Régulations tutorales par rapport a l’engagement interactionnel des apprenants

Variété des dispositifs

Pour situer mon dispositif et ses spécificités, il faut relater les différents dispositifs qui ont fait l’objet de nombreuses recherches, afin de montrer que le dispositif observé a une valeur pour la recherche.
Avant de présenter la variété des dispositifs, il est nécessaire de clarifier d’abord la notion de dispositif par rapport au contexte de la Formation À Distance (FAD).

Que veut dire un dispositif de FAD ?

Assaad (2016) explique que la formation à distance a traversé trois générations : les cours par correspondance (le support papier domine le mode de communication), les cours s’appuyant sur la technologie éducative (ex : la télévision et la vidéo) et aujourd’hui par les cours via l’internet. La définition de la Formation À Distance est à la fois complexe et à la fois lisible à la suite de dispositions de la loi du 12 juillet 1971 publiée par le service public de la diffusion du droit5 qui définit officiellement FAD comme ceci :
constitue un enseignement à distance l’enseignement ne comportant pas, dans les lieux où il est reçu, la présence physique du maitre chargé de le dispenser ou ne comportant une telle présence que de manière occasionnelle ou par certains exercices.
D’après Develotte, Kern et Lamy (2011), le développement de la formation à distance en temps moderne est étroitement lié aux outils de communication, lesquels peuvent être synchrone ou asynchrone et conçus pour l’utilisation de poste à poste ou en grand public. Un dispositif de communication à distance n’inclut pas obligatoirement les accès simultanés visuels et auditifs. Le courrier électronique, le forum de discussion (un système permettant aux membres d’échanger dans un groupe) et la messagerie instantanée (comme MSN et Messenger) constituent des modèles de communication médiatisée. La définition du dispositif de Peraya (Peraya, 1998-c, cité par 2000 : 4) est donnée en tant qu’exemple du dispositif contemporain :
Weisser (2010 : 294) explique que les dispositifs se distinguent à la fois par « la diversité de leurs méthodes d’enseignements » et « l’espace que l’élève est appelé à explorer pour construire le savoir visé par les dispositifs didactiques ». Par conséquent, les dispositifs variés de formation à distance se présentent ci-dessous en deux aspects : l’aspect formatif (ex. : l’objectif pédagogique, le scénario du cours, etc.) et l’aspect spatial virtuel (ex. : les modes utilisés, la structure de langue : poste à poste, l’environnement numérique synchrone ou asynchrone).

Revue de littérature sur les dispositifs

Afin de situer le dispositif étudié dans ce mémoire, nous présenterons les dispositifs à distance d’abord en s’appuyant sur le critère du temps (synchrone/ asynchrone).

En mode asynchrone

Le campus numérique Canufle (Campus numérique de Fle – Français langue étrangère) : ce dispositif est le premier campus numérique de FLE mis en place par l’université Grenoble Alpes avec le Centre national d’éducation à distance (Cned). Il est destiné à un grand public, des apprenants de formation initiale et continue pour une large part basée à l’étranger, qui comptait 1100 inscrits en 2000-2001. (Develotte & Mangenot, 2004). Ce cursus permet de se préparer à enseigner le français à des publics non francophones en France comme à l’étranger. La modalité du tutorat est essentiellement réactive. Ainsi, les enseignants n’anticipent ni suffisamment les questions ni suffisamment le besoin des apprenants. (Celik, 2008). L’échange pédagogique est asynchrone textuel sur un forum.
Français en 1e ligne6 (2005-2006) (F1L) à l’université Grenoble Alpes : ce dispositif s’intègre à un cours « Ingénierie de la FOAD » qui appartient au cursus de Master 2 FLE ayant pour but de former les tuteurs-apprentis. Ces derniers prennent en charge de la conception des activités en ligne en s’appuyant sur un forum de Moodle. Les échanges sont essentiellement asynchrones en écrit public entre le tuteur (un ou deux) et un groupe d’apprenants (entre 4 et 8 apprenants) (Salam, 2011).

En mode asynchrone et synchrone

Les dispositifs du Mooc (Massive Open Online Courses) : les cours du Mooc sont caractérisés par un enseignement « massif » (Assaad, 2016 : 13). La discussion entre les participants a souvent lieu sur des forums par écrit asynchrone, « chaque apprenant donne son point de vue sur un sujet, lit ce que les autres ont produit, mais n’interagit pas vraiment avec ses pairs » (Dejean & Mangenot, 2006 ; cité par Chotel, 2017 : 127).
L’interaction synchrone existe dans un Mooc, néanmoins « les échanges synchrones en visio-conférence et quasi-synchrones par chat, sont considérés comme des aides » (Chotel, 2017 : 128).

En mode synchrone

Français en 1e ligne (2008- 2009) à l’université Lyon 2 : ce dispositif est proposé en vue de former des élèves en Master 2 FLE apprentis-tuteurs (Français langue étrangère). Les apprentis-tuteurs doivent concevoir des tâches dans le but principal d’amener les apprenants à s’exprimer à l’oral. Les cours se donnent par visioconférence de poste à poste sur le logiciel Skype. Chaque tuteur prend en charge un binôme d’apprenants américains. L’échange est synchrone à l’oral et à l’écrit pendant quarante minutes (Dejean-Thircuir & al., 2010).
Le dispositif du projet ISMAEL (2013) (InteractionS et Multimodalité dans l’Apprentissage et l’enseignement d’une Langue) : ce projet est destiné à l’étude sur les spécificités de l’enseignement de l’oral en ligne. Les cours ont lieu entre l’université de Lyon 2 et Dublin City University en visioconférence ce qui permet aux inter-actants d’utiliser le langage verbal, corporel, écrit et pictural. Les apprentis-tuteurs en FLE Master 2 prennent en charge six séances pédagogiques de 35 minutes. La structure de l’échange est un tuteur vers deux apprenants (Dejean, 2017).
Le projet de Copéas (Communication Pédagogique en environnement orienté Audio Synchrone) : Ce dispositif est conçu par L’université de Franche Comté et des collègues de l’Open University. Le programme a deux objectifs généraux : une linguistique, l’autre professionnel. Le premier est de donner aux apprenants l’occasion d’aborder en anglais différentes notions, puis le second est de développer les compétences orales nécessaires lors d’un travail collaboratif à distance, avec des locuteurs aux niveaux d’anglais forts hétérogènes (Chanier & Vetter, 2006).
Dans ce dispositif, un tuteur envisage un groupe d’apprenants (14 apprenants) pour des activités sans suivi de tuteur dans des salles annexes d’une heure à une heure et demi. Les échanges sont à l’oral et à l’écrit sur la plateforme Lyceum qui « permet de clavarder à plusieurs mais limite l’utilisation de l’audio à un nombre très restreint d’interlocuteurs » (ibid. : 67).
F1L (2006-2007) à L’université Lumière Lyon 2, ISMAEL (2013) et Copéas sont tous les trois en mode synchrone. Néanmoins, ces dispositifs ressemblent moins à un cours en présentiel que le dispositif étudié (voir la section 5.3 pour la présentation du dispositif étudié). Tout d’abord, la structure de l’échange du F1L est comme celle de ISMAEL, un tuteur interagissant avec deux apprenants, ce qui n’est pas le cas dans un vrai cours en présentiel. Ensuite, même si Copéas compte 14 apprenants, il s’agit d’activités sans suivi de tuteur dans des salles numériques annexes.
Par conséquent, le dispositif étudié abordant la structure de l’échange d’un tuteur interagissant avec un grand groupe d’apprenants en mode synchrone, un suivi de tutorat tout au long du cours graphique-audio-viso centré sur la compétence linguistique, ressemble plus à une situation de classe en présentiel. Nous aborderons la thématique de la culture éducative qu’il importe de prendre en compte pour analyser le fonctionnement d’un tel dispositif d’un point de vue pédagogique et interactionnel, afin de justifier l’hypothèse principale émise concernant le fait que l’engagement interactionnel des apprenants reste très limité dans le dispositif observé.
Le but de ce chapitre est d’expliquer pourquoi l’enseignement en Chine se fonde sur une approche traditionnelle comme sur le terrain observé, quelles sont les caractéristiques de la méthodologie traditionnelle et à quel point il est difficile pour l’apprenant chinois de prendre la parole dans la classe, non seulement du fait de choix méthodologiques, mais aussi à cause de la société communautaire et des pensés traditionnelles culturelles.

Apprentissage de la langue influencée par la culture éducative

Dans notre terrain de recherche, l’enseignant et l’apprenant sont tous chinois, ils partagent la même culture éducative qui est « souvent fortement marquée par le lieu géographique et national », selon Cicurel (2011 : 189). « La culture éducative » est « l’ensemble des comportements, images, valeurs, transmis par inculcation, imitation, formation qui sont liés aux actes d’enseignement/ apprentissage » qui est déterminée par « le poids des facteurs nationaux, linguistiques, ethniques, sociologiques et éducatifs » (ibid. :188). Elle influence la transmission des savoirs, les représentations et les habitus dans la relation pédagogique, expliqué par Cortier (2005). Elle a un impact non seulement sur l’agir professoral, mais aussi sur l’apprentissage de l’apprenant.
Pour comprendre la culture éducative chinoise, il faut revenir à l’époque du confucianisme, il y a plus de 2000 ans. Le mot apprentissage (学习) se compose de deux caractères « 学 » et « 习 ». Le premier signifie imitation et le deuxième signifie révisions ou exercices dans l’antiquité (Zhihong, 2011 : 40). Ainsi, l’apprentissage doit passer par une répétition en s’appuyant sur des exercices, qui suit toujours des processus précis et cibler toujours un objectif concret. C’est la raison pour laquelle, les apprenants chinois préfèrent apprendre la grammaire et le vocabulaire sans production orale ni écrite, c’est là où l’accent est mis lors des examens en Chine (Cortazzi & Jin, 1996).Jusqu’à aujourd’hui, ils poussent l’enseignant à enseigner la grammaire à cause de leurs habitudes d’apprentissage, même si l’examen à préparer ne se focalise pas sur la grammaire : « ils me poussent les Chinois + il me pousse encore à faire de la grammaire et […] on va faire un exercice de grammaire ils auraient été aux anges » cité dans un corpus de verbalisation par Cicurel (2011 : 222).

La méthodologie traditionnelle

La méthodologie traditionnelle s’étale sur l’époque du latin jusqu’à aujourd’hui (Cuq, 2003). Cuq et Gruca (2005 : 254) synthétisent la méthodologie traditionnelle comme l’ensemble de méthodologies se basant sur les méthodes de « grammaire-traduction » ou de « lecture-traduction », en dépit de leurs utilisations variées dans les cours. Ces méthodes ont pour caractéristiques l’emploi de la « langue normative », « le recours à [la] traduction », « l’importance de la littérature » et « l’importance [accordée] à la grammaire » (ibid. : 254). L’enseignement est centré sur la grammaire-traduction (Wang, 2013).
En ce qui concerne la traduction, l’enseignement de langue part de la langue maternelle et va vers la langue seconde (ou vice versa) dont la conception est issue de celle du latin et du grec : acquérir une discipline mentale (Germain, 1993). Autrement dit, l’apprentissage de la langue cible est considéré comme un processus qui sert à développer la mémoire de l’apprenant. Un des objectifs pédagogiques est de former de bons traducteurs de la langue écrite littéraire (ibid.). L’apprenant doit trouver la meilleure version de la traduction, car le « bon usage » de la langue est un critère important dans l’oral et l’écrit (ibid. : 255).
En ce qui concerne la grammaire, l’enseignement est explicite, c’est-à-dire que l’enseignant donne les raisonnements d’emploi avec le métalangage : « pourquoi », « quand » et « comment » (Cuq & Gruca, 2005 : 255). Plus l’on est dans une approche traditionnelle, plus la présence du métalangage est importante dans la classe (Fougerouse, 2001). De plus, la grammaire explicative est traditionnellement déductive (Cuq & Gruca, 2005), le schéma du déroulement est de partir de l’énonciation des règles données par l’enseignant et de finir par des exercices d’application. Les apprenants pratiquent des exercices systématiques structuraux de manière guidée et intensive pour améliorer leur mémorisation sur les objets pédagogiques (Cuq, 2003). De ce fait, le cours se focalise sur la forme de la langue, la communication est très négligée.
En cas pratique en Chine, l’éducation chinoise met encore l’accent sur l’activité mentale au lieu de la mettre sur l’activité verbale dans l’apprentissage de langue, c’est-à-dire que réfléchir sur ce que le professeur enseigne est plus important que dire.
Pendant les années 90 et aujourd’hui encore, on peut observer dans les écoles des leçons de quarante-cinq minutes […] des cours d’écriture chinoise qui suivent tous le même schéma : l’enseignant donne un modèle, l’enfant calque, copie, imite et mémorise les caractères écrits. Les enfants tiennent souvent le même manuel, de la même manière, ouvert à la même page, le lisant en choeur à voix haute. Il s’agit là essentiellement d’un modèle d’apprentissage mimétique de transmission du savoir par le maître (Jin &Cortazzi, 2009 : 50).
« L’objectif principal de l’enseignement des langues en Chine est de construire une compétence linguistique, considérée comme seule connaissance académique valable » (Cortier, 2005 : 481), il y a peu d’activité didactique personnalisée mise en place. La méthode pratiquée est caractérisée par « l’accent traditionnellement mis sur la grammaire, le vocabulaire » (Jin & Cortazzi 2009 : 51) et par un ordre d’importance parti du plus important la traduction jusqu’au moins important l’expression orale (ibid.).
L’enseignement reste très transmissif (Zhihong, 2011 : 43), la planification de l’enseignant a un poids conséquent (Bruter, 2008). L’enseignant se place au centre du dispositif éducatif (Zhihong, 2011 ; Jin & Cortazzi, 2009). La méthodologie traditionnelle aborde.

Participation interactionnelle des apprenants influencée par la culture éducative

En ce qui concerne l’interaction entre l’apprenant et l’enseignant, Germain (1993 : 104) signale que les apprenants chinois « n’[ont] pratiquement aucune initiative » dans le cours. Ils préfèrent « qu’on [leur] demande de répondre à une question plutôt que d’en lancer une7 » (Cortazzi & Jin 1996. : 37). Même si les enseignants occidentaux invitent les apprenants chinois à prendre des initiatives, « ils étaient réellement conscients du fait qu’ils ne posaient pas de questions8 » (ibid. : 36). Ce résultat est encore confirmé dans l’étude menée en 2009 par les mêmes auteurs.
En effet, la relation pédagogique traditionnelle en Chine est sous une forme d’autorisation, car la position d’autorité de l’enseignant est incontestée en Chine (Cortazzi et Jin, 1996). Cortier (2005 : 481) cite les deux dictons respectés : « Celui qui enseigne un jour est considéré toujours comme père des sévères » (一日为师终生为父) et « un élève excellent est sorti de la classe d’un enseignant sévère » (严师出高徒), pour expliquer le poids de la tradition.
Ensuite, quand un apprenant pose une question, cela peut signifier la manifestation de sa méfiance envers l’enseignant et son incapacité à comprendre l’explication de l’enseignant, puisque « la plupart des apprenants chinois pensent que ce que disent les livres et les professeurs est juste. Ils apprennent seulement à l’accepter mais pas à le remettre en question »9 (ibid. :39) L’étude faite en 2009 par Jin et Cortazzi (2009 : 58) montre qu’un « bon » étudiant est représenté comme celui qui doit « manifester du respect, être à l’écoute et attentif à l’enseignant et essayer de le comprendre » (op.cit.).
L’apprenant chinois préfèrent ne pas poser la question, c’est encore à cause d’un caractère d’être de la société chinoise : avoir peur de perdre la face. Ils ont peur que les autres se moquent d’eux quand ils posent une question facile (ibid.). En revanche, poser une question à laquelle l’enseignant n’arrive pas à répondre en cours, fait perdre la face à l’enseignant, ce qui signifie une mauvaise action faisant preuve d’égoïsme d’après les Chinois (Cortazzi & Jin, 1996 : 40).
En ce qui concerne l’interaction entre les apprenants, les apprenants chinois ne sont pas assez actifs en général : « ils communiquent très mal entre eux+ tout leur attention est portée sur le professeur+ » (une verbalisation d’un enseignant français cité par Cicurel, 2011 : 214-215) et « ils ne voulaient pas travailler en groupe, ils préféraient le travail de classe ou le travail individuel »10 (Cortazzi & Jin, 1996 :23). C’est parce que rester dans le silence entre camarades est considéré comme un bon comportement ce qui prouve qu’ils se focalisent sur l’enseignant au lieu d’être distraits par les autres (ibid.). De plus, l’apprenant trouve qu’il est plus efficace s’il travaille tout seul qu’il le fait avec les autres (ibid.).
Par conséquent, la représentation de l’enseignant en Chine, le fait de craindre de perdre la face ou de faire perdre la face, ainsi que l’envie de se focaliser sur l’enseignant, font que les apprenants préfèrent rester silencieux pendant le cours. De plus, le poids des traditions engendre le choix de la méthodologie traditionnelle. Les apprenants chinois ont un rôle passif, leur engagement interactionnel est en général assez limité. C’est la raison pour laquelle nous étayons l’hypothèse concernant le fait que l’engagement interactionnel des apprenants reste très limité. Il y a peu d’apprenants qui prennent la parole dans le dispositif observé.

L’interaction pédagogique à distance

Dans ce chapitre, afin de clarifier que l’interaction à distance exige l’attention des apprenants, surtout quand l’interaction a lieu sur une plateforme multimodale, nous expliquerons d’abord la notion de la multimodalité, puis, le phénomène de la poly-focalisation qui est mis en place en expliquant sa relation avec la multimodalité et le mode spatial.
Cette exigence du niveau d’attention augmente un degré d’incertitude de l’interaction pédagogique qui est une situation dynamique. Ainsi, il est important de présenter le rôle du tuteur : le rôle régulateur pédagogique face à cette incertitude et de présenter la position du tuteur dans l’interaction pédagogique, afin de pouvoir étayer l’hypothèse concernant le fait que le tuteur les aide à suivre la conversation pédagogique.

Interaction pédagogique à distance : une communication médiatisée exigeant l’attention des locuteurs

En Sciences du langage, la communication est un transfert d’informations réalisées dans le cercle d’un message entre un émetteur et un récepteur, et un système multicanal comprenant des codes verbaux, kinésiques, et des techniques telles que l’écriture, ou l’informatique (Cuq, 2003). Toutes les communications sont médiatisées (Peraya, 2000), car la communication se fonde sur un système de représentations, telle qu’une expression comme poser un lapin, par laquelle la culture française est médiatisée.
Donc, il faut bien préciser que le terme employé la communication médiatisée est différent de celui dans la communication face à face. Cette étude adopte la définition de Susa Herring (2000) reprise par Vincent (2012 :20) : « une communication qui est médiée par ordinateur, réalisée par deux ou plusieurs personnes, constitue une communication médiatisée ».

Du mode à la modalité et la multimodalité de la communication médiatisée

Comme la communication face à face est médiatisée par un artefact technologique, la communication médiatisée inclut la multimodalité de la communication face à face et la multimodalité médiatisée, la communication médiatisée est complexe au niveau cognitif.
En premier lieu, la communication face à face est déjà multimodale avant d’être médiatisée. Le mode fait référence aux réceptions d’informations humaines (le toucher, la vue, l’odorat, le goût) et à l’émission d’informations (le geste et la parole) (Bellik & Teil, 1992). C’est la façon de véhiculer les messages, le mode, qui rend l’information visuelle, sonore ou gestuelle. Le mode se réfère également à des formes concrètes comme le bruit, la musique et la parole. Dès lors que plusieurs modes y participent, la communication est multimodale.
En second lieu, après avoir médiatisé la communication, il importe de distinguer d’abord le mode avec un autre thème fréquent le canal dans le secteur d’Humain-machine.
Vincent (2012) relate une métaphore de la relation entre le tuyau et les robinets de ce tuyau, pour mieux expliquer le canal, et le mode. Les canaux sont comme des tuyaux qui existent dès l’utilisation prescrite dans lesquels la communication pourrait avoir lieu. Ces canaux sont bi-directifs, les participants émettent ou reçoivent des informations. Par exemple, le canal vidéo, le canal audio, et le canal du chat. Il existe au moins deux modes dans un canal vidéo : le mode oral et le mode visuel. Avec un tuyau équipé d’au moins deux robinets, l’utilisateur pourrait faire le choix d’ouvrir ou fermer tel ou tel robinet. La communication se forme par un système de signes qui donnent du sens dans un contexte, tels que le mode audio, le mode visuel et le mode textuel (Brandt, 2018). Ce système possède une grammaire (un système de code de signes) afin de transmettre le sens en organisant les modes (Vetter & Chanier, 2006). Il existe le mode icone, le mode textuel, le mode visuel, ainsi que le mode spatial lié à la gestuelle et au changement de la salle numérique (ibid.). Ainsi, la communication médiatisée est multimodale. Pourtant, entre des chercheurs, l’utilisation du terme mode n’a pas obtenu un consensus.
En ce qui concerne la modalité, dans le cas d’un matériel ou d’un système concret, elle sert à réaliser le mode (Vetter & Chanier, 2006). Une modalité pourrait réaliser un ou plusieurs modes (ibid.). Ainsi, la modalité clavardage peut servir au mode textuel, la modalité audio peut servir au mode musique et au mode parole. Selon Mangenot et al. (2006), la plupart des outils fournissant une modalité principale avec des modalités secondaires est dénommée outil multimodal. Lorsqu’il s’agit d’un mode réalisé par plusieurs modalités ou qu’il s’agit de plusieurs modes participant à la communication médiatisée (comme sur le terrain observé), l’interaction à distance ayant lieu est ainsi multimodale (Mangenot et al., 2017)

Poly-focalisation issue du niveau cognitif et social

Vetter et Chanier (2006) constatent que les apprenants cherchent à minimiser le nombre de modalités et de modes pour diminuer le niveau de la poly-focalisation dans la conversation en ligne fortement multimodale. En effet, les niveaux de la multimodalité des conversations sont différents. Develotte et al (2011 : 19) présentent une fourchette allant des « conversations en ligne (CL) faiblement multimodales » aux « conversations en ligne fortement multimodales ». Un échange qui ne dépend que de l’écrit, incluant plusieurs modalités comme la modalité linguistique et la modalité iconique, est faiblement multimodal. En revanche, les CL constituées de modalités visuelles, auditives, scripturales, sont plus multimodales que l’échange écrit. De ce fait, le dispositif étudié reposant sur la plateforme multimodale CCtalk se situe du côté de la conversation en ligne fortement multimodale (voir la section 5.3 pour la présentation de CCtalk). Ce haut niveau de la modalité des conversations en ligne pourrait constituer une surcharge cognitive. Il est alors difficile de suivre la conversation pédagogique en cours pour les apprenants.
La poly-focalisation n’est pas engendrée seulement par la multimodalité mentionnée ci-dessus, mais aussi par le mode spatial qui est spécifique à la communication à distance.
Le mode spatial est lié à la gestuelle et au changement de lieu. Tout d’abord, Le mode virtuel et le monde real sont le prolongement l’un de l’autre (Jones, 2004). C’est la raison pour laquelle dans la formation en ligne l’attention de l’apprenant est facilement divisée entre différentes activités dans la vie réelle. Par exemple, l’apprenant pourrait écrire des notes sur papier en poursuivant le cours en ligne.
Ensuite, une fois entré dans une salle virtuelle de la plateforme, il y a plusieurs cadres se situant sur la surface de cette plateforme qui peuvent être utilisés en même temps sur l’écran (Vetter & Chanier, 2006). Par exemple, une surface de la plateforme CCtalk se compose d’un cadre pour clavarder, d’un cadre pour diffuser les chats et d’un cadre de vidéo. Bien que les participants aient sous les yeux la même surface de la plateforme en se trouvant dans la même salle, ils peuvent rencontrer une situation de quiproquo dans laquelle certains se focalisent sur un des cadres de cette surface (ex. : chat), tandis que les autres ne regardent pas le même cadre (ex : TBI) (ibid.).
Bien que les locuteurs se focalisent sur le même cadre dans cette surface, il s’agit toujours d’un choix personnel à considérer telle ou telle partie comme texte ou paratexte selon l’individu, expliqué par Peraya (2000). Par exemple, quand tout le monde se focalise sur le cadre de TBI où le diaporama diffusé, le choix de texte de l’apprenant (ex. : la question) pourrait ne pas être identique à celui de l’enseignant (ex. : l’item de la question).
La possibilité de faire plusieurs choses en même temps derrière l’écran ou sur l’écran est l’un des éléments qui augmente la motivation de l’apprenant à choisir la formation à distance (Jones, 2004). Dans ce cas, l’apprenant ne cherche pas qu’à éviter la poly focalisation, il cherche à la renforcer dans une certaine mesure (ibid.). Cela rend la communication plus difficile à suivre, d’autant plus que la focalisation de la communication est sociale, car il s’agit du nombre de locuteurs et du destinataire de la parole (Vetter & Chanier, 2006). Néanmoins, les énoncés ne comprennent pas souvent le nom des destinataires dans la communication à distance.

L’engagement comportemental

Des chercheurs définissent cette dimension en termes de conduite positive, à savoir : respecter des règles scolaires données (arriver à l’heure, ne pas troubler la classe, la présence en classe), écouter les autres lorsqu’ils prennent la parole, ainsi qu’achever des devoirs (Labbé & Dubé, 2010 ; Fredricks & McColskey, 2012).

L’engagement cognitif

Il s’agit de l’apprentissage de l’apprenant, au niveau cognitif et métacognitif (Parent, 2014). Sur le plan cognitif, il s’agit du savoir enseigné (Brault-Labbe & Dubé, 2010). Les indicateurs renvoient « aux niveaux de défi recherché » par les apprenants (ibid. :81). Ils se manifeste par des efforts fournis comme le fait de poser des questions sur des savoirs à apprendre et de demander de l’aide afin d’achever l’activité (Bouvet et al., 2017). Au niveau métacognitif, il s’agit des stratégies développées pour atteindre le but de l’apprentissage avec des raisonnements de « coût-bénéfice » (Brault-Labbé & Dubé, 2010 : 81), c’est-à-dire la manière la plus efficace d’après l’apprenant.
Hormis des nuances entre les auteurs quant aux révélateurs de chaque dimension, la notion de l’engagement est souvent confondue avec la notion de motivation. La relation entre ces deux notions est relativement ambiguë (Bouvet et al., 2017).
D’un côté, certains auteurs mettent la motivation et l’engagement en parallèle, tel que Tardif (1991 : 91, cité par Bourgeois, 2011 : 34) soulignant que « dans le cadre de la psychologie cognitive, la motivation scolaire est essentiellement définie comme l’engagement, la participation et la persistance de l’élève dans une tâche ».
De l’autre côté, plusieurs auteurs considèrent que la motivation est sous-jacente à l’engagement de l’apprenant (Fredricks & McColskey, 2012). Parent (2014), quant à lui, définit l’engagement en clarifiant les différences entre l’engagement et la motivation comme ceci :

Engagement interactionnel

Pour que l’interaction puisse avoir lieu, « la prise en compte du dire d’autrui » est la condition indispensable (Leblanc, 2002 : 12). Puisque, « la nature co-constructive de l’interaction est pertinente pour toute interaction11 » (Dings et al., 2007 : 5), l’interaction pédagogique est une situation de co-construction. La co-construction est définie par Jacoby et Ochs (1995 : 171) de la façon suivante :
Création conjointe d’une forme, d’une interprétation, d’un point de vue, d’une action, d’une activité, d’une identité, d’une institution, d’une compétence, d’une idéologie, d’une émotion ou de toute autre réalité culturellement significative (Traduit de l’anglais par Dejean, 2017 : 155).
Comme « les énoncés respectifs des locuteurs [sont] mutuellement déterminés » (Kerbrat-orecchioni, 1990 : 197 ; cité par Calas, 2006 :393) dans un dialogue, pour s’engager dans l’interaction, il est nécessaire d’écouter d’abord, puis de prendre la parole en gardant la cohérence sémantique (la signification des mots), syntaxique (l’ensemble des règles) et sémiotique (représentation de signes) avec la parole d’autrui. Il s’ensuit que « la langue vue comme une interaction sociale et non comme un système grammatical abstrait12 », (Dings, et al., 2007 : 2), l’interaction fait référence à l’intention de la négociation du sens (Long, 1983). Par conséquent, le locuteur a pour but de faciliter la compréhension afin d’atteindre une intercompréhension dans la communication (ibid.).
Dans un premier temps, les interactions entre les locuteurs n’ont que deux buts, à savoir : « (1) éviter les problèmes de conversation, et (2) réparer le discours lorsque des problèmes surviennent13 » (ibid. :131). Cinq ajustements conversationnels à savoir : « les demandes de confirmation », « les demandes de clarification », « les vérifications de la compréhension » et « les auto-et hétéro-répétitions » ainsi que « les corrections », sont identifiés par Dejean et Sarré (2017 : 154). Leblanc (2002 : 134) souligne que « les corrections » relèvent typiquement de l’engagement du cadre de l’apprentissage (cognitif).
Dans un deuxième temps, Dings et les autres auteurs (2007 : 26) expliquent que « par l’alignement, les interlocuteurs montrent qu’ils se comprennent l’un l’autre et qu’ils se sont compris14 ». Jacoby et Ochs (1995) mentionnent que dans la co-construction, l’alignement révèle la capacité du locuteur à traiter les informations de l’autre, à adopter les points de vue de l’autre, et à ne pas être d’accord avec l’autre.

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Table des matières
Introduction 
Partie 1 – Cadrage théorique 
CHAPITRE 1. VARIETE DES DISPOSITIFS 
1.1 QUE VEUT DIRE UN DISPOSITIF DE FAD ?
1.2 REVUE DE LITTERATURE SUR LES DISPOSITIFS
CHAPITRE 2. CULTURE EDUCATIVE 
2.1 APPRENTISSAGE DE LA LANGUE INFLUENCEE PAR LA CULTURE EDUCATIVE
2.2 PARTICIPATION INTERACTIONNELLE DES APPRENANTS INFLUENCEE PAR LA CULTURE EDUCATIVE
CHAPITRE 3. L’INTERACTION PEDAGOGIQUE A DISTANCE 
3.1 INTERACTION PEDAGOGIQUE A DISTANCE : UNE COMMUNICATION MEDIATISEE EXIGEANT L’ATTENTION DES LOCUTEURS
3.2 POSITION ET ROLE DE REGULATEUR DU TUTEUR DANS L’INTERACTION PEDAGOGIQUE A DISTANCE
CHAPITRE 4. L’ENGAGEMENT DE L’APPRENANT ET SES INDICATEURS 
4.1 NOTION D’ENGAGEMENT
4.2 ENGAGEMENT INTERACTIONNEL
Partie 2 – Méthodologie 
CHAPITRE 5. LE CONTEXTE 
5.1 FORMATION EN LANGUE EN LIGNE EN CHINE
5.2 L’INSTITUT PRIVE DE LANGUE
5.3 PRESENTATION DU DISPOSITIF OBSERVE
CHAPITRE 6. RECUEIL ET TRAITEMENT DES DONNEES EMPIRIQUES 
6.1 TRANSCRIPTION DES INTERACTIONS VERBALES
6.2 ENTRETIEN AVEC LE TUTEUR
6.3 QUESTIONNAIRE DESTINE AUX APPRENANTS
6.4 OUTILS METHODOLOGIQUES ET RAPPEL DES HYPOTHESES DE RECHERCHE
Partie 3 – Cadrage d’analyse 
CHAPITRE 7. L’ENGAGEMENT INTERACTIONNEL DES APPRENANTS 
7.1 TAUX DES PARTICIPANTS EN COURS PARMI LES PRESENTS
7.2 LONGUEUR DES TOURS DE PAROLE
7.3 QUALITE DE L’ENGAGEMENT INTERACTIONNEL DES APPRENANTS
7.4 L’INTENSITE DE L’ENGAGEMENT INTERACTIONNEL DES APPRENANTS
CHAPITRE 8. REGULATIONS TUTORALES PAR RAPPORT A L’ENGAGEMENT INTERACTIONNEL DES APPRENANTS 
8.1 ATTITUDE DE DA ENVERS L’ENGAGEMENT INTERACTIONNEL
8.2 DIFFICULTES DE L’INTERACTION A DISTANCE ET STRATEGIES PREVUES POUR CELLES-CI
8.3 CONDUITE TUTORALE FAVORISANT L’ECOUTE DES APPRENANTS
8.4 CONDUITE TUTORALE FAVORISANT L’ENGAGEMENT INTERACTIONNELLE AU NIVEAU AVANCE DES APPRENANTS
Conclusion 
Bibliographie 
Sitographie 
Sigles et abréviations utilisés 
Table des illustrations 
Table des matières 

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