La réhabilitation postopératoire est un programme inséré dans les années 90 par Kehlet H [1] dans le but de rétablir le plus précocement les capacités physiques et psychiques antérieures du patient ; ceci afin de réduire la morbidité et la mortalité péri opératoires. Elle implique tous les acteurs des soins livrés au patient. Elle est basée sur plusieurs principes dont la gestion de la douleur périopératoire [2]. Plusieurs sociétés savantes ont été fondées dans la promotion de cette approche [3]. Récemment, le groupe francophone GRACE ou « Groupe Francophone Interdisciplinaire de Réhabilitation Améliorée en Chirurgie » a favorisé l’essor de cette réhabilitation postopératoire dans plusieurs centres, insistant surtout sur la prise en charge de la douleur périopératoire [4]. Cette prise en charge requiert une approche particulière qui est l’analgésie multimodale.
L’analgésie multimodale est le traitement de la douleur faisant appel à l’utilisation de techniques variables, pharmacologiques ou non, ayant différentes actions aux niveaux périphérique et ou central du système nerveux ; ceci, afin d’obtenir un effet additif ou synergique et de mieux soulager la douleur par rapport à une technique uni modale [5]. Largement utilisée, elle est bénéfique car elle limite l’utilisation des molécules morphiniques.
Actuellement, dans notre pratique, l’absence de protocole bien établi et validé nous a incité à mener une étude portant sur la réhabilitation postopératoire après une chirurgie abdominale par laparotomie. Aussi, notre objectif a été d’évaluer l’impact de l’analgésie périopératoire sur la réhabilitation postopératoire pour améliorer l’efficacité de la réhabilitation postopératoire.
REHABILITATION POSTOPERATOIRE
DEFINITION
Selon Kehlet H [1], la réhabilitation postopératoire est un programme de prise en charge globale durant la période péri opératoire dans le but de raccourcir le séjour hospitalier, c’est-à-dire les complications postopératoires [6]. Cette situation nécessite l’optimisation de la prise en charge peropératoire afin de mieux gérer la période postopératoire [7]. Elle est classée en deux volets :
– « fast-track rehabilitation » ou réhabilitation précoce : c’est une prise en charge spécifique qui se focalise surtout sur la rapidité du retour à la capacité antérieure, notamment physique, de l’individu plutôt que de l’efficacité de la méthode optée [2].
– « enhanced recovery after surgery » ou amélioration de la réhabilitation postopératoire : elle insiste sur l’amélioration des suites opératoires en premier, puis secondairement sur sa rapidité .
PHYSIOPATHOLOGIE
Il existe plusieurs facteurs et situations péri-opératoires qui peuvent influencer la réhabilitation postopératoire indépendamment de la pathologie proprement dite [3]. Ainsi, on peut diviser ces facteurs en trois groupes :
– facteurs pré-opératoires,
– facteurs peropératoires,
– facteurs postopératoires.
FACTEURS PRE-OPERATOIRES
Plusieurs paramètres préopératoires influencent la suite ultérieure de la prise en charge du patient notamment le stress, l’état général du patient, l’état nutritionnel, les habitudes toxiques et la préparation en rapport avec la chirurgie.
Stress
Une personne hospitalisée a un niveau de stress élevé, d’autant plus qu’elle va être opérée ; que la chirurgie sera programmée ou d’urgence. Ce stress va être responsable de modifications neuro-hormonales et métaboliques importantes avec mise en jeu des systèmes nerveux, endocrinien et inflammatoire [6]. Il y aura une hypersécrétion des différentes hormones de stress avec une réponse sympathique augmentée voire même exagérée selon la perception de la chirurgie en fonction du niveau psycho-intellectuel de l’individu mais aussi selon la transmission de la technique à opter de la part du chirurgien [7]. Ainsi, il y a principalement :
– l’hyperexcitabilité nerveuse,
– l’hypersécrétion endocrinienne :
✓ l’hypersécrétion d’adrénaline : celle-ci va engendrer plusieurs modifications. Au niveau cardiaque, il y a augmentation de l’inotropisme myocardique avec tachycardie. De plus, il va y avoir une vasoconstriction généralisée responsable d’une hypertension artérielle. Au niveau respiratoire, une hypersécrétion va être responsable d’une diminution de la pression partielle en oxygène entraînant une bronchodilatation avec accélération de la fréquence respiratoire. Tout ceci contribue à l’augmentation des besoins en oxygène.
✓ l’hypersécrétion d’hormone adrénocorticotrope ou ACTH : elle stimule la sécrétion du cortisol par la corticosurrénale. Ce cortisol augmente l’éveil et mobilise les réserves énergétiques lipidique et glucidique. Il y a par la suite, une insomnie, une hyperglycémie et à la longue un amaigrissement.
✓ l’augmentation de la sécrétion de l’aldostérone et de la vasopressine : la réabsorption d’eau et de sodium et leur rétention induisent et entretiennent l’hypertension artérielle.
✓ l’hypersécrétion de glucagon : cette hormone est responsable de la dégradation du glycogène et contribue ainsi au maintien de l’hyperglycémie.
– les manifestations immunologiques : il y a une réponse inflammatoire par mise en jeu des différents médiateurs de l’inflammation, notamment l’interleukine 6 et la Tumor Necrosis Factor ou TNF et un hypercatabolisme protéique. Par la suite, on note une baisse de l’immunité surtout humorale et un amaigrissement par amyotrophie.
Toutes ces manifestations seront d’autant plus marquées que la période préopératoire est allongée. Par conséquent, la réhabilitation postopératoire qui en dépend sera de mauvaise qualité.
Etat général du patient
Les réactions de l’organisme seront différentes d’un individu à l’autre, selon le genre et dépend de l’âge. Pour les individus de même âge, il est crucial d’évaluer l’état général qui dictera de la prise en charge péri-opératoire spécifique et adaptée [3]. Afin de juger de la nécessité ou non de la préparation physique d’un individu, on utilise habituellement le score de l’American Society of Anesthesiology (ASA) [9]. Cette classification catégorise les individus de 1 à 6, allant de l’état normal à celui en état de mort cérébrale .
Aussi, un individu classé ASA 1 peut être opéré immédiatement avec des risques per et postopératoires moindres, contrairement à celui ASA 3 ou plus qui n’est pas à l’abri des complications sévères et ce, malgré une prise en charge pré-opératoire optimale.
Etat nutritionnel
En pré-opératoire, en relation avec le stress et ou la peur, la plupart des patients ont un appétit diminué, donc une baisse de l’apport énergétique. Pour maintenir l’homéostasie, l’organisme est en état d’hyper catabolisme avec en premier la dégradation des glucides, puis vient la dégradation de réserves graisseuses et à l’extrême la fonte musculaire [10]. Alors que tous ces éléments sont nécessaires pour faire face à la période peropératoire (le jeûne, le stress) et postopératoire (jeûne, cicatrisation, immunité contre l’infection du site opératoire).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: RAPPELS
I. REHABILITATION POSTOPERATOIRE
I.1.DEFINITION
I.2.PHYSIOPATHOLOGIE
I.2.1.FACTEURS PRE-OPERATOIRES
I.2.2.FACTEURS PER OPERATOIRES
I.2.3.FACTEURS POSTOPERATOIRES
I.3. PRISE EN CHARGE
I.3.1. ROLE DU MEDECIN ANESTHESISTE- REANIMATEUR
I.3.2. ROLE DU CHIRURGIEN
I.3.3. ROLE DU PATIENT ET DE LA FAMILLE
I.3.4. AUTRES ACTEURS
II. DOULEUR
II.1.DEFINITION
II.2.VOIES SENSITIVES
II.2.1.NOCICEPTEURS
II.2.2.FIBRES PERIPHERIQUES
II.2.3.GANGLIONS DORSAUX
II.2.4.CORDON MEDULLAIRE
II.2.5.VOIES ASCENDANTES
II.2.6.CENTRES SUPERIEURS
II.3.CONTROLE PHYSIOLOGIQUE DE LA DOULEUR
II.4. MECANISME PHYSIOPATHOLOGIQUE DE LA DOULEUR AIGUE
II.5. EVALUATION DE L’INTENSITE DE LA DOULEUR
II.6. PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
III. DOULEUR AIGUE POSTOPERATOIRE
III.1. EVALUATION DE LA DOULEUR
III.2. PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR PERI OPERATOIRE
III.2.1.EDUCATION- INFORMATION DU PATIENT
III.2.2.ANALGESIE MULTIMODALE
DEUXIEME PARTIE: METHODES ET RESULTATS
I.MATERIELS ET METHODES
I.1. OBJECTIF DE L’ETUDE
I.2. HYPOTHESE
I.3. CRITERES DE JUGEMENT
I.4. PATIENTS ET METHODE
I.5.CRITERES D’INCLUSION ET D’EXCLUSION
I.6. COLLECTE ET ANALYSE DES DONNEES
I.7. PARAMETRES RECEUILLIS
I.8. ANALYSE DES RESULTATS
I.9. CONSIDERATION ETHIQUE ET LIMITES DE L’ETUDE
II. RESULTATS
II.1. RESULTATS DESCRIPTIFS
II.1.1. PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE
II.1.2. PROFIL PERIOPERATOIRE
II.1.3. ELEMENTS DE LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
II.1.4. ISSUE ET DEVENIR DES PATIENTS
II.2. RESULTATS ANALYTIQUES
II.2.1. FACTEURS CORRELES A LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
II.2.2. CORRELATION AVEC LES DELAIS DE MOBILISATION ET DE REPRISE DU TRANSIT
II.2.3. CORRELATION ENTRE LA MOBILISATION PRECOCE ET LE TRANSIT PRECOCE
II.2.4. CORRELATION ENTRE DUREE DU SEJOUR HOSPITALIER ET LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
II.3. QUALITE DE LA REHABILITATION
II.3.1. CORRELATION ENTRE LA REPRISE DU TRANSIT ET LA REPRISE ALIMENTAIRE
II.3.2. CORRELATION ENTRE LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE ET LES COMPLICATIONS
II.3.3. CORRELATION ENTRE LA DUREE DU SEJOUR HOSPITALIER ET LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
TROISIEME PARTIE: DISCUSSION
I. ETUDE DESCRIPTIVE
I.1. PROFIL EPIDEMIOLOGIQUE
I.1.1. AGE ET GENRE
I.1.2. ETAT NUTRITIONNEL ET CLASSE SOCIALE
I.1.3. CLASSE SELON LA CLASSIFICATION DE L’AMERICAN SOCIETY OF ANESTHESIOLOFY
I.1.4. ANTECEDENTS NON MEDICAUX
I.2. PROFIL PERI OPERATOIRE
I.2.1. TYPES D’ANESTHESIE
I.2.2. MODALITES D’ANALGESIE
I.2.3. MODALITES CHIRURGICALES
I.2.4. PASSAGE EN REANIMATION
I.2.5. TUYAUTERIES ET ACCES VEINEUX
I.3. ELEMENTS DE LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
I.3.1. PREMIERE MOBILISATION
I.3.2. REPRISE DU TRANSIT
I.3.3. REPRISE DE L’ALIMENTATION
I.4. ISSUE ET DEVENIR DES PATIENTS
I.4.1.COMPLICATIONS
I.4.2. ISSUE ET DUREE TOTALE DU SEJOUR HOSPITALIER
II. ANALYSE DES DONNEES
II.1. FACTEURS CORRELES A LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
II.1.1. FACTEURS CORRELEES A LA MOBILISATION PRECOCE
II.1.2. FACTEURS CORRELES AU RETOUR DU TRANSIT PRECOCE
II.2. CORRELATION ENTRE LES DIFFERENTES DUREES
II.2.1. CORRELATION ENTRE LA DUREE DE LA MOBILISATION ET LA DUREE D’UTILISATION DES ANTALGIQUES
II.2.2. CORRELATION ENTRE A DUREE DU RETOUR DE TRANSIT ET LA DUREE D’UTILISATION DES ANTALGIQUES
II.3. CORRELATION ENTRE LA MOBILISATION PRECOCE ET LE TRANSIT PRECOCE
II.4. CORRELATION ENTRE DUREE DU SEJOUR HOSPITALIER ET LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
II.4.1. CORRELATION ENTRE LA DUREE DU SEJOUR HOSPITALIER ET LES COMPLICATIONS
II.4.2. CORRELATION ENTRE LA DUREE DU SEJOUR HOSPITALIER ET LE DELAI DE LA MOBILISATION
II.4.3. CORRELATION ENTRE LA DUREE DU SEJOUR HOSPITALIER ET LE DELAI D’EMISSION DE GAZ
II.5. QUALITE DE LA REHABILITATION
II.5.1. CORRELATION ENTRE LA REPRISE DU TRANSIT ET LA REPRISE ALIMENTAIRE
II.5.2. CORRELATION ENTRE LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE ET LES COMPLICATIONS
II.5.3. CORRELATION ENTRE LA DUREE DU SEJOUR HOSPITALIER ET LA REHABILITATION POSTOPERATOIRE
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES