Répartition des prisonniers de guerre français du Stalag VIIIC en fonction de l’Etat civil

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Variations d’effectif et changements de statut

Départs en Kommandos : prise de contact avec le travail

Peu après son arrivée au camp, le prisonnier de guerre est, la plupart du temps, mis au travail. Cela se traduit par un versement dans un détachement de travail dépendant du Stalag. Outre cela, le captif est intégré dans un système plus vaste dans lequel le camp passe un contrat avec les entreprises employant des captifs, entreprises qui versent une indemnité au camp81. Cette indemnité sert à financer le ravitaillement et les salaires des captifs82.
Pour connaître la répartition des hommes du Stalag VIII C dans les détachements de travail de différents types, il faut se référer à la Croix-Rouge internationale. Celle-ci montre qu’en 1942, le camp ici considéré administre 1 406 Kommandos dont la composition est la suivante83 :
Industrie 25 %
Agriculture 65 %
Economie forestière 1 %
Travaux d’aménagement 1 %
Travaux urbains 3 %
Défense nationale 5 %
Ainsi donc l’essentiel des captifs de ce camp est affecté aux travaux agricoles et l’industrie occupe la seconde place. Ce constat ne paraît guère surprenant lorsque l’on s’intéresse à la géographie de la région dans laquelle se trouve ce Stalag. En effet, la Silésie compte d’assez grandes plaines84 constituant le domaine cultivable de grandes exploitations agricoles, assez gourmandes en main-d’œuvre. D’autre part, la haute Silésie est la région de l’industrie du fer, du charbon et de l’acier, ce qui explique la présence de nombreuses mines et hauts fourneaux85, réclamant aussi de la main-d’œuvre. La catégorie « Défense nationale » est assez énigmatique et il est difficile de savoir à quoi elle correspond, peut- être s’agit-il de prisonniers de guerre employés au sein de l’administration militaire allemande. Enfin, il est à noter que ce bilan ne tient pas compte des hommes travaillant dans les petits commerces et chez les artisans, dont le pourcentage est impossible à connaître.
Au regard de ces chiffres, les Allemands ont affecté un plus grand nombre de prisonniers au sein des secteurs les plus vitaux, à savoir l’agriculture qui fournit la nourriture de la population et surtout des soldats, ainsi que l’industrie qui fournit le matériel nécessaire à l’effort de guerre. Ce qui s’explique par le fait que l’Office du Travail allemand répartit les prisonniers de guerre selon les priorités économiques86.
Cette répartition ne souffre visiblement que de peu de changements au cours du conflit, puisqu’en 1943, la Croix-Rouge de Genève fait état de la composition suivante87:
Agriculture 60 %
Industrie 30 %
Petite industrie et exploitation forestière 10 %

La mort au Stalag VIII C

Taux et causes de mortalité

Avant d’aller plus en avant dans ce chapitre, précisons dès maintenant que les éléments exposés dans cette sous-partie ont tous pour origine les dossiers de décès de prisonniers de guerre conservés au PAVCC de Caen149. L’échantillon de 1 022 noms dont nous disposons compte 9 décès, ce qui permet d’établir un taux de mortalité de 0,8 %.
Les causes et périodes de mortalité quant à elles ont pu être compilées dans un graphique (voir page suivante) et sont bien évidemment variées. Tout d’abord, il est aisé de constater que la mortalité est une réalité omniprésente durant les cinq ans de captivité, pas une année n’est épargnée. Cependant, certaines périodes sont plus mortifères que d’autres. La fin de l’année 1940 et les premiers mois de 1941 sont particulièrement meurtriers. Cela est peut-être du au fait que l’acclimatation des hommes à leur nouvel environnement n’est encore pas pleinement réalisée. Mais, il faut surtout prendre en compte le fait qu’à cet instant de la captivité, les captifs souffrent des effets de la sous-alimentation et du manque de vêtements adéquats dans une région assez froide en hiver. Cela semble confirmé par les pics de mortalité visibles en décembre 1941 et janvier 1942.

L’annonce de la triste nouvelle

L’annonce du décès génère un nombre important de documents et suit une procédure bien particulière dans laquelle un grand nombre d’acteurs entrent en jeu. Pour tenter de clarifier cela nous avons réalisé un organigramme à partir des dossiers de décès étudiés165. Signalons également que le schéma concernant l’annonce d’un décès a pu être reconstitué à partir de dossiers de décès de prisonniers de guerre166. Tout d’abord, il faut distinguer plusieurs cas de figures dépendants d’un décès au Stalag ou d’un décès en Kommando.
Dans chaque cas de figure, les instants qui font suite au décès sont marqués par la rédaction d’un certificat de décès par un médecin allemand, qu’il soit militaire ou généraliste. Lors d’un décès au Stalag ce certificat est généralement rempli par le chef de service allemand dirigeant le lazaret. Dans le même temps, le service des sépultures du camp remplit une fiche destinée au fichier du camp puis remplit un document annonçant le décès en en rappelant la cause. Ce document est envoyé au Haut commandement de la Wehrmacht à Berlin avec le certificat de décès du lieu de décès, les cartes-d’identités allemandes du prisonnier (Personalkarten) et la demi plaque d’identité. Toujours au même instant un avis de décès reprenant les mêmes informations est rédigé au Stalag puis transmis au doyen de la Wehrmacht, officier le plus gradé du district dont il est responsable qui transmet cet acte au commandeur des prisonniers de guerre pour le Wehrkreis VIII.
D’autre part, un formulaire pré-imprimé (Todesfall) est rempli et transmis à la présidence de la Croix-Rouge allemande à Berlin avec en pièce jointe un inventaire des effets personnels du défunt. De là, le document est envoyé au délégué de la Croix-Rouge allemande à Paris qui transmet lui-même le document à l’Agence Centrale des Prisonniers de guerre de Genève. Cette institution photocopie le document est transmet le duplicatum au Service Central de l’Etat Civil et des Sépultures militaires de Paris. Ce service transmet ce document à son antenne de Clermont-Ferrand quand la personne à prévenir réside en zone libre. Par la suite le document est transmis à la mairie de la commune de résidence des proches à avertir, mairie qui assure la transmission du document.
Lors de la réception du Todesfall, le délégué de la Croix-Rouge allemande à Paris fait rédiger une lettre adressée à la personne devant être avertie du décès, faisant état du lieu, de l’heure et des circonstances du décès tout en prenant soin de préciser que l’inhumation s’est faite dans les règles, avant de présenter ses condoléances. Cette lettre est transmise pour traduction aux Services diplomatiques des prisonniers de guerre de Paris, pour être transmise au Service de l’Etat civil et des Sépultures militaires, puis à la mairie qui transmet aux proches. Il apparaît certain que ce document est le premier à annoncer le décès à la famille.
Entre temps, le Haut commandement de la Wehrmacht demande au bureau de l’état civil allemand de la commune concernée par le décès, de lui transmettre un certificat de décès officiel, certificat devant être transmis aux proches par l’intermédiaire de la Croix-Rouge de Genève, puis par l’intermédiaire du service de l’état civil de Paris. Le bureau de l’état civil allemand conserve lui aussi un certificat dans ses archives.
Dans le cadre d’un décès hors Stalag, la procédure peut être légèrement différente. Dans ce cas, le certificat de décès rempli par un médecin est envoyé au Stalag qui prend la suite des formalités en suivant la procédure précédemment décrite. Cependant, dans certains cas, le certificat et le formulaire destinés à l’agence de Genève (Todesfall ) sont envoyés directement depuis le lieu de décès, le Stalag se contentant de transmettre le certificat rédigé par son service des sépultures et les cartes-d’identité ( Personnalkarten). Ce cas de figure concerne généralement les décès ayant lieu dans des endroits fonctionnant comme de petits camps indépendants, à l’instar des détachements disciplinaires.
Les prisonniers de guerre transformés, pour leur part, ayant un statut de travailleur civil, l’annonce du décès quand il y a lieu de la faire est assurée par le Bureau du travail (Arbeitsamt) le plus proche du lieu de décès, qui transmet ces documents au commandement militaire en France (Militärbefehlshaber in Frankreich) qui lui même entre en relation avec les services français compétents, précédemment mentionnés167.
Enfin, les prisonniers de guerre étant décédés en 1945, n’ont généralement pas bénéficier de la procédure précédemment décrite du fait de la désorganisation ambiante régnant en Allemagne à cette époque. Pour être informés des circonstances du décès et obtenir les documents officiels les proches doivent entreprendre une procédure de « non-rentré ». Cette démarche entreprise au près du Service de l’état-civil et des sépultures militaires engendre une enquête au sein de l’Allemagne occupée. A partir de ce moment, pour cinq ans, le prisonnier de guerre est porté disparu. Pour régulariser l’état-civil, les proches doivent fournir des attestations de camarades confirmant le décès168.
Nous aurions souhaité établir un graphique reprenant les délais de transmission de chaque document mais cette opération s’est avérée impossible puisque de nombreux dossiers ne possèdent pas tous les documents allemands, voire aucun document allemand. De plus, certains d’entre-eux lorsqu’ils sont présents ne comportent pas les tampons des différents organismes permettant de connaître la date de réception. Quoi qu’il en soit la part d’inconnu aurait largement dépassé la moitié de l’échantillon.
Malgré tout on imagine que le délais de transmission des documents prend plusieurs mois, ce qui explique l’inquiétude d’un certain nombre de proches qui demandent au Service de l’état-civil et des sépultures militaires de mener l’enquête. Ce service se tourne généralement vers le Comité International de la Croix-Rouge pour questionner les autorités du camp d’appartenance du défunt. Cependant, l’arrivée entre-temps, des premiers documents allemands met fin à l’enquête et au doute.
Dans certains cas, les proches se tournent directement vers les Allemands pour avoir des nouvelles, à l’instar de Mme H. qui écrit directement à l’ancien employeur de son mari décédé en captivité pour en savoir plus. L’employeur se tourne alors vers la Kommandantur du Stalag qui lui répond que les documents officiels sont en cours d’acheminement169. Il est difficile de connaître la suite mais l’employeur a peut-être répondu. Le cas de Mr N. constitue un autre exemple car ce père d’un prisonnier de guerre décédé écrit directement au commandant du Stalag VIII C pour connaître les circonstances du décès, le commandant transmet une lettre au Haut commandement de la Wehrmacht apportant les réponses demandées, lettre qui de là, par en France.
Ces différents exemples montrent que pour les proches, rester dans l’expectative constitue une torture qui pousse à faire le maximum pour être fixé sur le sort de celui pour lequel l’inquiétude grandit, inquiétude souvent née d’une absence de réponse aux lettres envoyées en Allemagne. En ce qui concerne les effets personnels des défunts, il est difficile de dire quand ils sont renvoyés aux proches, tout comme il est difficile de connaître le cheminement de ceux-ci. Un transit via les différents services de la Croix-Rouge semble le plus probable. En ce qui concerne les prisonniers de guerre transformés, les effets personnels doivent être transmis par le bureau du travail allemand de la circonscription concernée, au Commissariat Général d’Action Sociale pour les Français travaillant en Allemagne170.
D’autre part, les divers dossiers de décès étudiés171, révèlent que le rassemblement des affaires des défunts se fait avec sérieux et est mené par au minimum deux sous-officiers allemands. Enfin, il est difficile de dire si la procédure évoquée pour annoncer le décès d’un prisonnier de guerre est appliquée de la même manière avec les captifs d’autres nationalités. Cela est certainement le cas pour les Belges, les Britanniques et les Américains mais il est difficile de croire que cette procédure soit aussi bien suivie pour les Polonais, Yougoslaves et Soviétiques qui du fait de leur statut de Slaves sont considérés comme des « sous-hommes ».
Il nous faut également préciser que le processus que nous venons de décrire pour l’annonce du décès comporte peut-être quelques manques puisque d’autres acteurs entrent possiblement en jeu sans qu’il soit possible de s’en rendre compte à travers les dossiers de décès.

Les difficultés de la vie captive

Le logement : promiscuité, manque de confort et insalubrité

Si la promiscuité désigne une situation de voisinage, de proximité désagréable ou bruyante360, il est clair que cette définition correspond aux conditions de logement des hommes du Stalag VIII C, que ce soit au camp en lui-même ou dans certains détachements, surtout industriels. Au commencement de leur captivité, c’est-à-dire, dans les derniers mois de l’année 1940, les nouveaux arrivants au camp de Sagan connaissent l’entassement au sein de logements précaires. Les hommes franchissant la porte principale du Stalag ici considéré, sont d’abord logés sous des tentes de 200 à 300 places, comme l’explique Etienne GAUTHIER361. Ces conditions de logement sont également confirmées par les prisonniers Daniel DARNAC362 et Pierre CHIGOT363.
Plus tard, au gré des départs en Kommando, les hommes logés dans les tentes obtiennent une place dans l’une des baraques du camp. Chacune des 42 baraques en brique de type standard accueille environ 370 hommes364. Bien que jugés spacieux par un délégué de la Croix-Rouge en visite au camp365, ces baraquements doivent cependant paraître étroits à ceux qui y vivent au quotidien. En effet, chaque bâtiment est divisé en demi-baraques séparées par une pièce centrale servant de logement au chef de baraque français. De chaque côté de ces pièces s’alignent les couchettes étagées sur trois niveaux, tandis qu’au centre se trouve un lavabo aux multiples robinets, ainsi qu’une buanderie366 dans laquelle les hommes rangent les bassines leur servant à laver leurs effets personnels. Chaque demi-baraque comporte également un poêle en faïence367. Précisons également que Etienne GAUTHIER368 confirme ces descriptions de l’intérieur des baraques du Stalag.
Au regard de ces éléments, l’espace personnel à l’intérieur de ces baraques se trouve drastiquement restreint, d’autant plus que chacun doit trouver une place pour ses affaires personnelles. Enfin, le linge fraîchement lavé est généralement placé à sécher sur des fils tendus au plafond et courant en diagonale le long de la baraque, ainsi ces guirlandes humides viennent accentué la sensation d’espace réduit. Il est donc clair que la promiscuité n’est pas un vain mot pour caractériser ces conditions de logement.
Pour autant, les autorités allemandes du Stalag s’efforcent de remédier à ce manque de place dès la fin du mois de mai 1940, en affectant les prisonniers de guerre polonais encore présents au camp, à la construction de baraques supplémentaires. Dans le cadre de ces travaux d’agrandissement, les Polonais sont épaulés par des ouvriers civils allemands369. Qui plus est les baisses d’effectif dues aux affectations en Kommando , aux rapatriements divers et aux décès, participent également à la réduction de l’entassement. Ainsi un délégué de la Croix-Rouge note que la baisse de 2/3 de l’effectif du camp, en juillet 1943, fait que les hommes se sentent moins à l’étroit370. De cette manière, il apparaît donc clair que les conditions de logement changent au gré des variations d’effectif, car comme le montre le cas des prisonniers de guerre inaptes au service, chaque nouvelle arrivée entraîne des problèmes de logement. En effet, ces hommes sont logés dans une baraque spéciale dont les capacités d’accueil sont vite atteintes, ainsi les quelques 300 hommes partageant ce local sont vite à l’étroit371. Ces hommes devant être rapatriés en France ne peuvent s’attendre à une amélioration de leurs conditions de vie, les autorités du camp n’étant certainement pas motivées pour engager des frais afin d’agrandir les locaux destinés à l’accueil de prisonniers dont le « séjour » est provisoire.
De plus, en décembre 1943, 400 prisonniers français venant du Stalag VIII B/Z dissous, viennent gonfler l’effectif sédentaire du Stalag VIII C372. Ce qui explique qu’en mai 1944, le bloc principal du camp compte 1 664 Français, 98 Yougoslaves et.
Sur ce point, le cas des Britanniques est lui aussi révélateur puisque les 800 nouveaux arrivants de mai 1944, sont placés dans deux grandes baraques plus trois demi-baraques au sein d’un bloc réservé aux soldats du Commonwealth, similaires à celles des Français. Ces locaux se retrouvent vite surpeuplés375. Cet exemple montre que l’entassement est surtout le lot des nouveaux arrivants au camp, cependant si cela s’arrange avec le départ de certains, la promiscuité reste de mise.
Ces exemples dépeignent également l’une des caractéristiques de la vie de tout prisonnier de guerre, à savoir, la vie en groupe. En effet, à l’instar de leurs homologues français en Allemagne, les hommes du Stalag VIII C vivent dans des logements au sein desquels s’applique la vie de caserne, c’est-à-dire une vie ou règne les activités de groupe, puisque les dortoirs sont collectifs, les lavabos pour la toilette sont collectifs, les lieux de repas sont collectifs, les latrines sont également collectives, de même pour les chambres de l’infirmerie ou du lazaret. Ainsi, l’une des difficultés pour le prisonnier de guerre réside dans le fait de ne jamais pouvoir s’isoler totalement. Le captif de guerre souffre donc d’un manque d’intimité.

Le manque de nourriture et de vêtements

La ration alimentaire des prisonniers de guerre sera équivalente en quantité et qualité à celle des troupes de dépôt. Les prisonniers recevront, en outre, les moyens de préparer eux-mêmes les suppléments dont ils disposeraient.
De l’eau potable en suffisance leur sera fournie. L’usage du tabac sera autorisé. Les prisonniers pourront être employés aux cuisines ».432
Telles sont les obligations, au sujet de l’alimentation, assignées par l’article 10 de la convention de Genève de 1929, à toute puissance détentrice signataire de ce texte.
En ce qui concerne le Stalag VIII C, le bilan effectué par un délégué de la Croix-Rouge internationale en visite au camp en mai 1940433, concernant les rations fournies par les autorités allemandes aux captifs laisse penser que les prescriptions de la convention de Genève sont globalement respectées. En effet, le délégué parle de trois repas par jour avec au menu 360 grammes de pain et 60 à 80 grammes de viande par semaine434. Il est cependant frappant de constater la divergence de point de vue exprimée au sein des autres sources composant le corpus de cette étude. La situation alimentaire dépeinte par plusieurs captifs de ce Stalag, s’avère nettement moins convenable. Ainsi, Etienne GAUTHIER faisant son arrivée au camp à la fin juin 1940, soit environ un mois après la visite du délégué, fait état d’un simple « jus », certainement une sorte de tisane, le matin seulement435. Jacques BRUNEAUX quant à lui, arrivant le 28 juin 1940 au Stalag de Sagan, fait mention d’une soupe à 10 heures, insignifiante en terme de quantité436. Enfin, la chanson Chez le Princ’ de Sagan composée au camp par Jean de Lébrijes, le 28 août 1940, fait également état d’un menu frugal composé d’une soupe aux pommes de terre et d’un quart d’orge grillé pour la journée, et ce pour tous les jours de la semaine437.
Au vu de ces éléments, il semble que les autorités allemandes montrent au délégué un menu ne correspondant pas à la réalité. Il apparaît donc qu’en ce début de captivité à Sagan, l’approvisionnement par la puissance détentrice consiste en une distribution de plats nettement insuffisants en terme de quantité, d’autant plus que le système des colis n’est pas encore mis sur pied ce moment de la captivité.
Ainsi, la faim est une réalité au Stalag VIII C et les hommes semblent réellement en souffrir, comme en témoigne Jacques BRUNEAUX qui, face à son premier repas en Kommando s’exclame Quel paradis auprès de Sagan ! »438. Il en va de même pour le prisonnier FOUYER qui, lors de son arrivée en Kommando agricole dépendant du Stalag de Sagan, mange à lui seul plus de la moitié d’un plat de purée439. Enfin, il arrive que les objets parlent autant que les documents écrits et révèlent certains aspects de la vie de leurs anciens propriétaires. Ainsi, le ceinturon en cuir de Jean BLAIZOT440 témoigne de la sous-alimentation des prisonniers de guerre car comme tout ceinturon militaire celui-ci comporte deux rangées de onze trous réglementaires accueillant deux ardillons. Cependant, l’amaigrissement de son porteur oblige ce dernier à percer deux nouveaux trous à quelques centimètres derrière les deux derniers orifices réglementaires, sans quoi le ceinturon serait trop lâche. Cependant, cet objet ne révèle pas si cet amaigrissement est du à la sous-nutrition du début ou des derniers mois de captivité. Il est donc clair que la sous-alimentation au sein du camp principal est une réalité et que les rations fournies par les autorités allemandes ne suffisent pas à satisfaire l’appétit des captifs.
Il semble cependant que la situation s’améliore quelque peu, une fois passées les improvisations du début de la captivité. En effet, la quantité de nourriture distribuée par la puissance détentrice semble revue à la hausse. Cependant, les sources ne livrent pas suffisamment de détail concernant le type d’aliments fournis, ainsi que sur la quantité allouée, ce qui ne permet pas de retracer une évolution précise du régime alimentaire des prisonniers de guerre de Sagan.
Malgré cela, à partir de 1941, la Croix-Rouge fait mention de rations conformes aux prescriptions, ne faisant l’objet d’aucune plainte de la part des captifs ou de leurs représentants441. Ainsi, début 1942 le menu standard au camp principal est censé se composer de 320 grammes de pain par jour, de 420 grammes de viande par semaine et de 600 grammes de pommes de terre par jour442. Pour sa part, l’homme de confiance Pierre GUERIN nuance ce menu présenté par un délégué de la Croix-Rouge et affirme que durant son « mandat » de septembre 1942 à novembre 1943, le menu quotidien se compose d’une tisane chaude le matin, d’un litre de soupe de consistance variable le midi et d’un casse-croûte de pain de 300 à 350 grammes avec 25 grammes de margarine ou 30 de fromage ou 75 grammes de confiture, à 17 heures443.
Si l’on en croit ces menus, en plus d’une substantielle augmentation de la quantité, l’amélioration réside également dans le service de trois repas par jour contrairement à l’unique soupe servie à 10 heures en début de captivité444.
Quoi qu’il en soit, les différentes sources s’accordent pour pointer du doigt la faiblesse des rations attribuées par la puissance détentrice, à l’instar de Pierre GUERIN qui explique que ce régime ne suffit pas à combler les besoins des captifs, y compris pour ceux qui ne travaillent pas445. La Croix-Rouge reconnaît également qu’il s’agit d’une « ration minimale tout juste suffisante pour soutenir les forces des hommes »446.
Par la suite, pour l’année 1943, les délégués du CICR font état de rations réglementaires et d’une amélioration de la qualité des aliments favorisée par le fait qu’un prisonnier français remplisse la fonction de cuisinier447, conformément aux prescriptions de l’article 10 de la convention de Genève. Pour le début de l’année 1944, la description faite par la Croix-Rouge dépeint là encore un menu pour lequel les quantités allouées sont réglementaires, cependant le manque de données dans les autres sources ne permet pas d’étayer les dire du Comité International de la Croix-Rouge.

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Table des matières

Introduction
1 ere PARTIE : LES PRISONNIERS DE GUERRE FRANCAIS DU STALAG VIII C, QUEL PROFIL ?
I/ Essai de sociologie des captifs français du Stalag VIII C
1. Statistiques concernant la capture
2. Répartition par âge des prisonniers de guerre français du Stalag VIII C
3. Origine géographique des prisonniers de guerre français du Stalag VIII C
4. Répartition socio-professionnelle des prisonniers de guerre français du Stalag VIII C
5. Répartition des prisonniers de guerre français du Stalag VIIIC en fonction de l’Etat civil
II/ Variations d’effectifs et changements de statut
1. Départs en Kommandos : prise de contact avec le travail
2. Les libérations anticipées et évasions
3. La transformation
III/ La mort au Stalag VIII C
1. Taux et causes de mortalité
2. « Cérémonie religieuse avec honneurs militaires »
3. L’annonce de la triste nouvelle
2 eme PARTIE : S’ADAPTER A UNE NOUVELLE VIE
I/ Une nouvelle société s’organise
1. Une société régie par les Allemands
2. Une nouvelle administration française : L’homme de confiance et ses services 3
3. La mise en place de nouvelles sociabilités ( « popotes », cercles et groupements régionaux)
II/ Les difficultés de la vie captive
1. Le logement : promiscuité, manque de confort et insalubrité
2. Le manque de nourriture et de vêtements
3. Le cafard
4. Les rigueurs de la discipline allemande
III/ Les palliatifs aux difficultés
1. Réconfort moral et réconfort matériel : le courrier et les colis
2. L’entraide
3. Les activités intellectuelles
4. Les activités artistiques
5. Le secours de la religion
A/ Le profil des aumôniers
a. L’âge
b. Les grades
c. La formation
B/ Les aumôniers des prisonniers de guerre comme les autres
a. Le Stalag pour environnement quotidien
b. Prêtres de Kommandos
c. Quelques libérations
6. Jeux, activités de plein air et sport
4 eme PARTIE : FIN DE CAPTIVITE ET RAPATRIEMENT
I/ Les dernières épreuves
1. Une évacuation difficile
2. Des prisonniers de guerre au milieu des combats
II/ Le retour au pays
1. Le rapatriement des hommes du Stalag VIII C
2. L’état de santé des rapatriés du Stalag VIII C
3. La réinsertion dans la société civile
III/ La mémoire de l’exil forcé en Silésie
1. La captivité de guerre au Stalag VIII C, une mémoire à préserver
A/ réunions entre anciens prisonniers de guerre et « pèlerinages »
B/ Amicale de camp et site internet : garants de la mémoire des événements
C/ Raconter la captivité
2. La captivité de guerre à Sagan : des traces effacées du paysage
Bibliographie

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