Réguler le marché de ville du médicament français

Les dépenses de médicaments 

Au cours de la dernière décennie, le marché pharmaceutique français a progressé à un taux de croissance annuel moyen de 1,7 % entre 2005 et 2014 : il est passé de 23,8 milliards d’euros en 2005 à 27,9 milliards d’euros en 2014, dont 18,6 milliards d’euros au titre des médicaments remboursables en ville, 1,9 milliards d’euros au titre des médicaments non remboursables et 7,4 milliards pour les médicaments vendus à l’hôpital (euros hors taxes ; LEEM, 2015). Pour la première fois en 2012, le marché des médicaments a reculé de 1,0% (puis de 2,2 % en 2013). Cette baisse est exclusivement imputable au marché de ville (-2,2 % en 2012, puis -3,3 % en 2013), le marché hospitalier bénéficiant de l’arrivée de traitements innovants concourant à la croissance de ce segment de marché (+3,4 % en 2012 ; +1,7 % en 2013). En 2014, la tendance à la baisse se poursuit pour les médicaments délivrés en officine (-2,0 %, avec une baisse de 1,9 % pour les médicaments remboursables et une baisse de 3,1 % pour les médicaments non remboursables). Cependant, l’arrivée de médicaments innovants dans le traitement de l’hépatite C, actuellement disponibles uniquement à l’hôpital et en rétrocession pour la ville, ont eu un impact financier majeur et portent la croissance du marché à 3,1 %. La consommation de médicaments en ville, qui inclut les médicaments rétrocédés, représente ainsi 33,9 milliards d’euros en 2014 (+ 2,7 % en 2014, après une baisse de 1,3 % en 2012 et de 1,7 % en 2013 ; euros TTC), soit 18 % de la consommation de soins. A l’hôpital, la consommation de médicaments s’élève à 4,6 milliards d’euros (TTC) en 2014 (Comptes de la santé 2014).

La France présente une consommation de médicaments élevée par rapport aux pays voisins. En termes de volumes par habitant, la France était toujours en 2013 l’un des premiers consommateurs européens de médicaments . Par ailleurs, la structure de consommation pharmaceutique française se distingue par un poids élevé des produits récents et coûteux (Comptes de la Santé, 2014). En effet, la consommation de médicaments génériques en France est plus faible que dans d’autres pays. En 2013, les génériques représentaient plus des trois quarts du volume du marché des médicaments remboursés au Royaume-Uni et en Allemagne, 70 % du marché aux Pays-Bas et 54 % au Danemark, alors qu’ils représentaient moins d’un tiers de ce marché en France (OCDE, 2015). Cette situation résulte d’une propension plus importante des prescripteurs français, par rapport aux homologues des pays voisins, à prescrire des produits plus coûteux malgré les incitations financières mises en place (paiement à la performance via la ROSP – Rémunération sur objectifs de santé publique). Ceci explique partiellement la part moins importante occupée par les génériques sur le marché français en dépit du taux de substitution, à présent très élevé (82 %), des princeps par leurs génériques (Cnamts, 2014). Un autre facteur est la définition plus restrictive du répertoire des médicaments génériques retenue en France par rapport à d’autres pays voisins, comme en Allemagne et au Royaume-Uni par exemple (Cour des comptes, 2014). En outre, les prix des médicaments, bien que difficilement comparables entre les pays , ont été étudiés par la Cnamts qui montrait ainsi qu’en 2011 le coût moyen d’une unité standard de générique en France s’élevait à 15 centimes d’euros, contre 12 centimes en Allemagne et 7 centimes au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. En 2013, la Cnamts soulignait que les dépenses de médicaments par habitant en France étaient plus élevées que celles de sept autres pays européens (Italie, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Finlande, Norvège, Pays-Bas), pour les classes thérapeutiques les plus remboursées en France (Cnamts, 2014).

Les dépenses pharmaceutiques sont en partie financées par des fonds publics dans l’ensemble des pays, à hauteur de 57 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. La part des assurances privées et du reste à charge des ménages dans le financement des médicaments est toutefois supérieure à d’autres postes de dépenses et, dans la plupart des pays s’est opéré ces dernières années un transfert d’une partie du financement des médicaments vers les assurances privées et les ménages (OCDE, 2015). En France, la part du financement public s’élève néanmoins à 69 % en 2014, soit autant qu’en 2006 (Comptes de la santé 2014). Le médicament représente ainsi le troisième poste de dépenses de l’Assurance maladie, après l’hôpital et les soins de ville, avec des remboursements s’élevant à 23,4 milliards d’euros (+3,8 % en 2014, du fait de l’entrée sur le marché des traitements de l’hépatite C, après une légère baisse en 2012 (-0,8 %) et en 2013 (-0,7 %)) (Cnamts, 2014).

Le médicament est un bien particulier pour lequel il existe différents types de marché, pour les médicaments remboursables, sous brevet ou généricables, et pour les médicaments non remboursables. Les caractéristiques de ces marchés posent des questions d’efficience, à la fois en termes de soutenabilité financière des dépenses de médicaments remboursables, ce qui appelle une certaine régulation, et en termes de prix des médicaments non remboursables, soumis a priori à la concurrence mais dont l’existence d’un monopole officinal fait débat.

Les caractéristiques du marché du médicament 

Les caractéristiques de l’offre

Le médicament se caractérise par des coûts fixes élevés, du fait d’un fort taux d’échec au cours de la phase de développement , et des économies d’échelle importantes, liées à un faible coût de reproduction. Le marché du médicament ne s’inscrit donc pas dans un cadre de concurrence pure et parfaite, avec libre entrée sur le marché et pluralité d’offreurs. Le coût de mise sur le marché d’un médicament princeps, innovant, est largement supérieur à celui d’un médicament générique. En effet, la sécurité et l’efficacité de la molécule originale étant déjà prouvées, les firmes commercialisant un générique n’ont qu’à démontrer la bioéquivalence du produit (dans la plupart des pays). Les coûts de reproduction d’un médicament étant faibles, dans un modèle standard de concurrence, au prix marginal, les firmes ne seraient pas en mesure de rentabiliser les coûts de développement et ne s’engageraient donc pas dans cette activité d’innovation. Or, ces activités d’innovation engendrent des externalités positives, dans la mesure où les rendements sociaux sont supérieurs au rendement privé, et représentent ainsi une source importante de la croissance (Schumpeter, 1912, 1942), notamment par les retombées (spillovers) de ces activités de R&D sur l’ensemble de l’économie. Afin d’encourager et d’amortir ces activités de recherche et développement de l’industrie pharmaceutique, et par la suite d’inciter à l’innovation future, l’État met en place un système de protection par brevet, qui permet à l’innovateur de bénéficier d’avantages concurrentiels durables (Porter, 1993, 1998), en lui conférant une position de monopole . Si d’autres industries ont les mêmes caractéristiques, le médicament se distingue par un coût social plus important en cas de « mauvais médicament ». La structure de coût et la facilité d’imitation explique pourquoi la protection par le brevet, avec un système de rentes de monopole, est plus importante dans le secteur pharmaceutique que dans les autres (Cohen et al., 2000). Tout au long de la durée du brevet, la firme en monopole maximise ses profits en produisant la quantité pour laquelle la recette marginale est égale au coût marginal et fixe un prix supérieur au coût marginal. Le prix, régulé en France par le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS), tient compte des volumes de ventes attendus .

A l’expiration du brevet, l’entrée des médicaments génériques sur le marché fait passer le marché du médicament princeps d’une structure monopolistique à une structure plus concurrentielle, avec une baisse – encadrée – des prix. Des stratégies anti-concurrentielles peuvent alors émerger, comme le fait de créer une entente financière entre un laboratoire fabricant d’un princeps et des laboratoires fabricants de génériques, visant à retarder l’entrée des médicaments génériques sur le marché (pay for delay), ou de déposer des brevets secondaires peu avant l’expiration des premiers afin d’étendre la durée de protection du produit et d’accroître l’incertitude juridique des génériqueurs. En outre, certaines firmes pharmaceutiques sont présentes sur les deux types de marchés, innovant et générique.

Ainsi, l’offre sur le marché des produits pharmaceutiques se caractérise par un pouvoir de marché considérable pour les médicaments sous brevet et devient plus concurrentielle dès lors que le médicament tombe dans le domaine public et que les génériques entrent sur le marché.

Dans la plupart des pays, les firmes pharmaceutiques vendent leurs médicaments à des grossistesrépartiteurs ou des centrales d’achat (acheteurs en monopsone ), qui les revendent ensuite aux pharmacies de ville et d’hôpitaux. En France, la distribution du médicament mobilise quatre acteurs principaux : en amont, les producteurs (laboratoires pharmaceutiques), puis les grossistesrépartiteurs pharmaceutiques, et enfin les pharmacies hospitalières et d’officine. Les officines achètent les médicaments qu’elles dispensent, soit auprès des grossistes répartiteurs (80% des cas), soit directement auprès des entreprises pharmaceutiques ou de leurs dépositaires (c’est surtout le cas pour les médicaments génériques et les médicaments à prescription médicale facultative) (Autorité de la Concurrence, 2013). Depuis 2009, les officines peuvent mutualiser leurs achats de médicaments non remboursables par l’intermédiaire de centrales d’achats pharmaceutiques ou de structures de regroupement à l’achat. En 2006, quatre grossistesrépartiteurs dominaient le marché français . Toutefois, les grossistes répartiteurs qui ont disposé pendant de nombreuses années d’un quasi-monopole de distribution intermédiaire du médicament doivent faire face à la concurrence des groupements de pharmaciens et des laboratoires de médicaments génériques. En effet, face à la concentration des grossistesrépartiteurs, les pharmacies d’officine ont créé leurs propres groupements (dépositaires) (de Pouvourville et al., 2009). Les pharmacies sont ensuite le seul canal de distribution des produits pharmaceutiques (hors parapharmacie) aux patients. Dans de rares cas, dans l’intérêt de la santé publique, les pharmacies hospitalières délivrent des médicaments au public, au détail (traitements liés au VIH par exemple) : on parle alors de rétrocession.

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Table des matières

Introduction générale
1. Les dépenses de médicaments
2. Les caractéristiques du marché du médicament
2.1. Les caractéristiques de l’offre
2.2. Les caractéristiques de la demande
3. Modes de régulation du marché des médicaments remboursables
3.1. Les politiques de maîtrise des dépenses de santé
3.2. Le rôle central des médecins dans les dépenses de médicaments
4. Le marché des médicaments non remboursables : une problématique d’efficience
5. Questions de recherche
6. Plan de la thèse
Chapitre 1 Coût de l’ordonnance des médecins : peut-on caractériser les pratiques de prescription ?
1. Introduction
2. Revue de littérature
3. Données
3.1. L’enquête permanente de la prescription médicale
3.2. L’échantillon d’étude
3.3. Variables d’intérêt modélisées et niveaux d’analyse considérés
4. Approche exploratoire du coût des ordonnances dans l’EPPM
4.1. Les limites du coût moyen d’un traitement
4.2. Des case-mix assez différents entre médecins
5. Modélisation économétrique
6. Résultats
6.1. Sensibilité de l’identification des médecins à la méthode retenue d’ajustement au risque
6.2. Sensibilité de l’effet aléatoire médecin à la méthode retenue d’ajustement au risque
7. Discussion
8. Conclusion
Annexes
Annexe 1 : Échelle d’analyse statistique
Annexe 2 : Résultats de l’estimation des modèles multi-niveaux
Annexe 3 : Analyse des effets individuels médecins
Chapitre 2 Effet de la concurrence entre médecins généralistes sur la prescription de médicaments
1. Introduction
2. L’extraction du Sniiram à l’échelle médecin
2.1. Descriptif des données
2.2. Statistiques descriptives
3. Modélisation et résultats
3.1. Modélisation
3.2. Résultats
4. Discussion
5. Conclusion
Annexes
Annexe 1 : Les médecins de l’échantillon
Annexe 2 : L’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL)
Annexe 3 : Les quantiles de la variation de l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée entre 2011 et 2005
Annexe 4 : Résultats de l’estimation de l’évolution du nombre de consultations par patient et par médecin entre 2005 et 2011
Annexe 5 : L’échantillon des patients sédentaires dans l’EGB
Chapitre 3 Monopole officinal et concurrence en prix pour la délivrance des médicaments non remboursables : l’exemple français
1. Introduction
2. Données et analyse exploratoire des prix
2.1. Données
2.2. Analyse exploratoire des prix
2.2.1. Évolution des prix à la suite de la politique de déremboursement
2.2.2. Comportements de fixation des prix selon l’environnement concurrentiel
3. Stratégie empirique
4. Résultats
5. Discussion
6. Conclusion
Annexes
Annexe 1 : Les 30 présentations retenues
Annexe 2 : Variabilité des prix entre pharmacies à l’échelle des 30 médicaments
Annexe 3 : Les variables des modèles
Annexe 4 : Résultats des estimations du modèle logit multinomial en 2006, 2007 et 2008
Annexe 5 : Résultats des tests de robustesse
Conclusion générale
Bibliographie

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