Régulation et fonctions du gène NF1

Historique

Bien que la description princeps en 1882 de la neurofibromatose de type 1 soit communément attribuée au médecin allemand Friedrich Daniel Von Recklinghausen, des descriptions anatomo-cliniques antérieures semblent correspondre à la même entité. En 1803, Louis Odier utilisa pour la première fois le terme de « neuromes » en décrivant des tumeurs cutanées dans son « Manuel de médecine pratique » [68]. En 1829, William Wood relate les caractéristiques anatomo-cliniques des neurofibromes chez 24 patients [3]. En 1863, Rudolph Virchow proposa pour la première fois une classification histologique des neurofibromes [3]. En 1882, son élève Friedrich Von Recklinghausen décrivit un syndrome de tumeurs cutanées et sous cutanées qu’il baptisa « neurofibromatose» [77]. Depuis lors, la neurofibromatose est plus connue sous le nom de maladie de Von Recklinghausen.

Une des images les plus historiques de la maladie de Von Recklinghausen est celle de Joseph Carey Merrick, connu sous le nom de « Elephant Man » (« homme éléphant ») (figure2) en raison des difformités extrêmes de son corps [90]. Les difformités de Joseph Merrick étaient alors associées à la maladie de Von Recklinghausen. Cependant en 1986, Tibbles et Cohen démontrent que le cas de John Merrick était en réalité le syndrome de Protée [88].

En 1900, Thomson met en évidence la nature héréditaire de la neurofibromatose. Ce qui a été confirmé par Adrian puis par Priesen et Davenport en 1918 [3]. En 1982, Riccardi proposa une classification de la neurofibromatose en 8 types en fonction des manifestations cliniques propres et du type d’hérédité (annexe 1) [79]. En 1987, le gène de la NF1 a été identifié sur le chromosome 17 par Barker et localisé sur le locus 17q11.2 en 1990 [8]. En 1988, la conférence de consensus du National Institute of Health de Bethesda (USA) établit les critères cardinaux pour le diagnostic de la NF1 [64]. En 1999, l’étude Nielsen a conclu que l’inactivation de gène CDKN2A/p16 est responsable de la transformation maligne des neurofibromes [3]. En 2010, Turbyville démontre que la Schweinfurthine A inhibe la croissance des cellules tumorales dans la NF1 . En 2012, Chaudhary montre l’efficacité de la thérapie métronomique dans le traitement des tumeurs dans la neurofibromatose lorsque la chimiothérapie ne fonctionne pas .

Génétique

Description du gène NF1 

La neurofibromatose de type 1 est une maladie à transmission autosomique dominante. Le gène NF1, responsable de la maladie, est localisé sur le bras long du chromosome 17 en 17q11.2 [8, 51]. Il s’agit d’un gène de grande taille formé de 60 exons s’étendant sur plus de 350 KB dans la région péricentrométrique. Il existe deux allèles issus du gène NF1 [5, 51, 54, 74]. Le gène NF1 a la particularité d’englober trois autres gènes. Cependant ces gènes ne semblent pas intervenir dans la physiopathologie de la maladie [13, 36, 96].

Expression du gène NF1 

Le gène NF1 code pour la neurofibromine une protéine cytoplasmique de 2818 acides aminés appartenant à la famille des protéines GAP (GTP Activating protein). Il est exprimé de manière ubiquitaire dans le cerveau, les testicules et les glandes adrénergiques [22, 23, 74]. Cependant il a été démontré que la neurofibromine est produite de manière plus abondante dans les neurones, les astrocytes, les cellules de Schwann, les oligodendrocytes, les leucocytes, et accessoirement dans les mélanocytes et les kératinocytes [23]. Certaines régions du système nerveux central semblent exprimer plus fortement le gène NF1 : le bulbe olfactif, le noyau olfactif antérieur, le cortex piriforme, les neurones « moteurs », l’hippocampe, la substance noire, les cellules de Purkinje et plus faiblement les cellules des ganglions des racines dorsales et de la région frontale corticale [23]. Par ailleurs, il a été noté une différence d’expression au cours du développement embryonnaire [53].

Rôle de la neurofibromine

La neurofibromine comporte un domaine nommé GRD (GAP-Related Domain). Le rôle principal des protéines GAP est de réguler l’oncogène Ras, en le faisant passer de sa forme activée à sa forme inactive [58]. Ce switch moléculaire joue un rôle important dans la croissance et la différenciation cellulaire [12]. La perte de la neurofibromine par mutation du gène NF1, induirait un déblocage du cycle cellulaire et donc l’activation des mitoses. La NF1 est donc une prédisposition au développement de tumeurs, en particulier les tumeurs malignes de la gaine nerveuse périphérique (MPNSTs) .

Régulation et fonctions du gène NF1

Le gène NF1 a un taux de mutation spontanée extrêmement élevé [61, 82]. Il est généralement admis que toutes les cellules comportent une mutation constitutionnelle non encore identifiée. Une seconde mutation est nécessaire pour initier la formation tumorale. De nombreuses explications plausibles existent quant à l’origine ou la nature des mécanismes responsables d’une deuxième mutation induisant la prolifération cellulaire bénigne. Une méthylation ou une répression transcriptionnelle sans mutation véritable pourrait inactiver le gène NF1 [14, 34, 59, 61, 93]. Les mutations du gène NF1 sont le plus souvent des mutations décrites dans une seule famille, se répartissant uniformément sur l’ensemble du gène [59, 61]. Selon la base de données des mutations du génome humain (HGMD), plus de 1 200 mutations pathogènes ont été décrites dans le gène NF1 [39].

La recherche de l’origine parentale des mutations a fait apparaître que les mutations de type grande délétion auraient plutôt une origine maternelle prédominante et que les néo mutations ponctuelles du gène auraient une origine paternelle dans 90 % des cas. Il n’a pas été noté une influence de l’âge maternel dans l’apparition de ces néo mutations. Certaines variations phénotypiques pourraient refléter la diversité des mutations du gène NF1 bien que jusqu’à présent, les tentatives de corrélation phénotype-génotype ont été infructueuses. Il est actuellement admis que le type de mutation n’explique pas à lui seul la très grande hétérogénéité d’expression de la maladie [30]. Cette dernière pourrait être expliquée par l’existence de gènes modificateurs, modulant l’expression du gène NF1. Mais aucun gène modificateur n’a actuellement été identifié pour la NF1 [39, 82].

Embryologie

La formation du tissu nerveux ou neurulation débute au 20ème jour du développement embryonnaire et s’achève le 29ème jour. Elle est contrôlée par l’action inductrice du mésoblaste. A la fin de la troisième semaine embryonnaire, l’embryon est ovoïde et tridermique avec trois feuillets : l’ectoblaste, le mésoblaste et l’endoblaste [47]. Vers le 20ème jour de vie embryonnaire, l’ectoblaste dorsal et médian se différencie dans les deux-tiers crâniaux en une plaque neurale [47].

Au 21ème jour, la plaque neurale s’enfonce et s’incurve en une gouttière neurale. Les lèvres de cette gouttière sont volumineuses et saillantes dans le tiers crânial et correspondent à la future crête neurale .

Au 22ème jour, les bords de la gouttière neurale se soudent dans la région moyenne de l’embryon et forment une portion du tube neurale [47]. Ce dernier sera à l’origine du futur cerveau et de la moelle épinière (système nerveux central) .

La fermeture du tube neural se poursuit entre le 23ème et le 26ème jour dans la région cervicale et progresse dans deux directions : crâniale et caudale. Les cellules de la crête neurale s’individualisent à partir des deux lèvres de la gouttière neurale, quelques heures avant sa fermeture (figure 5). Elles subissent une conversion épithélio-mésenchymateuse. Elles se multiplient activement, perdent leur agencement épithélial et acquièrent des propriétés migratrices assurant leur dissémination dans tout l’embryon .

Au terme de la migration, elles se différencient en un ensemble cellulaire très hétérogène comprenant les mélanocytes et les cellules du futur système nerveux périphérique à savoir :
– les cellules des nerfs crâniens (gliales)
– les corps cellulaires et les fibres des neurones constituant les ganglions rachidiens
– les cellules des nerfs rachidiens (gliales)
– les corps cellulaires et les fibres des neurones végétatifs .

On distingue quatre groupes de cellules gliales : les astrocytes, les oligodendrocytes, les cellules de Schwann, la microglie. La neurofibromatose atteint les diverses cellules des nerfs périphériques dérivés des crêtes neurales à différentes étapes de leur différenciation et conduit à des manifestations variées. Le neurofibrome plexiforme dérive probablement de la lignée embryonnaire des cellules de Schwann, tandis que le neurofibrome dermique prend son origine dans des cellules plus matures de cette même lignée.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Historique
II. Génétique
II.1. Description du gène NF1
II.2. Expression du gène NF1
II.3. Rôle de la neurofibromine
II.4. Régulation et fonctions du gène NF1
III. Embryologie
IV. Anatomie et fonctions de la peau
IV.1. Anatomie
IV.1.1. Anatomie de surface
IV.1.2. Structure histologique
IV.1.2.1. Epiderme
IV.1.2.2. Derme
IV.1.2.3. Hypoderme
IV.1.3. Vascularisation
IV.1.3.1. Réseau artériel
IV.1.3.1.1. Origine
IV.1.3.1.2. Trajet
IV.1.3.1.3. Terminaison
IV.1.3.2. Réseau veineux et lymphatique
IV.1.3.3. Anastomoses artério-veineuses
IV.1.4. Innervation
IV.2. Fonctions de la peau
V. Diagnostic positif de la neurofibromatose de type 1
V.1. Diagnostic anténatal
V.2. Clinique
V.2.1. Atteintes cutanées
V.2.1.1. Tâches « café au lait »
V.2.1.2. Lentigines ou « éphélides »
V.2.1.3. Hyperpigmentation diffuse
V.2.1.4. Hypopigmentation
V.2.1.5. Neurofibromes
V.2.1.5.1. Neurofibromes dermiques
V.2.1.5.2. Les neurofibromes plexiformes
V.2.2. Atteintes du système nerveux central
V.2.3. Atteintes des nerfs périphériques
V.2.4. Atteintes squelettiques
V.2.4.1. Dysplasies des os longs
V.2.4.2. Dysplasies des ailes du sphénoïde
V.2.4.3. Dysplasies vertébrales
V.2.5. Atteintes ophtalmologiques
V.2.5.1. Nodules de Lish
V.2.5.2. Gliome des voies optiques
V.2.6. Atteintes gastro-intestinales
V.2.7. Atteintes uro-génitales
V.2.8. Atteintes endocriniennes
V.2.9. Atteintes cardiaques
V.2.10. Atteintes vasculaires
V.2.10.1. Dysplasies artérielles
V.2.10.2. Anévrysmes et sténoses vasculaires
V.2.11. Atteintes respiratoires
V.2.12. Dégénérescence maligne au cours de la NF1
V.3. Paraclinique
V.3.1. Imagerie médicale
V.3.2. Diagnostic histologique
V.3.2.1. Tâches « café au lait »
V.3.2.2. Neurofibromes
V.3.3. Diagnostic moléculaire
V.4. Critères diagnostiques
VI. Diagnostic de gravité
VII. Traitement
VII.1. Buts
VII.2. Moyens
VII.2.1. Moyens non chirurgicaux
VII.2.1.1. Réduction tumorale par Laser CO2
VII.2.1.2. Electrocoagulation
VII.2.1.3. Réduction tumorale par radio fréquence
VII.2.2. Moyens chirurgicaux
VII.2.2.1. Exérèse tumorale
VII.2.2.2. Fermeture cutanée
VII.2.2.2.1. Suture directe
VII.2.2.2.2. Plasties cutanées
VII.2.2.2.2.1. Lambeau d’avancement
VII.2.2.2.2.2. Lambeau de translation
VII.2.2.2.2.3. Lambeau de rotation
VII.2.2.2.3. Greffes cutanées
VII.2.2.2.3.1. Greffes de peau mince et semi-épaisse
VII.2.2.2.3.2. Greffes de peau totale
VII.3. Indications
VII.4. Complications
VII.4.1. Complications immédiates
VII.4.1.1. Hémorragie
VII.4.1.2. Infection
VII.4.1.3. Nécrose cutanée
VII.4.1.4. Défaut de prise de greffe
VII.4.2. Complications tardives
VII.4.2.1. Blessure des nerfs avoisinants
VII.4.2.2. Anomalie de la cicatrisation
CONCLUSION

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