Durant ces 2 décennies, le nombre de souches porteuses d’une béta-lactamase à spectre étendu (BLSE), notamment de type CTX-M, n’a cessé d’augmenter. Ce constat se traduit par un développement de souches résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G), antibiotique qui, aujourd’hui, est un des derniers traitements face au développement de bactéries résistantes. Aujourd’hui la résistance aux C3G est donc devenue très préoccupante, avec une augmentation de son incidence, notamment dans les infections nosocomiales, passant de 0.21 à 0.40 pour 1000 patients, par jour, en France, entre 2005 et 2008. Cette présence accrue, que ce soit dans les milieux vétérinaire ou hospitalier, peut s’expliquer par l’utilisation intensive et inappropriée de cet antibiotique durant ces dernières années, entraînant une pression de sélection, ayant comme résultat l’augmentation et le développement de souches présentant une résistance. De plus, le caractère mobile des gènes de résistance, se situant sur des éléments génétiques transposables, tel que les plasmides ou encore les intégrons, permet une transmission aisée d’une espèce bactérienne à une autre, mais aussi de l’animal à l’Homme, et inversement.
Parmi les souches présentant une résistance aux C3G, les Escherichia coli (E. coli) sont en nette progression ces derniers temps, avec une augmentation de 50% entre 2008 et 2010, dans la plupart des pays européens (rapport 2010 de l’EARS-Net (European Antimicrobial Resistance Surveillance Network)). Dans ces isolats, 65 à 100% ont été identifiés comme étant producteurs de béta lactamases à spectre étendu (http://www.euro.who.int/). En conséquence, cette bactérie impose aujourd’hui une surveillance rigoureuse, au niveau de l’évolution de sa résistance aux antibiotiques, due à l’augmentation des infections qui lui sont associées, que ce soit en milieu communautaire ou hospitalier. En effet, suite à une enquête effectuée en 2006, E. coli a été identifié comme étant responsable de 25% des infections nosocomiales en France (http://www.inserm.fr/).
Une des stratégies pour lutter contre la diffusion de ces bactéries, est l’utilisation de biocides comme les antiseptiques ou les désinfectants. Cependant, comme pour les antibiotiques, un usage incorrect de ceux-ci peut entraîner une sélection de bactéries présentant une diminution de sensibilité à ces produits. De plus, certains auteurs ont remarqué que cette augmentation de tolérance était, dans certains cas, accompagnée d’une résistance à certains antibiotiques. Suite à ce constat, l’objectif de cette étude était de savoir si la persistance et l’augmentation de ces souches BLSE de type CTX-M, dans les milieux vétérinaire et hospitalier, peut s’expliquer par une sensibilité réduite aux biocides et représenter un avantage sélectif.
Escherichia coli
Escherichia coli (E. coli) est une bactérie, le plus souvent non pathogène, faisant partie de la flore commensale du tractus digestif de l’homme ainsi que de celle de la plupart des animaux à sang chaud. Elle demeure très répandue dans l’environnement, que se soit au niveau des sols, des eaux ou encore des aliments. Le genre Escherichia appartient à la famille des Enterobacteriaceae, eux-mêmes étant des bacilles à Gram-négatif. Escherichia coli peut être à l’origine de pathologies intestinales ou extra intestinales, pouvant se manifester notamment lors d’infections urinaires, génitales, hépatobiliaires et méningées. Pour différencier les isolats d’E. coli, une classification a été établie en fonction des antigènes se trouvant à leur surface. Ce sont les antigènes O somatiques (constituant une partie de la membrane externe de la paroi bactérienne et correspondant à l’endotoxine bactérienne), les antigènes K capsulaires (correspondant à la capsule polysaccharidique), les antigènes H flagellaires (constitués de flagelline, assurant la mobilité des bactéries) et les antigènes F (présents chez les souches ayant une propriété d’adhésion). E. coli n’exige pas de conditions particulières de cultures, et est observable sous forme de colonies rondes, de 2 à 3mm de diamètre, non pigmentées. Les isolats pathogènes possèdent des gènes de virulence, pouvant coder pour des toxines ou encore des adhésines, généralement localisées sur des éléments génétiques mobiles tels que les transposons ou les plasmides. Ils peuvent être aussi trouvés au niveau de grandes régions (jusqu’à 200kb) particulières du chromosome bactérien, appelées « îlots de pathogénicité ». Chaque année, E. coli est responsable de 2 millions de morts dans le Monde suite à des diarrhées ou à des pathologies extra-intestinales. Cette bactérie est impliquée dans 50 à 60% des cas d’infections urinaires et représente un quart des infections nosocomiales, notamment chez les patients immunodéprimés ayant bénéficié auparavant de différents traitements antibiotiques.
Un antibiotique est défini comme étant « une substance d’origine naturelle, semi-synthétique, ou synthétique, qui à une concentration in vivo, tue ou inhibe la croissance de microorganisme par interaction avec une cible spécifique » (FAO/WHO/OIE, 2007). La plupart des antibiotiques interagissent spécifiquement sur certaines cibles cellulaires impliquées dans un des processus clés de la bactérie (réplication ADN, transcription, synthèse des protéine) via des liaisons spécifiques aux ribosomes, à l’ADN, ou encore aux composés de la paroi cellulaire. Les antibiotiques sont utilisés à titre préventif ainsi qu’à titre curatif, chez l’homme ou chez l’animal. Il y a quelques années, ils étaient aussi administrés comme facteur de croissance, dans le domaine vétérinaire, avant que cela ne soit interdit par l’Union Européenne en 2006. Leur utilisation massive ou inappropriée a eu pour conséquence le développement et la sélection de bactéries pathogènes ou commensales résistantes. L’apparition de la résistance chez ces bactéries peut être due à des mutations chromosomiques ou à la présence d’éléments génétiques mobiles (intégrons, plasmides) augmentant le risque de transfert de ces gènes d’une bactérie à l’autre. Les mécanismes impliqués dans la résistance sont : la mutation du site de fixation de l’antibiotique, l’inactivation ou la dégradation de l’antibiotique par des enzymes, les mécanismes d’efflux, la diminution de la perméabilité suite à une modification de la membrane bactérienne (diminution du nombre de porines ou altération de la structure des LPS). La résistance aux antimicrobiens n’est pas nécessairement observée chez une seule classe d’antibiotique, comme le montre le développement de souches multi-résistantes aux antibiotiques, dont le principal mécanisme impliqué est un système d’efflux. Les pompes à efflux permettent l’expulsion de la cellule d’un large spectre de molécules de structure chimique différente, telles que les colorants, les métaux, les antibiotiques et les biocides, pouvant conférer à la bactérie un phénotype de résistance général. Face à cette menace, le nombre d’options thérapeutiques diminue, menant même dans certains cas à l’échec thérapeutique.
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Table des matières
I) Introduction
II) Synthèse bibliographique
II) 1.Escherichia coli (E. coli)
II) 2. Les Antibiotiques
II) 2. a Généralités
II) 2. b La résistance aux Céphalosporines de 3ème génération (C3G)
II) 3. Les biocides
II) 3. a Généralités
II) 3. b Caractéristiques des biocides étudiés
II) 3. c La tolérance aux biocides étudiés
II) 4. Relation entre tolérances aux biocides et résistances aux antibiotiques
II) 3. a Contexte général
II) 3. b Lien entre résistance aux antibiotiques et tolérance aux biocides étudiés
III) Matériels et Méthodes
III) 1. Les souches bactériennes
III) 2. Biocides et Antibiotiques
III) 3. Test de sensibilité aux biocides et aux antibiotiques (phase 1)
III) 3. a Mesure de la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) des souche aux biocides
III) 3. b Mesure de la CMI des souches aux antibiotiques
III) 4. Adaptation des souches aux biocides (phase 2)
III) 5. Mesure de la Concentration Minimale Bactéricide (CMB) (phase 3)
III) 6. Analyses statistiques
IV) Résultats
IV) 1. Détermination de la sensibilité des souches aux biocides et aux antibiotiques
IV) 1. a Choix des souches
IV) 1. b Sensibilité des souches aux trois biocides étudiés (BC, Chx et Hex)
IV) 1. c Sensibilité des souches aux antibiotiques
IV) 2. Adaptation des souches au chlorure de benzalkonium, à la chlorhexidine et à l’hexamidine
IV) 2. a Impact de l’adaptation sur la sensibilité au biocide concerné
IV) 2. b Impact de l’adaptation à l’un des trois biocides sur la sensibilité croisée aux autres biocides
IV) 2. c Impact de l’adaptation au chlorure de benzalkonium sur la sensibilité aux antibiotiques
IV) 3. Détermination de la concentration minimale bactéricide
V) Discussion
VI) Conclusion
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