Répartition des différentes formes anatomiques des uvéites
Méthodes :
Une anamnèse détaillée avait permis de recueillir les données concernant l’âge, le sexe, le délai entre l’apparition des signes fonctionnels et la consultation ophtalmologique, les antécédents personnels et familiaux, pathologiques et toxiques ; le mode de survenue de l’atteinte oculaire brutal et bruyant dans un délai inférieur à 6 semaines ou insidieux et progressif au-delà de 6 semaines, la latéralité de l’atteinte, l’existence ou non d’épisodes antérieurs d’uvéites ainsi que les différents autres signes généraux ou fonctionnels accompagnateurs. Tous les patients avaient bénéficié d’un examen physique complet comprenant un examen général, dermatologique, rhumatologique, pleuro-pulmonaire, cardiovasculaire, abdominal, neurologique, urologique et des aires ganglionnaires. Cet examen était réalisé à l’admission puis de manière régulière au cours de l’hospitalisation. Un examen ophtalmologique complet était refait chez tous les malades une fois hospitalisés afin de confirmer l’atteinte oculaire et de déceler d’éventuels changement par rapport aux examens fait avant l’hospitalisation.
L’angiographie à la fluorescéine a été réalisée dans un seul cas. Les examens paracliniques étaient guidés par le type de l’atteinte ophtalmologique et le contexte clinique. Dans les cas où il n’y avait pas d’élément d’orientation, un bilan a été fait, en privilégiant les examens les plus simples et susceptibles d’être contributifs. Ainsi, les patients avaient bénéficié d’une numération formule sanguine (NFS), un taux de prothrombine (TP), un temps de céphaline activé (TCA), un dosage de fibrinogène sanguin, une vitesse de sédimentation (VS), un dosage de la C-réactive protéine (CRP), une électrophorèse des protéines sériques (EPP), une intradermo réaction à la tuberculine, des sérologies de toxoplasmose, de syphilis et de VIH ; un bilan hépatique, un bilan rénal, un bilan phosphocalcique sanguin, un ionogramme sanguin, une glycémie à jeun, des examens radiologiques comprenant une radiographie du thorax, une radiographie des articulations sacro-iliaques, une radiographie des 2 mains, une radiographie des avant pieds.
Les autres examens ont été faits à la lumière des données des examens précédents et du contexte clinique. Concernant les différentes étiologies, le diagnostic était retenu pour les maladies de système en se basant sur les critères diagnostiques internationaux. Ainsi, le diagnostic de la maladie de Behçet a été basé sur les critères de l’International Study Group pour la maladie de Behçet (ISG) [13], celui des spondylarthropathies sur les critères d’AMOR et AL [14] et celui de la sarcoïdose sur l’existence d’un diagnostic de présomption et ou l’examen histologique d’un granulome Inflammatoire avec élimination des autres causes d’atteinte granulomateuse. Une fiche d’exploitation a été établie pour le recueil des données à partir des dossiers médicaux pour chaque patient (Annexe I), avec une analyse des données diagnostiques, thérapeutiques et évolutives.
Antécédents : Dix-huit patients (40 %) avaient des antécédents d’uvéites. Treize patients avaient des antécédents dermatologiques, soit un pourcentage de 28,9 %, dont 8 cas correspondaient à des antécédents d’aphtose buccale et génitale récidivante. Deux patients (4,4 %) avaient des antécédents articulaires à type de RAA. Des antécédents d’IST étaient retrouvés dans 20 % des cas, dont 3 cas correspondaient à des antécédents de chancre syphilitique, 3 cas à des antécédents de cervicite et 3 cas à des antécédents d’urétrite. Deux cas (4,4%) de contage tuberculeux, un cas (2,2%) de traumatisme oculaire, un cas (2,2%) de toxoplasmose oculaire traité, deux cas (4,4%) de fausses couches. Les autres antécédents retrouvés : *Vasculaires (11,1%), représentés par un cas de phlébite du post partum et 4 cas d’HTA. *Allergiques (6,7%), représentés par une allergie aux sulfamides et aux AINS dans 2 cas et à la pénicilline dans un cas. *Neurologiques (4,4%), représentés par une migraine dans deux cas. *Digestifs (4,4%), représentés par un antécédent de réctorragie et moelena dans un cas et de gastropathie dans l’autre cas. L’absence d’antécédents était notée dans 35,6% des cas (tableau II).
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
Une étiologie a été retrouvée dans 17 cas (37,8%), retenue devant une forte suspicion dans 8 cas (17,8%) et indéterminée dans 20 cas (44,4%) (tableau VI). Le diagnostic de la maladie de Behçet a été retenu chez 15patients (33,3%) en se basant sur les critères de classification de l’International Study Group for Behçet’s disease (Annexe II). Trois cas de sarcoïdose ont été notés (6,7%). Un cas était confirmé par la mise en évidence d’un granulome inflammatoire non caséeux avec cellules géantes et épithélioide à l’examen anatomopathologique lors d’une biopsie de glande salivaire. Dans les autres cas le diagnostic était basé sur l’aspect granulomateux de l’atteinte oculaire associé à une anergie tuberculinique constante et d’autres manifestations évocatrices, notamment une paralysie faciale, des arthralgies inflammatoires périphériques, des nodules cutanés, une fièvre, un aspect granulomateux tuberculoïde à la biopsie cutanée dans un cas, et la présence d’adénopathies médiastinales et hilaires bilatérales au scanner thoracique avec l’aspect granulomateux tuberculoïde à la biopsie ganglionnaire dans l’autre cas.
Une spondylarthrite ankylosante était retenue dans 3 cas (6,7%) en se basant sur les critères de classification proposés par AMOR et AL. (1990) (Annexe III). La syphilis était retenue dans 2 cas (4,4%), dont un cas correspondait à une neurosyphilis et l’autre cas à une syphilis latente. Les autres étiologies retrouvées étaient une maladie de Vogt-Koyanagi-Harada dans un cas (2,2%) et une infection bactérienne de voisinage à type sinusite maxillaire dans un cas (2,2%). La maladie de Behçet était l’étiologie des uvéites la plus fréquente. Elle était retrouvée chez 15,8 % des patients ayant une uvéite antérieure, chez 71,4 % des patients ayant une uvéite intermédiaire, chez 75 % des patients ayant une uvéite postérieure et chez 26,7 % des patients ayant une panuvéite (tableau VII).
Les immunosuppresseurs : Un traitement immunosuppresseur a été additionné chez 20 patients (44,4%). Il était représenté par les Cyclophosphamides dans 13 cas (65%) : huit cas (40%) de panuvéites sévères, évoluant dans le cadre de la maladie de Behçet dans 3cas, un cas de sarcoïdose avec intolérance aux corticoïdes et 4 cas d’étiologie indéterminée avec corticodépendance. Trois cas (15%) d’uvéites intermédiaires dont 2 cas correspondaient à une maladie de Behçet avec atteinte vasculaire et un cas à une sarcoïdose avec corticodépendance. Deux cas (10%) d’uvéites postérieures, dont un cas correspondait à une maladie de Behçet corticorésistante et l’autre cas à une sarcoïdose avec atteinte neurologique. L’azathioprine a été additionnée dans un cas (5%) d’uvéite antérieure évoluant dans le cadre d’une maladie de Behçet avec intolérance aux corticoïdes, un cas (5%) d’uvéite intermédiaire récidivante évoluant dans le cadre d’une maladie de Behçet avec corticodépendance, un cas (5%) d’uvéite antérieure récidivante et un cas (5%) d’uvéite postérieure récidivante correspondant tous les deux à une maladie de Behçet avec une atteinte neurologique. Le méthotrexate a été additionné dans 2 cas (10%) d’uvéites antérieures récidivantes et un cas (5%) de panuvéite récidivante, évoluant dans le cadre d’une spondylarthrite ankylosante. A noter que deux de ces patients avaient développé une aplasie médullaire à la salazopyrine.
Classification pathologique : L’aspect de l’inflammation endoculaire permet de classer les uvéites selon leur caractère granulomateux ou non granulomateux.
Les uvéites granulomateuses [1, 5, 8] : Dues à une hypersensibilité locale. Ces uvéites se caractérisent par des précipités de cellules inflammatoires de grande taille ou des agglomérats sur l’endothélium cornéen réalisant un aspect « en graisse de mouton » ; des nodules de Koeppe, gris ou blancs, situés au bord pupillaire en général de petite taille, résultent de l’infiltration du parenchyme irien par des lymphocytes et des polynucléaires; des nodules de Busacca situés, à distance de la pupille et plus volumineux, dans le stroma irien avec souvent un épaississement ou une atrophie de l’iris. La sarcoïdose et l’herpès intraoculaire en sont les étiologies les plus fréquentes.
Les uvéites non granulomateuses [1, 5, 8] : Elles se caractérisent par la présence de précipités inflammatoires sur l’endothélium sous forme de poussière. Ils réalisent dans certains cas un hypopion qui est une exsudation puriforme aseptique collectée dans la partie inférieure de la chambre antérieure. Ces précipités proviennent des cellules inflammatoires présentes dans l’humeur aqueuse qui sédimentent par gravitation sur la paroi interne de l’oeil. La deuxième caractéristique de l’uvéite non granulomateuse est la formation de fibrine, en cas d’inflammation importante, à partir de la grande quantité de protéines présentes dans l’humeur aqueuse et qui sont également à l’origine de synéchies entre le bord pupillaire et la surface antérieure du cristallin. Le caractère granulomateux de l’uvéite permet de limiter la recherche de son étiologie à une liste restreinte. Toutefois, sur le plan pratique, cette différence n’est pas toujours aisée ; de plus ce caractère granulomateux s’estompe avec le temps lorsque la phase aigue disparait.
Répartition des différentes formes anatomiques des uvéites
L’uvéite antérieure est la forme la plus fréquente des uvéites. C’est en particulier le cas dans les pays occidentaux, où elle représente 50 à 60 % des cas d’uvéites diagnostiqués dans les centres tertiaires et 90 % dans les unités de soins primaires [27]. L’uvéite postérieure est la deuxième forme par sa fréquence dans la majorité des pays et représente environ 15 à 30 % des cas [20]. Quant à l’uvéite intermédiaire, la forme la plus rare [20], elle représente 4 à 20 % de l’ensemble des uvéites [28-33]. Comparativement aux pays occidentaux, la panuvéite est plus fréquente en Amérique du sud, en Afrique et en Asie, où elle représente la seconde forme d’uvéite par sa fréquence [20]. Les particularités régionales jouent un rôle essentiel dans cette forme.
L’analyse de la topographie des uvéites dans notre série montre que les atteintes antérieures sont les plus fréquemment rencontrées (42,2%), suivies par les panuvéites (33,3%), suivies respectivement par les atteintes intermédiaires (15,6%) et postérieures (8,9%) (tableau XI). Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces constatations. En effet, ces différences de présentations d’une région à l’autre et d’une population à l’autre pourraient suggérer la présence de facteurs ethniques et environnementaux influençant la gravité de l’atteinte oculaire. Par ailleurs, la sévérité de l’atteinte oculaire chez nos patients pourrait être rattachée au délai de consultation qui est en moyenne de 17 mois et qui fait que nos malades ne sont diagnostiqués qu’à une phase d’atteinte tardive et d’emblée étendue. Ce retard diagnostic explique aussi l’atteinte bilatérale estimée à 48,9 % et la grande fréquence des uvéites récidivantes qui est de l’ordre de 62,2 %.
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
RESULTATS
I- Epidémiologie
1- Age
2- Sexe
3- Antécédents
4- Circonstances de découverte
4-1 Signes fonctionnels révélateurs de l’uvéite
4-2 Délais de consultation
5- Mode de début
6- Durée d’évolution
7- Nombres d’épisodes
II- Données de l’examen clinique
1- Examen ophtalmologique
1-1 Acuité visuelle
1-2 Signes ophtalmologiques
1-3 Siège de l’uvéite
1-4 Répartition des différentes formes cliniques des uvéites
2- Manifestations extra ophtalmologiques
2-1 Manifestations dermatologiques
2-2 Manifestations rhumatologiques
2-3 Manifestations neurologiques
2-4 Manifestations vasculaires
2-5 Autres manifestations
III- Données des examens paracliniques
1- Examens biologiques
2- Examens sérologiques
3- Examens radiographiques
4- Examens histologiques
5- Autres examens
IV- Diagnostic étiologique
V- Traitement
1- Traitement des uvéites
1-1 Les corticostéroïdes
1-2 Les immunosuppresseurs
1-3 Autres traitements des uvéites
2- Autres traitements
Les uvéites en médecine interne
VI- Evolution
VII- Complications du traitement
DISCUSSION
I – Rappel anatomique
II- Classification des uvéites
1- Classification anatomique
2- Classification clinique
3- Classification étiologique
4- Classification pathologique
5- Classification de l’International Uveitis Study Group
III- Epidémiologie
1- Age
2- Sexe
3- Répartition des différentes formes anatomiques des uvéites
IV- Diagnostic positif
1- Uvéite antérieure
2- Uvéite intermédiaire
3- Uvéite postérieure
V- Diagnostic étiologique
1- Etape clinique
1-1 Interrogatoire
1-2 Examen clinique
1-2-1 Examen ophtalmologique
1-2-2 Examen somatique extra ophtalmologique
a- Examen dermatologique
b- Examen rhumatologique
c- Examen neurologique
d- Examen abdominal
e- Examen pleuro-pulmonaire
f- Examen général
2- Etape paraclinique
2-1 Angiographie rétinienne
2-2 Ponction de la chambre antérieure
2-3 Vitrectomie à visée diagnostique
2-4 Biopsie choriorétinienne
2-5 Examens biologique
2-6 Examens radiologiques
2-7 Cytologie-histologie
2-8 Recherche d’antigènes d’histocompatibilité HLA
2-9 Autres examens
3- Etiologies des uvéites
3-1 Les uvéites d’origine infectieuse
3-2 Les uvéites symptomatiques d’une maladie systémique
3-3 Les uvéites symptomatiques d’une maladie ophtalmologique
3-4 Les uvéites médicamenteuses
3-5 Les uvéites et la pathologie oto-rhino-laryngologique
3-6 Les uvéites idiopathiques
4- Attitude pratique
4-1 En cas d’uvéite antérieure
4-2 En cas d’uvéite intermédiaire
4-3 En cas d’uvéite postérieure
VI- Traitement
1- Principes et objectifs thérapeutiques
2- Moyens thérapeutiques
2-1 Les agents anti-inflammatoires
2-1-1 Les corticostéroïdes
2-1-2 Les anti-inflammatoires non stéroidiens
2-2 Les agents immunosuppresseurs
3- Les indications
3-1 Traitement symptomatique des uvéites
3-2 Traitement étiologique
4- Perspectives thérapeutiques
4-1 Nouvelles voies d’administrations
4-2 Nouvelles molécules
VII- Evolution
VIII- Complications du traitement
CONCLUSION
ANNEXES
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE
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