Relation entre IMC élevé et cancer thyroïdien
METHODE
Toutes les thyroïdectomies étaient réalisées sous anesthésie générale par deux chirurgiens spécialisés en chirurgie endocrinienne ayant une forte expérience des thyroïdectomies. Les techniques opératoires étaient similaires entre les deux opérateurs : ultraligatures vasculaires (ultracision ou ligasure) au contact du parenchyme glandulaire ou pose de clips métalliques, dissection capsulaire, respect des parathyroïdes et de leur vascularisation, identification si possible et respect du nerf laryngé supérieur dans l’espace cricothyroïdien et/ou le pôle supérieur et identification et suivi des nerfs laryngés inférieurs (nerf récurrent) jusqu’à leur point de pénétration laryngé. Le monitoring du nerf laryngé inférieur n’avait jamais été utilisé dans cette étude car la technologie n’était pas disponible dans la structure. L’IMC était calculé selon la formule : poids (en kg)/taille (en m2) permettant de classer les patients en 5 groupes : obésité morbide (IMC ≥ 35kg/m2), obésité (IMC compris entre 30 et 34,9 kg/m2) surpoids (IMC compris entre 25 et 29,9 kg/m2), normal (IMC compris entre 18,5 et 24,9 kg/m2) dénutri (IMC < 18,5 kg/m2).
Dans notre étude nous avions séparé les patients en 2 groupes : soit IMC ≥ 25 ou IMC < 25. Il était aussi étudié les caractéristiques classiques de la population : le sexe, l’âge (18-64 ; 65- 79 et ≥ à 80 ans), le score ASA (la classification de la société américaine des anesthésistes), (1-2 et 3-5). Le critère de jugement principal de notre étude était le taux de complications spécifiques à la thyroïdectomie en post-opératoire précoce avec en particulier l’hypocalcémie (hypoparathyroidie), l’atteinte du nerf récurrent et l’hématome de la loge thyroïdienne. Les critères de jugement secondaires étaient : la durée opératoire et la durée d’hospitalisation post opératoire. Etait considérée comme hypoparathyroïdie précoce une calcémie corrigée strictement inférieure à 2 mmol/l à H4 et/ou à J2. Nous avons pris en compte la mesure de la calcémie corrigée à H4 et J2 post opératoire.
La calcémie corrigée (Cac) était calculée par la formule prenant en compte l’albuminémie : Cac=Ca mesurée-0,025(albuminémie-40). La calcémie étant mesurée en mmol/l et l’albuminémie en g/l. Pour les hypocalcémies légères (Ca entre 2 et 2,2 mmol/l) et asymptomatiques aucune supplémentation calcique n’était réalisée. Cependant dès que la calcémie corrigée était inférieure à 2 mmol/l et/ou que le patient présentait des symptômes à type de paresthésies péribuccales ou des extrémités, fasciculations ou crampes musculaires, un traitement par carbonate de calcium (3 g/j) était institué associé à un traitement par alfacalcidol (3 mg/j) per os. L’hypoparathyroïdie définitive était définie par la nécessité d’un traitement vitamino calcique supérieur à 6 mois.
En postopératoire, seuls les patients présentant une symptomatologie évocatrice de paralysie récurrentielle (dysphonie, dyspnée, troubles de la déglutition) avaient bénéficié d’un examen par un oto-rhino-laryngologue (ORL) avec réalisation d’une laryngoscopie (nasofibroscopie). Tous les patients avec dysphonie ont bénéficié d’un suivi orthophoniste et ORL. Etait considérée comme paralysie définitive toute paralysie récurrentielle persistante à 6 mois et documentée par un examen fibroscopique réalisé par un médecin ORL. Tous les patients étaient revus en consultation à 1 mois par leur endocrinologue pour adaptation du traitement substitutif par levothyroxine sodique et une compensation de l’hypocalcémie si l’hypoparathyroïdie persistait. Les patients chez qui il persistait une hypoparathyroïdie tardive étaient revus soit par leur médecin traitant soit par leur endocrinologue.
Les conséquences de l’IMC élevé sur les complications post-opératoires en chirurgie générale
Certaines études ont démontré qu’un IMC élevé était un facteur prédictif indépendant de surmortalité. La plus importante de ces études incluait 80 000 patients opérés d’un pontage coronarien et démontrait qu’un IMC élevé augmentait significativement la morbi-mortalité post-opératoire (10). A l’inverse, deux autres études importantes ont démontré le contraire. Dindo D et al ont publié en 2003 une étude prospective mono centrique qui incluait 6336 patients (808 obèses) opérés dans le cadre d’interventions de chirurgie viscérale (9). Malgré un taux plus élevé de diabète, d’hypertension artérielle et de coronaropathie chez les patients obèses, le taux de complications en post opératoire dans les deux groupes (patients ayant un IMC supérieur à 30 et patients ayant un IMC inférieur à 30) était similaire (16.3.1% vs 15.1%, p=0.26). La durée de séjour en post opératoire ne différait pas entre les deux groupes. Seul le taux d’infection du site opératoire était plus élevé chez les patients obèses lorsqu’une laparotomie était réalisée. (4% vs 3%, p=0.03) (9).
Une autre étude récente publiée en 2013 réalisée par Melis M et al(11) incluait 540 patients atteints d’un adénocarcinome opérés d’une oesophagectomie.155 patients avaient un poids normal, 198 étaient en surpoids et 197 étaient obèses. Il n’y avait pas de différence significative entre les patients obèses et les autres pour la durée opératoire (288 vs 272 min p=0,2), ni pour le taux de mortalité (5 chez les obèses, 3 pour les patients en surpoids et 2 pour les patients ayant un IMC inférieur à 25, p=0,7) .Cette étude concluait qu’il n’y avait pas de différence du taux de morbi mortalité chez les patients obèses par rapport aux autres patients et que le taux de résection R0 et la qualité du curage ganglionnaire étaient les mêmes dans les deux groupes. La chirurgie oesophagienne pouvait donc être réalisée en sécurité chez les patients obèses.
Hypocalcémie transitoire post opératoire
Bien que ses conséquences soient souvent plus insidieuses que celles de la paralysie récurrentielle, l’hypocalcémie est la complication la plus préoccupante de la thyroïdectomie totale. Elle prolonge souvent l’hospitalisation afin de dépister et de traiter une crise de tétanie (12). La majorité de ces hypocalcémies sont transitoires et régressent spontanément. Dans la littérature, l’hypoparathyroïdie transitoire après thyroïdectomie apparaît fréquente. Elle est rapportée dans 1,6 à 50% des interventions (13). Dans notre série nous avons 4,16% d’hypocalcémie à H4 et 10,8% d’hypocalcémie à J2 avec une tendance plus importante d’hypoparathyroïdie à J2 chez les patients ayant un IMC ≥ 25 (11.1% vs 10.75%) mais qui n’est pas statistiquement significative. La thyroïdectomie chez le patient avec un IMC ≥ 25 ne semble pas plus pourvoyeuse d’hypoparathyroïdie transitoire que la chirurgie chez les patients avec un IMC normal.
Nous avons mesuré la calcémie corrigée à H4 et à J2 car le nadir de la calcémie postopératoire est obtenu entre 24 et 48 heures après la thyroïdectomie (14). On note une nette augmentation d’hypocalcémies entre H4 et J2 en postopératoire. Il existe en effet des marqueurs prédictifs d’hypoparathyroïdie précoce qui permettraient une instauration précoce du traitement substitutif. Lecerf et al (13) ont étudié une série de 137 patients opérés de thyroïdectomie totale. Le taux de PTH était mesuré en préopératoire puis à H4 en post opératoire. La sensibilité et la spécificité du taux de 19,4 ng/ml de PTH à H4 en postopératoire pour détecter une hypocalcémie étaient de 84,6% et de 92,9% avec un taux d’exactitude de 90,5%. Il était étudié la cinétique du taux de PTH entre le pré et le post opératoire pour déceler une hypoparathyroïdie. La diminution du taux de PTH de moins de 68,5% entre la mesure préopératoire et 4 heures postopératoires permettait de prédire une normo calcémie avec une sensibilité de 97,4%, une valeur prédictive négative de 98,6%. L’hypocalcémie avait une valeur prédictive positive de 90,5% et une sensibilité de 95,9%. Le taux d’exactitude était de 96,4%.
Cette méthode fiable et rapide serait une aide pour la chirurgie thyroïdienne en ambulatoire puisque le chirurgien a les résultats dans les 5 heures en post opératoire. De plus cela permettrait d’instaurer un traitement substitutif plus rapidement et diminuer les complications liées à l’hypocalcémie. Chez le patient obèse le taux de base de PTH est plus élevé que dans la population générale, probablement du à une carence en vitamine D (15). Il n’y pas à l’heure actuelle dans la littérature d’étude comparant le taux et la cinétique de décroissance de PTH après thyroïdectomie chez les patients en surpoids ou obèses. Cette méthode ne peut donc pas être réalisée pour le moment chez les patients ayant un IMC supérieur à 25.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODE
Patients
Etude
Analyse statistique
RESULTATS
Caractéristiques de la population
Complications chez les patients opérés d’une thyroïdectomie totale
Complications chez les patients opérés d’une isthmolobectomie
Résultats anatomopathologiques
DISCUSSION
Les conséquences de l’IMC élevé sur les complications post-opératoires en chirurgie
générale p
Hypocalcémie transitoire post opératoire
Hypoparathyroidie définitive
Atteinte du nerf laryngé inférieur
Temps opératoire et complications générales en post opératoire
Relation entre IMC élevé et cancer thyroïdien
CONCLUSION
REFERENCES
LISTE DES TABLEAUX
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