Régulation de la coagulation : le rôle des inhibiteurs
Les systèmes de régulation négative ont une grande importance physiologique pour le maintien de la fluidité du sang. En fait, le système de la coagulation plasmatique a tendance à s’activer spontanément. Il est très important pour l’organisme que les enzymes formés lors de l’activation de la coagulation (FIIa, FXa) ne circulent pas dans le plasma, car ils risqueraient d’entraîner une activation diffuse de la coagulation et un processus pathologique grave. Pour éviter ceci et maintenir leur équilibre, chaque facteur activé a son inhibiteur. On connaît trois systèmes inhibiteurs : le système de l’antithrombine, le système Protéine C – Protéine S, et le TFPI.
L’antithrombine (AT) :
Anciennement appelée antithrombine III (ATIII), elle a été la première molécule décrite et est l’un principaux inhibiteurs physiologiques de la coagulation. Il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par le foie mais non dépendante de la vitamine K. Elle neutralise préférentiellement l’activité de la thrombine mais aussi celle des autres facteurs de la coagulation à activité enzymatique (VIIa, IXa, Xa), à distance du caillot de fibrine. Associée à son récepteur endothélial, l’héparane sulfate, sonactivité inhibitrice est considérablement accrue, de l’ordre d’un facteur 1 000. L’antithrombine n’est pas active à la surface plaquettaire, lieu de formation du caillot, mais neutralise les facteurs enzymatiques dès qu’ils diffusent à distance [37].
Le système Protéine C – Protéine S :
Ce système est de découverte plus récente. Il s’agit de deux protéines synthétisées par le foie sous la dépendance de la vitamine K. La protéine C (PC) est activée par la thrombine après liaison à la thrombomoduline exprimée par la membrane endothéliale. La protéine C activée en présence de protéine S (PS) neutralise les cofacteurs Va et VIIIa, ralentissant par-là considérablement la vitesse de génération de la thrombine. Les personnes présentant des déficits constitutionnels hétérozygotes en protéine C et protéine S sont à risque accru de thrombose veineuse spontanée ou en présence de facteurs de risque surajoutés [37].
Le TFPI (tissue factor pathway inhibitor) :
C’est un inhibiteur plasmatique, produit par la cellule endothéliale, qui régule la voie du facteur tissulaire. Son rôle devient important après la génération de faibles quantités de FXa sur lequel se fixe le TFPI. Il se forme ensuite un complexe quaternaire Xa-TFPI-VIIa-FT. Le complexe VIIa-FT est inhibé, bloquant ainsi la production de Xa et de IXa. Le TFPI est présent à la fois dans le sang circulant et fixé sur les glycosaminoglycanes de la paroi vasculaire. Cette fraction est probablement la plus importante à la fois quantitativement et qualitativement. Elle peut être déplacée de la paroi vasculaire par l’héparine .
Fibrinolyse physiologique
La fibrinolyse est le troisième temps de l’hémostase. Sa finalité est l’inverse de celles de l’hémostase primaire et de la coagulation, qui visaient à former les caillots de fibrine. La fibrinolyse tend à les détruire ou à les empêcher de se former. Elle est bâtie selon la même conception que le système de la coagulation, comprenant des molécules à activité protéolytique, contrôlées par un système d’activateurs et d’inhibiteurs permettant une régulation physiologique très précise. L’enzyme centrale de la fibrinolyse est la plasmine qui dérive d’un précurseur plasmatique inactif, le plasminogène, glycoprotéine d’origine hépatique. Le plasminogène possède une grande affinité pour la fibrine, et s’y fixe par un récepteurspécifique aux côtés de son activateur, permettant ainsi la génération locale de plasmine via le démasquage des sites protéolytiques. La plasmine protéolyse le fibrinogène et la fibrine en divers fragments de tailles variables, identifiés comme les produits de dégradation de la fibrine (PDF), qui sont quantifiables dans le plasma. Le taux de PDF plasmatiques est ainsi un reflet de l’activité de la plasmine et donc de l’activation de la coagulation. Les PDF sont emportés dans le courant plasmatique et épurés au niveau du foie par le système macrophagique. La fibrinolyse est contrôlée par deux systèmes équilibrés, d’activation et d’inhibition de l’activité de la plasmine.
Les activateurs de la fibrinolyse
Les principaux activateurs du plasminogène sont : l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) et la pro-urokinase ou activateur urinaire du plasminogène (u PA).
❖ Le t-PA : est une sérine protéase d’origine endothéliale dont l’activité protéolytique sur le plasminogène est déclenchée lors de son adsorption sur la fibrine. La sécrétion vasculaire de t-PA est initiée par de nombreux stimuli d’activation de la cellule endothéliale : thrombine, cytokines pro-inflammatoires, anoxie, acidose, stase…
❖ La pro-urokinase : est synthétisée par les cellules rénales et d’autres cellules parenchymateuses. Elle s’active en urokinase au contact du caillot de fibrine ; l’urokinase transforme le plasminogène en plasmine. Il est intéressant de noter que le système contact, notamment le FI et la kallicréine, peuvent activer la pro-urokinase.
Les inhibiteurs de la fibrinolyse
Ils comportent des inhibiteurs de la plasmine proprement dits et des inhibiteurs de l’activité du plasminogène.
● L’α2-antiplasmine : est la principale protéine à activité antiplasmine ; il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par la cellule hépatique qui neutralise la plasmine plasmatique circulante non liée à la fibrine.
● L’inhibiteur de l’activateur du plasminogène de type 1 (PAI-1) : est une glycoprotéine synthétisée par la cellule endothéliale qui inhibe le t-PA et l’u-PA par formation d’un complexe covalent. Le PAI-1 est majoritairement localisé dans les granules α des plaquettes, et est libéré lors de l’activation plaquettaire qui initie le processus de l’hémostase.
● Le PAI de type 2(PAI-2) : est un autre inhibiteur synthétisé par le placenta au cours de la grossesse. Ce système très fin de régulation de l’activité de la plasmine et de sa restriction à la surface de la fibrine, explique le fait que la fibrinolyse physiologique soit un processus qui reste localisé au niveau du thrombus. Son rôle réside en effet dans la lyse progressive du caillot après la cicatrisation de la brèche vasculaire, mais aussi dans la prévention de son extension évitant par-là l’occlusion de la lumière vasculaire.
EXPLORATION DE L’HEMOSTASE
L’étude de l’hémostase est extrêmement importante en clinique. Les tests d’hémostase sont utilisés pour : Le diagnostic d’un syndrome hémorragique. Essayer de prévoir un risque hémorragique avant une intervention chirurgicale. Dans le cadre de thromboses à répétition, pour déterminer la cause de ces maladies invalidantes et graves, puisque certaines peuvent entraîner la mort par embolie pulmonaire. On ne dispose d’aucun test global d’étude de l’hémostase: on aura donc recours à des tests qui exploreront soit l’hémostase primaire, soit la coagulation, soit la fibrinolyse.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : RAPPELS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L’EXPLORATION DE L’HEMOSTASE
I.PHYSIOLOGIE DE L’HEMOSTASE
1. Hémostase primaire
1.1. Temps vasculaire
1.2. Temps plaquettaire
1.2.1. L’adhésion plaquettaire
1.2.2. L’activation plaquettaire
1.2.3. L’agrégation plaquettaire
2. Coagulation plasmatique
2.1 Facteurs de la coagulation
2.2. Concept classique (in vitro)
2.3. Concept actuel (in vivo)
2.3.1. Phase d’initiation
2.3.2. Phase d’amplification
2.3.3. Phase de propagation
2.4. Régulation de la coagulation : le rôle des inhibiteurs
3. Fibrinolyse physiologique
3.1. Les activateurs de la fibrinolyse
3.2. Les inhibiteurs de la fibrinolyse
II.EXPLORATION DE L’HEMOSTASE
1. Exploration de l’hémostase primaire
1.1. Phase pré-analytique
1.2. Tests globaux
1.2.1. La numération plaquettaire
1.2.2. Le temps de saignement
1.2.3. Le temps d’occlusion plaquettaire (TOP)
1.3. Tests analytiques et tests spécialisés
1.3.1. Dosage du facteur de von Willebrand
1.3.2. Etude des fonctions plaquettaires par agrégométrie
1.3.3. Etude des récepteurs membranaires par cytométrie en flux
2. Exploration de la coagulation plasmatique
2.1. Tests de première intention : Examens standard
2.1.1. Temps de Quick (TQ)
2.1.2. Temps de céphaline activée (TCA)
2.1.3. Temps de thrombine (TT) et dosage du fibrinogène
2.2. Tests de seconde intention : Tests complémentaires
2.2.1. Dosage spécifique des facteurs de coagulation
2.2.2. Dosage des inhibiteurs de la coagulation
3. Exploration de la fibrinolyse physiologique
3.1. Tests globaux
3.1.1. Temps de lyse des euglobulines (TLE) (test de von Kaulla)
3.1.2. Dosage du fibrinogène
3.1.3. Dosage des produits de dégradation de la fibrine et du fibrinogène
3.1.4. Dosage des D-dimères
3.2. Tests plus spécifiques (moins utilisés)
3.2.1. Dosage du plasminogène
3.2.2. Dosage de l’α-2 anti plasmine
CHAPITRE II : SEMIOLOGIE D’UN SYNDROME HEMORRAGIQUE
I.CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE D’UNE ANOMALIE DE L’HEMOSTASE
II. CONDUITE DE L’INTERROGATOIRE ET DE L’EXAMEN CLINIQUE A LA RECHERCHE D’UN SYNDROME HEMORRAGIQUE
1. Interrogatoire
2. Examen clinique
2.1. Apprécier l’importance et la gravité du SH
2.2. L’examen général
III. ORIENTATIONS CLINIQUES
1.Une anomalie de l’hémostase primaire et une anomalie de la coagulation
2. Une anomalie congénitale et une anomalie acquise
CHAPITRE III : ORIENTATION ET DEMARCHE DIAGNOSTIQUE DEVANT UN SYNDROME HEMORRAGIQUE
I.ORIENTATION DIAGNOSTIQUE
1. Bilan d’hémostase d’orientation
2. Interprétation des résultats d’un premier bilan d’hémostase
II.DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
1. Allongement du TS
2. Allongement isolé du TQ
3. Allongement isolé du TCA
4. Allongement du TCA associé à un allongement du TQ
Chapitre IV : DIAGNOSTIQUE BIOLOGIQUE DES PRINCIPAUX SYMPTOMES HEMORRAGIQUE
I.PATHOLOGIES HEMORRAGIQUES CONGENITALES
1. Maladie de von Willebrand
1.1 Physiologie du facteur von Willebrand
1.2 Circonstances de découvertes
1.3 Diagnostic biologique
1.4 Classification
1.5 Diagnostic différentiel
1.6 Principes du traitement
2. Thrombopathies constitutionnelles
2.1 Classification
2.2 Contexte clinique
2.3 Diagnostic biologique et présentation des principaux types de thrombopathies constitutionnelles
2.4 Principes du traitement
CONCLUSION