jouera un grand rôle en cherchant à savoir si l’on rencontre partout les mêmes troubles mentaux. Ainsi il se rendra à Singapour et en Indonésie. En 1904, il publie les premiers résultats de ses travaux dans une étude intitulée : « Vergleichende Psychiatrie » (Psychiatrie comparée), nom qu’il donnait à cette nouvelle branche de la psychiatrie.
En effet les recherches de E. Kraepelin furent décevantes, car elles se limitent aux hôpitaux existants et ne concernèrent que des sujets occidentalisés.
LES CONCEPTS CULTURELS DE LA MALADIE MENTALE
En étudiant les troubles mentaux en fonction des groupes ethniques ou culturels, voire la place qu’ils occupent dans l’équilibre social, l’ethnopsychiatrie nous apprend que chaque collectivité sécrète ses propres modèles de déviance et qu’on est toujours fou par
rapport à une société donnée.
Les croyances culturelles influencent dans une certaine mesure le choix du comportement pathologique. En général, on attribue plus souvent l’origine des maladies à des cause exogènes (comme la sorcellerie, la transgression d’un interdit, un accident…) qu’à des causes endogènes. Et l’attribution de ces causes est un processus rarement accompagné d’une analyse minutieuse des faits (le processus d’anamnèse est souvent bref). Les symptômes, névrotiques ou psychotiques, sont des constructions collectives qui évoluent et se transforment avec l’évolution du groupe.
Nous empruntons nos symptômes à notre culture. Ce qui est permanent, ce sont les lois de la dépersonnalisation car dans toute culture existent de telles lois. C’est uniquement leur manifestation qui diffère.
Selon le romancier Marocain Tahar Ben Jelloun « Toute société a besoin de folie. Dans les sociétés industrielles développées, le fou n’a pas sa place. Parce qu’il est en marge de la culture et de l’ordre économique, on l’enferme : on le sépare de la vie. La persistance de l’asile prouve combien la folie continue d’étendre ses pouvoirs d’inquiétude sur toute certitude ». Dans certaines sociétés africaines et arabes encore conservatrices, le fou est considéré en quelque sorte comme l’élu de Dieu et de la Vérité. La distinction entre le normal et le pathologique relevait d’un univers culturel étranger à ces sociétés. Ses troubles étaient considérés comme l’expression d’une réflexion approfondie pouvant se confondre avec une crise mystique.
Dans les sociétés où règnent encore les conceptions traditionnelles et animistes, les troubles mentaux du sujet sont très souvent assimilés à un esprit qui lui est extérieur et qui prend possession de lui. Ce qui fait que ce sujet n’est jamais considéré comme incurable et le groupe tout entier se sent concerné. Ainsi, la solidarité de la communauté doit contribuer à rétablir l’équilibre entre le monde visible et le monde invisible, entre le monde naturel et le monde surnaturel. [69] Erna Hoch a montré l’embarras de la psychiatrie classique en Inde devant certains comportements typiquement schizophréniques selon des critères occidentaux, comportements allant jusqu’au refus d’aliments, mais qui, dans leur contexte culturel, n’étonnaient personne. C’étaient des comportements religieux d’une grande sagesse, et ils étaient considérés comme allant de soi.
Ce que confirment certaines études ethnopsychiatriques, c’est que la plupart des cultures possèdent un ou plusieurs modèles de folie, par exemple la « Schizophrénie » est celui des occidentaux, le « Koro » est celui des chinois, l’ « Amok » est celui des Malais.
Le koro est un trouble mental rencontré dans l’archipel Malais et dans le sud de la chine. Il se manifeste par des crises d’angoisse paroxystique, accompagnées par deux idées :
1 Le sujet a la conviction que son pénis est entrain de se rétracter et de disparaître à l’intérieur du corps.
2 Il en résulte un sentiment de mort imminente.
Le malade et sa famille croient à ces idées délirantes, et pour éviter l’issue fatale ils tentent de retenir le pénis de toutes leurs forces.
Il existe une forme chez la femme où la jeune fille craint de voir ses seins disparaître à l’intérieur du thorax.
L’amok est forme de crise paroxystique au cours de laquelle le sujet, littéralement hors de lui, se précipite indistinctement sur n’importe qui et l’assassine sauvagement.
Cependant il faut attendre la fin du XIXe et le début du XXe siècle pour voir se développer l’ethnopsychiatrie comme étant une branche autonome de la psychiatrie. Il s’agit là d’une méthode d’investigation qui s’efforce de comprendre la dimension ethnique des troubles mentaux et celle, psychiatrique, de la culture.
L’ethnopsychiatrie a permis de comprendre que la classification des maladies mentales diffère d’une culture à l’autre.
ETIOPATHOGENIE
Facteurs génétiques et environnementaux
La schizophrénie bien qu’elle soit une maladie définie dans le temps, n’apparaît pas de façon inopinée : elle est précédée et facilitée par certains facteurs psychologiques et biologiques nécessaires à son développement. Les études démontrent que le patrimoine génétique constitue le facteur principal sur lequel les facteurs environnementaux jouent un rôle modulateur essentiel. Dans ce cas les anomalies du développement ne sont pas des manifestations pré morbides de la maladie, comme dans la théorie explicative neuro -développementale de la schizophrénie qui considère que la schizophrénie résulte d’un trouble du développement cérébral du à une lésion précoce non évolutive (intra-utérine ou périnatale) chez des sujets ayant un terrain génétique prédisposé. [55]
La privation de certains facteurs, participant au développement d’un individu, tels que les contacts sociaux ou les apprentissages, peut engendrer la création de trajectoires déviantes à risque psychopathologique. Il en est de même en cas d’exposition à des facteurs de stress.
Si nous partons de l ‘hypothèse qui consiste à considérer la schizophrénie comme une maladie, cela suppose qu’il existe un processus morbide envisagé depuis sa cause initiale jusqu’à ses conséquences dernières. Dans ce cas le processus doit être clairement identifié et défini.
De nombreux travaux psychologiques, pharmacologiques, génétiques et neuro-développementaux tentent d’identifier et de définir ce processus morbide. Cependant, beaucoup de points restent encore non élucidés malgré les avancées significatives de la recherche. Depuis l’époque de Bleuler aucun point d’appui n’a été établi avec certitude à ce jour dans le domaine de la théorie étiopathogénique de la schizophrénie. La délimitation clinique de la maladie reste controversée. Il n’existe pas de corrélation nette entre la symptomatologie de la maladie et les lésions anatomophysiologiques cérébrales malgré les développements récents de l’imagerie cérébrale fonctionnelle. Il en est de même pour les études de linkage qui jusqu’ici n’ont pas été fructueuses. Actuellement, il existe deux tendances dans la recherche du processus schizophrénique. L’une tente de montrer que l’évolution est liée au développement psychodynamique de l’individu et aux obstacles qu’il a rencontrés tandis que l’autre tente d’établir des corrélations statistiques des symptômes et des lésions conformément à l’esprit de la médecine anatomo-clinique.
Les deux tendances semblent opposées dans leur démarche mais elles sont complémentaires.
Les travaux faits sur les familles des schizophrènes ont contribué à l’élaboration de modèles complexes qui tentent d’intégrer les données biologiques.
Les données épidémiologiques sont pour la plupart controversées bien qu’elles aient contribué à élaborer des hypothèses permettant des avancées significatives dans la recherche étiopathogénique.
Les études faites sur les jumeaux monozygotes montrent que le risque de développer la maladie pour les jumeaux d’un sujet atteint est 50 fois plus grand que dans la population générale où la prévalence est d’environ 1%.
Dans la schizophrénie il a été démontré que les enfants adoptés conservent le risque de survenue de schizophrénie du à leurs parents biologiques et non à leurs parents adoptifs. Cette étude sur les enfants adoptifs permet de distinguer le risque lié aux parents biologiques (risque génétique) de celui des parents adoptifs (risque familial non génétique et environnemental).
Actuellement, il est certain qu’il existe une prédisposition génétique à la schizophrénie même si celle-ci est complexe et intervient de façon variable selon les cas. Les études génétiques ont démontré qu’il n’existe pas un mode de transmission réellement connu. [23]
Les études de linkage génétique ont été réalisées entre 1986 et 2000 mais leurs résultats ont été décevants. Ainsi dix-huit chromosomes contiendraient des marqueurs génétiques incriminés dans la schizophrénie. Il s’agit des chromosomes 1, 2, 4, 5, 6,7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 20, 22, X.
Le facteur biotypologique
Dès 1921 Kretschmer cherchait à savoir s’il existe un biotype propre à la schizophrénie comme il en est de la psychose maniaco-dépressive dont le biotype est de type pycnique. Il s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de biotype spécifique à la schizophrénie. Cette hétérogénéité biotypologique est illustrée par les 175 cas de schizophrénie étudiés dans la première édition de Körperbau. Quarante sept pour cent (47%) sont du type « leptosome », 34 % sont du type « dysplasique », 17 % sont du type « athlétique », 3 % sont du type « pycnique ».
Parmi ces différents biotypes seul le type leptosome paraît assez bien défini : sujet élancé, mince, squelettique, ayant un faible tonus orthosympathique. Il est admis par l’ensemble des auteurs que le biotype leptosome a une prédisposition pour la schizophrénie. (Henry EY, 1989)
Les facteurs neurobiologiques
De nombreuses recherches ont été faites dans le domaine de la neurophysiologie, de l’anatomie pathologique et de la biologie générale. Ces recherches ont pour but de mettre en évidence la relation qui existe entre les troubles anatomiques, biologiques, humoraux et le processus schizophrénique.
Les travaux histopathologiques menés par certains chercheurs n’ont pas donné les résultats escomptés bien qu’un certain nombre de lésions soient identifiées. Ces lésions histopathologiques ne peuvent pas être considérées comme un facteur déterminant dans le processus de la schizophrénie.
Sur le plan physiopathologique la notion de modification de fluidité membranaire et l’évolution clinique de la schizophrénie a intéressé les chercheurs. Cette notion a particulièrement été développée par Horrobin. Selon ce dernier la schizophrénie serait due à un désordre du métabolisme phospholipidique membranaire associant un déficit d’incorporation des acides poly insaturés dans la membrane et une augmentation de leur destruction. Ce désordre métabolique s’exprime à travers toutes les cellules de l’organisme et deux enzymes sont incriminées. Il s’agit d’une part de la phospholipide A2 qui serait responsable de l’extraction exagérée des acides gras se situant en position 2 des phospholipides et d’autre part la coenzyme lipase 4 qui serait l’enzyme responsable du déficit d’incorporation des acides gras poly insaturés. Actuellement, les recherches s’orientent vers la découverte d’éventuelles anomalies des gènes codant pour ces enzymes. Certaines études ont montré une diminution des acides arachidonique et docosahéxaénoïque membranaires des cellules lymphocytaires, érythrocytaires et fibroblastiques des schizophrènes. D’après une étude menée sous la tutelle de l’OMS il a été démontré que les pays dans les lesquels le pronostic évolutif de la schizophrénie est le meilleur ont un régime alimentaire relativement riche en acides gras poly insaturés et relativement pauvre en cholestérol.
Les chercheurs s’intéressent aux variations des mesures biologiques chez les schizophrènes. Un certain nombre de troubles endocriniens et métaboliques attirent l’attention des chercheurs. Von Meduna a longtemps cherché à démontrer l’existence probable d’un trouble de la glycorégulation chez les schizophrènes. Ce trouble est retrouvé aussi dans certains états psychiatriques non schizophréniques. Le trouble de la glycorégulation ne peut donc être considéré comme spécifique de la schizophrénie.
De Kretschmer à Bleuler les recherches sont menées sur la relation qui existe entre les anomalies endocriniennes et le processus schizophrénique. Les glandes incriminées dans la recherche sont la thyroïde, les surrénales et les glandes sexuelles. D’après Hoskins chez 10% des schizophrènes, une déficience thyroïdienne a été observée. Le rôle de la déficience thyroïdienne est prouvé dans la forme catatonique [129].
Les perturbations des hormones sexuelles sont observées assez fréquemment au début et dans les phases aiguës de la maladie schizophrénique. Elles concernent les œstrogènes et les androgènes et les manifestations cliniques observées sont l’hypogonadisme et l’aménorrhée. Ces perturbations hormonales et les signes cliniques qu’elles entraînent ne sont pas spécifiques au processus schizophrénique.
Il a été démontré que pendant les phases actives du processus schizophrénique qu’il y a une augmentation des 17-hydrocorticostéroïdes. Cette augmentation n’est pas spécifique à la schizophrénie car elle est retrouvée aussi dans les psychoses aiguës où l’anxiété est très importante et fait partie des symptômes du tableau clinique. A un stade plus avancé de la maladie, après deux ans d’évolution, le taux des 17 hydrocorticostéroïdes redevient normal. Ce qui autorise à admettre que les anciens schizophrènes ont développé des mécanismes d’adaptation capables de répondre aux agressions.
Actuellement les travaux de la recherche s’orientent vers la neurophysiologie cérébrale. Ces travaux s’intéressent aux neurotransmetteurs chimiques de l’activité neuronale et à l’étude de l’électroencéphalographie directe effectuée chez les schizophrènes. Ils ouvrent des perspectives dans la recherche étiopathogénique du processus schizophrénique.
Facteurs psychosociaux
Depuis longtemps, la philosophie s’intéresse à la psychiatrie, elle tente de donner une explication sur la relation qui existe entre l’hallucination considérée comme maître symptôme de la psychose et les forces inconscientes. Au début du XX° siècle, Freud a véritablement révolutionné la psychanalyse dans le domaine de la psychiatrie. Il s’est inspiré des théories élaborées par Jung (1907) et par Eugène Bleuler (1911) pour développer la psychanalyse surtout dans l’interprétation des délires par la distinction des processus primaires et secondaires, et par la mise en évidence de la projection symbolique des données inconscientes.
Il s’agit de voir quelle est l’influence de ces facteurs dans la pathogenèse de la schizophrénie. Ces facteurs n’ont qu’un rôle d’influence dans la genèse et l’éclosion de la schizophrénie mais pas une valeur étiologique.
Certains évènements sont très significatifs et leur survenue à des périodes importantes du développement de l’individu constitue un facteur favorisant à l’éclosion de la maladie schizophrénique. Parmi ces évènements nous pouvons citer les échecs, l’accouchement, les émotions, le deuil, les frustrations précoces, les traumatismes sexuels précoces, l’invasion pubertaire,…etc.
Il en est de même pour les facteurs socioculturels, de nombreuses études ont montré le rôle de la classe sociale, de la société industrielle, de l’acculturation, de la religion, etc.
Certaines études ont montré que la maladie apparaît plus dans les sociétés en pleines mutations socioculturelles. Les données concernant les différences de l’incidence et de la prévalence de la schizophrénie selon les cultures sont beaucoup moins concluantes. Il apparaîtrait que certains groupes de population ne connaissent pas la schizophrénie. Ce serait le cas des Bantous des forets, des autochtones de Nouvelle-Guinée, de certaines tribus vivant à l’intérieur du Brésil. D’après H. Collomb « il semble qu’il ait convergence de tous les facteurs introduits par les changements sociaux rapides pour faciliter le processus schizophrénique ». Il affirme que la schizophrénie est rare dans les sociétés africaines traditionnelles et considère la schizophrénie comme une maladie sociale.
Les troubles du cours de la pensée
Ils traduisent la dissociation au niveau intellectuel.
La pensée est floue, anarchique discontinue (diffluence). Il y a un trouble des associations (le patient a du mal à passer d’une idée à l’autre). L’examinateur a l’impression qu’il existe un appauvrissement ou une pseudo débilité.
Il fait des réponses à coté à cause de la diffluence.
Barrages : interruption brutale de la parole au milieu d’une phrase de quelques secondes et le sujet va repartir en changeant de thème. « Fading mental » : se traduit par un ralentissement du débit verbal et du son de la parole et cela repart sur le même thème (la pensée se ralentit).
Persévération : ce sont des idées parasites qui vont entraver l’enchaînement normal des idées. Cela peut aussi être des gestes qui vont s’imposer au sujet.
Rationalisation morbide : il va rationaliser, son raisonnement logique va devenir de plus en plus incohérent.
Troubles de la mémoire : ils sont dus aux troubles du cours de la pensée avec une mobilisation anarchique de la mémoire.
Parfois il y a des hypermnésies (se sont des remémorations excessives qui touchent souvent des détails insignifiants). Au fil du temps, il y aura une évolution déficitaire, ce qui va donner un réel trouble de la mémoire.
Trouble de la concentration et de l’attention.
Troubles du langage
Ils traduisent des troubles de la pensée au niveau de la parole, réponses à coté, barrages, fading mental.
Mutisme ou semi mutisme : cela a pour fonction de couper le contact avec la réalité. Il y a parfois des impulsions verbales qui couper le mutisme.
Echolalie : le sujet va répéter le dernier mot ou la dernière phrase entendue.
Néologismes : le sujet invente des mots dans son vocabulaire.
Altération de la syntaxe : agrammatisme ou paragrammatisme.
Schizophasie : langage du schizophrène (rare).
L’intelligence
La pensée est ralentie, embrouillée, sans ordre, les associations d’idées se font d’une manière inhabituelle, souvent sans lien. La mémoire présente des altérations électives. Le jugement et l’autocritique sont perturbés. Le raisonnement a soit perdu toute logique soit pousse la logique jusqu’à l’absurde.
Il n’y a plus de possibilité de faire de nouvelles acquisitions.
Troubles de l’affectivité
Ils vont traduire la dissociation au niveau affectif. Il s’agit d’une inadéquation entre un sentiment et l’expression du sujet. Nous retrouvons les symptômes suivants :
l’indifférence affective ou anesthésie affective (athymhormie) : le sujet perd ses émotions, il ressent du désintérêt pour tout ou presque. Elle est fluctuant dans le temps. Les émotions sont souvent sans expression quelquefois fois exprimées d’une manière immotivée (rires ou pleurs immotivés, sourires discordants).
l’ambivalence affective. C’est le fait que le sujet éprouve pour une personne, un objet, un sentiment d’amour et de haine.
les sentiments sont rarement manifestés ou exprimés marqués par l’absence d’enthousiasme, la froideur, le manque de participation profonde, le caractère superficiel et quelquefois paradoxal.
la sexualité est masturbatoire et désinvestie. D’autres conduites sexuelles peuvent se manifester par un désintérêt, un apragmatisme, et souvent par une tendance homosexuelle et exhibitionniste.
Les instincts sont presque tous perturbés. Le sommeil est perturbé sur le plan
quantitatif et qualitatif mais surtout les conduites alimentaires (troubles de la soif, troubles de la faim soit anorexie soit refus d’alimentation soit boulimie soit alternance des trois.
Les relations sociales sont aussi perturbées : perte du sens des convenances coïncidant avec les troubles de l’affectivité et du comportement.
La personnalité :
Certains traits sont caractéristiques de la personnalité schizoïde :
Attitude de repli, avec un désintérêt relatif pour le monde extérieur (introversion),
Fuite des contacts sociaux (peu ou pas d’amis),
Ce sont des individus timides et effacés,
Incapacité à exprimer leurs sentiments,
Contacts froid et distant,
Incapacité à éprouver du plaisir,
Intérêt réduit pour la sexualité,
Vie imaginaire souvent intense mais bizarre, avec un grand intérêt pour des choses abstraites,
Indifférence aux normes et conventions sociales, L’adaptation sociale est possible mais restreinte,
Ce type de personnalité peut évoluer vers la schizophrénie.
Le schizophrène présente une personnalité fragile, lointaine, distante. Elle peut être masquée par une rigidité excessive, une logique absurde, un esprit de système avec des croyances déréelles, des actes impulsifs, très violents, souvent immotivés, imprévisibles et une agressivité mal contenue, mal exprimée, peu socialisée, explosive, possibilité de passage à l’acte, des pensées anxieuses, dévastatrices, inabordables, incoercibles, massives.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE :CONSIDERTIONS GENRALES DE LA SCHIZOPHRENIE ET RAPPEL CLINIQUE
I- DONNEES GENERALES SUR LA SCHIZOPHRENIE
I- 1- Définition
I- 2- Historique
I- 2- 1- Le Concept occidental de la Schizophrénie
I- 2- 2- Les Concepts culturels de la maladie mentale
I- 3- Etiopathogénie
I-3-1- Les Facteurs génétiques et environnementaux
I-3-2- Le Facteur caractériel
I-3-3- Le Facteur biotypologique
I-3-4- Les Facteurs neurobiologiques
I-3-5- Les Facteurs psychosociaux
II- CLINIQUE
II- 1- Syndrome dissociatif
II-1-1- L’aspect extérieur et le comportement
II-1-2- Les Troubles du cours de la pensée
II-1-3- Les Troubles du langage
II-1-4- Les Trouble de l’intelligence
II-1-5- Les Troubles de l’affectivité
II-1-6- Les Troubles de la personnalité
II- 2- Syndrome délirant
II- 2- 1- délire paranoïde
II- 2- 2- autisme schizophrénique
II-3- Les troubles des conduites sociales
II- 4- Les Formes cliniques
II- 4-1- Les Formes de début
II-4-1-1- les formes à début insidieux
II-4-1-2- les formes à début brutal
II- 4-2- Les Formes simples
II- 4-3- Les Formes paranoïdes
II- 4-4- Les Formes hébéphréniques
II- 4-5- Les Formes catatoniques
II- 4-6- Les Formes hébéphréno-catatoniques
II- 4-7- Les Formes pseudo névrotiques
II -4-8- Les Formes dysthymiques
II- 4-9- Les Formes héboïdophréniques
II- 4-10- Les Formes indifférenciées
II- 4- Diagnostic
II-4-1- Diagnostic positif
II-4-2- Diagnostic différentiel
III- TRAITEMENT
III-1- Les principes du traitement
III-2- Les buts du traitement
III-3- Les moyens du traitement
III- 4 – Les modalités du traitement
III- 4 -1- La chimiothérapie
III-4-1-1- Les formes insidieuses
III-4-1-2- Les formes à début brutal
III-4-1-3- La forme simple
III-4-1-4- Les formes paranoïdes (forme productive)
III-4-1-5- Les formes hébéphréniques (forme déficitaire)
III-4-1-6- La forme catatonique
III-4-1-7- La forme hébéphréno-catatonique
III-4-1-8- Les formes pseudo névrotiques
III-4-1-9- Les formes dysthymiques
III-4-1-10- Les formes particulières
III- 4 -2- Les psychothérapies
III-4-2-1- Les psychothérapies individuelles
III-4-2-2- La psychothérapie institutionnelle
III- 4 -3-Les traitements psychosociaux
III- 4 -3-1- Les thérapies comportementales
III- 4 -3-2- La thérapie familiale
III- 4 -3-3- Les thérapies de groupes
III- 4 -3-4- La sociothérapie
IV- EVOLUTION
DEUXIEME PARTIE :LES ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DE LA SCHIZOPHRENIE: A PROPOS DE 105 CAS OBSERVES AU CENTRE HOSPITALIER NATIONAL PSYCHIATRIQUE DE THIAROYE
I- METHODOLOGIE
I-1- Le Cadre
I-1-1- Historique
I-1-1-1- Situation actuelle
I-1-1-2-Organisation
I-2-Type d’étude
I-3-Période d’étude
I-4- Population d’étude
I-5- Recueil de données
I-6- Les limites
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET COMMENTAIRE
II- LES RESULTATS
II-1- Les données sociodémographiques
II-1-1- Répartition des schizophrènes par tanche d’âge de 05 ans
II-1-2- Répartition des schizophrènes selon le sexe
II-1-3- Répartition des schizophrènes selon le sexe et selon la profession
II-1-4- Répartition des schizophrènes selon le lieu de provenance
II-1-5- Répartition des schizophrènes selon le statut familial
II-1-6- Répartition des schizophrènes selon le statut familial et selon le sexe
II-1-7- Répartition du nombre d’enfants par schizophrène
II-1-8- Répartition du nombre d’enfants par schizophrène et selon le sexe
II-2- Les données cliniques et biographiques
II-2-1- Les motifs de consultation
II-2-2- Evolution de la maladie avant la 1ère consultation par intervalle de 05 ans
II-2-3- La prise de substances psycho actives selon le sexe (cannabis, autres drogues)
II-2-4 – Le nombre d’hospitalisations
II-2-5- Le nombre de rechutes
II-2-6- La présence des parents
II-2-7- Harmonie familiale
II-2-8- Les moyens de subsistance
II-3-Les données Thérapeutiques
II-3-1- Les médicaments de base de la schizophrénie
II-3-2- L’observance du traitement
II-4- Evolution clinique des schizophrènes suivis, par intervalle de 05 ans
III – LE COMMENTAIRE DES RESULTATS
QUATRIEME PARTIE :CONCLUSION
IV- CONCLUSION
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