Renouveler la lecture littéraire au collège

Qu’est-ce que lire ?

                  « Lire un récit signifie jouer à un jeu par lequel on apprend à donner du sens à l’immensité des choses qui se sont produites, se produisent et se produiront dans le monde réel » (Eco, 1996, cité par Giasson, 2000 : 5) C’est à propos de la lecture qu’Umberto Eco, dans son ouvrage Six promenades dans les bois du roman et d’ailleurs, utilise ce parallélisme entre l’acte de lire et le jeu d’un enfant. Cette quête de sens présente implicitement dans le seul fait de lire laisse la part belle à la relation qui unit l’œuvre littéraire au lecteur, ce que les théories littéraires de la réception, Lector in fabula (Eco, 1979) en tête, s’évertuent à mettre en lumière. Or, pour comprendre ce que signifie la démarche qui consiste à considérer l’élève comme un sujet lecteur, il me faut tout d’abord revenir sur la définition de l’acte de lire proposée par ces théories littéraires de la réception. En effet, les différentes théories de la réception qui s’installent aux alentours des années 70 et 80, opèrent un changement de focalisation et placent le lecteur au centre de la réflexion, au détriment de l’œuvre littéraire en elle-même ou de son rapport avec son auteur. C’est ce qu’Annie Rouxel appelle une « césure épistémologique » (2013 : 116) qui fait glisser notamment l’intérêt des théoriciens du « texte à interpréter à l’activité du lecteur et son rapport au texte » (2013 : 116). Pierre Bayard va plus loin encore dans la réflexion, en établissant la notion de « texte du lecteur » (1998, cité par Rouxel, 2013 : 116) qui désigne le texte lu par un lecteur particulier qui lui a donné sa singularité : dans cette perspective, le texte, puisqu’il n’est jamais lu par la même personne ni la même subjectivité, ne sera jamais tout à fait le même. Pour Jean Bellemin-Noël, ce « texte du lecteur » atteste en effet d’un échange et d’un lien unique tissé entre le texte de l’auteur et la vie du lecteur (2001, cité par Rouxel, 2013 : 116). De fait, le texte était jusqu’alors considéré comme « objet déjà-là » (Vibert, 2011 : 3), c’est-à-dire déjà construit, déjà clos, et dont il suffit de retrouver et/ou d’analyser le sens intrinsèque. Or, les théories de la réception, on l’a vu, bouleversent ces convictions en affirmant que le sens du texte ne lui appartient pas nécessairement, mais découle aussi du récepteur de ce texte, qui produit lui-même un sens propre à sa subjectivité : ce fameux texte du lecteur. Jauss affirme entre autre que « l’œuvre littéraire n’est rien indépendamment de sa réception » (1972, cité par Vibert, 2011 : 3). Le texte devient alors un produit non-fini, qui ne peut être concrétisé et qui ne peut trouver un sens que s’il est lu. Cette lecture n’est par ailleurs pas unique, mais démultipliée : le texte est alors considéré comme un ensemble « d’ouverture de sens » (Vibert, 2011 : 3). L’instance du lecteur devient la clé de voûte de la réflexion et revêt différents visages selon les théoriciens : Iser parle notamment d’un « lecteur implicite » (1976, cité par Vibert, 2011 : 4) et Eco d’un « Lecteur Modèle » (1979, cité par Vibert, 2011 : 4). Le lecteur implicite d’Iser représente ce que l’on pourrait appeler la virtualité de l’existence du lecteur dans le texte lui-même. En effet, Iser explique que les réactions du lecteur sont en réalité provoquées, sinon recherchées par le texte, qui le sollicite : l’œuvre supposerait donc elle-même l’existence d’un lecteur qu’elle représenterait et dont elle orienterait en quelque sorte la réception. C’est en tout cas ce que veut démontrer Iser, lorsqu’il écrit que les « blancs » du texte offrent des interprétations divergentes de la part des lecteurs. En effet, colmater ces blancs permettrait au lecteur de « faire advenir l’œuvre à la conscience », en aboutissant à un « nouveau modèle de réalité qu’il aura activement contribué à élaborer » (1976, cité par Vibert, 2011 : 4). Umberto Eco, à l’instar d’Iser, reprend cette conception du texte jugé incomplet sans la participation de son destinataire, qui lui introduirait du sens : l’idée de combler ces fameux « blancs » du texte lui paraît être une idée essentielle, au cœur de la problématique de la polysémie d’une œuvre : cette polysémie ne serait en effet pas le fait du texte, mais bien de la diversité de sa/ses lecture(s). Eco ajoute à la conception d’Iser la notion de « coopération interprétative » (1979, cité par Vibert, 2011 : 4). Pour lui, l’acte de lire est en effet une coopération d’un Lecteur Modèle prévu par l’auteur, qui aurait pour mission d’actualiser le texte. Or, ces deux lecteurs conçus par Iser et Eco sont, d’après Anne Vibert, encore « abstraits » et « théoriques » (2011 : 5). La conception du Lecteur Modèle d’Umberto Eco, notamment, réduit la lecture littéraire à un modèle particulier auquel le véritable lecteur empirique essaie de se conformer : cette idée normative du lecteur restreint les possibilités à une certaine virtualité. Le Lecture Modèle n’est qu’un concept, une construction. Or, le lecteur réel, comme le souligne Annie Rouxel dans son article L’avènement du sujet lecteur, est pluriel et empirique (2013 : 116), il ne peut se conformer exactement à une entité virtuelle et théorique. En conséquence, la reconstruction du texte par le lecteur réel ne peut être modélisée : la lecture littéraire doit être conçue de manière beaucoup libérale puisqu’elle « présente des modes de réalisation pluriels » (ibid.). C’est ce que le théoricien Michel Picard tente de mettre en lumière, en considérant cette fois le lecteur comme un « lecteur réel » ou « empirique » (1986, cité par Vibert, 2011 : 5). Pour lui, l’acte de lire est un mélange et un subtil équilibre entre l’identification du lecteur et la distanciation que le texte suppose et requiert : le va-et-vient entre l’une et l’autre des deux postures du lecteur, constaté également par Dufays, serait selon lui ce qui nourrirait précisément le plaisir de lire. Longtemps en effet on a voulu opposer à la question de l’identification celle de la distanciation, créant ainsi une dichotomie qui ne semble pourtant pas avoir lieu d’être dans la réalité. Il ne s’agit pas en effet d’opposer exclusivement, lors de l’acte de lire, la distance à la proximité, ou encore l’empathie pour les personnages au détachement complet du lecteur pour l’histoire qu’il lit. Au contraire, Annie Rouxel, en accord avec la théorie du lecteur réel de Michel Picard, explique qu’au cours « d’une même lecture, l’investissement psychoaffectif peut alterner ou se combiner au recul critique en un tissage singulier » (2013 : 119). Dans cette perspective, elle évoque également ce que Gérard Langlade appelle la « distance participative » (ibid.), terme qui désignerait cette fluctuation dialectique entre identification et distanciation du lecteur. Cette constatation remet également en cause la hiérarchie qui a longtemps existé entre les deux stades supposés du processus de lecture : la compréhension et l’interprétation, cette dernière ne pouvant s’accomplir qu’après avoir atteint, dans un premier temps, le sens littéral du texte. Ce modèle, souligne Annie Rouxel, organise l’activité de lecture scolaire en deux temps distincts a priori logiques et linéaires, du plus simple au plus complexe (2013 : 120). Or, les nouvelles approches théoriques de la réception ont prouvé qu’il existe en réalité un vaet-vient provoqué par les mouvements uniques de la subjectivité du lecteur qui rompt l’organisation logique supposée de l’activité de lecture. De même qu’il existe une fluctuation constante entre identification et distanciation, on constate une alternance entre compréhension et interprétation lors de la lecture : l’interprétation, explique Annie Rouxel en s’appuyant sur les théories de Paul Ricoeur et Christine Tauveron, « est souvent première et guide la compréhension » (ibid.). Or, ce balancement entre identification et distanciation, compréhension et interprétation, selon l’analyse de Michel Picard viendrait également de l’idée que « tout individu conjugue plusieurs identités lorsqu’il lit » (Vibert, 2011 : 5). L’instance du lecteur, qui jusqu’alors pour Iser et Eco était unique, devient multiple : l’identité d’un lecteur possèderait différentes facettes. Picard distingue plus précisément trois identités propres au lecteur, qui ne prennent sens que lorsqu’elles se répondent les unes aux autres : le « liseur » (c’est-à-dire la personne physique qui maintient le rapport du lecteur avec le monde extérieur), le « lu » (autrement dit l’inconscient du lecteur, ses émotions) et le « lectant » (soit l’intellectualisation du lecteur, qui lui permet de prendre de la distance). A propos de ses identités multiples qui se rencontrent et interagissent lors de la lecture, Picard conclut ainsi : Dans l’activité de lecture, ces trois instances interfèrent en un jeu subtil de participation et de distanciation, le liseur et le lu fondant la participation et l’investissement fantasmatique du sujet lecteur, et le lectant instaurant une distance avec le texte. La lecture est ce jeu, ce va-et-vient, ce rapport dialectique entre les diverses instances du sujet lecteur (1986, cité par Vibert, 2011 : 5). Quoi qu’il en soit, ces différents lecteurs, pensés par Iser, Eco et Picard, illustrent la difficulté à saisir et à définir le statut du lecteur dans son rapport au texte. Antoine Compagnon dans son ouvrage Le Démon de la théorie assure en effet que le lecteur réel ne peut en vérité être théorisé, en raison de sa pluralité et de « l’irréductible singularité des lecteurs empiriques » (1998, cité par Rouxel, 2013 : 117). L’acte de lire, souligne également Christian Poslaniec dans son ouvrage Donner le goût de lire, est un acte et une expérience purement individuels qui échapperaient à toute généralisation. En effet, il explique que « l’expérience singulière qui se passe entre le texte et le lecteur, et qui donne un sens particulier au texte pour ce lecteur particulier n’est pas exactement le même pour un lecteur différent » (1990 : 9). Et en effet, l’acte de lire, selon ces approches théoriques de la réception est également un acte d’association : la lecture d’un texte, explique Annie Rouxel provoquerait chez le lecteur différentes réminiscences et jeu d’associations qui ne seront pas les mêmes pour un lecteur différent en raison de son expérience et de sa subjectivité singulière. De là l’idée d’une lecture « associative », témoin d’un « va-et-vient chaotique entre le monde du texte et celui du lecteur » (2013 : 120). Les théorisations de Gérard Langlade soutiennent cette idée d’une implication nécessaire du lecteur dans l’œuvre. En observant les différentes expériences de lecture en dehors de l’environnement scolaire, il constate que le lecteur « quel qu’il soit, réalise un investissement fictionnel dans l’œuvre » (2005, cité par Vibert, 2011 : 8). Or, cet investissement est propre à chaque lecteur et consiste en une « activité fictionnalisante » (ibid.) qui apparaît sous différentes formes : « la concrétion imageante et auditive », « l’impact esthétique », « la cohérence mimétique », « l’activité fantasmatique » (c’est-à-dire la façon que lecteur a de réimaginer l’intriguer d’une œuvre en s’inspirant de son propre imaginaire) et « la réaction axiologique » (autrement dit, le jugement porté par le lecteur sur telle ou telle action d’un personnage) (ibid.) : ces différentes expériences de lecture, que l’on peut observer à des degrés divers dans les carnets de lecteur des élèves, permettent de reconstruire le processus par lequel le lecteur a transformé le texte lu en un « texte de lecteur »

Considérer l’élève comme un sujet lecteur

                       A défaut de s’accorder sur une définition claire et explicite du lecteur, les didacticiens de la littérature s’inspirent des apports de ces théories littéraires de la réception pour s’intéresser davantage à la manière dont ce dernier s’investit dans le texte, se l’approprie et le reconfigure : on observe et on analyse alors en didactique le rapport du lecteur avec le texte lors de l’acte de lire dans diverses situations et chez divers lecteurs afin de matérialiser et d’appréhender les expériences de lecture. En effet, dans le contexte didactique et scolaire, l’apport et les approches nouvelles des théories de la réception autour de la figure du lecteur, et notamment du lecteur réel de Picard, provoquent de véritables changements dans l’appréhension de la lecture littéraire en classe. Ces changements interviennent dans la construction, on l’a vu, du rapport au texte et de la culture littéraire, mais aussi et surtout dans l’avènement du rôle de la subjectivité du lecteur, qui doit désormais être considérée comme partie prenante, sinon essentielle de l’interprétation d’un texte. En effet, Annie Rouxel explique dans son article L’avènement du sujet lecteur qu’auparavant, le rapport du lecteur au texte était un rapport distancié. Or, grâce aux apports des théories de la réception, cette distance devient une distance « impliquée et fluctuante » (2013 : 119), qui permet surtout de réhabiliter ce que Michel Picard avait appelé l’identification, autrement dit l’empathie du lecteur qui, plutôt que de l’éloigner du sens du texte, lui permet une meilleur compréhension de l’oeuvre et de ses enjeux mais aussi offre la possibilité de ce qu’Annie Rouxel appelle « une rencontre avec l’altérité » (ibid.). Or, ces considérations mettent en jeu la notion même de lecture littéraire qui change de perspective didactique. Auparavant en opposition nette avec la notion de lecture ordinaire, la lecture littéraire interviendrait au contraire désormais dans la continuité de cette dernière. L’entrée de la nouvelle perspective de la lecture littéraire et de la notion du sujet lecteur en didactique de la littérature est une question particulièrement récente qui a vu le jour notamment lors du colloque de Rennes en 2004, intitulé à juste titre Le sujet lecteur, lecture subjective et enseignement de la littérature. Cette problématique d’une approche différente de la lecture littéraire et des postures de lecteurs grâce aux apports théoriques de la réception s’est vue développée par l’impulsion d’un constat aussi bien social qu’institutionnel : celui, d’après Annie Rouxel de la « crise de la lecture scolaire » (2013 : 116). Différentes enquêtes récentes sur la lecture des jeunes générations ont notamment mis en lumière « l’échec de l’école à susciter le goût et l’intérêt pour la lecture en général et celle de la littérature en particulier » (Vibert, 2011 : 2)

Renouveler l’enseignement de la littérature

                      La tâche de l’enseignant, qui doit redonner le goût et le plaisir de lire en renouvelant l’approche de la lecture en classe est complexe : les élèves n’appréhendent pas la lecture de la même manière, et elle revêt une grande diversité de formes dans l’enseignement scolaire. Son statut est, de fait, problématique puisque démultiplié. On a parlé en effet jusqu’ici de lecture littéraire, mais il existe également une foule d’autres dénominations : la lecture analytique, la lecture méthodique, la lecture cursive, la lecture silencieuse, la lecture personnelle, la lectureplaisir ou de loisir, la lecture documentaire ainsi que toutes les formes de lectures requises dans les autres disciplines que le français. Certaines sont par ailleurs hiérarchisées dans l’imaginaire collectif, la lecture littéraire sublimée au détriment de la lecture-plaisir, alors que nos précédents constats ont prouvé que l’une contribuait en réalité à l’autre. Dans l’imaginaire de l’élève, la lecture, bien souvent, s’accorde avec la notion de travail d’analyse de texte, et suppose un effort réflexif en contradiction avec la notion même de plaisir. Lire des textes à l’école relève bel et bien d’une tâche subie par l’élève et non d’un espace de liberté interprétative où peut s’exprimer la subjectivité du lecteur. Dans la classe, l’enseignant doit donc pouvoir prendre en compte l’ensemble des postures de lecteur adoptées par sa classe afin de mettre en valeur le sujet lecteur qu’est l’élève. Les théories actuelles encouragent, comme je l’ai déjà évoqué, l’investissement de l’élève dans sa lecture, et tentent, à travers la notion de sujet lecteur, de valoriser la question de la subjectivité de ce dernier. Or, la tendance en milieu scolaire reste celle d’une lecture qui repose sur une suite d’observations formelles qui empêchent l’investissement personnel de l’élève : les impressions personnelles de lecture sont bien souvent écartées lors d’une lecture méthodique ou d’une explication de texte, au profit d’une analyse essentiellement distanciée du texte objet. Le texte devient « un prétexte à la mise en place d’outil d’analyse » (Annie Rouxel, 2013 : 116). Et poutant, la prise en compte de la lecture subjective des l’élèves permettrait de relever des impressions premières de lecture pertinentes, sinon essentielles à l’interprétation du texte et à son analyse a posteriori. De fait, l’investissement du lecteur dans sa lecture est précisément ce qui permet, d’après Anne Vibert, « l’actualisation de l’œuvre ou du texte » (2011 : 7). Elle explique notamment que « l’implication du lecteur dans l’œuvre est une nécessité fonctionnelle de la lecture littéraire » (ibid.). Cependant, on l’a vu, pour qu’une lecture soit efficace, il faut que le lecteur parvienne à trouver l’équilibre subtil entre une lecture impliquée et donc subjective, et une lecture distanciée, davantage objectivée. La tendance actuelle en didactique reste donc celle de valoriser l’élève dans ses positions de lecteur, de le reconnaître comme tel et de sublimer l’investissement personnel dans la lecture littéraire et l’expression de sa subjectivité de lecteur : en la réintroduisant dans les classes, le but pour les didacticiens et les enseignants, est de lui redonner un sens, afin que les élèves puissent percevoir les enjeux d’une lecture littéraire non plus seulement en terme d’apprentissage d’outil d’analyse, mais surtout en terme d’enjeux personnels, de construction de soi. C’est pourquoi l’importance du processus affectif de la lecture n’est pas à négliger : une lecture dite « naïve » mérite d’être réévaluée à la lumière de ce qui a été souligné jusqu’à présent : elle n’entre désormais plus en opposition avec la notion de lecture littéraire, mais au contraire, est partie prenante du processus. Car au fond, l’un des plaisirs de lire ne reposeraitil pas surtout sur l’adhésion du lecteur aux sentiments des personnages et au fait de vivre par procuration les aventures et les expériences dont il est le témoin lecteur ?

Entre individuel et collectif

                  Comme il a été évoqué dans la première partie, le carnet de lecteur offre la possibilité d’un balancement (ou une tension) productif entre individuel et collectif. En effet, s’il s’agit avant tout d’un objet à l’origine personnel, il peut servir, à un stade avancé de la rédaction, de point de départ à un échange progressif en petit ou en grand groupe autour d’une lecture par exemple. L’intérêt de ce système réside dans la confrontation d’une lecture avec une autre, ou d’une subjectivité avec une autre, qui permettrait d’amener peu à peu l’élève à considérer l’altérité comme une nouvelle donnée à prendre en compte : accepter la pluralité des lectures et des parcours de lecteur est un premier pas vers la possibilité d’un équilibre entre identification et distanciation, et donc un passage de la lecture subjective à la lecture partagée. Or, cette tension entre individuel et collectif a été apprivoisée de façon progressive et naturelle lors de la mise en place de ce dispositif. Les élèves de 5°3, parmi les profils des « déjà-lecteurs » et des « démarreurs » essentiellement, se sont assez naturellement prêtés au jeu des échanges volontaires de carnets qui suivaient parfois les séances d’écriture du carnet et notamment la séance de présentation orale qui avait justement eu pour but de commencer à déplacer le système de l’individualité à la collectivité. Tous manifestaient une certaine curiosité et une ouverture d’esprit à la lecture des carnets et des témoignages de leurs camarades. Cette confrontation des réactions, des parcours mais aussi des types de lectures lues a notamment permis de donner une nouvelle dimension aux échanges en classe, nous en reparlerons. Cette tension individuel/collectif met en jeu la question du dialogue dans le carnet de lecteur : car, finalement, avec qui dialogue-t-on dans un carnet ? S’agit-il d’un dialogue avec le livre lui-même ? Avec les autres ? Avec l’enseignant ? Avec soi-même ? S’il n’existe pas de réponse absolue, puisque chaque élève va s’emparer différemment de la notion, les traces écrites recueillies dans les carnets de la classe permettent d’observer les choix qui ont été fait parmi les élèves. Si Zoïa et Anouk semblent vouloir dialoguer avant tout avec les autres (les autres élèves de la classe à qui leurs conseils de lecture seraient adressés ? D’autres lecteurs indéterminés qu’elles tentent de convaincre des qualités des livres qu’elles proposent ?) en adoptant un style écrit « parlé » et relâché a priori destiné à des camarades, Amina choisit un dialogue plus réservé et intérieur, dialogue d’abord avec elle-même puis avec le livre, à qui elle suggère des hypothèses de lecture. Zoé, quant à elle, s’exprime plutôt à l’attention de l’enseignant en respectant des règles strictes de présentation et en s’appliquant à mettre l’accent sur des détails et des impressions qui plairont davantage à un professeur. Elle semble pourtant vouloir s’adresser également aux autres, essentiellement lorsqu’elle raconte ce qu’elle a lu, puisqu’elle prend toujours soin de ne jamais dévoiler la fin et de laisser son récit en suspension, dans le but d’intriguer ses lecteurs. Certains élèves choisissent également de s’adresser à l’auteur, c’est le cas d’Anouk notamment. Le carnet de lecteur, au delà d’un échange collectif d’impressions de lecture, a donc permis aux élèves de la classe d’apprivoiser la notion complexe de dialogue. En travaillant à cette idée, j’ai pensé qu’il serait pertinent, pour faire évoluer à l’avenir ce dispositif, d’écrire moi-même un prototype de carnet de lecteur personnel, quoiqu’un peu biaisé pour l’adapter au niveau de lecture de mes élèves, et de leur permettre de regarder dans mon carnet tout comme je regarde dans le leur. Cet échange pourrait ainsi permettre d’explorer davantage le dialogue d’élève à enseignant et de le transformer progressivement en un dialogue entre sujets lecteurs. Cela permettrait par ailleurs de briser l’écart élève/enseignant habituel pour entrer dans une autre relation où l’acte de lecture et d’expression prime sur l’aspect scolaire

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Table des matières

Introduction
I. Cadres d’analyse
A. Qu’est-ce que lire ?
B. La didactique de la lecture littéraire : débats et enjeux
a) Considérer l’élève comme un sujet lecteur
b) Les postures de lecteur
c) Renouveler l’enseignement de la littérature
C. Le carnet de lecteur : modalités et enjeux
D. Projet de recherche
E. Le contexte d’exercice
a) Le collège Chevreul : projet d’établissement et portrait des classes
b) Les profils de lecteur de la classe de 5°3
II. Expérimentation : le carnet de lecteur en classe de Cinquième
A. Quoi faire et pourquoi ?
B. Moyens mis en œuvre : mise en place du carnet et activités
a) Entrée en matière : mise en place du système du carnet et réception
b) Activités proposées : déroulement et réception
C. Traces et données conservées
a) Traces de lecture : les lectures personnelles des élèves
b) Traces de lecteur : parcours de lecteur et éveil à la subjectivité
III. Analyse critique
A. Les limites et les difficultés du carnet de lecteur
a) Entre exigence scolaire et implication personnelle
b) Entre lire et écrire
B. Les réussites rencontrées
a) Entre individuel et collectif
b) D’un dispositif unique à une autre façon d’appréhender la lecture
c) De l’univers du livre à l’univers du lecteur
d) De la lecture personnelle à la lecture à voix haute
C. Un dispositif à réutiliser ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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