La technologie des couches minces est l’une des sciences les plus récentes. Ainsi, les films minces élaborés par voie physique en phase vapeur PVD suscitent un intérêt particulier dans le domaine des matériaux et des surfaces. Outre leurs nombreuses potentialités, ils permettent notamment d’élaborer des surfaces métalliques ou céramiques sous forme de composés binaires, ternaires, quaternaires, … Les propriétés des films minces étant directement reliées à leur structure, la modification de celle-ci a toujours constitué un sujet de premier ordre. Les dernières recherches indiquent aussi que ces procédés offrent la possibilité de synthétiser des matériaux multicouches, des revêtements nanocomposites et plus récemment, des structurations originales aux échelles micro-et nanométriques .
L’approche développée depuis la fin des années 90, nommée GLAD (GLancing Angle Deposition) propose une modification originale de la structuration des films [2, 3]. Cette méthode consiste à élaborer un revêtement sous incidence oblique sur un substrat fixe ou mobile. En contrôlant la direction de croissance des films, il devient alors possible de leur donner une architecture particulière. La technique GLAD se caractérise par des paramètres clés qui peuvent influencer le mécanisme de croissance des films minces. Leur variation conduit à un panel étendu de caractéristiques physiques. En ajustant certains paramètres expérimentaux tels que l’angle d’incidence du flux de particules, la vitesse de rotation du substrat, la structuration de la surface du substrat et, bien entendu, le type de matériau, la technique GLAD est devenue une véritable boîte à outils capable de produire une large gamme d’architectures. Des nanostructures colonnaires, comprenant notamment des colonnes inclinées, orientées en forme de zigzags, de spirales, etc., ont été fabriquées à partir de matériaux variés mettant en œuvre une unique source de particules [4, 5]. Outre la conception d’architectures nouvelles et inédites, ces films minces GLAD présentent des propriétés originales et étendues par rapport aux systèmes classiques [6, 7].
Très récemment et principalement au Canada [8], puis ensuite aux Etats-Unis [9] les derniers développements des procédés PVD ont conduit à la croissance de films colonnaires nanostructurés à forte porosité. La plupart des études rapportées sur la technique GLAD utilise une source unique de particules [2]. Une approche de nanostructuration utilisée dans cette thèse, consiste à utiliser deux sources métalliques non miscibles (le tungstène W et le cuivre Cu). Cette nouvelle approche permet de produire une structure colonnaire formée de deux composants. Étant donné que la majorité des films GLAD possède des nanostructures poreuses et présentent des propriétés physiques intéressantes, celles-ci les rendent des candidats idéaux pour plusieurs applications telles que les matériaux biréfringents, les polariseurs optiques ou encore les capteurs de gaz [8, 10].
Etat de l’art de la technique GLAD
En 1852 [1], Grove a découvert le principe de la pulvérisation sous vide permettant l’obtention d’une couche mince. Cette découverte a ouvert la voie à l’étude des matériaux aux dimensions microscopiques. Toutefois, ces travaux ont commencé à prendre de l’ampleur un siècle plus tard. Dès 1959, l’étude de Young et Kowal [2] sur l’anisotropie optique des films à structure hélicoïdale et la découverte de Smith [3] sur les films de permalloy en lien avec leurs propriétés magnétiques montrent l’intérêt que présente l’architecture des films. Ainsi, la grande majorité des travaux concerne les relations entre les conditions opératoires et les microstructures obtenues sous incidence normale depuis les premières études expérimentales sur l’évaporation [4] jusqu’aux plus récentes, englobant toute la variété des techniques de dépôt [5].
Les travaux portant sur l’étude de l’influence de l’angle d’incidence du flux d’atomes sur la microstructure sont présents dans la littérature scientifique [6–8]. Mais, c’est en 1997 avec les travaux de Robbie et Brett [9], que nait le terme GLAD (GLancing Angle Deposition) et que l’élaboration de films sous incidence oblique et sur substrat fixe ou mobile prend toute son ampleur. Dans ce premier chapitre, le principe général de la technique GLAD est d’abord décrit. Les types de structurations possibles sont ensuite exposés et enfin les diverses applications des films architecturés sont présentées.
Principe
La technique GLAD repose sur le contrôle de la position relative entre la source de vapeur et le substrat dans la configuration où le flux de vapeur incident est directif. Différents procédés GLAD ont été conçus et développés. Ils sont basés sur la manipulation de la position du substrat afin de contrôler l’effet d’ombrage et de guider le processus de croissance colonnaire. La position du substrat dans le procédé GLAD est spécifiée par deux angles . L’angle d’inclinaison du substrat ? est défini comme l’angle entre la normale du substrat et la normale de la source de vapeur incidente. L’angle ϕ mesure la rotation du substrat autour de sa normale, fournissant ainsi la position azimutale du substrat. L’angle ? peut varier entre 0° et 90°, tandis que l’angle ϕ peut prendre n’importe quelle valeur et peut varier au cours du temps.
La méthode GLAD est similaire à une technique classique de pulvérisation cathodique. Un vide est créé dans une chambre dans laquelle sont insérés les cibles du matériau à déposer (dans notre cas du tungstène et du cuivre) ainsi que le substrat sur lequel le dépôt va être effectué. Un plasma froid est créé dans la chambre et vient, sous l’application d’un champ électrique, pulvériser des atomes de la cible. Ces atomes pulvérisés peuvent alors se condenser sur le substrat.
Le plasma
Un plasma est un mélange électroniquement neutre de différentes espèces : électrons, ions, atomes, photons. Dans un plasma froid, l’énergie des électrons est très supérieure à celles des ions. Ce type de plasma est le plus étudié et le mieux maîtrisé dans les procédés PVD. Les caractéristiques du plasma influencent les propriétés des films obtenus par dépôt sous vide. Les espèces gazeuses contenues dans le plasma peuvent réagir avec les matériaux pulvérisés (par exemple pour la formation d’oxydes [10], de nitrures [11, 12] de carbures [13], ou tout autre composé [14, 15]). Le moment et l’énergie des ions du plasma vont aussi avoir une influence sur les propriétés intrinsèques (densité, dureté, etc.) de la couche [16] ainsi que sur sa structure cristalline. Pour créer le plasma, un gaz plasmagène tel que l’argon est introduit dans l’enceinte et une tension continue est appliquée. Une décharge électrique se produit alors, conduisant à l’ionisation du gaz et donc à la création du plasma.
La pulvérisation cathodique
Le procédé de pulvérisation cathodique permet de déposer de nombreux matériaux de différentes natures : métaux, alliages, composés réfractaires, conducteurs. Il existe différents types de pulvérisation cathodique. Celle employée pour cette étude est la pulvérisation diode à courant continu, aidée d’un effet magnétron. La pulvérisation cathodique repose sur le principe de l’éjection de matière. Cette technique consiste à obtenir de la vapeur sous l’effet du choc entre des ions et le matériau à déposer. Si les ions sont suffisamment énergétiques, des atomes sont arrachés et projetés dans l’enceinte .
En pulvérisation cathodique, le plasma est créé en appliquant une différence de potentiel entre la cathode (la cible) et l’anode (le substrat). La différence de potentiel ionise le gaz inerte utilisé, typiquement de l’argon et le rend conducteur. Les électrons du plasma sont attirés par l’anode et les ions positifs Ar+ sont attirés par la cathode. Le potentiel négatif appliqué à la cible contribue à accélérer les ions Ar+ . Sous l’effet de l’impact, les atomes du matériau sont éjectés de la cible et se déplacent à l’intérieur de l’enceinte pour enfin venir se condenser sur le substrat.
Afin d’améliorer la vitesse de dépôt, un dispositif, appelé « effet magnétron », est mis en place. Ceci consiste à ajouter au champ électrique un champ magnétique autour de la cible, grâce à deux aimants permanents de polarité inverse. Ces aimants créent un champ magnétique parallèle à la surface de la cible et orthogonal au champ électrique. La combinaison de ces deux champs donne naissance à des lignes de champ qui piègent les électrons secondaires. En effet, la force de Lorentz induite provoque un mouvement hélicoïdal des électrons qui s’enroulent autour des lignes de champ, et augmente considérablement la densité électronique à proximité de la surface de la cible. La densité d’atomes d’argon ionisés et la densité d’atomes de la cible pulvérisée augmentent aussi. L’effet magnétron permet d’obtenir des vitesses de dépôt plus importantes et permet aussi d’entretenir la décharge pour de plus faibles pressions de travail. Ce procédé provoque une érosion inhomogène de la cible, puisqu’elle suit les lignes de champ du magnétron. On constate donc une usure très faible au centre et sur les bords de la cible alors qu’elle sera fortement usée le long de l’anneau intérieur. Ainsi, on considère que seulement 30 à 40 % de la cible sont déposés lors d’une pulvérisation à effet magnétron conventionnelle [17]. De nouvelles techniques, utilisant un aimant rotatif décentré comme magnétron, permettent d’homogénéiser l’usure et d’augmenter ainsi le rendement des cibles .
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1Etat de l’art de la technique GLAD
1. Principe
1.1. Le plasma
1.2. La pulvérisation cathodique
2. Croissance des couches minces
2.1. Modes de croissance
2.2. Modèles de structures
3. Architectures possibles
4. Evolution de la technique GLAD
4.1. La technique Phi-sweep
4.2. La co-déposition
5. Quelques propriétés des films GLAD
5.1. Domaine de l’énergie
5.2. Domaine de la détection
5.3. Domaine de l’optique
6. Les matériaux étudiés
6.1. Le cuivre
6.2. Le tungstène
6.3. Le système W-Cu
7. Conclusion
Chapitre 2 Dispositifs expérimentaux et outils de caractérisation
1. Dispositif expérimental de dépôt de films minces
1.1. Appareillage DC
1.2. Distribution angulaire
2. Paramètres expérimentaux
3. Caractérisation structurale et composition élémentaire
3.1. Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
3.2. Faisceau d’Ions Focalisés (FIB)
4. Microscopie Electronique en Transmission (MET)
4.1. Préparation lame mince pour observation MET en vue plane
4.2. Principe de fonctionnement
4.3. Analyse dispersive en énergie (EDX)
5. Spectroscopie de fluorescence X (FRX)
6. Diffraction des rayons X (DRX)
7. Résistivité électrique
8. Anisotropie électrique
9. Gravure chimique humide
10. Conclusion
Chapitre 3 Films colonnaires inclinés à base de tungstène
1. Structure et morphologie des films colonnaires
2. Influence de l’épaisseur
2.1. Microstructures pour une pression de 4×10-3 mbar
2.2. Microstructures pour une pression de 15×10-3 mbar
2.3. Caractérisation des largeurs
2.4. Angles des colonnes
2.5. Analyses par diffraction des rayons X
3. Influence de la pression
3.1. Microstructure
3.2. Angles des colonnes
3.3. Distribution angulaire
3.4. Analyses par diffraction des rayons X
4. Propriétés de conduction
5. Conclusion
Conclusion générale
Télécharger le rapport complet