Relation entre le climat et la croissance radiale des tilleuls argentés Parisiens

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Facteurs influençant la croissance radiale

L’activité cambiale est régit d’une part par des facteurs internes, tels que les phytohormones, et d’autre part par des facteurs externes liés à l’environnement tels que la température, les précipitations et la photopériode (Begum et al. 2013). Par exemple, des conditions environnementales défavorables vont induire des changements dans l’équilibre entre l’auxine, l’acide abscissique, les cytokinines, les gibbérilines et l’éthylène qui vont conduire à des changements dans l’ouverture stomatique et donc la photosynthèse (Lambers et al. 2008). Ces changements interviennent généralement avant que la plante ne subisse les effets néfastes des changements de l’environnement, minimisant ainsi leur impact (Lambers et al. 2008). Malgré leur importance, l’implication des modifications phytohormonales sur la croissance ne sera pas détaillée ni explorée dans la suite de ce travail.
À la sortie de l’hiver, l’arbre dormant va reprendre sa croissance après la réactivation du cambium. Les mécanismes influençant la réactivation cambiale sont différents entre les espèces et particulièrement selon leur anatomie de bois (i.e. espèces à bois à pores diffus comme le Hêtre et le Tilleul et espèces à bois à zones poreuses comme le Chêne ; Lachaud and Bonnemain 1981; Fig.1.7).
De nombreux auteurs ont ainsi pu constater que la reprise de l’activité cambiale précède généralement le débourrement pour les espèces à zones poreuses, tandis que cette réactivation suit plus tardivement le débourrement ou l’accompagne chez les arbres ayant un bois à pores diffus (Lachaud and Bonnemain 1981; Boutin 1985; Essiamah and Eschrich 1986b). Dans les deux cas, la réactivation cambiale est initiée par l’auxine qui est produite dans les jeunes pousses et exportée vers le bas le long du tronc (réactivation basipète) pour induire la production de xylème secondaire (Aloni 2001). Chez les espèces à zones poreuses, le délai observé entre la réactivation cambiale et le débourrement semble être lié à la reprise de la conductivité hydraulique. En effet, contrairement au espèces à pores diffus, la reprise du transport de l’eau au printemps dépend en grande partie de la mise en place de nouveaux tissus conducteurs remplaçant le xylème de l’année précédente devenu non fonctionnel en hiver (Essiamah and Eschrich 1986b). La conductivité hydraulique étant un élément essentiel au débourrement des feuilles, un apport en eau adéquat permettra une reprise cambiale optimale au printemps.

Les composés carbonés non structuraux (NSC)

Les réserves carbonées sont principalement des composés carbonés non structuraux qui vont être stockés sous la forme de carbohydrates. Les carbohydrates sont généralement retrouvés chez les arbres sous la forme de sucres solubles (regroupant les monosaccharides, les disaccharides, les oligosaccharides, et les polyalcools ; Monson et al. 2006), d’amidon et selon les espèces de fructane (Lambers et al. 2008).
Chez les arbres, les formes solubles majoritaires correspondent aux disaccharides de saccharose et, secondairement, aux monosaccharides de glucose et de fructose (Kramer and Koslowski. 1979). Les sucres solubles agissent comme des agents osmotiques et permettent d’augmenter le potentiel osmotique des cellules afin de prévenir la déshydratation des tissus lors d’un déficit hydrique (Chaves 1991). En effet, l’accumulation du saccharose coïncide généralement avec celle du KCl dans l’apoplaste10 participant au maintien de la turgescence cellulaire (Leigh and Tomos 1983).
L’amidon représente le composé carboné le plus abondant et la forme privilégiée de stockage du C chez les arbres (Nelson and Dickson 1981; Stassen et al. 1981; Tromp 1983). En effet, à l’inverse des sucres solubles, l’amidon est insoluble dans l’eau et donc métaboliquement inactif. De plus, l’amidon est composé de polymères de glucose liés en D (1 -> 6) et en D (1 -> 4), permettant une synthèse et une dégradation rapide, peu coûteuse en énergie. Ces propriétés impliquent que l’amidon est généralement considéré comme une forme de stockage de C à court et moyen terme (Hoch 2007). En outre, lors d’une sécheresse, les réserves en amidon pourraient participer à la protection des tissus contre la déshydratation et à la restauration de la conductivité hydraulique. Ainsi, Yoshimura et al en 2016 ont proposé que l’amidon pourrait être converti en sucres solubles au cours d’un stress hydrique, augmentant la teneur en sucres solubles dans la sève. L’injection dans les vaisseaux embolisés de cette sève hyper-osmotique pourrait alors assurer leur restauration après une pluie (Yoshimura et al. 2016).
L’accumulation de carbohydrates favorise donc l’augmentation de la pression osmotique des cellules, ce qui limite la déshydratation des tissus. De plus, cette accumulation permet également le maintien du métabolisme lorsque l’assimilation du C est réduite. Chez le genre Tilia, espèce clé de notre étude, des études antérieures ont montré que les carbohydrates semblent principalement présents sous forme soluble avec le saccharose (Clair-Maczulajtys and Bory 1988), bien qu’il ait été rapporté l’existence d’autres formes possibles chez le genre Tilia tel que le raffinose (Jeremias 1968; Höll 1981). En plus du stockage de carbohydrates, le genre Tilia accumule une concentration élevée de lipides dans les parties aériennes pouvant généralement dépasser les concentrations d’amidon (Höll and Priebe 1985). Cette prédominance explique que le genre Tilia est souvent classé dans la famille des « fat trees », en opposition avec la famille des « starch trees » qui accumule majoritairement de l’amidon.

La dynamique saisonnière des réserves

La quantité de réserve accumulée ne reste pas stable au cours de la saison. En effet, on observe au printemps, lors du débourrement, une diminution des concentrations en NSC (Hoch et al. 2003; Barbaroux et al. 2003b). Cette diminution est principalement due à la mobilisation des réserves carbonées pour la croissance des nouveaux organes (Kramer and Koslowski. 1979), mais aussi pour la croissance et l’entretien des organes pérennes tels que le tronc et les racines. Barbaroux et Bréda (2002) ont montré que chez le chêne sessile (Quercus petraea), la remobilisation de l’amidon a lieu dès le début du débourrement et se poursuit environ pendant un mois, atteignant des valeurs minimums représentant 2 à 3% de la matière sèche contre 7 à 15% en moyenne durant la saison de végétation.
Le stockage des réserves carbonées a lieu relativement tôt dans la saison. Cependant, cette accumulation est modulée selon le type de composé considéré, l’organe de stockage, l’espèce et son âge. Par exemple, chez des Quercus petrea de 50 ans, le stockage carboné devient important dans le tronc après la formation du bois initial, tandis que dans les jeunes branches le stockage apparait très rapidement, 2 à 3 semaines après le débourrement (Barbaroux and Bréda 2002b). Chez les arbres décidus, la dynamique saisonnière de l’ensemble des NSC suit celle de l’amidon (Hoch et al. 2003). Cependant, quelque soit l’organe, on observe généralement une recharge en amidon vers la fin de l’été, lorsque la demande énergétique diminue, et ce, jusqu’à la chute des feuilles (Barbaroux and Bréda 2002a; Hoch et al. 2003; Millard and Grelet 2010; Bazot et al. 2013; Richardson et al. 2013). Pendant l’hiver, une diminution des NSC est couramment observée (Hoch et al. 2003; Barbaroux et al. 2003b; Bazot et al. 2013), correspondant à l’utilisation du C pour la respiration et le métabolisme d’entretien de l’arbre en dormance (Damesin 2003; Bréda et al. 2006). La baisse des température induira ensuite l’hydrolyse de l’amidon (Améglio et al.
2004), augmentant directement les concentrations en sucres solubles et la tolérance au gel des arbres pendant l’hiver (Schrader and Sauter 2002; Repo et al. 2008). Ainsi, on observe que la concentration des sucres solubles suit une dynamique inverse de celle de l’amidon (Lacointe et al. 1994; Schaberg et al. 2000) souvent corrélée à la température, à l’exception du saccharose (Fischer and Holl 1992). Les réserves sont ensuite à nouveau utilisées pendant toute la phase hétérotrophe11 de l’arbre au printemps (Bory and Clair-Maczulajtys 1988).
Les études sur la dynamique saisonnière des lipides restent encore, à ce jour, faibles. Cependant il semble que, comme pour les glucides, l’automne constitue la phase de reconstitution des réserves. Une concentration maximale est observée en hiver, suivie d’une concentration minimale au printemps induite par l’hydrolyse des lipides pour la croissance des nouveaux organes lors de la phase hétérotrophe de l’arbre (Höll and Priebe 1985; Bory and Clair-Maczulajtys 1988). La Figure 1.10 permet de résumer la dynamique saisonnière des réserves carbonées (et azotées) chez les espèces de feuillus décidus.

L’intérêt d’une chronoséquence

L’intérêt d’une perspective temporelle comme plan d’échantillonnage est de pouvoir étudier la dynamique temporelle des communautés de plantes selon plusieurs échelles de temps et d’espace (Walker et al. 2010). Nous avons donc sélectionné les individus selon trois Classes de DBH, déterminées initialement dans la thèse d’A. Rankovic. À noter que, comme exposé plus haut dans la partie 1.2.1. La gestion des arbres d’alignement à Paris, les Classes de DBH sélectionnées nous ont permis d’exclure les plus jeunes arbres venant d’être plantés en rue afin d’éviter tous biais lié à leur irrigation. Enfin, notons que seuls les arbres de la Classe 3 ont été trouvés à l’arboretum.
Classe 1 (jeune arbre) : DBH = [21.5 ; 46] cm (n = 30, dont 5 en parc et 0 en arboretum) .
Classe 2 (jeune adulte) : DBH = [102 ; 134] cm (n = 32, dont 5 en parc et 0 en arboretum) .
Classe 3 (adulte) : DBH = [178 ; 230] cm (n = 28, dont 5 en parc et 5 en arboretum).
D’après les informations de la ville de Paris, les plus petits arbres, et donc potentiellement les plus jeunes, auraient au moins 10 ans. Les plus larges et les plus matures auraient approximativement 90 ans. Enfin, seuls les arbres les plus vigoureux, sans blessures sévères, ni phytopathologies apparentes, ont été sélectionnés et ce, après une évaluation phytosanitaire visuelle (protocole d’évaluation : Visual Tree Assessment, Mattheck and Breloer 1994).

Acquisition et préparation des données

Les carottes de bois ont été récoltées en Mars (les arbres en rue et arboretum) et Septembre 2014 (arbres en parc) avec une tarière de Pressler tarière stérilisée (Coretax Haglöf, longueur : 400 mm, diamètre : 5 mm ; Photo 2.4). En raison de la politique de prévention pour la santé des arbres à Paris, une seule carotte par arbre a été échantillonnée. Le carottage a été effectué à 1.30 m du sol, généralement à l’Est, lorsqu’on n’observait pas de branches mortes ou d’inclinaison du tronc. Dans le dernier cas, le prélèvement s’effectuait perpendiculaire à l’axe de l’inclinaison afin d’éviter des biais dans les largeurs de cerne dus au bois de réaction (Fritts 1976).
Photo 2.4. Carottage d’ un tilleul argenté en rue (à gauche, tronc incliné vers le centre de la rue) et en arboretum (à droite). Source photo : A. David, Mars 2014.
Après cela, les carottes ont été préparées en laboratoire selon des méthodes standardisées (Schweingruber 1996; Rigling et al. 2002). Plus précisément, les carottes de bois ont été planées, c’est à dire coupées dans le plan perpendiculaire aux fibres de bois avec un cutter. Elles ont été ensuite collées avec de la colle à bois et maintenues avec un élastique sur un tasseau afin d’éviter les torsions du bois lors du séchage. Les carottes ont séché à température ambiante (20°C) pendant 7 jours. Après séchage, chaque carotte a été poncée au papier abrasif avec une diminution graduelle de la taille de grains afin d’obtenir une meilleure lecture des cernes (d’un grain grossier 120 vers un grain très fin 1000 ; Photo 2.5).

Analyses de corrélation cerne-climat : la fonction bootstrap

Dans cette procédure, les chronologies standardisées sont corrélées aux séries chronologiques. Le nombre d’années pour lesquelles des enregistrements climatiques sont disponibles étant limité (dépassant rarement 150 ans), une procédure de type Bootstrap a été introduite dans le calcul de la fonction de réponse cerne-climat dans les années 1980. Cette procédure, détaillée dans (Guiot 1991) est basée sur une technique de ré-échantillonnage (Efron 1979) permettant de calculer de meilleurs estimateurs de la corrélation et de son incertitude (i.e. non conditionnés à une distribution normale des paramètres et des résidus). La méthode Bootstrap, couramment utilisée aujourd’hui dans les études dendroclimatiques, permet ainsi l’estimation des coefficients de corrélation (BCC pour bootstrap correlation coefficient) à partir desquels une valeur médiane et un intervalle de confiance seront calculés. Le programme DENDRO estime ainsi les BCC à la fin de 1000 ré-échantillonnages d’un tirage aléatoire avec remise de y années parmi y années couvertes par le jeu de donnée. Les BCC sont considérés significatifs lorsque 95 % des BCC calculés dans les 1000 ré-échantillonnages ont une valeur de p-value < 0.05 (Guiot 1991). Les étapes de calculs utilisées dans le développement de DENDRO sont détaillés plus en avant dans le manuel « Principes et méthodes de la dendrochronologie » (Lebourgeois and Mérian 2012) ainsi que 72 dans « POINTER et DENDRO : deux applications sous R pour l’analyse de la réponse des arbres au climat par approche dendroécologique » (Mérian 2012b).
Dans notre travail, la méthode bootstrap a été appliquée selon deux méthodes. Tout d’abord, avec une méthode simple : un premier calcul des BCC a été effectué sur l’ensemble de la fenêtre temporelle (Blasing et al. 1984). Cette méthode permet de déterminer quels facteurs climatiques mensuels (appelés régresseurs climatiques, e.g. moyenne de température mensuelle ou somme mensuelle des précipitations) influencent la croissance annuelle (Fig. 2.7). Deuxièmement, les BCC ont été calculés selon une méthode en moving, consistant au décalage d’année en année d’une fenêtre de y années sur la période temporelle disponible. Ce type d’analyse permet de détecter l’instabilité temporelle de la relation entre les facteurs climatiques et la croissance (Biondi and Waikul 2004).

Les réserves glucidiques et lipidiques

Comme décrit dans la partie « 1.4.2. Les réserves carbonées », le tronc reste le compartiment le plus riche en réserves du fait de sa biomasse. De plus, l’âge des tissus étant un facteur important dans la répartition des réserves, c’est généralement dans les cernes les plus récents que vont être stockés les composés carbonés de réserve. Ainsi, lors de notre échantillonnage, nous avons prélevés des carottes de tronc (entre 6 et 10 cm) contenant les 5 derniers cernes formés (comm. pers.). Les carottes ainsi prélevées ont été immédiatement congelées dans l’azote liquide afin de prévenir la dégradation enzymatique des composés et conservées à -80°C avant analyses.
Les carottes ont été ensuite lyophilisées pendant 7 jours (Photo 2.7) puis très légèrement poncées afin d’isoler les 5 derniers cernes à la loupe binoculaire (2015, 2014, 2013, 2010 et 2009). La section de carotte ainsi obtenue a ensuite été coupée très finement au scalpel pour préparer l’échantillon au broyage. La poudre a été finement broyée et homogénéisée avec un broyeur à bille (MM 301, Retsch, Allemagne) à l’aide de 5 billes agitées à 30 Hz pendant 2 min et ce, à trois reprises.

Le fractionnement isotopique (ou discrimination isotopique)

Ces isotopes lourds sont présents naturellement dans l’eau et les plantes. Cependant, du fait de leur différence dans leur masse atomique et leur symétrie, les propriétés physiques et chimiques des différentes espèces isotopiques vont également être différentes. Ainsi, leurs abondances vont varier en raison de fractionnements isotopiques. Au cours de la plupart des changements de phase, les différentes espèces isotopiques seront redistribuées entre les phases. On distingue trois processus de fractionnement : thermodynamique (dans des systèmes à l’équilibre physique ou chimique), cinétique (dans les réactions (bio)chimiques à sens unique) et le fractionnement au cours du transport par diffusion (Dawson et al. 2002).
D’une part, les différences de N induisent un fractionnement thermodynamique ou à l’équilibre : les molécules les plus lourdes se concentrent dans la phase la plus condensée (liquide ou glace) du fait d’une pression de vapeur saturante plus faible pour les isotopes lourds. Le facteur de fractionnement thermodynamique augmente lorsque la température diminue. D’autre part, la différence de diffusivité moléculaire entre ces espèces isotopiques (liée à la masse et à la symétrie des molécules) induit un fractionnement cinétique. Les molécules les plus lourdes ont ainsi une diffusivité plus faible (Risi 2009).
La composition isotopique mesurée dans un compartiment sera donc la résultante de ces fractionnements dans le cycle hydrologique. La connaissance de l’effet des fractionnements sur la composition isotopique permettra alors de fournir des informations sur les processus environnementaux et physiologiques qui seraient par ailleurs difficile à obtenir. Les isotopes dans l’eau du xylème, par exemple, peuvent donner des informations sur la profondeur de l’absorption de l’eau ou d’une source d’eau, et les isotopes dans l’eau des feuilles peuvent rendre compte de l’activité de la conductance stomatique et de l’humidité (Lambers et al. 2008). Sur le terrain, l’interprétation de la composition isotopique peut être difficile car elle va être simultanément influencée par de nombreux facteurs. Des modèles ont ainsi été développés pour, autant que possible, résoudre ces problèmes d’interprétations (Farquhar et al. 1998; Roden et al. 2000; Gessler et al. 2007).

Les isotopes et les sources d’eau chez les arbres

La source d’eau majoritaire pour les arbres est l’eau dans le sol. Ainsi le signal des isotopes lourds de l’eau contenue dans le xylème (2H et 18O) proviendra principalement de la signature isotopique des précipitations. Le passage de l’eau à travers une membrane plasmique n’entrainant pas de discrimination isotopique (Dawson et al. 2002; Michener and Lajtha 2007), la signature isotopique de l’eau d’alimentation de la plante ne subit pas de modification lorsqu’elle est absorbée par les racines, ni lors du passage du xylème vers les cellules (McCarroll and Loader 2004).
Dans notre travail, nous nous intéresserons seulement à la signature isotopique de l’eau dans le xylème afin de déterminer les sources utilisées par les arbres en ville. Cependant, avant d’arriver dans les vaisseaux de xylème, les sources d’eau peuvent subir plusieurs types de fractionnements isotopiques pouvant faire varier, dans le temps et l’espace, la signature retrouvée dans les arbres. Les principales sources de variation isotopique de l’eau des plantes vont provenir de la variation isotopique des précipitations. La relation isotopique de l’hydrogène et de l’oxygène dans les précipitations à travers le monde est bien connue. Cette relation linéaire est appelé plus couramment ligne des eaux météorique mondiale ou global meteoric water line en anglais (GMWL) où : G2H = 8 δ18O + 10‰ (Craig 1961; Gat 1996).
Cependant, cette relation va changer le long de la GMWL en raison des effets de la température mais également des quantités de précipitations. En effet, lors de précipitations, les isotopes lourds contenus dans les nuages seront les premiers à tomber. Si la pluie dure dans le temps, l’eau sortant des nuages sera de plus en plus appauvrie en isotopes lourds. Cet épuisement suit un processus de distillation de Rayleigh (Michener and Lajtha 2007) et est couramment décrit comme l’« amount effect » en anglais. Ainsi les effets conjoints du fractionnement isotopique lié aux températures (fractionnement thermodynamique) et celui lié à l’amount effect vont faire varier la composition isotopique saisonnière des précipitations. En effet, on observe que les précipitations seront plus appauvries en isotopes lourds pendant l’hiver en comparaison aux précipitations d’été. Une partie des précipitations va également être interceptée par la canopée des arbres lorsqu’elle tombe, ce qui peut enrichir le signal isotopique des précipitations atteignant le sol par l’évaporation de l’eau interceptée par les feuilles (Michener and Lajtha 2007). Cette variation des valeurs isotopiques des précipitations ainsi que la quantité de précipitations peut donc créer des compositions isotopiques uniques dans le profil du sol ; profil à partir duquel les plantes vont extraire l’eau.
La seconde source de variation isotopique de l’eau des plantes se produit dans le sol ou à sa surface, où l’évaporation peut modifier le rapport isotopique d’origine en provoquant un enrichissement de l’eau du sol lié à la vaporisation plus rapide des isotopes légers. En général, l’eau du sol en profondeur et l’eau des nappes souterraines ont approximativement la composition isotopique moyenne des précipitations annuelles (Clark and Fritz 1997). Cependant, cette valeur peut varier en fonction des entrées et des pertes d’eau (évapotranspiration) pendant la saison. Par exemple, l’évaporation des sols est généralement moins intense en hiver ce qui implique que les précipitations hivernales ont de plus grandes chances d’atteindre les couches profondes du sol avec des valeurs isotopiques plus appauvries. À l’inverse, l’évaporation des précipitations en été sera plus courante et les précipitations estivales auront tendance à enrichir isotopiquement les couches superficielles du sol. De plus, l’évaporation peut également se produire à partir de la surface du sol, en enrichissant encore davantage l’eau de surface. Cette évaporation se produit généralement dans les 10 à 20 premiers cm du sol, et rarement au-delà. La Figure 2.8 résume les différents processus de fractionnements au sein de l’arbre (McCarroll and Loader 2004).

Une forte variabilité inter-arbres

La réponse des réserves carbonées dépend en partie des caractéristiques écophysiologiques de l’espèce étudiée. Ainsi, il semble que les espèces les plus résistantes à la sécheresse présentent des concentrations en réserves carbonées supérieures par rapport à celles plus sensibles (Piper 2011). Cependant, on peut également parfois observer pour une même espèce des évolutions de concentrations en réserves différentes à la suite d’une sécheresse. Dans notre étude, le peu d’arbre analysés (5 par traitements : sites et classes de DBH) pourrait également exacerber cette variabilité interindividuelle. Un plus large échantillon pourrait nous permettre d’atténuer cette variabilité afin de mettre en évidence des patterns plus clairs dans l’évolution de la dynamique saisonnière des réserves carbonées.

Suivi cinétique mensuel à l’échelle de l’arbre entier

Notre étude prend en considération deux stades phénologiques importants dans la saison de croissance : une semaine après le débourrement, considéré comme le point minimum de la saison, et lorsque les dernières feuilles tombent au début du mois de Décembre. En climat tempéré en particulier, les arbres feuillus décidus présentent une dynamique ou une rythmicité saisonnière à l’échelle annuelle impliquant des phases d’accumulation et de remobilisation. Cette dynamique peut changer en termes de cinétique et d’amplitude (Fig. 6.3).

Les autres composés de stockage : raffinose, hémicellulose et azote

Nous avons déjà souligné l’existence de glucides autres que le saccharose chez le tilleul, tel que le raffinose. Suivre l’évolution et déterminer les voies métaboliques impliquées dans la synthèse et la remobilisation du raffinose pourraient permettre de mettre en évidence des mécanismes à notre connaissance encore peu ou pas connus. D’autres composés carbonés structuraux comme les hémicelluloses ont été récemment reconnus comme étant des réserves mobiles de C, en plus de leur fonction structurale (Hoch 2007). Les hémicelluloses, comme le xylane par exemple, sont les polysaccharides les plus abondants dans les tissus végétaux, après la cellulose. Ils composent ainsi la paroi cellulaire primaire et secondaire des cellules végétales et sont insolubles dans l’eau. Ces polysaccharides sont cependant multifonctionnels: outre leur rôle structural, ils peuvent être recyclés et utilisés comme des réserves de C lors de périodes d’assimilation limitées en C. Ils peuvent également être recyclés à partir des feuilles sénescentes avant leur chute en automne (Schadel et al. 2009).
De même, les réserves azotées jouent également un rôle crucial, notamment pour la reprise de la croissance au printemps (Wildhagen et al. 2010; Bazot et al. 2013). Lors de cette reprise de croissance, les réserves sont remobilisées afin de fournir le C et l’azote nécessaires à la mise en place du nouveau feuillage et la croissance des pousses avant que l’appareil photosynthétique ne soit fonctionnel et que l’assimilation minérale de l’azote ne soit efficace (Tromp 1983). En automne, le remplissage des réserves azotées dépend à la fois de facteurs internes et de facteurs liés au sol. En effet, l’azote contenu dans les feuilles sera remobilisé pour la formation des réserves, avec en parallèle un deuxième pic d’absorption racinaire d’azote du sol (Geßler et al. 1998).
Les réserves carbonées présentent donc une grande variété d’évolutions possibles en réponse à un stress selon l’espèce ou encore l’écophysiologie à travers, par exemple le comportement isohydrique ou anisohydrique. Les fonctionnements carboné et hydraulique des arbres sont extrêmement interdépendants (McDowell et al. 2011), prendre les deux en compte est donc une nécessité pour espérer comprendre tant de diversité dans ces réponses. En effet, un premier niveau de couplage des fonctionnements hydraulique et carboné se situe au niveau de la régulation stomatique. Comme suggéré dans l’introduction, ces échanges gazeux ne peuvent se faire que pour une certaine gamme de potentiels hydriques foliaires (McDowell et al. 2008) liés au fonctionnement hydraulique de l’arbre entier. Lors d’une sécheresse, il y aura donc un compromis entre l’assimilation de C et le contrôle de la tension de la colonne d’eau dans le xylème (Bréda et al. 2006). Cependant, l’étude de Litvak et al. (2012) semble confirmer la présence de différences systématiques entre les espèces à zones poreuses et les espèces à pores diffus dans leur fonctionnement hydraulique. Ces différences semblent être plus fortement liées à la relation entre la sensibilité stomatique avec le déficit de pression en vapeur d’eau, ainsi qu’à la vulnérabilité à la cavitation, plutôt que de la sensibilité stomatique en soi. Néanmoins, un transport xylémien et phloémien efficace sera déterminant afin d’éviter l’isolement des organes puits, augmenter la résistance des cellules face à la déshydratation et réparer les dommages liés aux embolies.

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Table des matières

Collaborations scientifiques et contributions
Remerciements
Organisation du manuscrit
Chapitre 1. Introduction générale et état de l’art
1.1. Introduction générale
1.2. De la particularité des plantations d’alignement
1.2.1. La gestion des arbres d’alignement à Paris
1.2.2. Les conditions abiotiques des arbres plantés en alignement
1.2.3. L’eau comme facteur limitant pour les arbres en ville
1.3. Réponses physiologiques des arbres face à la sécheresse
1.3.1. Le continuum sol-plante-atmosphère
1.3.2. Hypothèse de la défaillance hydraulique
1.3.3. Hypothèse de limitation par le carbone
1.4. La croissance radiale et la mise en réserve comme indicateurs de stress hydrique
1.4.1. La croissance radiale
1.4.2. Les réserves carbonées
1.5. Objectifs et hypothèses de la thèse
Chapitre 2. Matériel & Méthodes
2.1. Tilia tomentosa Moench
2.2. Sites d’études
2.3. L’intérêt d’une chronoséquence
2.4. Méthodologies utilisées
2.4.1. Dendrochronologie
2.4.2. Les réserves glucidiques et lipidiques
2.4.3. Isotopie de l’eau
Chapitre 3. Relation entre le climat et la croissance radiale des tilleuls argentés Parisiens
3.1. Présentation
3.2. Principaux résultats
3.3. Article
3.3.1. Abstract
3.3.2. Introduction
3.3.3. Materials and methods
3.3.4. Results
3.3.5. Discussion
3.3.6. Conclusions
Chapitre 4. Dynamique saisonnière des réserves glucidiques et lipidiques
4.1. Présentation
4.2. Principaux résultats
4.3. Article
4.3.1. Abstract
4.3.2. Introduction
4.3.3. Materials and methods
4.3.4. Results
4.3.5. Discussion
4.3.6. Conclusions
Chapitre 5. Sources potentielles d’eau utilisées par les tilleuls argentés en milieu urbain et non urbain par la mesure des signatures isotopiques des isotopes stables de l’eau (18O et 2H) 
5.1. Présentation
5.2. Principaux résultats
5.3. Article
5.3.1. Abstract
5.3.2. Introduction
5.3.3. Methods
5.3.4. Results
5.3.5. Discussion
5.3.6. Conclusions
Chapitre 6. Discussion générale et perspectives de la thèse 
6.1. Résultats généraux et principales réponses aux hypothèses de la thèse
6.2. Limites des méthodologies employées dans la thèse
6.2.1. Dendrochronologie (Chapitre 3) : le design expérimental et l’espèce comme limites principales de l’étude
6.2.2. Réserves (Chapitre 4) : une forte variabilité inter-arbres et un suivi mensuel des composés de stockage dans l’ensemble des organes de l’arbre
6.2.3. Isotopie (Chapitre 5) : des mesures à poursuivre afin de confirmer les résultats
6.3. Perspectives d’études et résultats préliminaires pour une meilleure compréhension du fonctionnement hydrique et carboné des arbres en ville
6.3.1. D’autres indicateurs de stress hydrique : les marqueurs anatomiques et métaboliques du stress hydrique
6.3.2. Autres facteurs prédisposant et aggravant en ville
Conclusions
Bibliographie

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