Conseil en management : tentative de définition
Étymologie et naissance du conseil
Avant d’analyser et d’appréhender l’activité de conseil pratiqué aujourd’hui, il est utile de faire un rapide retour historique. En effet, le métier de conseiller n’est pas récent et les problématiques auxquelles il est confronté demeurent les mêmes. Il est pratiqué depuis l’antiquité, car il répond à un besoin fondamental : rassurer et guider le décideur. Cette partie puise ses sources d’informations à partir de plusieurs sources (Andrieux-Reix, 2004, Rouquier, 1992, Helix, 2000, Babeau, 2005).
Étymologie
Le mot conseil est issu du latin classique consilium, qui à l’origine est utilisé dans la langue juridique au sens « d’endroit où l’on délibère », avis, conseil que l’on donne, délibération, plan, projet, réunion, il prend différentes significations en ancien français :
▪ Le sens d’ »avis que l’on donne sur ce qu’il doit faire »
▪ Le sens de « pensée mûrement réfléchie, projet, dessein »
▪ Également le sens de « réunion de gens qui délibèrent », ainsi « délibération, consultation » .
Le verbe conseiller vient du latin populaire consiliare, issu à l’origine du latin classique consiliari (« délibérer, donner un avis »). Dans l’ancienne langue, ce verbe est employé pour la première fois au XIème siècle et signifie « parler en secret avec quelqu’un, parler à voix basse avec quelqu’un ». D’autres emplois sont également utilisés : « secourir, aider » ou au sens d’« assemblée délibérante » : «tenir conseil, délibérer, décider après délibération ». À noter qu’en emploi pronominal, conseiller prend le sens de « réfléchir ».
Ainsi, leurs significations ont conservé le même sens depuis deux mille ans.
Une activité existante depuis l’antiquité
La continuité n’existe pas seulement d’un point de vue sémiologique, la pratique du conseil est également une activité que l’on peut considérer comme ayant toujours existée.
Les premiers conseils : l’augure et l’oracle
Les mythes antiques nous proposent certainement les premiers types de conseillers avec les avis de l’oracle ou de l’augure (un augure correspond, dans la religion romaine, à un message envoyé par les dieux et qui doit être décrypté afin d’adopter un comportement en adéquation avec la volonté divine). La mythologie grecque nous raconte l’histoire de nombreux personnages ayant recherché ou proposé des conseils prophétiques (Babeau, 2005, p.280) : Calchas, Cassandre, Tirésias, la Pythie de Delphes, la Sibylle.
L’oracle de Delphes : Oracle possède plusieurs significations : prophète, prophétie et endroit où l’on effectue de prophétie. La parole du dieu était transmise aux hommes par le biais de la Pythie. Au début, elle n’était interrogée qu’annuellement (jour de la fête d’Apollon), puis ensemble le 7 de chaque mois durant la présence d’Apollon (neuf mois dans l’année).
L’art du discours : entre méfiance et séduction…
On peut considérer que la pratique du conseil a débuté, vers le 5ème siècle avant Jésus-Christ, avec les sophistes qui avaient comme préoccupation d’exceller dans l’art du discours et de l’argumentation. Les dimensions politique et discursive sont bien des caractéristiques propres aux consultants modernes (Jorro, 2007). Elles renvoient à des techniques qui sont des atouts indispensables pour le conseiller qui cherche avant tout à démontrer et convaincre.
Avant de vendre une technique ou un acte, le consultant vend un discours, c’est la raison pour laquelle le métier doit faire face en permanence à un effort continu de recherche et de construction d’une confiance.
Un métier difficile à définir : réflexion pour la délimitation de notre champ d’étude
Il est étonnant de constater le peu d’études empiriques françaises sur le métier du conseil (Babeau, 2005, p.277), alors que les pays anglo-saxons ont développé une discipline autonome depuis la fin des années 80.
Les différents métiers du conseil
L’activité de conseil concerne de multiples champs d’analyse. Généralement, cinq variables sont retenues afin de définir les différentes formes de la consultation (Babeau, 2005, pp. 285- 289) :
• La taille
• Le type de client
• Le niveau d’intervention
• La spécialité
• Le problème à résoudre .
La mondialisation de l’économie et la complexité des métiers imposent aux directions générales de s’appuyer sur des avis et études leur permettant de réaliser plusieurs avantages :
▪ Mettre à l’épreuve ses choix stratégiques
▪ Se rassurer, voire se protéger
▪ Légitimer sa décision .
On peut affirmer que les pays développés ont évolué vers une économie de la connaissance, à laquelle les métiers du conseil jouent un rôle primordial.
Généralement, on distingue trois principaux types de conseils :
▪ Le conseil de direction
▪ L’audit financier
▪ La gestion du changement .
Cependant cette distinction est de plus en plus réduite dans le cadre des pratiques de conseil, car les problématiques rencontrées nécessitent très souvent une réflexion et une intervention dans les trois domaines.
Le conseil de direction intègre le diagnostic stratégique et l’implémentation de la stratégie et s’intéresse à des situations aussi variées que les fusions, les acquisitions, les projets de développement international, les stratégies de rationalisation de l’entreprise, les stratégies en matière de marketing. Cette activité de conseil est devenue la spécialité des grands cabinets de conseil (par exemple McKinsey).
L’audit financier regroupe l’ensemble des conseils liés à l’expertise des comptes dans le cadre d’opérations de communication financière, de fusion ou d’acquisition, de financement, de couverture des risques, etc. et sont très proches des métiers des Banques d’affaires. Ce métier est principalement développé par les grands cabinets d’audit, autrefois nommés « Big Five », avant la disparition d’Andersen et désormais renommés les « Fat Four » : KPMG, PricewaterhouseCoopers, Deloitte & Touch et Ernst & Young,
La gestion du changement concerne l’ensemble des métiers ayant pour objectif d’accompagner les changements d’organisation. Le point essentiel de ces métiers est d’intégrer systématiquement la composante « ressources humaines » et de s’appuyer fortement sur les systèmes d’informations. Les activités de conseil sont généralement menées autour des problématiques suivantes : mise en place de système d’informations (ERP), réorganisation d’une structure, etc.
Ces trois activités de conseil sont généralement destinées aux grandes entreprises. Il est ainsi possible de distinguer un autre métier, en fonction de la clientèle afin de répondre aux spécificités des petites organisations et des collectivités locales. Ce métier doit prendre en compte l’environnement local et intègre généralement les dimensions suivantes : ressources humaines, formation et recrutement, coaching, etc.
Notre objet d’étude : le conseil en management
Le conseil en management est en croissance permanente depuis plusieurs décennies avec de fortes progressions dans les années 1980 et 1990 (Kipping et Clark, 2012 cités par Bourgoin, 2015, p.28). Selon le Kennedy Consulting Research & Advisory, le chiffre d’affaires mondial -hors technologie de l’information et mise en place- approche les 190 milliards de dollars en 2012 alors qu’il ne représentait que 5 milliards en 1980 (Bourgoin, 2015).
En France, selon le syndicat professionnel Consult’in France – Syntec Stratégie & Management, le marché du conseil stratégie et management :« On estime que le marché du Conseil en stratégie et management (ce qui correspond aux missions de Conseil, y compris AMOA, à l’exclusion d’autres activités : outsourcing, développement et intégration, recrutement, outplacement, formation, coaching, études, audit, ingénierie, communication) représente environ 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé. L’année 2015 est venu confirmer une tendance à la reprise dans le secteur avec une croissance moyenne de +6,3%. Le premier secteur client reste le secteur financier (30% du chiffre d’affaires du secteur) » (Source : https://consultinfrance.fr/choisir-un-consultant/quelques-chiffres-clefs/).
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Table des matières
Introduction générale
Plan de l’introduction générale
1. Contexte de la recherche
1.1. Notre présence sur le terrain
1.2. Un thème central pour les sciences de gestion
2. L’objet de recherche
2.1. Délimitation du champ d’étude : la relation de conseil dans le conseil en management
2.2. Choix des concepts théoriques : courant de la sociologie pragmatique et sociologie de la traduction
2.3. De la question de départ aux objectifs de notre recherche
3. Problématique et questions de recherche
4. Les enjeux de la recherche
4.1. Intérêts académiques
4.2. Intérêts managériaux
5. Le positionnement épistémologique et méthodologique
6. Plan de la thèse
PREMIERE PARTIE CADRAGE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 1 – La relation de conseil : revue de littérature
1. Conseil en management : tentative de définition
1.1. Étymologie et naissance du conseil
1.2. Un métier difficile à définir : réflexion pour la délimitation de notre champ d’étude
2. Le conseil en management : une littérature centrée sur le consultant et la question de la performance
2.1. Les différents rôles du consultant
2.2. La question de la performance des interventions de conseil
3. La relation client-consultant : une recherche de littérature inclusive ?
3.1. Premiers travaux sur les modes de relations de conseil : entre pouvoir et coproduction
3.2. Les travaux plus récents de A. Buono et F. Poulfelt (2013)
Chapitre 2 – Le courant pragmatique et la sociologie de la traduction
1. De la sociologie pragmatique à la sociologie de la traduction
1.1. La sociologie pragmatique
1.2. La sociologie de la traduction
2. Les apports de la sociologie de la traduction pour une approche inclusive de la relation de conseil
2.1. Mobilisation de trois apports de la sociologie de la traduction
2.2. Croisement des « perspectives » de Buono et Poulfelt et les apports de la théorie de la traduction
Synthèse 1ère partie : Modélisation du cadre conceptuel
1. Produit de la recherche exploratoire
2. Problématique de recherche
DEUXIEME PARTIE CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 3 – Choix épistémologiques et méthodologiques
1. Positionnement épistémologique de la recherche et approche générale de nos travaux
1.1. Approche inductive et incrémentale
1.2. Mode de production des connaissances adopté : interprétatif
1.3. Recherche-Action et recherche intervention
1.4. Positionnement épistémologique de notre recherche : pour une approche interprétativiste en recherche-action
2. Positionnement du chercheur et recommandations méthodologiques issues de la littérature
2.1. Positionnement du chercheur face à son sujet d’observation
2.2. Recommandations préalables à la conduite des entretiens
2.3. Le contrat de communication
Chapitre 4 – Description de la méthodologie du terrain
1. Démarche empirique au sein d’un cabinet français
1.1. Le marché du conseil en France et les principaux acteurs dans le monde
1.2. Le cabinet impliqué dans notre recherche : Conseil Plus
2. Présentation du dispositif méthodologique et objectifs
2.1. Le dispositif méthodologique en trois phases
2.2. Synthèse des données recueillies
2.3. Personnes impliquées dans le dispositif de recherche
2.4. Rappel des objectifs
Synthèse 2ème partie : Modélisation du cadre méthodologique
TROISIEME PARTIE RESULTATS ET DISCUSSIONS
Chapitre 5 – Les résultats de notre terrain
1. Phase 1 : Phase qualitative exploratoire : entretiens auprès d’experts « hauts dirigeants » et de consultants seniors
1.1. Objectifs et dispositif méthodologique
1.2. Contexte d’entreprise 1 : Organisation professionnelle (P1-E/EX07-1)
1.3. Contexte d’entreprise 2 : Société privée d’environnement (P2-E/EX07-2)
1.4. Contexte d’entreprise 3 : Société publique (P2-E/EX07-3)
1.5. Contexte d’intervention 4 : Association sportive nationale (P2-E/EX07-4)
1.6. Synthèse et analyse de la phase 1 : première validation des apports de la théorie de la traduction
2. Phase 2 : Observation participante d’une durée d’un an (mai 2007 – avril 2008)
2.1. Contexte et dispositif méthodologique
2.2. Mise en place des quatre groupes de travail
2.3. Les principaux résultats de l’intervention
2.4. Recherche à partir d’Europresse
2.5. Analyse sous l’angle de l’ANT
3. Phase 3 : Groupes de travail afin d’identifier les attributs essentiels de la relation de conseil (mars 2008 – septembre 2009)
3.1. Dispositif méthodologique et objectifs
3.2. Etape 1 : Identification des attributs (Mai 2008 – février 2009)
3.3. Etape 2 : Analyse des attributs identifiés (Mars 2009 – juillet 2009)
3.4. Étape 3 : Validation du modèle LSE (Août – septembre 2009)
Chapitre 6 – Discussions et apports de nos travaux
1. Analyse des résultats de notre terrain du point de vue de l’ANT
2. Proposition d’un modèle de la relation de conseil : Modèle LSE
2.1. Attributs de la relation de conseil selon les « perspectives » de Buono et Poulfelt
2.2. Modèle LSE de la relation de conseil sous l’angle de la sociologie de la traduction
Conclusion générale