Profil épidémiologique
Afin de mieux comprendre les circonstances et les étiologies des traumatismes maxillo-faciaux, il est nécessaire d’analyser chaque facteur de cette étude et de chercher à déterminer son degré de culpabilité dans la genèse de ces traumatismes.
Des facteurs comme le statut socio-économique, la période d’investigation, le sexe, l’âge, les habitudes culturelles régionales, la densité du parc automobile peuvent influencer le type et la fréquence des traumatismes maxillo-faciaux.
Pour notre étude, il s’agit d’une population homogène reflétée par le caractère polyvalent de recrutement (sans distinction d’âge) des urgences de l’hôpital Ibn Tofail.
L’âge
Dans notre étude la majorité de nos patients étaient jeunes avec une prédominance pour la tranche d’âge comprise entre 20 et 30 ans avec 33.5% et un pourcentage cumulé pour les patients de moins de 50 ans de 87.6%, ceci rejoint la littérature comme dans l’étude de Zargar, M., et al.[1] ou 53.3% de la population étudiée était âgée entre 11 et 30 ans , et l’étude de BarrosT.E et al[2] ou l’âge moyen était de 30.9 ans ou l’étude de Wulkan M et al [3] ou l’âge était entre 20 et 39 ans .
L’explication possible de cette disposition s’explique par le fait que cette tranche d’âge prend plus de risque en matière d’activité sportive, de conduite et est plus impliquée dans les actes de violence.
Le sexe
Dans notre étude la majorité de nos patients étaient de sexe masculin avec un sex ratio de 3.34 et ceci rejoint la littérature comme dans l’étude de Zargar, M., et al.[1] ou le sexe ratio est de 4.5 , l’étude de Barros [2] avec un sex ratio de 3.3 et l’étude de Carvalho, T.B., et al.[4] et de Brasileiro [5] et de Zhou [6]avec un sex ratio de 4.1, l’étude de Wulkan M et al[3] ou 78% des patients étaient de sexe masculin.
il est toutefois intéressant de noter que le niveau socio-économique et l’état culturel de la population peuvent influencer directement la fréquence des TMF chez la femme .Au Nigeria ou au Pakistan, le sex-ratio était supérieur à 10/1 dans les années 1970, mais l’occidentalisation progressive de ces sociétés fait évoluer ce chiffre vers des valeurs plus proches de celles des pays développés [7, 8].
Répartition dans le temps de la traumatologie maxillo-faciale
La répartition dans le temps des TMF est intiment liée au site géographique [9]. En se référant aux données de la littérature on retrouve que la période la plus propice pour la survenue des TMF est la période de juin -juillet-août, notion retrouvée dans notre étude. Durant cette période estivale le nombre de déplacements augmente ce qui accroit le risque d’AVP et ceci s’explique mieux lorsqu’on intègre la ville de Marrakech dans sa position de ville touristique par excellence.
Dans notre étude, nous avons relevé qu’il y avait un pic de fréquence des traumatismes maxillo-faciaux lors des derniers jours de la semaine et dans la plupart des cas le soir à partir de 18h, ce qui rejoint la littérature .
Etiologies des traumatismes
Les AVP, l’agression et les chutes sont les mécanismes qui viennent en première position dans le mécanisme des traumatismes maxillo-faciaux à travers le monde avec une variabilité en fonction des pays et au sein d’un même pays, dépendant de façon directe du contexte socio-économique, culturel, religieux et environnemental selon [12-16].
Dans notre étude on a retrouvé que les AVP sont la 1ère17 étiologie avec 44.7% suivie de l’agression dans 33.3% des cas, en comparant ces résultats aux études menées à Marrakech durant 2011[, 18] nous constatons que le nombre des AVP n’a pas diminué , par contre l’agression comme mécanisme des TMF a gagné en pourcentage au profit d’autres mécanismes.
Ainsi nous retrouvons le même profil que l’étude de Bouguila et al [19] effectuée en Tunisie et qui a trouvé par ordre décroissant l’incidence suivante : les accidents de la voie publique (AVP) (39 %), les rixes (28 %) et les accidents domestiques (19%).
Une autre particularité étiologique de notre série est l’absence de traumatisme balistique, ces traumatismes forment en effet un groupe à part, les circonstances de survenue sont variées : éclat de grenade, explosion de matériels industriels ou accidents dus aux armes à feu.
Beaucoup d’études incluent la consommation d’alcool et de drogue comme la marijuana, cocaïne et héroïne dans ces traumatismes quel que soit l’étiologie [20] par la dépression des mécanismes inhibiteurs du cerveau, cette association peut aller jusqu’à 55% des cas.[13, 20].
Dans notre série, cette notion est mal étudiée surtout celle induite par l’intoxication par les différentes drogues mais on a trouvé que 8.9% des patients victimes de TMF étaient en état d’ivresse lors de la consultation sachant que ce chiffre reste sous-estimé par rapport à la réalité étant donné les tabous d’une société musulmane protectrice.
Les accidents de la voie publique
Selon le comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC) l’incidence des AVP au Maroc est d’environ 67000 accidents dont environ 340 décès mensuels et toujours – selon son rapport provisoire portant sur la région de Marrakech Tensift Al Haouz- au mois de Décembre 2013 où le nombre d’accidents a augmenté de 24.65% en comparaison avec la même période de l’année 2012.
Dans notre étude, l’étiologie la plus commune des traumatismes maxillo-faciaux concerne les accidents de la voie publique et ceci rejoint l’étude de Barros, T.E., et al.[2] et de Zhou[6], l’étude de Van den Bergh et al [14] effectuée à Amsterdam au Pays bas et l’étude Zargar, M., et al[1] où l’étude démontre clairement l’intérêt du port du casque comme prévention des traumatismes crânio-faciales sévères, ainsi que l’étude de Smith, H., et al.[22] et l’étude de Motamedi et al [23].
Dans notre série on a scindé les AVP en 4 mécanismes ; AVP motocycliste, AVP conducteur , AVP piéton et AVP vélo .
L’étiologie la plus commune parmi les AVP concerne les accidents des 2 roues ce qui concorde avec les données de la circulation à Marrakech qui montre un nombre particulier élevé du parc des motocyclistes dans la ville comme en Malaisie [24], et qui concorde avec l’étude de Bouguila J [19] menée à Tunis et l’étude de Brasileiro [5] qui, en étudiant les circonstances des AVP, a trouvé que les véhicules à 2 roues sont impliqués dans 63.2% : vélo ( 34.1%) et motocycle (29.1%) , résultats trouvés aussi par Chemaa SA et al [8] .
Dans l’étude de Chandra Shekar et al [25], l’auteur met en cause la nature agressive et la conduite imprudente de cette population jeune dans les traumatismes maxillo-faciaux, ainsi pour Shekar et al[25] l’augmentation du nombre des AVP est dû à plusieurs facteurs dont le non-respect du code de la route par les piétons ,l’augmentation du parc automobile , les routes usées non réaménagées, l’éclairage public défectueux des routes et le non-respect du code de la route.
Dans notre étude, les victimes sont principalement des jeunes hommes entre 20 et 30 ans conduisant un deux-roues ayant subi un AVP dans le centre de la ville (quartier de Guéliz, de SYBA ou de Médina) et qui seront acheminés à l’hôpital par un mode de transport le plus souvent personnel et qui consultera donc dans un délai entre H1 et H6.
Les AVP sont globalement en nette diminution dans toutes les séries et tous les efforts fournis en termes de prévention routière montre l’efficacité de ces mesures [20, 26].
Les agressions
Dans notre étude, les agressions sont au 2ème19 rang avec 33.3% après les AVP ce qui concorde avec l’étude de Bouguila J [], par contre dans l’étude de Carvalho et al[4] l’étiologie la plus commune est l’agression ainsi que l’étude de Morris et al[27] et l’étude de Afrooz et al [28] où le mécanisme le plus fréquent est l’agression avec 49.1% pour les patients de genre masculin alors que le mécanisme le plus fréquent chez les patientes est les AVP avec 53.7%.
En analysant le lieu de survenue de ces agressions on constate que trois grands quartiers sont majoritaires en termes de fréquence des agressions qui sont par ordre de fréquence décroissant : Médina, Guéliz et SYBA.
Les agressions restent la première étiologie dans plusieurs séries [20, 29]; le haut pourcentage de chômage, l’inflation démographique ainsi que le bas niveau socio-économique entrainent une augmentation des actes de violence [20].
Les accidents domestiques et les chutes
Les chutes viennent en 3ème30 position dans notre étude avec 7.4% suivies des accidents domestiques contrairement à l’étude EURMAT [] effectuée dans tous les pays d’Europe qui a trouvé que les agressions et les chutes viennent en première position en alternance , ceci est expliqué par le profil épidémiologique particulier du continent européen fait par une population âgée importante dû à l’allongement de l’espérance de vie.
Mais la comparaison d’une étude à l’autre reste difficile car elles interviennent dans des milieux différents tant sur le plan démographique que sur le plan des habitudes sociales.
Les Accidents de travail
Les accidents de travail sont un mécanisme très important sur le plan médico-légal que peu d’études ont abordé Ils représentent 6.0% dans notre étude. L’étude de Roccia et al [31] effectuée dans le nord-ouest de l’Italie s’est intéressée particulièrement à ce mécanisme et a trouvé un taux de 6.3% de l’ensemble des mécanismes avec dans 37.9% des victimes d’accident de travail qui travaillaient dans le secteur de la construction.
Cette étiologie a été souvent noyée dans les différentes études épidémiologiques . Herve [32] l’a étudiée et a retrouvé que les professions concernées sont celles demandant un effort physique important et l’utilisation récurrente d’outils et de machines. De plus le travail à la chaîne entraînant la répétition d’un même mouvement augmente le risque de survenue d’accident car elle favorise une diminution de la concentration. La construction, suivie par l’artisanat et la manufacture sont les secteurs les plus touchés. Le secteur de la construction reste le plus pourvoyeur d’accidents : c’est dans le bâtiment et les travaux publics (BTP) qu’on constate le plus d’accidents graves et que les taux de fréquence et de gravité sont les plus élevés.
Les accidents de sport
Pendant ces 50 dernières années on a constaté une expansion de la pratique sportive dans les pays industrialisés ce qui a fait considérablement accroitre le nombre des accidents de sports [33].
Ils représentent 2.2% dans notre étude, ainsi le taux d’incrimination des sports dit de haute vélocité dans les traumatismes maxillo-faciaux est en fonction des habitudes de la population comme le démontre l’étude de Lebeau J et al [34]effectuée à Grenoble en pleine région montagneuse qui a trouvé les accidents de sports comme première étiologie des TMF et plus précisément le ski par contre dans l’étude de Mouzaris et al [35] le sport le plus incriminé est le football.
Délais de prise en charge
En dehors de toutes lésions neurochirurgicales, viscérales ou ophtalmologiques et en dehors de toutes lésions maxillo-faciales engageant le pronostic facial comme une hémorragie locale active ou une asphyxie, les lésions dues aux TMF peuvent être opérées en différé de quelques jours.
Le délai de prise en charge dans notre série est de 1 à 6 heures dans la majorité des cas, délai dû principalement aux moyens de transport personnel le plus emprunté et à la distance.
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET MÉTHODES
I. Méthodes et Analyses
1. Méthodes
2. Collecte de données
3. Définition des variables analysées
4. Analyse des données
RESULTATS
I. Terrain
1. L’age
2. Le sexe
3. Le jour de consultation
4. Heure de consultation
5. Présence de cicatrice antérieure
6. Mode de transport
7. Délai entre le traumatisme et l’arrivée à l’hôpital
8. Consommation d’alcool
II. Mécanismes des traumatismes
III. Répartition géographique des Traumatismes et fractures maxillo-faciale
1. Lieu de résidence
2. Lieu de Survenue du traumatisme
3. Fractures faciales
4. Cartes : Situation de la ville de Marrakech sur le plan national et régional
DISCUSSION
I. Rappel anatomique
II. Examen clinique
III. 3.Bilan radiologique
IV. Profil épidémiologique
1. L’âge
2. Le sexe
3. Répartition dans le temps de la traumatologie maxillo-faciale
V. Etiologies des traumatismes
1. Les accidents de la voie publique
2. Les agressions
3. Les accidents domestiques et les chutes
4. Les Accidents de travail
5. Les accidents de sport
VI. Délais de prise en charge
VII. Données épidémiologiques des sites de fractures
VIII. Profil démographique de la région
IX. Cartographie des traumatismes maxillo-faciales
1. Définition de la cartographie
2. Histoire de la cartographie en Médecine
3. Intérêt de la cartographie en Médecine
4. Intérêt de la cartographie en traumatologie
5. Cartographie de la traumatologie maxillo-faciale dans la région de MTH
X. Facteurs intervenant dans la genèse du traumatisme
1. Facteurs socio-économiques
2. Consommation d’alcool
3. Le non-respect du code de la route
XI. Prévention
1. Prévention primaire
2. Prévention secondaire
3. Prévention tertiaire
XII. Recommandations
CONCLUSION
RESUMES
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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