La puissance musculaire dont la notion de puissance est considรฉrรฉe comme le produit de la force et de la vitesse reprรฉsente la capacitรฉ ร produire le plus grand travail possible en un minimum de temps. Elle est souvent considรฉrรฉe comme un facteur dรฉterminant de la performance dans de nombreux sports, notamment pour lโexรฉcution de gestes dรฉcisifs et/ou spectaculaires tels quโun dunk en basket-ball (Samozino et al., 2012), un sprint en cyclisme (Dorel, 2018), une frappe puissante en football ou en boxe (Aagaard et al., 1996; ฤฝuboslav et al., 2016) ou bien encore dans les รฉpreuves de lancers (Bourdin et al., 2010). Dans la pratique, faire un geste dโintensitรฉ maximale consiste ร exercer une force maximale visant ร accรฉlรฉrer le plus possible une masse (e.g. la charge externe et la partie du corps mobilisรฉe lors du mouvement). Rรฉsultante de la force, lโaccรฉlรฉration est accumulรฉe en fonction du temps permettant ainsi lโaugmentation de la vitesse. Il est ร noter que lโaugmentation de la vitesse a un contre-effet sur la force maximale produite. Autrement dit, plus le muscle se contracte rapidement, moins il est capable de produire une force importante et inversement, ce qui est caractรฉrisรฉe par la relation force-vitesse. Cette relation, lors dโun effort maximal, reprรฉsente ainsi la capacitรฉ dโun individu ร exprimer sa puissance contre diffรฉrentes charges.
Cette relation inverse entre les paramรจtres de force et de vitesse est dรฉcrite par les scientifiques au niveau de la fibre musculaire isolรฉe depuis les annรฉes 1920 (Hill, 1922). Avec ce type de relation, รฉvaluer le profil force-vitesse dโun individu puis chercher ร รฉquilibrer les deux paramรจtres est devenu le moyen le plus efficace dโamรฉliorer la performance en puissance (Cross et al., 2018). Dans le domaine sportif, des รฉtudes ont รฉtรฉ menรฉes afin dโoptimiser lโentrainement de la performance en puissance musculaire depuis le dรฉbut des annรฉes 1980 (Komi et al., 1982; Viitasalo, 1985).
La relation force-vitesse lors dโun effort maximalย
Relation force-vitesse sur le muscle isolรฉ
Une contraction musculaire volontaire est initiรฉe par le systรจme nerveux central, plus prรฉcisรฉment au niveau du cortex moteur, en envoyant un signal รฉlectrique via le rรฉseau de neurones du systรจme nerveux pรฉriphรฉrique, pour dรฉclencher in fine les interactions au niveau des protรฉines contractiles (Wilmore et Costill, 2002). Les mouvements humains sont le rรฉsultat de la contraction musculaire dโun ou de plusieurs groupes musculaires (McMahon, 1984). La coordination de plusieurs unitรฉs motrices, muscles ou groupes musculaires est ainsi nรฉcessaire pour contrรดler le mouvement (Kleissen et al., 1998). La contraction musculaire ร lโรฉchelle macroscopique est la matรฉrialisation des mouvements microscopiques rรฉalisรฉs au niveau des filaments oรน lโactine glisse le long de la myosine, selon la ยซ thรฉorie des filaments glissants ยป (the cross bridge theory) (Huxley et al., 1954). Lโattachement de lโactine ร la myosine constitue le ยซ pont dโunion ยป (Huxley, 1958). La force gรฉnรฉrรฉe au cours dโune contraction est alors proportionnelle au nombre de ponts dโunion รฉtablis (Gordon et al., 1966). Plus ce nombre est important, plus la force produite est importante.
La relation F-v est une reprรฉsentation de la force maximale quโun individu est capable de produire contre diffรฉrentes charges en fonction de la vitesse de contraction musculaire atteinte pendant le mouvement. Cette relation a รฉtรฉ abordรฉe ร partir dโรฉtudes sur la propriรฉtรฉ mรฉcanique des muscles, au milieu du XIXรจme siรจcle (Weber, 1846). Ces รฉtudes ont rapportรฉ que la force isomรฉtrique est proportionnelle ร la longueur du muscle. Dans les annรฉes 1920, Archibald Vivian Hill, laurรฉat du prix Nobel de physiologie en 1922, sโest intรฉressรฉ ร la relation F-v lors dโune contraction musculaire. Il fut le premier ร caractรฉriser cette relation sur le muscle isolรฉ de grenouille (Hill, 1922). Si Fenn et Marsh (1935) furent les premiers ร รฉtablir une relation exponentielle entre la force et la vitesse, cโest la relation hyperbolique de Hill (1938) qui est la plus reconnue et utilisรฉe (Equation 1) :
(? + ?)(? + ?) = (?0 + ?)? = (?0 + ?)? (Equation 1)
avec ? la force maximale produite, ? la vitesse de raccourcissement de la fibre musculaire, ?0 la force maximale produite en condition isomรฉtrique, ? et ? des constantes renvoyant aux dimensions dโune force et dโune vitesse, respectivement et dรฉterminant les asymptotes de la courbe hyperbolique.
La relation inverse entre la force maximale dรฉveloppรฉe et la vitesse de raccourcissement de la fibre musculaire peut sโexpliquer en prenant en compte la rรฉsistance des matรฉriaux et la libรฉration dโรฉnergie. Une partie de la force gรฉnรฉrรฉe lorsque le muscle se raccourcit est dispersรฉe pour vaincre les rรฉsistances visqueuses du muscle car le muscle est une matiรจre nonnewtonienne (Hill, 1922). Autrement dit, la force de rรฉsistance (cisaillement) nโest pas proportionnelle ร la vitesse de dรฉformation. En fait, les rรฉsistances augmentent avec la vitesse de raccourcissement . Dโaprรจs Fenn (1924), la vitesse de contraction des fibres musculaires influence le rythme de la libรฉration de lโรฉnergie . Cette contrainte รฉnergรฉtique empรชche le maintien de la force lorsque la vitesse de contraction augmente. Par consรฉquent, la puissance maximale est atteinte ร une vitesse de raccourcissement intermรฉdiaire, la vitesse optimale, correspondant ร 20-40% de la vitesse maximale thรฉorique (McMahon, 1984).
Cette relation F-v hyperbolique obtenue sur des fibres musculaires isolรฉes ne correspond pas toujours ร celles dรฉcrites de maniรจre in vivo. En effet, les effets liรฉs au(x) bras de levier, au(x) moment(s) dโinertie, au nombre de muscles ou groupes musculaires, ร la gamme de vitesse sur laquelle les mesures sont effectuรฉes induisent gรฉnรฉralement une relation linรฉaire entre la force et la vitesse.
Relation force-vitesse au cours des mouvements humains
La relation F-v est un moyen dโรฉvaluation des capacitรฉs des sportifs trรจs largement plรฉbiscitรฉe dans le domaine sportif. Elle est รฉtudiรฉe au cours de mouvements volontaires monoet pluri-articulaires.
Relation force-vitesse hyperboliqueย
Un mouvement mono-articulaire est rรฉalisรฉ grรขce ร la contraction dโun seul groupe musculaire et plusieurs รฉtudes ont dรฉcrit la relation F-v ร partir dโune relation hyperbolique lors de mouvement de flexion du coude (Hill, 1922; Kaneko et al., 1981) ou dโextension des genoux (Penasso et Thaller, 2018).
Parallรจlement ร ses travaux au niveau des filaments in vitro, Hill (1922) a รฉgalement observรฉ la relation entre le travail rรฉalisรฉ au cours dโune contraction musculaire et la charge externe imposรฉe au cours dโun mouvement impliquant plusieurs muscles ร lโeffort maximal dans des conditions in vivo. Ainsi, au cours dโune flexion du coude , il a constatรฉ que lโaugmentation de la charge รฉtait corrรฉlรฉe ร une augmentation du travail rรฉalisรฉ et ร une diminution de la vitesse. Le travail รฉtant, ร lโangle prรจs, le produit du travail par le dรฉplacement de la charge, il รฉtait facile de dรฉduire que la force avait augmentรฉ. Cette expรฉrimentation constitue une รฉtude empirique de la relation F-v lors dโun mouvement global.
A la fin des annรฉes 1940, Dern et al. (1947) ont รฉvaluรฉ la relation F-v au cours du mouvement de flexion du coude. Dans cette รฉtude, les auteurs ont prรฉcisรฉ quโil nโy avait aucune preuve que la relation hyperbolique entre la force et la vitesse ne soit pas applicable sur les mouvements globaux. Cependant, si on regarde de plus prรจs les figures prรฉsentรฉes dans cet article, on peut voir que les deux paramรจtres pourraient trรจs bien รชtre reliรฉs par une relation linรฉaire . Nรฉanmoins, la relation hyperbolique de la relation F-v au cours dโun mouvement global a รฉtรฉ adoptรฉe lors dโรฉtudes ultรฉrieures portant, par exemple, sur lโeffet de lโentraรฎnement (Kaneko et al., 1981) ou lโeffet de la fatigue (Penasso et Thaller, 2018).
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Table des matiรจres
I. Introduction gรฉnรฉrale
II. Cadre thรฉorique
La relation force-vitesse lors dโun effort maximal
1. Relation force-vitesse sur le muscle isolรฉ
2. Relation force-vitesse au cours des mouvements humains
3. รvaluation du profil force-vitesse
4. Synthรจse de la partie
La coordination musculaire lors dโun mouvement
1. Deux types dโรฉlectromyographie : intramusculaire et de surface
2. Considรฉrations mรฉthodologiques
3. Analyse de la coordination musculaire avec lโEMG
4. Synthรจse de la partie
La fatigue neuromusculaire
1. La fatigue neuromusculaire
2. Les effets de la fatigue sur la relation force-vitesse
3. Synthรจse de la partie
Synthรจse, problรฉmatique et objectifs
1. Rรฉsumรฉ de la revue de littรฉrature
2. Problรฉmatique et Objectif de travail
III. Etudes expรฉrimentales
Etude 1 Reproductibilitรฉ de la relation force-vitesse lors du mouvement de soulevรฉ de terre haut (STH)
Etude 2 : Comparaison des mรฉthodes de dรฉtermination du profil force-vitesse lors du mouvement de soulevรฉ de terre haut (STH)
Abstract
Introduction
Methods and Material
Results
Discussion
Conclusion
Etude 3 : Lโinfluence de la fatigue neuromusculaire induite par dโun mouvement maximal rรฉpรฉtรฉ du corps entier ร deux charges diffรฉrentes sur la relation force-vitesse dโun mouvement complexe
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion and Implications
Limitations
Practical applications
Conclusion
IV. Discussion gรฉnรฉrale et perspectives
Discussion gรฉnรฉrale
1. Reproductibilitรฉ des mesures et paramรจtres mรฉcaniques
2. La Relation force-vitesse
3. Activitรฉ musculaire et impact de la fatigue
Conclusion
Bibliographie