Modélisation hydrologique au Mexique
Les études publiées dans la littérature scientifique sur l’hydrologie au Mexique sont généralement récentes. Étant donné que le pays est sensible aux phénomènes hydrologiques extrêmes (Arreguin-Cortes & Lopez-Perez, 2013), les chercheurs mexicains ont principalement concentré leurs efforts sur l’étude des inondations ainsi que de l’impact des changements climatiques sur les ressources en eau. Les phénomènes climatiques extrêmes connus au Mexique (notamment les tempêtes tropicales) causent un problème dans l’acquisition des données hydrométéorologiques, par l’endommagement des stations qui les rend difficilement utilisables pour la modélisation hydrologique. Martínez-Austria et al. (2014) ont mis à l’échelle des projections climatiques issues de modèles de circulation générale pour étudier le changement climatique dans la région Nord- Ouest du Mexique.
Ils proposent une méthode alternative aux méthodes généralement nonparamétriques d’analyse des résultats telles que le test statistique de Mann Kendall ou l’es corrélations de Spearman et sont arrivés à la conclusion d’une tendance à la hausse dans les températures, mais sans changement majeur dans les précipitations. Velazquez et al. (2015) ont testé deux modèles hydrologiques (SWAT; Arnold et al., 1993) et Génie Rural à 4 paramètres Journalier (GR4J; Perrin, Michel & Andreassian, 2003) sur le bassin Tampaon situé dans le centre est du Mexique. Ces deux modèles ont montré des résultats satisfaisants pour la simulation des débits journaliers sur une période de 14 ans de données, SWAT affichant une meilleure performance que GR4J pour la reproduction du débit mensuel moyen. En vérifiant les impacts en contexte de changements climatiques, les deux modèles prédisent une baisse des débits lorsqu’alimentés par le modèle canadien de climat (CGCM3). Alonso-Sánchez et al. (2014) se sont intéressés à trois micro-bassins de la région de Chiapas au Mexique, pour analyser les coefficients de ruissellement de la méthode du Soil Conservation Service des États-Unis (USDA-SCS, 1972). Ils ont déterminé par cette étude que les coefficients développés aux États-Unis fonctionnaient mal lorsqu’utilisés au Mexique en raison de l’utilisation du sol et des types de sols qui diffèrent entre les deux pays.
Considérations générales liées à la régionalisation
Pour être en mesure de faire une modélisation hydrologique réaliste et valide, il faut que les données hydrométriques et météorologiques soient disponibles sur une période temporelle suffisamment longue (selon les objectifs poursuivis par la modélisation). Lorsque ces données sont disponibles sur une période trop courte pour les besoins de l’étude nécessitant la modélisation, ou encore lorsque les données ne sont pas facilement accessibles, les bassins concernés sont considérés comme des bassins versants non-jaugés. Dans le cas contraire, on parlera de bassins versants jaugés. Traditionnellement, les modèles hydrologiques doivent être calibrés pour pouvoir être utilisés. Le processus de calibration vise à ajuster les paramètres d’un modèle, de façon à ce que ce dernier reproduise le plus fidèlement possible des données historiques observées (le plus souvent les débits à l’exutoire d’un bassin). Cette calibration se base sur différentes métriques de performance telles que le coefficient de Nash- Sutcliffe (NSE; Nash & Sutcliffe, 1970), décrit à l’équation (1.1). Où i est le nombre de données de débits qui servira au calcul, Qio les débits observés individuels, Qis, les débits simulés et ?? la moyenne des débits observés. Afin d’inciter la communauté scientifique des hydrologues à se pencher plus sérieusement sur le problème de prévision aux sites non-jaugés, l’Association Internationale des Sciences Hydrologiques (IAHS) a décrété que la décennie 2003-2012 serait dédiée à la prévision aux bassins versants non-jaugés (Sivapalan et al., 2003).
Ce type de prévision est majoritairement possible par ce qu’on appelle la régionalisation. Le terme « régionalisation » signifiera, dans cette étude, l’art de déterminer un jeu de paramètres optimal pour effectuer de la simulation par des modèles hydrologiques sur des bassins non-jaugés (Arsenault & Brissette, 2014). Plusieurs des études de régionalisation menées à ce jour se sont montrées concluantes et permettent de faire des modélisations hydrologiques fiables aux sites non-jaugés. Cependant, puisque les méthodes reposent sur le transfert d’information à partir de bassins versants jaugés (et donc différents), les techniques de régionalisation ne sont pas universelles et doivent être testées sur le secteur d’étude afin d’identifier la méthode à privilégier (Razavi & Coulibaly 2013). Puisque l’accès à des données homogènes et complètes est particulièrement problématique sur le territoire du Mexique, les études de régionalisation peuvent être une option profitable quand il est question de prévision des débits. Les études rapportées dans la littérature scientifique se sont principalement concentrées sur trois différentes méthodes pour la régionalisation des paramètres des modèles hydrologiques, soit (1) par proximité spatiale, (2) par similitude physique ou encore (3) par régression linaire. Tel qu’évoqué précédemment, la régionalisation se base sur des données issues de bassins versants jaugés, dont les performances en modélisation hydrologique sont fiables et ont été préalablement vérifiées, afin de procéder à la modélisation hydrologique sur des bassins versants non-jaugés. Il doit exister une ressemblance entre le(s) bassin(s) jaugé(s) et le bassin non-jaugé, laquelle peut se situer tant au niveau de la localisation qu’au niveau d’attributs physiques.
Différentes études ont par ailleurs démontré la pertinence d’utiliser plus d’un bassin versant jaugé lors de la régionalisation pour arriver à des résultats de bonne qualité. Plus de 70 études ont été publiées sur le sujet. (Hrachowtiz et al., 2013; He, Bardossy & Zehe, 2011; Parajka et al., 2013; Razavi & Coulibaly 2013). Razavi & Coulibaly (2013) les ont recensées et regroupées en 2 catégories, soit (1) les études utilisant des méthodes dépendantes du modèle hydrologique, et (2) les études utilisant des méthodes indépendantes. Un aperçu de la revue de Razavi & Coulibaly (2013) sera présenté dans les paragraphes suivants, de même que le seront d’autres études en régionalisation qui ont obtenu des résultats utiles.
Régionalisation par régression linéaire multiple
La régionalisation par régression est l’une des plus anciennes méthodes de régionalisation des paramètres. Cette méthode consiste à mettre en lumière des relations liant les descripteurs physiques, morphologiques ou climatiques des bassins versants aux paramètres calibrés du modèle hydrologique utilisé (Oudin et al., 2008). Pour que cette méthode fonctionne bien, il doit exister une relation fiable entre la valeur des paramètres et les caractéristiques du bassin, et les descripteurs doivent permettre de bien comprendre le comportement des bassins versants non-jaugés. Kokkenan et al. (2003) ont utilisé une méthode plus globale qui consiste à déterminer la variabilité des paramètres d’un grand secteur d’étude avant d’exploiter ces informations en prédiction pour de plus petites régions tout en conservant l’interrelation entre les paramètres du modèle hydrologique. Ils ont établi que, lorsque des bassins sont semblables sur le plan hydrologique, l’ensemble complet de paramètres devrait être transféré entre un bassin jaugé et un bassin non-jaugé plutôt que de chercher des relations pour chacun des paramètres individuellement. Selon cette étude, le paramètre de l’élévation moyenne du bassin versant est un paramètre qui apporte beaucoup d’information quant au comportement hydrologique des bassins versants Coweeta situés en Caroline du Nord. Cette méthode s’est aussi avérée concluante dans des secteurs semi-arides et plats (Bloschl et al., 2013), ce qui n’est pas représentatif du secteur à l’étude. La régression linéaire multiple demande aussi beaucoup d’information pour fournir des résultats satisfaisants (He et al., 2011) données qui sont très souvent non disponibles au Mexique. Arsenault et al. (2014) ont proposé une méthode alternative à la régression linéaire, où au lieu de prendre l’ensemble du jeu de paramètres pour faire les régressions, seuls les paramètres dont le coefficient de détermination serait élevé seront transférés au bassin non-jaugé, tandis que les autres seront issus d’une régionalisation par proximité spatiale ou similitude physique. Dans un secteur neigeux où 268 bassins sont étendus sur le territoire du Québec en entier, cette méthode a permis d’améliorer les résultats de régionalisation significativement, mais a ajouté un degré d’incertitude supérieur à la modélisation.
Proximité spatiale
Cette méthode est la plus simple à mettre en pratique. L’hypothèse derrière cette approche est qu’un bassin jaugé et un bassin non-jaugé spatialement rapprochés devraient, en théorie, avoir des caractéristiques physiques similaires et que tous deux devraient réagir de la même manière aux événements météorologiques. Cette méthode consiste en premier lieu à identifier les bassins versants jaugés les plus rapprochés spatialement du bassin versant non-jaugé. Ces bassins versants deviendront les bassins versants « donneurs », soient les bassins versants jaugés qui serviront pour le transfert de jeux de paramètres pour la modélisation hydrologique sur le bassin non-jaugé. Chaque jeu de paramètres aura été préalablement trouvé par calibration d’un bassin versant jaugé à l’aide d’un modèle hydrologique. Le jeu de paramètres sera en deuxième lieu appliqué au nouveau bassin versant non-jaugé et sa performance sera testée par différentes métriques de performance telles que le NSE. Une schématisation de cette méthode est présentée à la Figure 1.1. Les flèches, dans la Figure 1.1, représentent les distances calculées à partir des centroïdes de trois bassins versants jaugés; les distances entre chacun des bassins et le bassin non-jaugé, à droite de l’image, sont identiques. Pour déterminer les bassins les plus près spatialement, la distance euclidienne est préconisée. Cette distance est calculée entre les centroïdes des bassins versants tel que démontré à l’équation (1.2).
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Modélisation hydrologique
1.1.1 Classification selon le degré de spatialisation
1.1.2 Classification selon la structure du modèle
1.1.3 Modélisation hydrologique au Mexique
1.2 Études de régionalisation
1.2.1 Considérations générales liées à la régionalisation
1.2.2 Méthodes dépendantes du modèle hydrologique
1.2.2.1 Régionalisation par régression linéaire multiple
1.2.2.2 Proximité spatiale
1.2.2.3 Similitude physique
1.2.2.4 Approche intégrée
1.2.2.5 Régionalisation à donneurs multiples
1.2.3 Régionalisation indépendante du modèle hydrologique
1.2.3.1 Mise à l’échelle simple par un indice topographique
1.2.3.2 Détermination du débit par un rapport des aires
CHAPITRE 2 SECTEUR À L’ÉTUDE
2.1 Localisation
2.2 Données hydrométéorologiques
2.3 Données physiographiques
2.4 Description détaillée du bassin versant de Naolinco de Victoria
CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE
3.1 Survol de la méthodologie
3.2 Acquisition et nettoyage des données
3.2.1 Manipulation des données brutes
3.3 Description des modèles hydrologiques
3.3.1 MOHYSE
3.3.2 GR4J
3.3.3 HSAMI
3.4 Calibration
3.5 Régionalisation
3.5.1 Régionalisation par proximité spatiale
3.5.2 Régionalisation par similitude physique
3.5.3 Régionalisation intégrée
3.5.4 Combinaison des bassins versants donneurs et nombre de donneurs optimal
3.5.5 Transposition de site non-jaugé par rapport des superficies
3.6 Application des résultats sur le site non-jaugé de Naolinco
CHAPITRE 4 RÉSULTATS ET ANALYSES
4.1 Analyse des données de base
4.2 Calibration
4.3 Régionalisation par proximité spatiale
4.4 Régionalisation par similitude physique
4.5 Régionalisation intégrée
4.6 Nombre de bassins versants optimal
4.7 Application des résultats sur le bassin Naolinco
CHAPITRE 5 DISCUSSION
5.1 La confiance dans les données hydrométéorologiques de base
5.1.1 Changements dans le répertoire des données hydrométriques
5.2 La pertinence d’une étape de validation avant la régionalisation
5.3 Différences dans les dates de disponibilité des données entre les bassins versants jaugés et non jaugés
5.4 L’accès aux données physiques et morphologiques
5.5 La sélection intelligente des bassins donneurs de paramètres sur la base des performances en calibration
5.6 La taille de la base de données de bassins versants pour l’essai de régionalisation par bassins pseudo non-jaugés
5.7 La régionalisation au Mexique est-elle possible?
5.7.1 L’utilisation de méthodes de régionalisation complexes remplace-t-elle les méthodes simples pour la détermination des débits sur des bassins versants non-jaugés?
5.7.2 Le choix du modèle hydrologique influence-t-il les conclusions en régionalisation?
5.8 Le pas de temps de la simulation a-t-il un impact sur les résultats obtenus?
5.9 L’application des conclusions sur un bassin versant non jaugé du Mexique
CONCLUSION
ANNEXE I REPRÉSENTATION SCHÉMATIQUE DES 3 MODÈLES HYDROLOGIQUES UTILISÉS
ANNEXE II STATISTIQUES COMPLÈTES DES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES ET MORPHOLOGIQUES DE CHACUN DES BASSINS VERSANTS À L’ÉTUDE
ANNEXE III STATISTISQUES DES PERFORMANCES DE LA RÉGIONALISATION PAR PROMIXITÉ SPATIALE
ANNEXE IV STATISTISQUES DES PERFORMANCES DES BASSINS
VERSANT À L’ÉTAPE DE CALIBRATION DES MODÈLES HYDROLOGIQUES
ANNEXE V STATISTISQUES DES PERFORMANCES DE LA RÉGIONALISATION PAR SIMILITUDE PHYSIQUE
ANNEXE VI STATISTIQUES DES SIMULATIONS DE RÉGIONALISATION
PAR PROXIMITÉ SPATIALE POUR DES DONNEURS MULTIPLES
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Télécharger le rapport complet