Régulation de l’homéostasie glucidique
Tout organisme requiert en permanence de l’énergie pour maintenir ses fonctions vitales. Face à cette nécessité et pour pallier l’apport discontinu en substrats énergétiques, de nombreux mécanismes de régulation sont mis en jeu pour assurer, soit la métabolisation immédiate des substrats, soit leur stockage en vue d’une utilisation future. L’ensemble de ces mécanismes de gestion des substrats est regroupé sous le terme d’homéostasie énergétique. Parmi les principales sources d’énergie de l’organisme (glucides, lipides et protéines), le glucose est la molécule énergétique la plus utilisée dans des conditions physiologiques, du fait de sa disponibilité immédiate et qu’il soit le seul substrat énergétique du cerveau. Toutefois, les concentrations circulantes du glucose (glycémie) doivent être maintenues dans des limites strictes afin de ne pas mettre l’intégrité de l’organisme en péril. . En effet, une hypoglycémie sévère peut conduire à des malaises ou des pertes de conscience, et une hyperglycémie peut être à l’origine de symptômes mineurs comme de la fatigue, un besoin fréquent d’uriner et une perte de poids, mais peut aussi être associé à des complications plus graves associées au diabète (rétinopathie, néphropathie, neuropathie, maladies cardiovasculaires…). Pour cela, il existe tout un ensemble de mécanismes capables de contribuer à cet équilibre. Cet ensemble porte le nom d’homéostasie glucidique. Ainsi, il existe des mécanismes permettant d’oxyder le glucose afin de produire de l’adénosine triphosphate (ATP), molécule fournissant l’énergie nécessaire aux réactions métaboliques. Dans les périodes postprandiales, c’est-à-dire au cours de l’élévation de la glycémie suivant une prise alimentaire, d’autres processus biochimiques permettent le stockage du glucose sous diverses formes en vue de son utilisation ultérieure. Enfin, dans le cas d’un jeûne, lorsque la glycémie tend à diminuer à diminuer, l’ensemble des stocks accumulés auparavant va être mobilisé et utilisé. Si ce jeûne se poursuit, l’organisme est alors capable de mettre en jeu des mécanismes complémentaires permettant d’utiliser d’autres substrats afin de produire de novo du glucose (néoglucogenèse), et ainsi palier aux carences du moment .
Organes contrôlant la glycémie
Le maintien de l’homéostasie glucidique est rendu possible par de nombreux systèmes de communication établis le système nerveux central, le système parasympathique et les organes insulino-sensibles impliqués (foie, tissu adipeux, pancréas et muscle squelettique). Dans la suite de mon introduction the thèse, je vais principalement concentrer mon message sur le tissu dont j’ai étudié la régulation glucido-lipidique (muscle squelettique) après toutefois avoir rapidement introduit l’importante implication des autres tissus.
Le pancréas
L’arrivée de glucose dans la circulation sanguine va notamment être détectée par le pancréas. Son rôle dans la régulation de l’homéostasie glucidique est important du fait de la sécrétion d’hormones telles que l’insuline ou le glucagon par les îlots de Langerhans. Ces derniers comprennent 4 types cellulaires, plus ou moins nombreux. Ainsi, chez l’homme (Brissova et al., 2005; Brissova et al., 2002), les cellules les plus représentées (65 à 80%) sont les cellules β, responsables de la production de l’insuline. Viennent ensuite les cellules α (15 à 20%), qui produisent le glucagon. Enfin, en forte minorité les cellules delta produisent aussi la somatostatine (3 à 5%) qui inhibe la sécrétion d’insuline et de glucagon, mais aussi la sécrétion de l’hormone de croissance GH (Strowski and Blake, 2008; Stengel et al., 2010). Et les cellules F sécrètent le peptide pancréatique (moins de 1%) qui inhibe la sécrétion exocrine du pancréas comme l’amylase et la lipase pancréatique (Kojima et al., 2007). La production de ces hormones va permettre aux organes périphériques de stocker le glucose ou inversement, d’utiliser les stocks glucidiques existants en fonction de l’état métabolique de l’organisme.
Le foie
Le foie est le premier organe à rencontrer le glucose absorbé par l’intestin via la veine porte hépatique après digestion alimentaire. En effet, le foie est un véritable chef d’orchestre de la régulation de la glycémie: il est capable, en périodes post prandiales, de stocker le glucose en synthétisant un polymère de réserve, le glycogène (glycogénogenèse) si la glycémie est élevée ou stable. Quand les stocks de glycogène sont saturés au niveau du foie, ce dernier utilise le glucose pour produire des triacylglycéroles sécrétés dans la circulation sanguine (lipogenèse). En revanche, le foie produit du glucose (≈ 80% de la production endogène de glucose, PEG) à partir de l’hydrolyse du glycogène (glycogénolyse) à l’état post-absorptif (12h chez l’homme et 6h chez le rat ou la souris après un repas). Si le jeûne se prolonge, la production de glucose s’effectue via une synthèse de novo (néoglucogenèse) à partir de différents substrats comme les acides aminés, le lactate, et le glycérol (Girard et al., 1997). Enfin, si le jeûne perdure, le foie diminue sa production glucidique et est relayé par les reins (≈ 45% de la PEG) et l’intestin grêle (≈ 35% de la PEG) à partir du glutamine (Mithieux et al., 2009; Mithieux et al., 2006; Mithieux et al., 2004).
Le tissu adipeux
Outre le foie, le tissu adipeux est également capable de d’accumuler des réserves énergétiques, en partie par l’utilisation du glucose. On distingue 2 types de tissus adipeux : le tissu adipeux brun et le tissu adipeux blanc. Le tissu adipeux brun a pour principal rôle de participer à la régulation de la température corporelle par un phénomène de thermogenèse (Ouellet et al., 2012; Orava et al., 2011). Le tissu adipeux blanc est, quant à lui, le plus abondant et constitue l’organe primaire de stockage des lipides en période post-prandiale (lipogenèse) (Aarsland et al., 1997). En revanche, le tissu adipeux blanc libère les acides gras (lipolyse) dans des conditions de jeûne. Il est également considéré comme un organe endocrine à part entière, du fait de son importante activité sécrétoire (Ailhaud, 2000). Ces protéines secrétées, portant le nom d’adipokines (leptine, adiponectine, et cytokines), sont capables d’agir par voie endocrine pour réguler la prise alimentaire et la sécrétion d’insuline et la sensibilité à l’insuline, paramètres essentiels dans la régulation de l’homéostasie énergétique (Guerre-Millo, 2004).
Le muscle squelettique
Le muscle squelettique participe également à la régulation de l’homéostasie glucidique du fait qu’il est responsable de 85% de l’absorption de glucose postprandial et qu’il représente 40 à 60% de la masse totale du corps humain. Cet organe, peut directement utiliser le glucose capté pour produire de l’énergie, mais également générer des réserves énergétiques sous forme de glycogène (glycogenèse) (bien que la capacité de stockage par cellule du muscle soit largement inférieure à celle de l’hépatocyte).
Système hormonal contrôlant la glycémie
Glucagon et catécholamines
Le glucagon (polypeptide de 29 acides aminés) est une hormone hyperglycémiante, sécrétée par les cellules α pancréatiques. Le glucagon se fixe sur les récepteurs membranaires spécifiques de ses cellules cibles (essentiellement les cellules hépatiques, mais aussi les cellules adipeuses) et agit en stimulant la glycogénolyse (voir chapitre synthèse de glycogène), la lipolyse et la néoglucogenèse. Dans des conditions de stress, de jeûne ou d’exercice physique, en réponse à des signaux nerveux tels que le système nerveux sympathique (Marliss et al., 1973), à des signaux hormonaux (ghréline, et adrénaline) (Gromada et al., 2007; Quesada et al., 2008) et à des signaux métaboliques de faibles concentrations en glucose, acides aminés (Gromada et al., 2007; Quesada et al., 2008) ainsi qu’une courte exposition aux acides gras (Bollheimer et al., 2004; Hong et al., 2007; Olofsson et al., 2004), le glucagon est sécrété. A l’inverse, dans le contexte d’une prise alimentaire, lorsque la glycémie augmente, la sécrétion de glucagon est inhibée (Gromada et al., 2007; Quesada et al., 2008; Burcelin et al., 2008). Ainsi, le glucagon inhibe l’utilisation et le stockage du glucose en inhibant respectivement la pyruvate kinase (enzyme de la glycolyse) et la glycogène synthase (Andersen et al., 1999; Haynes, Jr. and Picking, 1990).
Les catécholamines sont des composés organiques synthétisés à partir de la tyrosine qui jouent le rôle d’hormone ou de neurotransmetteur. Les catécholamines les plus courantes sont l’adrénaline (épinéphrine), la noradrénaline (norépinéphrine) et la dopamine (Carlsson and Hillarp, 1958). Tout traumatisme physique ou émotionnel (douleur, épuisement, anxiété, choc…etc.) déclenche dans la médullosurrénale une sécrétion d’adrénaline élevant la glycémie pour procurer à l’organisme le supplément d’énergie exigé par la situation, en agissant essentiellement sur la glycogénolyse hépatique et la lipolyse au niveau des adipocytes blancs (Tobin et al., 2012; Dufour et al., 2009).
Insuline
Après un repas, les concentrations de glucose circulant sont élevées et l’insuline est la seule hormone capable de diminuer la glycémie. Au niveau hépatique, elle diminue la néoglucogenèse, augmente la glycogenèse et la lipogenèse. Au niveau musculaire et adipocytaire, elle facilite le captage de glucose et des acides aminés, augmente l’anabolisme protéique et diminue la lipolyse dans le tissu adipeux.
Structure, biosynthèse et sécrétion
L’insuline est un peptide de 6 kDa sécrété par les cellules β des îlots de Langerhans du pancréas suite à une augmentation de la glycémie. L’insuline mature est synthétisée à partir d’une molécule précurseur, la proinsuline, suite à l’action des enzymes protéolytiques, prohormone-convertases 1 et 2 (PC1 et PC2) puis de la carboxypeptidase exoprotease E dans les cellules β du pancréas. C’est une hormone constituée de deux chaînes polypeptidiques de 21 et 30 acides aminés reliées par des ponts disulfure. L’insuline est stockée dans des granules de sécrétion qui s’accumulent à l’état basal au niveau de l’appareil de Golgi. Lors d’une stimulation de la cellule β par des concentrations accrues de glucose, l’insuline est libérée dans la circulation par exocytose des vésicules sécrétoires.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Régulation de l’homéostasie glucidique
I.1 Organes contrôlant la glycémie
a) Le pancréas
b) Le foie
c) Le tissu adipeux
d) Le muscle squelettique
I.2 Système hormonal contrôlant la glycémie
a. Glucagon et Catécholamines
b. Insuline
i) Structure, biosynthèse et sécrétion
ii) Récepteur de l’insuline et voies de signalisation
II. Muscle squelettique: organe clé dans l’homéostasie glucidique
II.1 Structure du muscle squelettique
II.2 Les fonctions métaboliques des muscles squelettiques
II.2.1 Transport de glucose
i) La famille GLUT des transporteurs de glucose
ii) Transport de glucose au niveau du muscle squelettique
iii) Mécanismes de régulation du transport de glucose dans le muscle squelettique
a. Mécanismes insulino-dépendant
b. Mécanismes insulino-indépendant
II.2.2 Synthèse de glycogène
II.2.3 Synthèse protéique
II.2.4 Captage et métabolisme des acides gras
i) Structure et classification des acides gras
ii) Captage et activation des acides gras
iii) Activation des acides gras dans le cytosol
iv) Régulation de la β-oxydation mitochondriale
v) Estérification des acides gras
vi) Synthèse des triacylglycéroles
vii) Synthèse des sphingolipides
a) Voie de novo
b) Voie de recyclage
c) Voie des sphingomyélinases
III. Insulinorésistance musculaire
III.1 Importance du muscle dans l’apparition du diabète de type 2
III.2 Altération du signal insulinique
III.3 Accumulation ectopique de lipides, cause majeure de l’insulinorésistance musculaire
III.4 Conséquences de l’accumulation ectopiques de lipides
III.4.1 Stress du réticulum endoplasmique
III.4.2 Dysfonctionnement mitochondrial et Stress oxydant
III.4.3 Inflammation
III.4.4 Production des dérivés lipidiques délétères
i) Diacylglycérols (DAG)
ii) Céramides
III.5 Importance d’autres dérivés sphingolipidiques dans la régulation de la sensibilité à l’insuline
i) Sphingosine-1-phosphate
ii) Sphingomyéline (SM)
iii) Gangliosides
iv) Céramide-1-phosphate
OBJECTIFS
RESULTATS
I. Caractérisation de l’action inhibitrice des céramides sur la signalisation insulinique dans différents modèles musculaires: une approche mécanistique
II. Importance du transporteur des céramides CERT dans le développement de l’insulinorésistance musculaire
DISCUSSION
CONCLUSION
ANNEXES