Relations entre occupation – usage du sol et distribution spatiale du paludisme

Transmission du Paludisme en Amazonie

   En Guyane, environ deux tiers des paludismes déclarés à la surveillance épidémiologiques sont dus à Plasmodium vivax et un tiers à Plasmodium falciparum. La transmission du paludisme est essentiellement assurée par le moustique Anophèles darlingi. Cette espèce présente une large distribution sur le territoire. Une carte de la qualité d’habitat d’An. darlingi en Guyane française prédite à partir des données de captures entre 2000 et 2013 présente la qualité d’habitat élevée pour une grande partie du département (Figure I-4) (Moua et al., 2016). L’équipe de l’Unité d’Entomologie Médicale (UEM) de l’Institut Pasteur de Guyane (IPG) a trouvé récemment trois autres espèces infectées par P. falciparum : An. Nuneztovari, An. Intermedius et An. Oswaldoi. Des femelles porteuses de P. falciparum ont été collectées dans les régions de Saint Georges de l’Oyapock et de Cacao (ARS / Plan de lutte contre le Paludisme 2015-2018). Dans l’Est du territoire la transmission est saisonnière avec un pic qui débute en milieu de la grande saison sèche, alors que dans l’Ouest ce pic apparait en fin de grande saison des pluies. En forêt, sur les sites d’orpaillages elle s’effectue tout au long de l’année. Au Brésil, 99 % des cas diagnostiqués sont localisés dans les neuf Etats de la « région amazonienne légale : Acre, Amapa, Amazonas, Maranhão (partie occidentale), Mato Grosso (partie septentrionale), Para, Rondônia, Roraima, et Tocantins. L’intensité de la transmission varie d’une municipalité à l’autre, mais elle est plus élevée dans les zones de production minière, d’exploitation forestière et de colonisation rurale créées depuis moins de cinq ans, Les parasites responsables du paludisme au Brésil sont Plasmodium falciparum (13%) et P. vivax (87%), ce dernier étant l’espèce dominante depuis 2008. Le vecteur principal est An. darlingi, mais d’autres espèces sont aussi impliquées dans la transmission (Manguin 2008).

Eléments participant à la construction du risque de paludisme

   De manière très générale, le risque est considéré comme une mesure (une probabilité) de la situation dangereuse qui résulte de la confrontation de l’aléa et de la vulnérabilité. L’équation du risque est : risque = aléa * vulnérabilité. La prévention vise l’annulation ou la réduction d’un / deux éléments participant à la construction du risque. Dans le cas du paludisme, nous pouvons diviser le risque du paludisme en deux types en fonction de l’aléa :
· le risque d’exposition au vecteur (risque d’anophèlien) construit dans la rencontre d’un aléa associé avec le danger de l’abondance des vecteurs et d’une vulnérabilité correspondant à l’exposition aux piqûres des vecteurs du paludisme ;
· le risque lié au Plasmodium construit par rapport à la rencontre d’un aléa lié aux propriétés du Plasmodium et d’une vulnérabilité correspondant à l’incidence du paludisme. Le calcul de ces risques s’appuie sur les :
· données entomologiques : présence / persistance des gîtes larvaires d’anophèle, densité larvaire, agressivité sur homme (Human Biting Rate ou HBR), prévalence des moustiques infectés par le Plasmodium, taux d’inoculation entomologiques (Entomological Inoculation Rate ou EIR) ;
· données épidémiologiques dans la population humaine : prévalence, incidence, morbidité, mortalité. Leur localisation est l’un des points critiques du recueil des données. Il est généralement difficile de connaître précisément le lieu d’exposition du fait de la mobilité des individus. Cette difficulté est plus marquée pour les études à l’échelle fine. Ainsi, il est souvent nécessaire de poser l’hypothèse que les individus les plus exposés vivent à proximité d’un environnement à risque. Ces données peuvent être géoréférencées et spatialisées pour pouvoir être comparées aux données de la télédétection. Elles sont utilisées pour valider des indicateurs du risque de transmission du paludisme.

Apports des données optiques

   Les satellites d’observation de la terre (Landsat, SPOT, Quickbird, Pléiades, …) équipés de capteurs optiques (capteurs passifs) mesurent une énergie rayonnée d’une région bidimensionnelle. Ils utilisent la lumière du soleil comme source d’illumination de la scène. Ils fonctionnent dans les longueurs d’onde optiques situées entre l’ultraviolet (0,4 mm) et l’infrarouge thermique (3 mm). Les images issues de ces capteurs sont souvent caractérisées par 3 résolutions (Huh and Malone 2001) :
· spatiale qui est le produit de la résolution angulaire par la distance. Elle détermine le pouvoir de séparation spatiale ;
· spectrale qui dépend de la réponse spectrale du capteur dans chaque canal ;
· radiométrique qui correspond au pouvoir de séparation entre les différentes luminances reçues ;
· temporelle qui correspond à la période de temps entre deux passages d’un satellite sur un point nadir ou une région. Les données optiques de la télédétection sont particulièrement adaptées à la problématique « environnement-santé ». Nous avons vu chapitre un que dans le cas du paludisme, les facteurs liés aux vecteurs et à l’homme, jouent un rôle très important sur la distribution du risque de transmission (Guthmann et al., 2002; Stefani et al., 2013). L’occupation du sol est un facteur déterminant pour la détection des facteurs lié aux vecteurs (pluviométrie, humidité, milieux forestiers, zones en eau libre et humides, etc.) ou anthropiques (zones agricoles, typologie des bâtiments, orpaillage, etc.). La signature spectrale de ces différentes variables est représentée sur la figure II-1. Il est à noter que l’identification des facteurs environnementaux par l’imagerie optique a des limites dans les régions tropicales et inter tropicales du fait :
· de la fenêtre de longueur d’onde très sensible à la teneur en eau de l’atmosphère ;
· de la présence quasi continue d’une couverture de nuages associée à leurs ombres, surtout dans la zone tropicale (Hong-tran et al., 2012; Marechal et al., 2012; Mwita et al., 2012) ;
· de la difficulté de différencier les différents types de surfaces en eau (quelle que soit leurs tailles (Mwita et al., 2012) ou leurs végétations (Martinez and Letoan 2007; De Roeck et al., 2008) : lacs, mares temporaires ou permanentes, cours d’eau, végétalisée, non végétalisée…).

Qu’est-ce que le paysage et les métriques paysagères ?

    Le terme paysage a plusieurs interprétations selon les différentes disciplines d’étude (Turner 1989; Burel and Baudry 1999; McGarigal et al., 2012). Dans le contexte écologique, approche que nous privilégierons dans cette étude, le paysage est défini comme un espace hétérogène composé d’une mosaïque d’écosystèmes en interaction qui interagissent et se répètent de façon similaire dans l’espace (Burel and Baudry 1999). La caractérisation du paysage écologique permet de comprendre les relations entre la composition et la configuration des paysages et les fonctionnements écologiques. Elle s’adapte à plusieurs domaines, tels que l’agronomie, l’urbanisation, la déforestation, la conservation biologique, l’exploitation minière, etc. (Bulter et al., 2004; Nagendra et al., 2006; Carvalho et al., 2009; Malaviya et al., 2010; Tian et al., 2011; Uuemaa et al., 2013). Les métriques paysagères sont les mesures de la forme et de la distribution des structures spatiales appliquées initialement dans l’étude de l’écologie du paysage. Cette approche a été développée plus particulièrement en écologie du paysage, dans les années 1980 à partir de la théorie de l’information et de la géométrie fractale (Skupinski et al., 2009). De nombreuses métriques du paysage (configurationelle et compositionnelle) ont été développées pour permettre de caractériser chaque composant du paysage (patch-level),chaque type des composants (class-level) et tous les composants (landscape-level) (McGarigal et al., 2012). Dans une telle approche, une carte de l’occupation et de l’usage du sol est conceptualisée comme une mosaïque de composants (de patchs) (Uuemaa et al., 2013). La télédétection et le Systèmes d’Information Géographiques (SIG) sont deux outils nécessaires pour effectuer cette approche. Ces dernières années, de nombreuses études qui ont utilisées des métriques et des données de télédétection pour caractériser la fragmentation : la fragmentation des espaces verts dans la ville (Tian et al., 2011), la fragmentation de la forêt dense (Bulter et al., 2004; Nagendra et al., 2006; Reddy et al., 2013), la fragmentation causée par l’urbanisation (Jaeger et al., 2007), etc. En plus, certaines études concernent le développement des nouvelles mesures de la fragmentation et l’analyse de leurs relations entre elles (Jaeger 2000).

Classification forêt / non-forêt

   Comme décrit précédemment, la caractérisation de l’occupation du sol nécessaire à la construction de l’indicateur se compose de deux classes : forêt ou forêt secondaire et non- (forêt ou secondaire). Cette classification a été obtenues par post-traitement de deux cartes d’occupation et d’usage du sol existantes, dérivées d’images SPOT 5 (voir la section 3.3.1) : une carte correspondant au village de Camopi, et l’autre à la région de Saint-Georges et d’Oiapoque. La procédure utilisée est la suivante : (i) forêt, forêt inondée, et mangrove ont été regroupées en une seule classe dénommée forêt; (ii) toutes les autres classes ont été regroupées en une seule classe dénommée non-forêt. Les données manquantes correspond aux classes nuageset ombres de nuages ont été mis en NoData et n’ont pas été prises en compte dans le calcul des métriques. Les cartes forêt / non-forêt résultantes ont été évalués en choisissant aléatoirement 50 points dans chaque classe et en établissant l’occupation du sol réelle des sites sélectionnés par photo-interprétation des images à 2,5 m de la résolution spatiale, dérivées de la fusion des images SPOT 5 multispectrales et panchromatiques. Les précisions globales de classifications étaient respectivement de 0,94 pour la carte du village de Camopi et de 0,93 pour la carte de la région de Saint-Georges et d’Oiapoque. Les coefficients Kappa étaient respectivement 0,88 et 0,86 pour la région du village de Camopi et la région de SaintGeorges et d’Oiapoque.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS
SOMMAIRE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES SIGLES
INTRODUCTION GENERALE
I. Paludisme
1.1. Généralités sur le paludisme
1.1.1. Définition et répartition géographique
1.1.2. Vecteurs
1.1.3. Déterminants généraux du paludisme
1.1.4. Stratégies de lutte
1.1.5. Diagnostic et traitement
1.1.6. Conséquence économique
1.1.7. Contexte transfrontalière et paludisme
1.2. Transmission du Paludisme en Amazonie
1.2.1. Anophèles darlingi, vecteur principal
1.2.2. Liens entre occupation du sol amazonienne et paludisme
II. Potentiel de la télédétection pour l’étude du paludisme
2.1. Eléments participant à la construction du risque de paludisme
2.2. Apport de la télédétection pour l’étude du paludisme
2.2.1. Apports des données optiques
2.2.2. Complémentarité des données radars avec les données optiques
2.2.3. Fusion de données optiques / radar
2.3. Caractérisation du paysage pour l’étude du paludisme
2.3.1. Qu’est-ce que le paysage et les métriques paysagères ?
2.3.2. Apports de métriques paysagères pour l’étude paludisme
2.4. Méthodologie de cartographie du risque du paludisme
2.4.1. Cartographie des risques fondée sur les données
2.4.2. Cartographie des risques fondée sur la connaissance
III. Cas particulier de la zone transfrontalière franco-brésilienne
3.1. Présentation de la zone d’étude
3.2. Echelles adaptées à la caractérisation de l’environnement
3.2.1. Echelles spatiales
3.2.2. Echelles temporelles
3.3. Présentation des données disponibles
3.3.1. Données mise à disposition
3.3.2. Données collectées
3.4. Synthèse des images disponibles, d’échelles d’étude et des objectifs 
IV. Occupation du sol et vecteurs adultes
4.1. Introduction
4.2. Caractéristiques générales de l’indicateur d’aléa
4.3. Classification forêt / non-forêt
4.4. Caractérisation du paysage forêt / non-forêt
4.5. Construction de l’indicateur d’aléa
4.6. Validation
4.6.1. Evaluation qualitative
4.6.2. Evaluation quantitative
4.7. Résultats
4.7.1. Etude comparative du contenue informationnel des métriques
4.7.2. Comportements empiriques des métriques et des indicateurs candidats
4.7.3. Relations entre indicateurs candidats et taux d’incidence
4.7.4. Choix définitif du NLHI
4.8. Discussion
4.9. Conclusion
V. Identification des gîtes larvaires potentiels
5.1. Introduction
5.2. Occupation du sol
5.2.1. Exploitation de données optique à haute résolution
5.2.2. Apports des données radars en complément des données optiques
5.2.3. Typologie des zones humides à partir du radar en band L
5.2.4. Exploitation de données radar à haute résolution
5.2.5. Contribution de la fusion optique / radar
5.3. Topographie, typologie des sols et distribution des gîtes larvaires potentiels
5.3.1. Modèle conceptuel de l’évolution des sols
5.3.2. Cartographie de bassins versants et de la typologie des sols
5.3.3. Combinaison RADAR / MNT
5.4. Résultats
5.4.1. Occupation du sol optique
5.4.2. Zones en eau libre et humides
5.4.3. Typologie des formes de modelé des sols
5.5. Discussion
5.5.1. Identification des gîtes larvaires potentiels
5.5.2. Topographie, typologie des sols et gîtes larvaires potentiels
5.6. Conclusion
VI. Du local au régional : vers la spatialisation du NLHI à l’échelle de l’Amazonie
6.1. Introduction
6.2. Impact de la résolution spatiale sur l’indicateur NLHI
6.2.1. Simulation du NLHI à 30 m
6.2.2. Etude comparative
6.3. Mise en œuvre de NLHI à l’échelle régionale
6.4. Résultats
6.4.1. Etude comparative entre NLHIsim et NLHIval
6.4.2. Relation entre NLHI simulé et taux d’incidence actuels
6.5. Discussion
6.6. Conclusion
Discussion générale et perspectives
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIES
ANNEXE 1: METRIQUES PAYSAGERES
ANNEXE 2 : PRODUCTION SCIENTIFIQUE

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