Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Du droit d’être protégé contre toute exploitation économique
L’article 32 – 1 de la CIDE prévoit « le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ».
La lecture de cet article laisse supposer qu’il existe des travaux permis, du moment qu’ils n’entravent pas la scolarisation de l’enfant. Il faut comprendre en ce sens que le travail permis ne doit pas altérer les facultés physiques et intellectuelles de l’enfant, et qu’ils n’accaparent pas trop de son temps de sorte qu’il ne puisse pas aller à l’école ou se concentrer sur ses études. Ainsi, tout travail, quel qu’il soit, qui perturbe la scolarisation d’un enfant est qualifié de travail des enfants.
Les principes d’intégration de la CIDE dans le corpus juridique interne des Etats
Lorsqu’on ratifie un traité international, plusieurs règles sont à respecter par les Etats dans une optique de favoriser le respect des engagements pris. Ces règles peuvent être examinées comme constituant l’environnement idéal préalable à l’effectivité du traité signé.
Le système malgache d’intégration des traités internationaux
L’applicabilité des normes internationales en droit interne dépend du système choisi par un pays quant à l’intégration du droit international. En la matière, deux courants doctrinaux s’opposent : le monisme et le dualisme.
D’une part, le système « moniste » admet l’identité de nature du droit international avec le droit interne des Etats. Il incorpore les dispositions du droit international dans la législation nationale et permet l’application immédiate dans l’ordre juridique des Etats. Selon cette doctrine, « il est inutile d’établir des procédures propres au droit interne pour assurer l’application des normes internationales dans l’ordre interne »28. A compter de sa publication, tout acte de droit international est intégré dans l’ordre juridique interne de chaque Etat signataire, et engage sa responsabilité internationale en cas d’absence d’application.
D’autre part, les partisans du dualisme quant à eux soutiennent l’existence de différences fondamentales entre les droits interne et international. Il existe deux cadres juridiques distincts, d’égale valeur et indépendante. Les traités internationaux signés et ratifiés par les Etats, pour être valides dans la législation interne, doivent être formellement repris par une loi interne pour être valides, le dualisme exige donc qu’ils y soient transposés.
Pour le cas de Madagascar, l’article 137 de sa constitution témoigne de la préférence pour le système moniste. « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».
Le principe d’application de bonne foi des traités régulièrement ratifiés
Selon l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités : « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». La bonne foi s’élève au rang d’une institution qui régit l’ensemble des relations internationales, l’article 18 de la Convention de Vienne explique qu’exécuter de bonne foi signifie : « s’abstenir de tout acte visant à réduire à néant l’objet et le but du traité ». Elle est intimement liée à la règle pacta sunt servanda qui signifie que les traités doivent être respectés par les parties qui les ont conclus29.
L’Etat malgache s’engage ainsi à réaménager éventuellement le droit interne pour que l’exécution du texte soit effective et qu’aucune norme interne ne contredise ses dispositions.
Les autres principes garants de l’effectivité de la protection internationale
Le principe de légalité
Pour une protection effective, il faut des lois respectées par tous, et principalement par la puissance publique. Cette soumission de l’Administration au droit est l’essence même du principe de légalité. Il est difficile de concevoir, aujourd’hui, une société dans laquelle les administrateurs ne seraient liés par aucune règle préalable.30 Cette situation correspondant à la définition même d’Etat de police. C’est pourquoi la légalité et l’Etat de droit31 sont deux préceptes intimement liés.
Il est utile de soulever que l’efficacité d’un traité international est fonction du rang hiérarchique que l’Etat lui attribue. Pour le cas de Madagascar, les conventions légalement ratifiées, dont la CIDE, la Convention 138 et la Convention 182, acquièrent une hiérarchie constitutionnelle. Ces traités sont par ce fait même, d’invocabilité directe32. Ils s’imposent au juge sans qu’il soit nécessaire de prévoir des dispositions législatives ou règlementaires d’application et ce conformément à l’article 137 de la Constitution sus – cité.
L’égalité des sujets de droit
L’égalité des sujets de droit est également une caractéristique de l’Etat de droit. Il s’oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques. Le principe d’égalité, d’une manière négative serait le principe de non-discrimination.
En termes de droits des enfants donc, l’Etat est tenu de s’assurer que tous les enfants, sans distinction basée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique, la situation de fortune…jouissent des mêmes droits.
Les mesures à prendre en vertu du principe d’effectivité
La CIDE est une convention contraignante36. L’article 437 énonce le principe d’effectivité qui est développé tout au long de la Convention. L’Etat doit prendre les « mesures appropriées », qu’elles soient « législatives ou administratives » ou autres du moment qu’elles sont jugées nécessaires. Les mesures que peuvent prendre l’Etat sont en l’occurrence l’élaboration d’une politique nationale en faveur des enfants, diluée en plans et programmes ; la mise en place d’organismes chargés de leur application, la mise à disposition des moyens matériels et financiers pour une effectivité des droits de l’enfant. Dans le cas où les moyens sont insuffisants, il est du devoir de l’Etat de conclure des accords de partenariat avec les partenaires techniques et financiers. Enfin, l’Etat doit prévoir des sanctions pour les auteurs de violations des droits de l’enfant.
L’article 4 de la CIDE admet toutefois, s’agissant des droits économiques, sociaux et culturels, dont le droit à l’éducation principalement, une souplesse dans leur réalisation. Le droit international tenant compte du niveau de développement de chaque Etat partie, se montre clément et admet la lenteur d’exécution de certains Etats vis-à-vis de ces dits droits. De toutes les manières, les droits de l’homme y compris les droits de l’enfant sont des droits progressifs. Il est imposé à l’Etat une sorte d’obligation de moyens c’est-à-dire dans « les limites des ressources dont il dispose ».
Les devoirs spécifiques en matière de droits économiques, sociaux et culturels38
La réalisation des droits économiques sociaux et culturels, en particulier le droit à l’éducation et le droit d’être protégé contre toute exploitation économique, nécessite des ressources de telle sorte que l’on ne peut exiger des Etats leur exécution immédiate, l’avons-nous précisé. La modalité de réalisation de ces droits implique des efforts continus de la part de l’Etat obligataire et une prévention des régressions.
Il est prévu dans le cadre du respect des droits économiques, sociaux et culturels, trois catégories d’obligations : respecter, protéger et mettre en œuvre.
L’obligation de respecter
Elle se traduit par une obligation faite aux Etats de s’abstenir de tout acte pouvant perturber l’exercice de leurs droits par les individus. Une obligation de ce type est appelée une obligation de respecter la norme des droits humains39. Elle consiste ainsi pour l’Etat à s’empêcher d’intervenir ou de s’ingérer indûment dans la jouissance d’un droit. Toutefois, pour que les individus puissent jouir du droit en question, s’il arrive que ces droits soient violés, l’Etat sera obligé de prendre des mesures. Effectivement, l’obligation de respecter ne se réduit pas à un devoir d’abstention de l’Etat, puisque, « lorsque des violations sont perpétrées, l’abstention devient une complicité. Respecter ne signifie pas seulement ne pas faire, ne pas nuire, mais agir de façon à ne pas nuire. »40
L’obligation de protéger
L’Etat doit agir pour prévenir, arrêter, réparer ou punir la perturbation de la jouissance des droits. Tous les pouvoirs au sein de l’Etat ont leur rôle à tenir. Le Législatif, chargé de voter les lois, se doit d’élire une réglementation prévoyant et protégeant les droits de l’enfant. L’Exécutif, chargé d’appliquer la loi, en assure le suivi et l’effectivité. Quant à la justice, une des plus fortes expressions du pouvoir régalien de l’Etat, chargée de faire appliquer les lois, elle se doit de mettre en œuvre les systèmes de sanctions pour punir les auteurs de violations.
L’obligation de mettre en œuvre
Par opposition à l’esprit de l’obligation de respecter, l’obligation de mettre en œuvre implique une action positive de la part de l’Etat. Elle signifie que l’Etat doit faciliter, assurer et promouvoir l’accès au droit en question. C’est ainsi que si des obstacles s’érigent, il est du devoir de l’Etat de les supprimer, car ils empêchent l’individu de jouir de son droit. Généralement, l’obligation de l’Etat de mettre en œuvre les droits se traduit par l’élaboration de plan d’action qui décrit les étapes et efforts qu’il aura à entreprendre pour une amélioration des droits en cause.
Depuis des décennies, le droit d’accéder à un enseignement de qualité conditionne l’exercice des libertés professionnelles ou des libertés d’expression, qui sont des droits civils et politiques. C’est pour cette raison qu’il sera étudié dans ce qui suit les efforts de l’Etat malgache ayant trait à l’éducation de ses enfants.
Les réalisations concrètes de l’Etat malgache en référence à la CIDE – promotion de l’éducation et lutte contre le travail des enfants
Les réalisations de l’Etat malgache pour le respect du droit de l’enfant au développement sont diverses en termes d’éducation et de travail des enfants. Les unes sont d’ordre juridique, les autres d’ordre factuel.
Reconnaissance de l’utilité de l’école depuis la royauté
Historiquement, l’industrialisation et donc l’expansion économique n’auraient jamais été possibles sans la diffusion de l’instruction. Aucun pays développé n’est parvenu au stade de croissance actuel sans disparition préalable de l’analphabétisme. Les Etats ont compris que le facteur essentiel de la croissance c’est l’homme et que le transfert de connaissance est l’élément fondateur du développement humain. En effet, les facultés humaines constituent un moyen de production influant dans l’augmentation du capital. Ceci s’explique par le fait que l’éducation rend l’individu plus intelligent et mieux préparé, ce qui influe considérablement sur la qualité de sa vie et donc celle de son pays.
La concurrence entre les nations était déjà rude de telle sorte que la connaissance devient une condition vitale pour espérer rester dans la course ou plutôt pour rattraper le retard du sous-développement. Par là même, l’éducation est directement liée à la réduction de la pauvreté. Les Etats européens comme la France ou l’Angleterre avaient par exemple instauré la scolarité obligatoire dès la fin du XIXe siècle41, ce qui contribuait largement à constituer la fortune de ces pays. C’est grâce à l’éducation également que survient l’industrialisation du Japon. Le taux de scolarisation primaire atteint déjà 82% en 1900 et l’enseignement supérieur est en même temps développé pour former les dirigeants japonais. C’est en prenant exemple sur ces pays que Madagascar institue l’école obligatoire dès 1881.
La pénétration de la modernité et le développement des relations entre Etats ont rendu inévitable l’instruction. Le Code des 305 articles de 1881 l’obligation faite aux parents d’envoyer tous les enfants de plus de huit ans à l’école.
Article 270 : les père et mère ou les plus proches parents choisiront l’école dans laquelle ils voudront mettre leurs enfants ; il est préjudiciable pour ceux-ci de les changer souvent d’école, cela retarde leurs progrès.
Article 271 : les enfants, garçons ou filles, doivent à partir de huit ans, être tous mis en classe pour y recevoir l’instruction. Avant l’âge de huit ans, les père et mère et, à leur défaut, les plus proches parents restent libres de mettre ou non leurs enfants à l’école.
Article 272 : les enfants doivent rester à l’école depuis l’âge de huit ans jusqu’à celui de seize ; toutefois, si avant l’expiration de ce délai, les enfants ont atteint le degré d’instruction requis, ils pourront, s’ils le désirent, quitter l’école. Si au contraire, ils désirent pousser plus loin leur instruction et s’il est reconnu qu’ils sont capables de faire de nouveaux progrès, on les laissera poursuivre leurs études.
Article 273 : toute personne qui ne mettra pas ses enfants à l’école lorsqu’ils auront atteint l’âge prescrit, ou ne leur laissera fréquenter la classe que d’une façon irrégulière, sera punie d’une amende d’une piastre par enfant se trouvant dans l’un de ces deux cas ; elle sera astreinte en outre, à les mettre à l’école. Si le contrevenant ne peut payer l’amende, il sera mis en prison à raison d’un sikajy par jour jusqu’à concurrence de sa valeur totale.
Article 276 : les enfants qui seront mis à l’école devront être accompagnés de leur père et mère ou de leurs plus proches parents ; le fait de mettre les enfants à l’école ne constituera pas, auprès du Gouvernement, une preuve de filiation, et ces enfants ne seront héritiers de leurs parents que tout autant que leur état civil aura été établi conformément aux règlements du Gouvernement.
Mise en place de garanties légales en faveur de l’instruction
De par la ratification par Madagascar de la CIDE naissent de nombreux textes qui consacrent le droit de l’enfant malgache à l’éducation. Le premier texte national consacrant ce droit date de 1960.
Le droit n’est pas reconnu seulement à l’enfant mais aussi aux familles et aux collectivités publiques. Il s’agit de l’Ordonnance n°60-044 du 15 Juin 1960 portant droits respectifs des familles et des collectivités publiques. L’article 5 de cette ordonnance dispose qu’au niveau des écoles primaires élémentaires, l’enseignement public est gratuit.
Sur le plan international, Madagascar a participé à la Conférence mondiale pour l’éducation de Jomtien42 en Mars 1990. Les participants se sont fixé comme date butoir, pour atteindre une scolarisation universelle, l’année2015. Dans le cadre l’initiative Education Pour Tous (EPT), il s’agit de donner une éducation de base à tous les enfants, adolescents et adultes de chaque pays.
La construction d’écoles
Le défaut d’infrastructures a toujours été un problème qui a freiné l’éducation à Madagascar. Le Gouvernement prévoit de construire un millier de salles de classe couvrant les 22 régions, les 119 districts, regroupés dans 114 circonscriptions scolaires (Cisco), les 1579 communes réparties dans 1897 Zone d’Administration Pédagogique (ZAP) et 17 486 fokontany.
Le 03 Septembre 2014, lors du Conseil du Gouvernement, des projets de décrets portant sur la création de quinze lycées ont été adoptés. Ces lycées seront regroupés dans dix régions de Madagascar. Cette initiative répond au souci de donner aux enfants malgaches de parfaire un cycle scolaire parfait. En effet, il existe à Madagascar 725 lycées dont 302 seulement sont des lycées publics. Plus de deux millions de jeunes risquent ainsi la déperdition scolaire si la possibilité de continuer leurs études ne leur est pas offerte.
La remise à niveau de la qualité de l’éducation
Pour un redressement du système éducatif malgache, une convention de l’éducation a été organisée par le Ministère de l’Education Nationale dans un but de trouver les solutions aux problèmes qui minent le secteur de l’éducation à Madagascar. La convention a réuni tous les acteurs œuvrant dans le secteur de l’éducation. Les objectifs sont de dresser l’état des lieux, identifier les contraintes et partager les expériences pour une éducation inclusive, de qualité et accessible à tous.
Les résultats de la convention serviront de base à la rédaction de « la loi d’orientation » en matière d’éducation et à l’élaboration du plan sectoriel de l’éducation 2016 – 2020. Ce plan succèdera au plan intérimaire pour l’éducation ou PIE.
Le PIE couvre la période 2013 – 2015 et est orienté vers trois axes stratégiques qui sont l’accès à l’éducation, la qualité de l’enseignement et la gouvernance. Il s’appuie sur une évaluation approfondie du secteur éducatif en termes de qualité et d’accessibilité. Les priorités ont été posées et les moyens d’action établis suite à l’analyse au fond des facteurs déterminants de la scolarisation.
La progression vers la gratuité de l’éducation
En vue d’alléger les charges parentales dont notamment le paiement des maîtres FRAM, le Ministère de l’Education nationale prévoit de recruter 10 000 enseignants non fonctionnaires sur les 75 000 en fonction dans toute l’île.
Dans un but incitatif et d’allègement des charges, des projets de mise en place de cantine scolaire dans toutes les écoles publiques sont actuellement en cours.
Certes, des efforts sont entrepris par l’Etat malgache dans le domaine de l’enseignement, mais ils ne sont pas suffisants dans la mesure où beaucoup d’enfants, au lieu d’être sur les bancs de l’école, se livrent au travail précoce. En vertu des dispositions de la CIDE cependant, l’enfant n’a pas à exercer une activité économique, il doit s’instruire à l’école, lieu privilégié pour son développement.
Enclenchement de la lutte contre le travail des enfants par l’Etat malgache
Un enfant n’a pas à travailler, la question du travail des enfants pose problème non seulement pour des raisons d’éthique mais aussi pour des rasions de moralité. Certes, il fatigue l’enfant, mais surtout il handicape son avenir et celui de son pays. La mise au travail d’enfants doués aboutit à un « gaspillage considérable de talents naturels ». En effet, l’enfant travailleur est condamné à devenir un adulte totalement sous – qualifié, qui ne saura qu’obéir et se débrouiller, « balloté au gré des conjonctures ».43
C’est pourquoi il est important d’armer l’enfant tant pour plus tard que pour l’immédiat, c’est-à-dire lui éviter le vagabondage et l’oisiveté, sources de dangers et de débauche. Il semble s’avérer que l’école soit le mieux à même de remplir ce rôle.
Définition du travail des enfants
Le travail des enfants comprend d’une part le travail domestique familial, du moment que les charges supportées par l’enfant sont excessives44 ou le travail en question interfère avec l’éducation ; et d’autre part, il englobe le travail économique.
Le travail économique se divise par la suite en travail dangereux et en pires formes de travail des enfants à éliminer de toute urgence.
Les travaux sont légaux lorsque la durée est inférieure à 14 heures par semaine et lorsqu’ils sont effectués par des enfants de 12 à 17 ans. Toutefois, malgré qu’ils soient qualifiés non dangereux, s’ils sont effectués par des enfants de 5 à 11ans, ils sont à abolir.
La forte réglementation du travail des enfants par le Code du travail malgache
Aujourd’hui le Nouveau Code du Travail malgache définit les bases et les critères sur lesquels doivent reposer les conditions de travail des enfants. Ces dispositions marquent l’implication de l’Etat Malgache dans la mise en œuvre de la CIDE et de la Convention n°138 de l’OIT sur l’âge minimum.
La loi 2003 – 044 du 28 Juillet 2004, portant nouveau code du Travail, régit dans ses articles 100 à 103 la question du travail des enfants. D’abord, pour ce qui est de l’âge minimum, l’article 100 dispose : « l’âge minimum légal d’accès à l’emploi est de quinze ans sur toute l’étendue du territoire de Madagascar. Cet âge minimum ne doit pas être inférieur à l’âge auquel cesse la scolarité obligatoire ».
Ensuite, il est proscrit à tout établissement de faire travailler des mineurs ou apprentis de moins de 18ans pour plus de 8h par jour et de 40h par semaine. Le cas échéant, ils ont droit
à un repos quotidien de 12h consécutives, un droit qui s’analyse en un devoir du côté de l’employeur. Si l’enfant ou l’apprenti a moins de quinze ans, il ne peut être recruté dans une entreprise que sous une double condition : l’inspecteur du travail a donné son autorisation d’une part, et les tâches ne sont pas nuisibles à la santé et au développement normal de l’enfant en question d’autre part (article 102). Par ailleurs, toute possibilité pour un enfant d’effectuer des heures supplémentaires ou un travail de nuit est écartée.50
Il est utile de rappeler que Madagascar a ratifié la Convention n°127 de l’OIT sur le poids maximum dès 1971.51 Il est de ce fait interdit à tout travailleur de moins de dix-huit ans de s’adonner à des activités de « transport manuel de charges »52 sans que certaines conditions ne soient remplies. Un tel travail, susceptible de compromettre la sécurité et la santé de l’enfant, ne doit en aucune manière être admis par tout Etat membre de l’OIT. L’article 2 du Décret 70-624 du 24 Novembre 1970 portant ratification de la Convention internationale n°127 dispose que l’âge minimum d’admission à un emploi de transport manuel régulier de charges est fixé à dix-huit ans.
L’article 103 du code du travail continue en imposant que dans tous les cas, les enfants et les adolescents ne pourront être admis à un emploi qu’à la suite d’un examen médical. A tout moment, l’inspecteur du travail peut requérir l’examen des enfants par un médecin agrée, en vue de vérifier si le travail n’excède pas leurs forces.
La place de l’individu dans la société et le rôle de l’éducation
Dans une société traditionnelle, les règles de vie et le règlement des conflits sont majoritairement organisés par les coutumes, un genre de société affilié à un contexte d’infériorité et d’antériorité60. L’individu n’existe que par la communauté dans une société traditionnelle, il est une personne « profondément enracinée dans la communauté » selon le philosophe Emmanuel Mounier. D’ailleurs, la notion même d’ « individu » comme entité autonome n’a pas existé de tout temps, c’est une invention de la modernité.
Cela ne signifie nullement que l’individu est nié, il est avant tout envisagé dans le cadre d’un groupe social (famille, ethnie, nation, religion…) et fortement lié par des devoirs sociaux et des interdits qu’il s’empêche de transgresser. La société est fortement hiérarchisée et le souci de maintenir la solidarité fait que l’on parvient toujours à un consensus qui tend vers l’ordre et l’harmonie.
Dans la société traditionnelle malgache, l’éducation de l’enfant ne se conçoit pas en dehors de la famille, et elle a pour objectif de perpétuer la survie de celle-ci et le renforcement de sa cohésion. La famille est le cadre dans lequel naissent les enfants et de son organisation dépend la survie du groupe. On ne permet pas que l’individualité de l’enfant brise la solidarité familiale. C’est pourquoi, l’éducation socialise et insère fortement l’enfant dans le groupe, on lui enseigne à se soumettre à la hiérarchie des anciens et des aînés.
Dans une telle communauté, loin des nouvelles technologies61 et fortement dominée par l’économie agricole, l’éducation n’a pas pour but de favoriser le progrès économique et social. Elle se veut maintenir l’ordre social existant, l’objectif est d’édifier une société stable62 et équilibrée. Toutefois, le passage de l’économie agricole à l’industrialisation63 fait que l’éducation aujourd’hui tient plus un rôle économique que social. Chaque famille et chaque individu voit en l’instruction un moyen de trouver une stabilité financière. Si au départ, il servait comme instrument pour transmettre les valeurs du groupe et assurer sa conservation64, actuellement, l’éducation met l’accent sur son rôle économique en tant que moteur de développement.
Elle ne socialise plus et rompt l’équilibre social précieusement gardé dans le passé : de nouvelles élites émergent et s’opposent à l’autorité des chefs traditionnels. Les valeurs importées et les valeurs anciennes s’opposent.
|
Table des matières
PARTIE I : LA NOUVELLE CONDITION JURIDIQUE DE L’ENFANT AVEC L’AVENEMENT DE LA CIDE
Titre I : Intégration des droits de l’enfant dans l’ordre juridique interne des Etats
Chapitre I- Les innovations de la Convention sur les droits de l’enfant
Section I- Histoire des droits de l’enfant
Section II- La nouvelle figure attribuée à l’enfant
Section III- Le contenu de la CIDE
§ I- Le droit au développement
§ II- La non – discrimination
§ III- L’intérêt supérieur de l’enfant
§IV- Le respect de l’opinion de l’enfant
§V- Du droit d’être protégé contre toute exploitation économique
Chapitre II- Les principes d’intégration de la CIDE dans le corpus juridique interne des Etats
Section I- Le système malgache d’intégration des traités internationaux
Section II- Le principe d’application de bonne foi des traités régulièrement ratifiés
Section III- Les autres principes garants de l’effectivité de la protection internationale
§I- Le principe de légalité
§II- L’égalité des sujets de droit
§III- L’indépendance de la justice
Titre II- Les devoirs de l’Etat malgache en vertu de la CIDE
Chapitre I- Les fondements textuels des devoirs de l’Etat malgache
Chapitre II- Les mesures à prendre en vertu du principe d’effectivité
Chapitre III- Les devoirs spécifiques en matière de droits économiques, sociaux et culturels
Section I- L’obligation de respecter
Section II- L’obligation de protéger
Section III- L’obligation de mettre en oeuvre
Chapitre IV- Les réalisations concrètes de l’Etat malgache en référence à la CIDE – promotion de l’éducation et lutte contre le travail des enfants
Section I- Reconnaissance de l’utilité de l’école depuis la royauté
Section II- Mise en place de garanties légales en faveur de l’instruction
Section III- Instauration et réalisation de programmes au service de l’éducation
§I- Les essais de réforme sur la rétention scolaire
§II- La construction d’écoles
§III- La remise à niveau de la qualité de l’éducation
§IV- La progression vers la gratuité de l’éducation
Section IV- Enclenchement de la lutte contre le travail des enfants par l’Etat malgache
§I- Définition du travail des enfants
§II- La ligne séparatrice entre travail et exploitation
§III- La forte réglementation du travail des enfants par le Code du travail malgache
§IV- Le programme IPEC contre le travail des enfants
PARTIE II- REGARD CRITIQUE SUR LES DROITS DE L’ENFANT
Titre I- La lutte contre le travail des enfants et économie des sociétés traditionnelles
Chapitre I- Description des fonctions du travail et de l’éducation dans les sociétés traditionnelles
Section I- Incompréhension de la lutte contre le travail des enfants dans les sociétés traditionnelles
Section II- La place de l’individu dans la société et le rôle de l’éducation
Section III- Le travail comme outil de socialisation
§I- La socialisation de la naissance à la petite enfance
§II- La socialisation à l’adolescence
Chapitre II- L’éducation comme alternative au travail : une politique sans évidence
Section I- Système scolaire défavorable aux plus démunis
§ I- Echec de l’école en tant qu’outil de développement
§ II- Politique scolaire discriminatoire en fonction du niveau de vie de l’élève
§ III- Elimination des élèves les plus modestes en cours de cursus
§ IV- Programme scolaire non exploitable dans le quotidien des enfants
§ V- Un système exclusif défavorable aux enfants
§ VI- Recours au travail justifié par la protection
§ VII- La discrimination effective des exclus de l’école du fait du caractère « élitiste » de l’éducation
Section II- Les problèmes inhérents à l’enseignement public
§ I- La question de la gratuité de l’éducation
§ II- Les matériels et infrastructures mis à la disposition des enfants
§ III- Le problème des enseignants des écoles publiques
§ IV- L’absentéisme élevé des élèves et des maîtres
§ V- L’abandon scolaire
Chapitre III- Remise en question de la pertinence de la lutte contre le travail des enfants
Section I- Le contexte international de la lutte contre le travail des enfants
§ I- Description du terroir de la lutte
§ II- La non-adhésion massive à la ratification de la convention n°138
Section II- Les mouvements d’enfants favorables au travail
§ I- La revendication du droit de travailler par des enfants
§ II- Les résultats d’enquête auprès d’enfants travailleurs à Madagascar
Section III- Lecture politique de la lutte contre le travail des enfants
Chapitre IV- Pour une adaptation de l’enseignement à la réalité des enfants travailleurs
Section I- Pour le développement de l’éducation non-formelle
Section II- Pour l’élargissement des programmes en place
Titre II- Nouveau statut de l’enfant et identité malgache
Chapitre I- Le contexte coutumier à Madagascar
Section I- Brève description du contexte coutumier malgache
Section II- Les croyances malgaches
Section II- Le fihavanana
Section III- Le respect des aînés
§ I- Résistance de l’usage à l’usure du temps
§ II- La valeur attribuée à la parole de l’aîné
Section IV- La toute puissance du père de famille
§ I- L’unité familiale comme principal fondement
§ II- Autres fondements de la puissance du paterfamilias
Chapitre II- Les coutumes malgaches à l’épreuve du nouveau statut de l’enfant
Section I- La CIDE, un instrument « libérateur »
§ I- Les droits de l’enfant : contre l’autorité du paterfamilias
§ I- La CIDE : source de pouvoir pour l’enfant
§ II- Libération de l’enfant vis-à-vis de la famille et de la société
§ IV- Vers l’effacement des rapports hiérarchiques et l’aboutissement de l’égalité adulte – enfant
Section II- Les effets des droits de l’enfant sur le droit de la famille
§I- Définition de la famille
§II- La conception de la famille dans la société malgache
§ III- Les différents facteurs de la transformation actuelle de la famille
§ IV- Les limites de l’égalité enfant – adulte
I- Difficulté de conciliation des différents intérêts en jeu
II- Apparition de crise dans la vie des familles
§ V- Droits des individus et rétrécissement continu de la famille
I- Questionnement sur le fondement de la famille
II- Vers la gravitation de la notion de famille autour de l’enfant
§ VI- L’authenticité du droit malgache à l’épreuve des droits de l’enfant
I- Définition du rejet
II- L’institution du rejet face aux droits de l’enfant
Chapitre III- Les droits de l’enfant : une politique culturelle
Section I- La remise en question de l’universalité des droits de l’enfant
Section II- Les droits de l’enfant, instrument de « réduction culturelle »
Titre III- Vulgarisation des droits de l’enfant et stabilité au sein de l’Etat
Chapitre I- Les droits de l’enfant, un combat pour la démocratie
Chapitre II- Prolifération des droits subjectifs et transformation en utopie
Chapitre III- Intériorisation précoce des droits
Section I- Fléchissement de l’ordre objectif et exaltation de l’intérêt particulier
Section II- L’assimilation des droits subjectifs par les sujets
Section III- L’image du droit intériorisé
Section IV- Manifestation des risques encourus par l’Etat
Chapitre IV- Pour une mise en adéquation des méthodes pédagogiques
Section I- Apprendre le droit par l’expérience
Section II- Préciser la notion d’intérêt supérieur de l’enfant
§ I- Considération des autres intérêts en présence
§ II- L’intérêt supérieur de l’enfant : source de responsabilité et motif de sanctions
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet