Réintroduction de l’ours des Pyrénées

Réintroduction de l’ours des Pyrénées

Les erreurs sanitaires du passé : une expérience pour l’avenir

Ce chapitre prendra quelques exemples de réintroductions passées (25), pas seulement en France mais dans le monde entier, pour démontrer que la réintroduction d’animaux sauvages n’est pas un acte anodin et que des risques sanitaires, parfois majeurs, existent.En 1977, le raton laveur (Procyon lotor) fut déplacé de Floride jusqu’en Virginie important avec lui la rage, zoonose d’importance, encore absente à cette époque de la région. Dès lors, la rage s’est développée sur l’ensemble de la côte atlantique, touchant d’autres espèces de mammifères sauvages.Au milieu du 19ème siècle les mangoustes (Herpestes auropunctatus) furent importées dans les îles pour lutter contre la prolifération de rats. Ces animaux, réservoirs pour la rage, ont permis l’introduction de la maladie dans de nombreuses îles comme : Cuba, la République Dominicaine, Grenade et Porto Rico.Aux Etats-Unis, le cerf de virginie (Odocoileus virginianus) est régulièrement déplacé pour des raisons de chasse. Malheureusement il est porteur d’un vers parasite qui, adulte, se localise dans les méninges. (Parelaphostrongylus tenuis) . Le cerf supporte très bien la présence de ce parasite alors que l’Elan ( Alces alces) y est très sensible. Le déplacement de plus en plus vers le Nord du cerf de virginie peut entraîner la disparition du grand cervidé à cause du ver de méninge si des précautions aux déplacements des animaux ne sont pas prises.Pour finir, un exemple concernant le Tamarin lion dont la population diminue dans la nature de par la disparition de son milieu de vie, la forêt brésilienne, et par une exportation importante des animaux. Aujourd’hui l’espèce est menacée et l’on fonde des espoirs sur les tamarins élevés en captivité pour permettre le repeuplement sauvage. Malheureusement, il apparaît que des animaux élevé en Amérique du Nord ont été trouvés porteur d’un virus particulièrement létal, un arénavirus, et inconnu en nature en Amérique du sud. Il est donc aujourd’hui impossible de les relâcher dans la nature sans risquer de propager ce virus à la population locale. D’où l’importance d’un suivi sanitaire strict lors de réimplantation dans la nature d’animaux captifs. Cette stratégie de réintroduction sera abordée plus en détail avec l’étude des réintroductions de vautours en France.Ainsi, on voit bien à travers ces quelques exemples que l’aspect sanitaire d’une réintroduction ne soit pas un élément à prendre à la légère. En effet, il ne s’agit pas simplement de la survie de l’animal réintroduit mais de l’ensemble d’un biotope. Ainsi, lors d’une réintroduction il paraît essentiel de s’assurer du caractère indemne d’un individu concernant des pathologies de son espèce, mais aussi des espèces domestiques ( chien, chat, bovin, mouton…), d’autres espèces sauvages demeurant sur le même territoire et surtout vis à vis de zoonoses.

Evaluation des risques sanitaires liés aux dépla-cements d’animaux sauvages

Avant les années 1990, le risque inhérent d’importation de maladies lié au déplacement d’animaux sauvages ne semblait pas alerter les autorités compétentes ; sans doute par manque de connaissance en la matière.Cependant, les exemples présentés ci dessus montre bien que le déplacement d’individus ne peut pas s’envisager sans une étude préalable des dangers que cette translocation implique.D’après une publication de l’OIE (LEIGHTON et al., 2002) (36) une évaluation stricte des risques sanitaires devrait être envisagée avant toute réalisation de projets liés au déplacement d’animaux.De cette étude préalable, la décision devrait pouvoir être prise d’accepter ou de refuser un dossier suivant des éléments objectifs et dûment établis par un groupe de spécialistes.Cette étude devrait, entre autre, être réalisée par une personne n’entrant pas directement dans le projet et n’ayant pas de parti pris pour l’une ou l’autre des décisions qui en découleront.Le rapport final d’enquête sanitaire doit être absolument transparent pour permettre une compréhension étape par étape de tous les éléments et de tous les raisonnements ayant permis d’exclure ou de ne pas exclure un risque.Pour cette étude, il est indispensable de prendre en compte l’ensemble des dangers potentiels que représente un tel déplacement ; pas seulement au niveau de l’animal lui-même mais également pour le biotope dans lequel il va arriver. Ensuite, chaque danger devra être évalué séparément, sa fréquence d’apparition, sa dangerosité, et les conséquences négatives qui pourraient en découler.La combinaison des probabilités d’apparition de la maladie avec celles d’atteinte de la population concernée définit une probabilité de danger. L’ensemble des probabilités de danger constitue le risque lié au déplacement de l’animal concerné.
L’évaluation des risques peut se traduire de manière qualitative : le risque est négligeable, faible, moyen ou élevé ; ou de manière quantitative à l’aide de modèles mathématiques performant permettant d’établir une probabilité de risque.Bien entendu, une telle étude ne peut s’envisager que si l’espèce en question est connue. Il faut en connaître les déplacements, l’interaction avec le milieu, les structures sociales, les interactions avec d’autres espèces et avec l’homme et, si possible, l’ensemble des pathogènes pouvant toucher l’espèce ou étant d’importance pour les espèces de proximité.Ainsi, avant toute tentative de réintroduction une étude préalable de l’espèce devrait être entreprise sans quoi une évaluation des risques semblerait illusoire.*la liste des pathogènes inclus les agents dangereux pour l’animal lui-même ou pour ses congénères, les agents dangereux pour les espèces qu’il côtoie, les agents dangereux pour lesquels l’animal ne serait que porteur mécanique, les agents pathogènes pour l’animal qu’il ne connaît pas dans son milieu d’origine et présents dans le milieux de translocation, et les agents non présents dans le lieu d’arrivé pouvant se trouver dans le lieu de prélèvement. (Ce dernier point semblant être le critère sur lequel il faille prendre le plus de précaution et auquel il faille donner le plus d’attention).
Cette démarche d’évaluation des risques établie par le CCWHC( Canadian Cooperative Wildlife Health Centre) a reçu l’approbation du groupe de travail sur les pathologies de la faune sauvage de l’OIE.

Questions sanitaires d’importance

la quarantaine

Il est aujourd’hui reconnu que la quarantaine offre de nombreux avantages en matière de sécurité sanitaire ; en effet, elle permet de maintenir les animaux importés ou introduits dans un milieu confiné, souvent totalement désinfectable, entièrement surveillé et le temps nécessaire à l’émergence d’une maladie en cours d’ incubation. De plus, les animaux sont plus facilement récupérables pour effectuer des tests sérologiques, coprologiques, biochimiques ou pour leur administrer un traitement sur un plus ou moins long terme.Le problème se pose cependant de savoir si une quarantaine n’entraînerait pas plus de désagréments à l’animal que d’avantages sanitaires.(communication personnelle, MOUTOU F.)En effet, fort des expériences passées de réintroduction il s’est avéré que la quarantaine était, pour des animaux sauvages surtout, un événement très stressant. En effet, les animaux sont restreints à une surface de parcage bien inférieure à leur domaine vital, pour les animaux grégaires il peut arriver qu’une quarantaine entraîne son isolement ce qui rajoute encore à son stress, Le contact avec des hommes, qu’il soit visuel, olfactif, voire direct ne favorise pas la remise en nature de ces animaux.Les risques majeurs liés à ces stress permanents, et qui peuvent durer tout du long de la quarantaine, est le développement de maladies « opportunistes ». En effet, les risques d’entérotoxémie, de pasteurelloses et bien d’autres pathologies bénéficient d’une baisse de l’immunité directement liée au stress. Ces pathogènes qui, jusqu’alors, étaient présents mais en équilibre avec leur hôte se retrouve alors en position favorable pour infecter sévèrement leur hôte.
Dès lors, la quantité de pathogènes re-larguée est nettement supérieure et la pression d’infection augmente considérablement. Le risque d’infecter les autres individus de la quarantaine augmente également.
Est-il nécessaire de prendre le risque de perdre un individu lors d’une réintroduction ?
Voire de perdre un lot complet d’animaux ?
Si ces animaux sont réintroduits c’est que leur population, au lieu de réintroduction, n’est plus très élevée, voire totalement décimée. La perte d’un ou de plusieurs individus, lors des ces opérations d’une part déjà très coûteuses et d’autre part mettant en place de gros moyens logistiques, est difficilement acceptable car un individu est un reproducteur potentiel ; moins ils sont et plus le risque d’atteindre un cul de sac génétique augmente. Il existe déjà suffisamment de risques naturels de perdre un animal réintroduit qu’il n’est pas nécessaire d’augmenter les risques d’échec à la réintroduction.
Il faut donc trouver d’autres solutions, tout aussi protectionnistes d’un point de vue sanitaire mais beaucoup moins contraignantes pour les individus transférés.
Il aurait pu être envisagé d’établir une quarantaine dans un parc suffisamment grand pour que les animaux ne s’y sentent pas contraints. Le problème de ce modèle tient essentiellement du coût.
D’autre part un parc même fermé et difficilement contrôlable. Le contact des animaux en quarantaine et du monde sauvage est beaucoup plus important.
L’observation du développement de signes cliniques est beaucoup plus délicate et demande un temps d’observation plus long et du personnel plus important pour pister les animaux.
La contamination du lieu de quarantaine est difficile à limiter, la désinfection est pratiquement impossible. Ainsi, tout lieu de quarantaine dans lequel se serait développée une pathologie difficilement réutilisable.
Enfin, les animaux réintroduits ne sont pas en sécurité s’ils sont parqués de cette façon :
En effet, il est impossible de contrôler les entrées illégales dans le lieu de parcage. Même la mise en place de gardes chasse pour surveiller le parc (ce qui entraînerait encore des frais supplémentaires) ne garantirait pas cette sécurité vis-à-vis de personne pouvant leur être hostiles, voire de personnes désirant simplement les approcher de près.

statut sanitaire de la population souche

Actuellement, une des options choisie pour assurer le statut sanitaire des animaux réintroduits est la connaissance de l’état sanitaire de la population souche d’où les animaux seront prélevés.
Cependant quelques points pratiques font que cette méthode n’est pas fiable à 100%.
Plusieurs outils sont à notre disposition pour déterminer le statut sanitaire d’une population :
●l’observation : Les animaux présentant des signes cliniques ou des comportements anormaux doivent être prélevés ou sacrifiés pour éviter toute propagation d’une éventuelle maladie et pour autopsie.
Problème : la découverte d’animaux malades est souvent fortuite, elle nécessite la mise en place de tournées d’observation, de systèmes de repérage rapides pour retrouver les animaux( colliers émetteur, balise ARGOS…). De plus, les animaux sauvages expriment très peu de symptômes et il est très difficile d’associer une maladie par la simple observation de visu.
●l’autopsie : Si elle est pratiquée sur un cadavre frais ( animal sacrifié par exemple), elle donne des informations importantes et intéressantes.
Problème : Si la mort remonte à quelques jours les résultats sont alors beaucoup moins fiables et il est facile de confondre des lésions d’altération avec des lésions pathologiques. De plus, la faune sauvage présente une particularité : la superposition de processus pathologiques.
●mise en évidence d’agents pathogènes : détection de la présence d’agents pathogènes (virus, bactéries, parasites)
Problèmes : _ sensibilité de la méthode souvent défaillante ou à l’inverse, en recherche PCR, problème d’interprétation (contamination, surinfection…)
_représentativité de l’échantillon
_la présence d’un agent implique t il toujours un rôle pathogène ?
●Sérologie et immunologie (33) : témoin indirect d’un contact immunisant
Problème : rien ne permet de dire si l’animal est toujours porteur, déjà guérit, et s’il existe un rapport entre la sérologie et la pathologie. (nécessiterait la mise en place d’une cinétique à plusieurs jours d’intervalle, ce qui est, pour lors, impossible.)
Intéressons nous plus en détail à cette épreuve sanitaire. Tout animal réintroduit subit une série de tests sérologiques avant d’être relâché dans son habitat final. Cependant les résultats des tests ne seront pas toujours connus avant sa libération. Il sera ainsi repris ( repéré grâce à un collier de radio guidage le plus souvent) si l’on découvre sa positivité à certains tests rédhibitoires. Mais un temps d’exposition même court peut permettre la transmission de pathologies fortement infectieuses et contaminantes.
Malgré tout, les tests effectués ne sont pas totalement fiables :
Il est, tout d’abord, possible que l’animal concerné soit en phase d’incubation et n’a pas encore développé de séroconversion.
Les tests employés sont les même que pour les animaux domestiques sans validation.
La qualité des tests : sensibilité et spécificité, ne sont pas toujours connus chez les animaux domestiques, en particuliers ceux destinés aux petits ruminants, alors ils sont encore moins certains chez les animaux sauvages.
Les processus pathogéniques ( en particulier la phase d’infection, d’état et de portage post symptomatique, en relation avec la cinétique des différentes catégories d’immunoglobulines) ne sont pas connues chez les espèces sauvages ; elles doivent sans doute différer chez les espèces sauvages.
La qualité des prélèvements est essentielle. Les standards de prélèvement demande une prise de sang sur animal vivant. Le plus souvent il s’agit de prélèvement sur des animaux morts et pas forcément pas des professionnels. (sauf animaux en cours de réintroduction où les prises de sang sont effectuées sur animaux vivants et faites par un docteur vétérinaire)
Les plans d’échantillonnage sont rarement conçus à l’avance, mais subis a posteriori avec une « pression » pour leur faire conclure à un statut sanitaire d’une population par rapport à une maladie.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : réintroduction en France
I )Historique de la réintroduction en France.
II )Cadre réglementaire lié à la réintroduction
1° la juridiction française
2° Législation Européenne
3°législation mondiale
4° aspects législatifs sanitaires.
III )Les erreurs sanitaires du passé : une expérience pour l’avenir
IV) Evaluation des risques sanitaires liés aux déplacements d’animaux sauvages
V °questions sanitaires d’importance
1° la quarantaine
2° statut sanitaire de la population souche
PARTIE 2: le Bouquetin, sa réintroduction
I )Description, mode de vie et habitat
1° répartition
2° Habitat
3° Cycle journalier
4° Organisation sociale
5° Relations interspécifiques
6° Reproduction
II) Etat sanitaire
III )Histoire de la réintroduction du bouquetin
IV )La charte de réintroduction du Bouquetin des Alpes
V) la réintroduction : déroulement et aspect sanitaire
1° déroulement
2° aspect sanitaire
Conclusion
PARTIE 3: Réintroduction de l’ours des Pyrénées
I )Description et mode de vie
1° morphologie
2° Habitat
3° indices de présence
4° Alimentation
4° Alimentation
5° Cycle d’activité
6° Reproduction
II )Historique d’une réintroduction difficile
1° le projet LIFE-Nature en détail
2° Le choix de la population source (1)
3° Une nouvelle approche sanitaire pour la réintroduction d’animaux
4° Conclusions de l’étude préalable à la réintroduction d’animaux dans les pyrénées
5° déroulement des opérations de piégeage
Conclusion
PARTIE 4: réintroduction du Gypaète barbu
I )GENERALITES
1° Systématique
2° Répartition mondiale
3° Description
4° BIOLOGIE
II )HISTOIRE D’UNE SAUVEGARDE EN COURS
III )Présentation du Centre d’élevage français
III )Le Gypaète : un cul-de-sac épidémiologique ?
1° L’aspergillose :
2° La maladie de Newcastle :
Conclusion.

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