La matière organique du sol (MOS)
La composante vivante de la MOS (racine des plantes, macro et microorganismes) représente 2 – 4% du carbone organique total alors que la fraction morte ou inerte (résidus végétaux et animaux) forme jusqu’à 98% du carbone organique total. La MOS est considérée par certains auteurs comme l’ensemble de la matière organique vivante et morte (Shibu et al., 2006) alors que d’autres limitent la MOS à la fraction morte ou inerte (Manlay et al., 2007). Cette matière organique morte subit sous l’action de la faune du sol et de la microflore un ensemble de transformations. Elle peut être subdivisée en matière organique fraîche et matière organique humifiée suivant son degré d’altération.
La matière organique fraîche
Cette fraction dérivent essentiellement des résidus végétaux et donc comprend les constituants majeurs des membranes végétales (Paul et Clark, 1996) tels que la cellulose l’hémicellulose et la lignine, les protéines, les lipides, les tannins. Les proportions relatives de ces composés diffèrent de la plante au sol. Ces principaux constituants sont brièvement présentés: La cellulose est le constituant principal des parois cellulaires des plantes. Elle assure la protection et le soutien dans les organismes végétaux. Elle est composée d’unités de β-Dglucopyranose liées par des liaisons glucosidiques β-(1-4). La décomposition de la cellulose s’effectue lentement dans le sol en conditions aérobies. L’hydrolyse de la cellulose fait intervenir trois enzymes agissant en synergie à savoir les endogluconases, les exogluconases (cellobiohydrolases) et les β-glucosidases (Paul et Clark, 1996). L’hémicellulose est le deuxième composant d’une paroi pectocellulosique chez les végétaux, après la cellulose. L’hémicellulose est un hétéropolysaccharide constituées de divers monosaccharides (Percy et al., 1997) incluant principalement des pentoses, des hexoses, des acides uroniques et des désoxy-hexoses. Sa composition est différente d’un tissu à un autre et d’une espèce à une autre (Joseleau, 1980). Sa décomposition est réalisée par plusieurs bactéries et champignons anaérobies et aérobies. La vitesse de décomposition est plus élevée que celle de la cellulose (Swift et al., 1979).
La lignine est après la cellulose, le plus important composé organique naturel sur terre et protège la matrice cellulose/hémicellulose formant les végétaux. Cette molécule complexe et récalcitrante sert de liant entre les membranes cellulaires et confère aux plantes leur rigidité (Eriksson et al., 1990). La structure de la lignine est polyaromatique avec trois types d’unités de base qui comprennent un noyau aromatique et une chaîne latérale en C3. La lignine est particulièrement résistante à la décomposition par les microorganismes. Etant plus réfractaire à l’attaque microbienne que les hydrates de carbone qu’elle entoure, seule une flore particulière notamment la mycoflore peut en assurer la minéralisation et l’humification. Hammel (1997) montre que les champignons de pourriture blanche, principaux décomposeurs du bois, sont susceptibles de décomposer complètement la lignine. Les protéines sont les composés azotés les plus abondants. Ce sont des polymères constitués par la formation de liaisons peptidiques entre les 20 monomères, les acides aminés. Les tannins constituent un mécanisme de défense des plantes contre les pathogènes, les herbivores et des conditions environnementales hostiles. On distingue dans les tannins :
-les tannins hydrolysables qui donnent après hydrolyse soit de l’acide gallique (gallotannins), soit de l’acide ellagique (ellagitannins),
-les tannins non-hydrolysables ou condensés (phlorotannins et proanthocyanidine). Les phlorotannins sont basés sur des unités de phloroglucinol liées par des liaisons éthers. Les tannins condensés, polymères de proanthocyanidine, sont des polyphénols. Certains auteurs ont souligné que la teneur en polyphénols ralentit la minéralisation du carbone (Sall et al., 2003). Il a été par ailleurs montré que les composés phénoliques pourraient inhiber l’activité et la croissance microbienne (Boufalis et pellissier, 1994). Ainsi la présence de ces métabolites secondaires peut limiter la disponibilité d’un substrat (Heal et Dighton, 1985) Les lipides sont les composés solubles dans les solvants organiques (Dinel et Schnitzer, 1990). Ce terme regroupe des composés très divers qui comprennent des glycérides, des cires, des phospholipides, des stéroïdes, des terpénoïdes et des caroténoïdes (Stevenson, 1966; Morrison, 1969). On distingue dans les lipides ceux libres, directement extraits par des solvants organiques et les lipides liés. Les lipides peuvent avoir des conséquences sur les propriétés physiques du sol (effet positif sur l’agrégation du sol et sa stabilité mais effet négatif sur la rétention de l’eau) d’autant plus que les lipides sont considérés comme relativement résistants à la biodégradation.
La fraction organique humifiée
Les substances humiques constituent la fraction organique majeure dans les sols, 60 à 70% du carbone du sol se trouvent dans les substances humiques (Griffith et Schnitzer, 1975).
Elles constituent des mélanges très complexes de MO hétérogènes de couleur jaune à noire, à caractère acide, de composition mal définie et variable et issues de réactions de synthèses secondaires (Stevenson, 1982). Les substances humiques sont difficilement dégradables dans les conditions thermodynamiques où elles se trouvent, présentant une large gamme de masses molaires. La complexité de leurs structures ne permet pas de les rattacher à aucune des classes biochimiques habituelles (Stevenson, 1982).
Renouvellement de la matière organique par les apports exogènes
La MOS constitue un réservoir de carbone en constante évolution dont la qualité chimique et la quantité sont affectées par un apport ou la restitution de matières organiques au sol. On parle alors d’apport exogène. On peut distinguer trois types de matières organiques exogènes :
– Les matières organiques brutes d’origine végétale telles que les résidus de récolte et de sarclage, les résidus de transformations des produits végétaux, les engrais verts cultivés ou spontanés, les plantes de couvertures et les tourbes;
– Les matières organiques brutes d’origine animale telles que les déjections animales diverses (bouses de vache, fumier d’étables, fiente de volailles et poudrette de parc) et les déchets d’abattoirs et;
– Les matières organiques évoluées d’origine multiple telles que le fumier de ferme, les ordures ménagères en zone urbaine ou rurale et les divers composts.
Les études concernant l’apport de matière organique exogène comme les résidus de récolte, les composts, les boues de stations d’épuration ou les fumiers, sur des sols cultivés sont nombreuses (Dorado et al., 2003; Personeni et Loiseau, 2005 ; Sebastia et al., 2007; Pascault et al., 2010 ). Les doses apportées sont variables, que ce soit en essais aux champs ou en incubations de serre ou de laboratoire. En général, les auteurs comparent différents amendements (Pascual et al., 1999 ; Celik et al., 2004; Hien, 2004; Brunetti et al., 2007), ou différentes quantités d’un même amendement. Dans ce dernier cas, la dose minimale est en quantité agronomique (10 à 20 t ha-1) et la maximale peut être 2 à 10 fois plus importante (Abdelhamid et al., 2004; Brunetti et al., 2007).
Facteurs impliqués dans la décomposition des matières organiques du sol
La décomposition des matières organiques est définie comme le processus de transformation des composés organiques dans le sol en leurs constituants de base (Paul, 1992). Elle s’exprime en termes de quantité de carbone minéralisé ou d’azote minéralisé. Elle est sous l’influence de facteurs abiotiques et facteurs biotiques.
Facteurs abiotiques
Facteurs physiques
La température, la disponibilité en eau, la texture et la structure du sol affectent la dégradation de la matière organique. La température est un paramètre très influant des processus biologiques (Ullah et Faulkner, 2006). A de basses températures, l’activité microbienne est en effet ralentie. Par contre, on observe une augmentation de l’activité biologique à mesure que la température croît, et ce jusqu’à ce que la température atteigne une valeur optimale. Au delà une diminution de l’activité est constatée (Hamdi et al., 2011). Pietikäinen et al. (2005) dans une expérimentation menée en laboratoire sur des sols forestiers et agricoles ont estimé que la température optimale pour la respiration pouvait varier entre 25 et 30°C. Passé l’optimum, le taux de respiration commence à diminuer et à partir de 45 – 50°C, températures auxquelles la majorité des enzymes commencent à être dénaturées, la respiration chute abruptement. Afin de lier la décomposition et la température, les scientifiques ont utilisé des fonctions pour décrire les réponses obtenues en fonction de la température. Une des plus utilisées est le coefficient de température Q10 (Davidson et Jansens, 2006 ; Kätterer et al., 1998 ; Hamdi et al., 2011). Ce coefficient représente le facteur par lequel le taux d’une réaction (ici la décomposition) augmente pour chaque élévation de 10 degrés de température. Cependant ceci n’est plus valable à une certaine température. En effet, Hamdi et al. (2011) ont observé une augmentation de l’activité respiratoire entre 20-50°C alors que le Q10 enregistré à 50°C n’est pas plus élevé que celui obtenu à 20°, 30° ou 40°C. Par ailleurs la variation du Q10 est fortement dépendante de la température de pré-incubation des échantillons, de la température et la durée de l’incubation (Conant et al., 2008 ; Hamdi et al., 2011).
Facteurs chimiques
Le pH et les caractéristiques chimiques de la MO (teneurs en différents polymères, en composés récalcitrants et en nutriments), la concentration en azote et les substances allélophatiques peuvent contrôler la décomposition globale de la MO (Dignac et al., 2002; Davidson et al., 2006). En fonction du pH d’un sol, l’activité microbienne peut augmenter ou baisser. Weier and Gilliam (1986) ont trouvé que l’acidité du sol est un facteur limitant de la dénitrification. Le pH peut aussi être le résultat de l’activité microbienne. Ainsi, la minéralisation de l’azote organique sous l’action de bactéries ammonifiantes fait apparaître des ions NH4+, et le pH augmente au voisinage immédiat des colonies bactériennes.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1 Le système étudié : le sol
1-1 La fraction minérale
1-2 La fraction organique
1-3 La structure ou mode d’assemblage des éléments
2 La matière organique du sol (MOS)
2-1 Renouvellement de la matière organique par les apports exogènes
2-2 Facteurs impliqués dans la décomposition des matières organiques du sol
3 Les microorganismes du sol et leur rôle dans le fonctionnement de l’écosystème
3-1 Processus de transformation du carbone
3-2 Processus de transformation de l’azote
CHAPITRE 2 : MATERIEL ET METHODES
1 Cadre de l’étude
1-1 Particularité de la zone d’étude
1-2 Présentation de la zone d’étude de Saria
2 Dispositifs expérimentaux et échantillonnage
2-1 Le dispositif expérimental de Saria II et les parcelles MICROBES
2-2 Expérimentation en serre
3 Analyses
3-1 Propriétés physico-chimiques du sol
3-2 Détermination de la biomasse microbienne
3-3 Activités microbiennes
3-4 Analyse moléculaire des communautés bactériennes
3-5 Analyses statistiques
CHAPITRE III : RESULTATS
1 – Impact à long terme d’application d’intrants organiques et d’urée
1-1 Introduction
1-2 Matériel et Méthodes
1-3 Résultats
A) Effets de l’application à long terme d’apports organiques et minéraux sur les communautés microbiennes
B) Effets de l’application à long terme d’apports organiques et minéraux sur la densité, l’activité et la structure des communautés responsables de l’émission de N2O
C) Effets de l’application à long terme d’apports organiques et minéraux sur la production végétale
1-4 Discussion
2 – Impact de la qualité biochimique des résidus et de la plante sur le fonctionnement microbien
2-1 Introduction
2-2 Matériel et méthodes
2-3 Résultats
A) Effet de la qualité biochimique des résidus organiques apportés : évolution des propriétés
B) Effet de la présence de plante : évolution des propriétés
2-4 Discussion
CHAPITRE IV : DISCUSSION GENERALE
1- Réponse microbienne aux pratiques de gestion de la fertilité des sols
2- Relation abondance-diversité-fonction : manipulation par les intrants organiques
3- Apport à la connaissance de l’étude structurale de la communauté microbienne
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES