Rendre les élèves acteurs de leur scolarité: une amélioration du climat scolaire?

Nous sommes CPE stagiaires dans un collège rural situé à équidistance entre Nantes et Vannes. L’établissement est un grand collège, il accueille 770 élèves, de la sixième à la troisième. L’établissement a la particularité d’avoir un double niveau de SEGPA , toujours de la sixième à la troisième. De plus, une ULIS a vu le jour il y a six ans. Elle compte aujourd’hui treize élèves inclus dans les classes des différents niveaux. Les élèves sont issus de divers milieux sociaux, il existe donc une certaine hétérogénéité dans les classes et sur la cour de récréation. Les élèves sont principalement demi-pensionnaires puisqu’ils viennent pour plus de 90% d’entre eux des communes avoisinantes. Ils sont donc très nombreux à venir au collège en transport en commun, et à manger au self le midi.

Autre particularité de l’établissement, il est depuis maintenant quatre années en cité scolaire avec un lycée professionnel. Cela signifie que le principal du collège est également le proviseur du lycée. Il y a un principal adjoint au collège et une proviseure adjointe au lycée. Le lycée professionnel compte environ 230 élèves répartis sur plusieurs filières (chaudronnerie, électronique, accueil…). Le seul lieu commun pour les élèves de la cité scolaire est le self : les collégiens et les lycéens mangent ensembles et sont surveillés par les assistants d’éducation du collège et du lycée à ce moment précis.

Le personnel de l’EPLE est très stable : l’équipe enseignante se plait dans l’établissement, on y trouve de jeunes enseignants comme des plus âgés. Le CPE était en place depuis une quinzaine d’années. Il a été remplacé cette année par deux mi-temps : une stagiaire et une TZR qui se partagent la semaine et se retrouvent le mercredi matin. L’équipe de direction est aussi très stable. Le principal entame sa quatrième année, le principal adjoint sa troisième, et le directeur de SEGPA sa quatrième année.

Cadre théorique 

Partie historique et définitions

Civilités et incivilités 

Avant de contextualiser nos recherches, il est nécessaire de pouvoir définir les notions que nous allons aborder, et plus particulièrement la notion d’incivilités, qui est le cœur de cet écrit. Pour définir ce concept, nous allons nous aider d’un auteur, Alain Bardets. Celui-ci nous indique que le mot incivilités, qui est la négation de civilités, est apparu dans le dictionnaire français au XIVème siècle. Déjà à l’époque, ces deux termes désignent ce qui a trait à la sociabilité, la courtoisie. Puis, l’auteur reprend la théorie de Norbert Elias qui, en 1939, décrit le processus de civilisation. Il est donc question d’un processus. Les règles de civilités sont apparues au fil des siècles, à l’aide en particulier de la morale des grandes religions monothéistes. Pourtant, en comme le rappelle Alain Bardets, les grands principes moraux ne suffisent pas toujours pour instaurer le respect d’autrui (p.18). Pour qu’une réelle « civilité » se mette en place dans une société, l’auteur décrit la nécessité d’un environnement structuré, dans un contexte politique se donnant les moyens de faire appliquer les normes, poser les interdits et sanctionner les transgressions (idem). Cette définition est tout à fait applicable à l’environnement scolaire. En effet, on trouve au sein des EPLE des projets et des objectifs bien définis, ainsi qu’une règle que tous doivent connaitre et appliquer, à l’aide du règlement intérieur en particulier. C’est grâce à ces règles, à ces projets, ces objectifs que se crée le processus de civilisation. Norbert Elias précise également qu’outre le contrôle social, une forme d’autocontrôle se met en place chez l’individu. L’individu, dans une société, doit savoir contrôler ses frustrations et répondre avec civilité au monde qui l’entoure. C’est donc à la fois un contrôle sociétal mais aussi individuel qui permet à la civilité de prendre forme. Une fois la civilité définie, nous allons maintenant nous intéresser à son contraire, l’incivilité. Celle-ci se définit tout d’abord comme l’indique sa négation par l’absence de civilité. Plus précisément, l’incivilité pourrait se définir, toujours selon Alain Bardets comme l’ensemble des comportements qui ne respectent pas les modes d’entrée en communication ni d’échanges en vigueur dans un environnement donné (p.27). Cette définition nous semble adaptée et complète puisque qu’elle permet de prendre en compte l’intégralité de la problématique. La thématique des incivilités doit en effet être abordée en prenant en compte le fait que nous nous trouvons dans une société donnée, à un moment donné. Les règles de civilité varient donc d’une société à une autre, d’une époque à une autre. Prendre en compte cette donnée, c’est aussi concevoir le phénomène des incivilités come inhérent à la société dans laquelle le phénomène est étudié.

Pour détailler cette définition, Alain Bardets classe les incivilités, qu’il appelle les ruptures de codes sociaux en quatre catégories :
– Les petites dégradations de toutes sortes
– Les salissures et abandons d’objets
– Le non-respect des codes de politesse (avec parfois utilisation d’un langage provocateur ou vulgaire)
– L’occupation bruyante et voyante des espaces publics.

Ces actes, pris isolément, ne constituent pas en soi une incivilité. C’est la superposition de ceux-ci, ainsi que leur répétition au sein de la société qui constitue l’incivilité. La société s’est rapidement emparée du phénomène. Des chercheurs américains en criminologie comme Georges Kelling ont, dans les années 1980, avancé des théories concernant la prise en compte des incivilités dans la société américaine. La théorie de la vitre brisée est la plus connue d’entre elles. Cette théorie consiste à développer l’idée que si une fenêtre brisée n’est pas remplacée rapidement, celle-ci entraînera alors une multitude de fenêtres brisées. Bien évidemment, la fenêtre est ici une métaphore de tout acte qui pourrait être assimilé à une incivilité. Selon cette théorie, c’est donc au tout premier signe que doit être prise en compte la fameuse fenêtre brisée. Certaines personnalités politiques aux Etats-Unis ont utilisé cette théorie pour justifier la mise en place de la tolérance zéro dans leurs villes, leurs Etats, comme par exemple Rudolph Guiliani, le maire de New-York de 1994 à 2001. Alain Barets superpose cette analyse au milieu scolaire et explique qu’un cadre respectable est mieux respecté.

Les incivilités en milieu scolaire 

Dès lors, qu’en est-il de la civilité et des incivilités en milieu scolaire ? Il est certain que le type d’incivilités rencontrées en milieu scolaire diffère de celui rencontré dans la société. Nous allons ici préciser quelles peuvent être les incivilités rencontrées au sein des établissements scolaires. Pour aller plus loin, nous essaierons de comprendre quels en sont les tenants et les aboutissants.

Pour expliciter les types d’incivilités en milieu scolaire, nous nous appuierons toujours sur les recherches d’Alain Bardets. Celui-ci décrit, grâce à des entretiens menés avec des enseignants et des CPE, quels sont les types d’incivilités qui touchent le plus l’univers scolaire. Les professionnels interrogés décrivent les comportements les plus pénibles chez les élèves selon eux. On trouve alors le manque de politesse et de respect, le vocabulaire familier voire trivial, l’occupation bruyante des espaces collectifs, les postures relâchées en classe (pp 33 à 49). Ici, les professionnels décrivent donc comme incivilité tout manque au savoir-vivre essentiel dans un établissement scolaire. La politesse, exigée à juste titre par les adultes des établissements scolaires fait donc partie intégrante de la civilité demandée à tous les membres de la communauté scolaire.

Les enseignants et CPE interrogés tentent d’expliquer ces comportements par le manque de culture scolaire de la part de certains élèves. L’auteur rajoute ici à juste titre que pourtant cette problématique n’est pas uniquement scolaire, qu’elle existe en dehors des murs des établissements, dans la société civile. D’ailleurs, cette problématique ne concerne pas uniquement la population adolescente mais également les adultes de tous genres. Ici, c’est bien la question des codes et des normes qui est abordée. Comme nous l’avons exposé tout à l’heure, les normes sont censées être les mêmes pour tous au sein d’une société. Pourtant, certains outrepassent ces codes et ces normes, parfois jusqu’à l’incivilité.

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Table des matières

I. Introduction
II. Cadre théorique
A. Partie historique et définitions
Civilités et incivilités
Les incivilités en milieu scolaire
Le poids de la norme
Incivilités et individualités
B. Partie institutionnelle
Le climat scolaire : une priorité devenue nationale
La réforme du socle commun de connaissances, de compétences et de culture
La réforme du collège
Au niveau de l’EPLE
III. Problématisation et hypothèses
IV. Méthodologie
V. Résultats
A. La façon dont les élèves définissent et vivent leur engagement
Les similitudes entre tous les élèves
Les différences entre les médiateurs et les membres du CVC
B. Comment réinvestissent-ils cet engagement dans leur scolarité
La difficile mise en mots par les élèves des apprentissages liés à leur engagement
Changement de paradigme quant à la vision de l’Ecole
VI. Discussion
VII. Conclusion
VIII. Bibliographie
IX. Annexes
A. Entretien retranscrit et analysé avec Alexandra
B. Tableau non exhaustif des réponses des élèves

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