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Physiopathologie de la drépanocytose
La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine caractérisée par la présence d’une hémoglobine anormale, l’hémoglobine S.
La mutation responsable est une transversion A vers T au niveau du 6ème codon du gène de la chaine β-globine et se traduit au niveau protéique par la substitution d’une valine à un acide glutamique [1,83].
La conséquence de cette mutation est la production d’une molécule d’hémoglobine spécifique : l’hémoglobine S (HbS) qui est différente de l’hémoglobine normale : l’hémoglobine A (HbA). Les différences entre HbA et HbS concernent la charge, la stabilité et la solubilité de la molécule, ce qui confère à l’HbS la propriété de polymériser au sein du globule rouge en milieu désoxygéné. Lors de la « falciformation », le globule rouge prend une forme de faucille (figure 2), Les conséquences sont:
– la réduction de la déformabilité du globule rouge,
– une augmentation de la rigidité, favorisant leur accumulation dans la micro circulation,
– une augmentation de la viscosité sanguine,
– la rupture et la fragmentation des globules rouges,
– l’augmentation de la perméabilité cationique du globule rouge menant à sa déshydratation et donc à l’origine de l’anémie [56].
La falciformation est à l’origine des principales manifestations cliniques telles que les crises vaso-occlusives et l’anémie hémolytique.
La drépanocytose présente 5 haplotypes : (Sénégal, Benin, Bantu, Cameroun, Asiatique)
L’haplotype se définit par un ensemble de gènes situés côte à côte sur un chromosome, ils sont transmis ensemble à la génération suivante. Selon la combinaison génétique, nous retrouvons deux formes de drépanocytose :
– la forme hétérozygote AS : encore appelée trait drépanocytaire est asymptomatique. Chez les personnes touchées par la forme hétérozygote AS, la maladie ne s’exprime pas, parce que le gène normal présent suffit pour contrebalancer l’effet du gène malade : il permet de fabriquer assez d’hémoglobine normale pour empêcher la destruction des globules rouges.
– Les formes homozygotes SS et hétérozygotes composites SC et S beta thalassémique : les personnes atteintes de ces formes, sont des malades drépanocytaires symptomatiques. Chez elles, il n’y a aucun gène bêta sain pour contrebalancer les effets des gènes malades. Ces différentes formes présentent des manifestations générales à prendre en compte par le chirurgien dentiste.
MANIFESTATIONS GENERALES
Selon l’âge
La forme hétérozygote AS encore appelée trait drépanocytaire est souvent asymptomatique dans les conditions normales d’oxygénation. Seules les formes homozygote SS et double hétérozygote composite SC et S beta Thalassémique se révèlent symptomatiques. Celles-ci se présentent sous la forme d’une anémie hémolytique entrecoupée de crises vaso-occlusives, souvent compliquées d’infections bactériennes sévères.
L’histoire de la maladie peut schématiquement être divisée en 4 étapes [39].
La période néonatale (0 à 3 mois) : asymptomatique car les hématies contiennent un taux élevé d’hémoglobine fœtale qui empêche la falciformation et protège ainsi le nouveau-né.
La petite enfance : des manifestations cliniques graves peuvent survenir dès l’âge de 3 mois, et les 5 premières années de vie sont la période où le pronostic vital est clairement mis en jeu. Les complications sont essentiellement la séquestration splénique aigüe, les infections et les crises vaso- occlusives.
L’adolescence : pendant laquelle les crises vaso-occlusives osseuses hyperalgiques dominent la symptomatologie.
L’âge adulte : où les crises osseuses douloureuses et les syndromes thoraciques aigus sont les principales causes d’hospitalisation.
Selon le syndrome
Les évènements aigus spécifiques à la drépanocytose amenant le patient à consulter, le plus souvent aux urgences peuvent etre regroupé en cinq syndromes :
Syndrome vaso-occlusive
Il s’agit d’épisodes douloureux provoqués par des micro-infarctus consécutifs à l’occlusion des vaisseaux sanguins. Chez l’enfant, la douleur peut toucher tous les territoires : abdominal, thoracique, splénique, rénal, orbitaire mais surtout ostéo-articulaire [78]. Chez le nourrisson, peut survenir le syndrome pieds-mains. Il s’agit d’une crise douloureuse des extrémités avec un gonflement du dos des mains et des pieds associé souvent à un œdème des doigts (dactylite). Les douleurs les plus sévères sont décrites comme bruyantes, térébrantes [82, 31]. Le comportement est très variable d’un enfant à un autre, avec plaintes, cris, pleurs, grimace de douleur (visage contracté, crispé), agitation parfois, ou au contraire repli sur soi, gémissements, immobilité totale, refus de jouer, refus de parler (atonie psychomotrice). La douleur peut être isolée ou associée à une tuméfaction érythémateuse avec augmentation de chaleur locale ne traduisant pas forcément une surinfection. La fréquence et l’intensité des crises peuvent varier chez un même sujet qui peut avoir une série de crises en quelques mois puis ne plus souffrir pendant une longue période de temps. Cependant, en règle générale, les enfants drépanocytaires sujets à des crises fréquentes et sévères continuent d’évoluer avec la même gravité. Les crises ne touchent pas tous les malades : 1/3 en sont indemnes, 1/3 présentent 1 à 5 crises par an et 15-20% font 6 à 10 crises par an ou plus [32, 65]. Ces derniers ont une maladie extrêmement invalidante et posent de graves problèmes de prise en charge. Les crises peuvent débuter dès l’âge de 6 mois ; la fréquence maximum des crises se situe entre l’âge de 15 et 30 ans, avec ensuite une décroissance [35,65]. La crise de douleur dure quelques jours avec des extrêmes de quelques heures à plusieurs semaines.
Les facteurs déclenchant la crise comprennent l’exposition au froid (saison d’hiver, marche sous la pluie, bains en piscine, climatisation excessive…), l’infection, la déshydratation, l’exercice physique intense, tout ce qui pourrait être un facteur de demande d’oxygène majoré et de déséquilibre dans la microcirculation. Des crises surviennent sans facteur déclenchant identifié. Habituellement les crises guérissent sans séquelle. Dans de rares cas, des séquelles sont possibles, infarctus osseux important, nécrose de hanche. Une étude au Sénégal a montré des CVO dans 67% des cas [24].
Syndrome thoracique aigu (STA)
Il est défini par toute nouvelle image pulmonaire, de type infiltrats alvéolaires englobant au moins un segment à l’exclusion des atélectasies, associée à un des symptômes suivants : douleur thoracique, fièvre ou dyspnée, chez un patient porteur d’un syndrome drépanocytaire majeur (homozygote ou double hétérozygote) [51,80,81]. Le STA représente le 2ème motif d’hospitalisation et la mortalité pédiatrique est de l’ordre de 2 % [80]. Cependant, une dégradation respiratoire avec survenue d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) devient synonyme d’une aggravation majeure du pronostic avec une mortalité comprise entre 22 et 27% dans la population pédiatrique [30, 79].
Cette agression pulmonaire aiguë est rarement isolée ; elle est déclenchée par un certain nombre de causes ou facteurs (figure 3).
L’étude réalisée à Dakar a révélé un STA dans 1% des cas [24].
Syndrome anémique
L’anémie est constante et apparaît souvent vers l’âge de trois mois [19]. Elle peut s’exprimer par une pâleur cutanéo-muqueuse d’importance variable, une asthénie importante et assez fréquemment inaugurale, une dyspnée d’effort voire de repos, des vertiges, des palpitations, des crises d’angor. Dans la drépanocytose homozygote SS, le taux moyen d’hémoglobine est aux alentours de 8 g/dl. L’HbS ayant une affinité diminuée pour l’oxygène, l’adaptation fonctionnelle est satisfaisante dans la majorité des cas.
Cependant, l’anémie chez l’enfant peut s’aggraver dans les circonstances suivantes:
• la séquestration splénique aiguë
• l’érythroblastopénie aiguë transitoire liée à l’infection par l’érythrovirus (parvovirus) B 19 [19] .
Les crises de séquestration splénique sont bien particulières aux enfants de moins de 6 ans. Il s’agit d’un syndrome associant en quelques heures une perte d’hémoglobine d’au moins 2 g par rapport au taux de base à une augmentation de la taille de la rate d’au moins 2 cm par rapport à sa taille habituelle. Le traitement repose sur la transfusion sanguine immédiate. Le risque de récidive avoisine les 60 % [12]. Enfin, les crises d’érythroblastopénie peuvent survenir dans la drépanocytose comme au cours de toute anémie hémolytique chronique congénitale ou acquise. Ces accidents d’érythroblastopénie sont essentiellement imputables, mais pas exclusivement, au parvovirus B19 dont le tropisme pour la lignée érythroïde provoque une anémie arégénérative [73]. L’effondrement du taux des réticulocytes à une valeur inférieure à 100.103/mm3 évoque le diagnostic qui peut être confirmé par la réalisation d’un myélogramme [10]. Le Parvovirus B19 peut être mis en évidence au niveau médullaire par des techniques de biologie moléculaire (polymerase chain reaction).
Syndrome infectieux
La gravité des infections chez les malades drépanocytaires est liée à leur risque vital et à la possibilité de déclenchement de crises de falciformation et de complications. Cette sensibilité à l’infection est d’origine multifactorielle : asplénie, anomalies du complément, anomalie de la réponse du polynucléaire neutrophile aux cytokines. Les bases génétiques de cette sensibilité sont en cours d’étude [9]. Les infections les plus graves sont les bactériémies, les méningites, les ostéomyélites, les pneumopathies.
Le pneumocoque et les salmonelles sont les bactéries les plus fréquentes, mais la prévention et l’hygiène ont modifié leur épidémiologie. Mycoplasma pneumoniae et Chlamydia pneumoniae sont souvent la cause de pneumopathies graves favorisant le syndrome thoracique aigu (STA). Les infections à salmonelles deviennent rares dès que les conditions d’hygiène s’améliorent. Les ostéomyélites à salmonelles sont donc très rares dans les pays industrialisés alors que les infarctus osseux sont fréquents : la scintigraphie osseuse précoce apporte une grande aide pour ce diagnostic. Parmi les infections virales, le parvovirus B19 donne une érythroblastopénie aiguë en règle bien tolérée. La grippe peut provoquer des crises et des complications respiratoires justifiant la prévention vaccinale. Au cours du paludisme à Plasmodium falciparum, le neuropaludisme est très rare, mais l’accès simple est fréquent et peut provoquer une anémie grave chez les drépanocytaires. La prévention est donc importante.
Toutes ces complications sont à considérer d’emblée comme des urgences vraies afin de déceler ou d’infirmer tout critère de gravite et de soulager de douleurs souvent paroxystiques et intolérables [68].
TRAITEMENT
Le traitement a permis une diminution majeure de la mortalité pédiatrique en Amérique du Nord et en Europe au cours de ces trente dernières années [76, 66, 11]. On estime que celle-ci se situe aujourd’hui autour de 2 à 3 % chez les enfants diagnostiqués à la naissance et pris en charge dans un centre de référence. Toutefois, la mortalité remonte à partir de l’âge de 18 ans, du fait du développement chez l’adulte d’atteintes organiques silencieuses chez l’enfant [68]. Il est donc important de dépister régulièrement les atteintes d’organe (rein, cœur, poumons, etc.) qui pourraient ainsi être traitées précocement [20]. La période de transition entre la prise en charge des enfants et celle des adultes doit aussi être accompagnée avec vigilance [42].
Le traitement sera préventif mais aussi curatif.
Traitement préventif
La prise en charge des syndromes drépanocytaires majeurs nécessite la coordination entre des centres de proximité formés en drépanocytose et des centres hospitaliers spécialisés. Le médecin traitant contribue à cette prise en charge. Chaque patient suivi régulièrement en consultation doit avoir un dossier dans lequel sont réunies un certain nombre d’informations essentielles et, en particulier, le taux d’hémoglobine à l’état basal, la taille de la rate, les traitements usuels, le groupe sanguin avec le phénotype érythrocytaire. Cette prévention se fera selon cinq principaux volets [40].
Éducation thérapeutique des parents
Il est recommandé d’expliquer aux parents les facteurs favorisant les crises vaso-occlusives douloureuses :
• hypoxie : effort excessif et inhabituel, altitude (à partir de 1500 m environ), vêtements trop serrés,
• refroidissement : bain en eau froide,
• fièvre ;
• déshydratation : vomissements, diarrhée, …
• stress
• prises d’excitants, d’alcool, de tabac ou de drogues illicites (plus chez l’adolescent que chez l’enfant).
ll est recommandé de leur rappeler la nécessité d’une hydratation abondante (« l’enfant doit garder les urines aussi claires que possible »). Il est recommandé de leur apprendre à être attentifs :
• à l’apparition de la fièvre,
• aux changements de comportement de leur enfant (irritabilité, pleurs incessants, perte d’appétit, etc.) qui peuvent révéler une crise vaso-occlusive débutante ou une autre complication et à ne pas hésiter à consulter dans ces cas-là.
Il est recommandé d’éduquer les parents à la prise en charge initiale d’une crise vaso-occlusive douloureuse.
Il est recommandé de leur apprendre à reconnaître les signes suivants qui imposent une consultation en urgence :
• une douleur qui ne cède pas au traitement antalgique initial,
• une fièvre supérieure à 38,5 °C,
• des vomissements,
• des signes d’anémie aiguë, c’est-à-dire l’apparition brutale :
– d’une pâleur (conjonctives, paumes des mains et plantes des pieds),
– d’une fatigue,
– d’une altération de l’état général ;
• une augmentation brutale du volume de la rate (pour les parents qui souhaitent être entraînés à palper la rate de leur enfant) ou du volume de l’abdomen ;
• et pour les parents de garçons, un priapisme qui ne cède pas au traitement initial.
Il est recommandé de mettre au point, en accord avec les parents, un « Circuit d’urgence » et de leur remettre un document écrit récapitulant ce circuit.
L’importance d’apporter le carnet de santé à chaque consultation ou hospitalisation de l’enfant, et de l’emporter lors de chaque voyage, est à expliquer et à rappeler aux parents.
Les associations de patients ou de parents d’enfants drépanocytaires ont un rôle à jouer dans cette information et cette éducation.
Éducation thérapeutique des enfants
Une éducation thérapeutique est à proposer à l’enfant. Elle a pour but de lui permettre de se familiariser avec la prise en charge de sa maladie. Elle est à adapter à l’âge de l’enfant et aux caractéristiques cliniques du syndrome drépanocytaire majeur.
Régime alimentaire, supplémentation nutritionnelle et hydratation
L’allaitement maternel est recommandé. En l’absence d’allaitement maternel, n’importe quel lait artificiel peut être proposé.
Les supplémentations en oligo-éléments sont à proposer selon le contexte clinique :
– une supplémentation quotidienne en acide folique (5 mg/j) est recommandée ;
– une supplémentation quotidienne en zinc peut être proposée en période prépubertaire ;
– une supplémentation en fluor et en vitamine D est donnée, selon les recommandations pour la population pédiatrique générale, en prévention de la carie dentaire et du rachitisme ;
– une supplémentation martiale n’est pas recommandée en l’absence d’une carence avérée, du fait de la surcharge en fer liée aux transfusions potentielles de l’enfant drépanocytaire.
Une hydratation abondante est nécessaire. Elle doit être sans restriction et encouragée continuellement. Il est recommandé que les parents, puis l’enfant, soient informés que celui-ci doit boire jusqu’à « garder les urines aussi claires que possible ».
Hydroxyurée
Le mécanisme principal d’action de l’hydroxyurée dans la drépanocytose est sans doute l’augmentation du taux d’HbF dans le globule rouge drépanocytaire permettant ainsi d’inhiber la polymérisation de l’hémoglobine S et donc la falciformation des globules rouges, mais des effets anti-inflammatoire et antiadhésion sont aussi probables. L’hydroxyurée chez l’enfant est indiquée dans les situations suivantes [22] :
– trois crises vaso-occlusives ou plus ayant nécessité l’hospitalisation par an,
– plus de 2 syndromes thoraciques aigus,
– anémie sévère,
– vasculopathie cérébrale,
– ischémie myocardique,
– cholestase intra-hépatique.
La dose initiale est de 15 mg/kg par jour, adaptée en fonction de l’efficacité et de la tolérance, jusqu’à une posologie d’entretien qui se situe habituellement autour de 20-25 mg/kg/j, sans dépasser 35 mg/kg/j [64].
Les tolérances à court et à moyen terme sont bonnes [21]. Une incertitude demeure sur la fertilité ultérieure des garçons qui auront reçu tôt et longtemps ce traitement. Ce traitement doit être prescrit par un médecin expert dans la prise en charge de la drépanocytose et sa tolérance doit être vérifiée régulièrement.
Prévention des infections
• Prophylaxie antibactérienne [41] :
Pour la prévention des infections à pneumocoque, une antibioprophylaxie antipneumococcique par pénicilline V est recommandée chez l’enfant atteint de drépanocytose SS :
– à partir de l’âge de deux mois jusqu’à l’âge d’au moins cinq ans
– à la posologie de 100 000 Ul/kg par jour jusqu’à 10 kg, puis 50 000 Ul/kg par jour de 10 à 40 kg
– en deux prises.
L’âge d’arrêt définitif n’est pas défini à ce jour. En cas de fièvre après l’arrêt de l’antibioprophylaxie, il est recommandé de prescrire un antibiotique bactéricide sur le pneumocoque.
Les allergies vraies à la pénicilline sont exceptionnelles.
L’importance de cette antibioprophylaxie pour la maîtrise du risque infectieux doit être soulignée à chaque consultation ou visite médicale afin de vérifier la non compliance progressive au traitement.
• Autre antibioprophylaxie
Une antibioprophylaxie identique à celle utilisée en prévention de l’endocardite infectieuse est recommandée en cas de soins dentaires particuliers : soins endodontiques, soins prothétiques à risque de saignement et tous les actes chirurgicaux.
Traitement curatif
Greffe de moelle osseuse
La transplantation de cellules souches hématopoïétiques grâce à une allogreffe de moelle osseuse (ou éventuellement à partir de sang de cordon) est le seul traitement curatif de la drépanocytose à ce jour. Le but est d’éliminer les drépanocytes et leurs précurseurs en les remplaçant par des cellules souches pluripotentes de donneur AA ou AS qui permettront la production d’érythrocytes contenant une hémoglobine normale de manière à diminuer le taux général d’hémoglobine S.
Traitement de la crise vaso-occlusive
De nombreuses crises drépanocytaires peu sévères (douleur peu intense, fièvre inférieure à 38,5 °C) peuvent être traitées à domicile par l’association des mesures suivantes : repos au chaud, boissons abondantes, traitement antalgique. Ceci n’est pas valable pour le nourrisson qui doit être immédiatement hospitalisé [8].
L’hydratation
L’hydratation constitue le geste essentiel dans le traitement des crises douloureuses. Elle doit être rapide, efficace et contrôlée ; elle permet de diminuer les facteurs de viscosité et d’hémoconcentration, source de thromboses, d’anoxie et d’acidose [50].
La voie orale seule est insuffisante, même très soigneusement surveillée. C’est donc la voie veineuse qu’il faut utiliser systématiquement. On aura recours aux solutés de glucosé isotoniques bien équilibrés en électrolytes (Na, K, Ca). Le sérum physiologique convient à la rigueur, quoique trop riche en sel si l’enfant a une cardiopathie. Les macromolécules peuvent aussi être utilisées.
La quantité journalière de soluté est de 3 l/m², soit environ 120-150 ml/kg/24 heures.
Antalgique
Leur prescription doit être adaptée à l’intensité de la douleur en se basant sur une échelle d’évaluation de la douleur [23].
Antibiothérapie
Elle est discutée cas par cas, ciblée sur le pneumocoque ou élargie ; mais elle n’est pas systématique. Elle se fait même en absence de fièvre si une infection bactérienne est suspectée ou diagnostiquée [23].
Transfusion sanguine
Un geste transfusionnel, transfusion simple ou échange transfusionnel, a pour but de corriger l’anémie et de diluer les hématies drépanocytaires. Les indications respectives de chaque geste dépendent du taux plasmatique d’hémoglobine et de la situation clinique [40].
Cette affection présente donc des syndromes touchant plusieurs organes sur le plan général mais également la sphère oro-faciale.
JUSTIFICATIFS DE L’ÉTUDE ET INTÉRÊT
La drépanocytose est une maladie du sang qui affecte au moins 5,2% de la population mondiale et touche un grand nombre de pays. C’est une anomalie génétique qui se traduit par une falciformation des globules rouges. Ces globules rouges se retrouvent piégés dans les vaisseaux sanguins de divers organes. A court terme, une obstruction des vaisseaux sanguins provoque des crises de douleurs intenses, et à long terme des lésions organiques chroniques. [12].
La drépanocytose concerne l’odontologiste par certaines de ses manifestations (parodontales, retard d’éruption des dents, dystrophie des os plats), ses complications (foyers de thrombose et d’infection) et les mesures préventives qui doivent être prises pour toute intervention en chirurgie buccale.
L’objectif de ce travail etait de passer en revue les differentes manifestations oro-faciales de la drépanocytose et de sa prise en charge odontologique.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Une revue de la littérature a été réalisée.
Ainsi une stratégie de recherche, destinée à retrouver tous les écrits pertinents sur la question a été mise en œuvre.
La recherche de références sur les manifestations oro-faciale de la drépanocytose ainsi que leur pise en charge a été effectuée. Elle a concernée des articles, des thèses ainsi que l’encyclopédie médico-chirurgicale. La recherche des articles a été faite en utilisant les bases de données de la bibliothèque nationale de médecine (Pubmed) et du programme d’accès à la recherche en santé de l’OMS (hinari).
Pour la stratégie de recherche, une série spécifique de mots clés conforme au
Mesh thésaurus en anglais et en français a été utilisée sans limite :
«sickle cell disease» ou «sickle cell anemia» : drépanocytose
«orofacial manifestations » : manifestations orofaciales
«Management » : prise en charge
MANIFESTATIONS ORO-FACIALES
Il existe différentes manifestations oro-faciales de la drépanocytose, mais la plupart ne sont pas spécifiques à la maladie. Les manifestations les plus importantes à connaître chez un patient drépanocytaire peuvent être des altérations des tissus mous, des altérations des tissus durs, la nécrose pulpaire et les douleurs oro-faciales.
Altération des tissus mous
La structure histologique de la muqueuse buccale se compose d’un épithélium pavimenteux stratifié très peu ou pas kératinisé reposant sur un tissu conjonctif lâche constitué de fibres de collagène, de fibres élastiques, de cellules fibroblastiques ainsi que de nombreux vaisseaux.
Cet épithélium est séparé du chorion par l’intermédiaire d’une membrane basale où se situent les mélanocytes : il s’agit de cellules claires présentant des prolongements cytoplasmiques (dendrites) s’insinuant entre les cellules de l’épiderme et par lesquels les mélanosomes chargés de mélanine transitent vers la surface de l’épiderme. Ces dendrites étant présents en quantité très faible au niveau de cette muqueuse, la pigmentation est quasi-inexistante (muqueuse transparente).
Cette particularité explique que le taux d’hémoglobine dans le sang est directement responsable de la couleur de la muqueuse buccale. Chez un patient anémique, ce taux est abaissé et la muqueuse apparaît pâle. Cette pâleur du revêtement buccal constitue le seul signe commun à toutes les anémies [52].
La pâleur altérée de la muqueuse buccale est la manifestation buccale la plus fréquemment observée chez les drépanocytaires (Figure 4). Il est secondaire à la diminution de l’hématocrite. La muqueuse peut parfois être de couleur jaunâtre en raison de la nature hémolytique de l’anémie [15, 46]. Ces manifestations ne sont pas spécifiques et peuvent être visibles dans toute anémie hémolytique (auto-immune par exemple).
La particularité de la muqueuse linguale tient à la présence à sa surface des papilles gustatives. Ces structures, responsables de l’aspect rugueux de la langue, sont sensibles aux agents pathogènes ou aux troubles systémiques tels que l’anémie.
On observe souvent une atrophie des papilles de la langue (figure 5), bien qu’elle soit moins courante que dans l’anémie pernicieuse (carence en vitamine B12, également appelée anémie de Biermer). La maladie affecte généralement toute la langue, qui apparaît lisse et rougeâtre [29]. Actuellement, la plupart des études ne font pas apparaître de lien entre une maladie parodontale spécifique et la drépanocytose [17]. Cependant, une étude portant sur des cohortes de patients homozygotes et hétérozygotes (c’est-à-dire présentant un trait drépanocytaire) a montré que seule la forme homozygote est corrélée à maladie parodontale [17]. Les auteurs ont expliqué cette divergence par le fait que la densité de l’os trabéculaire est diminuée du fait de la pathologie chez les homozygotes, ce qui le rend plus sensible aux conséquences de la parodontite [17]. De plus, la gencive peut être le lieu d’une extravasation de sang conduisant à un élargissement gingival [69].
Altérations des tissus durs
Altération sur la structure dentaire
Le développement d’une carie provient « d’un déséquilibre durable en faveur de la déminéralisation, c’est-à-dire lorsque la production acide est prolongée et/ou lorsque le pouvoir tampon de la salive est diminuée. »
Cette acidité, due à la production locale d’acides organiques par les bactéries cariogènes (Streptococcus, Lactobacillus, Actinomyces) de la plaque lorsqu’elles sont en contact avec des sucres fermentescibles, entraîne la déminéralisation de l’émail lorsque le pH est inférieur à 5,5 et de la dentine lorsqu’il est inférieur à 6,5.
De nombreux facteurs influencent le processus carieux notamment l’hygiène dentaire, les habitudes alimentaires ainsi que le recours aux soins préventifs ou curatifs.
Des hypoplasies de l’émail et de la dentine et une éruption dentaire retardée ont été rapportées chez des drépanocytaires. En ce qui concerne la susceptibilité à la carie dentaire, les recherches ne permettent pas de déterminer si les drépanocytaires présentent réellement un risque accru. Les bactéries étant un facteur étiologique principal dans les caries dentaires, il est possible que la pénicilline prophylactique administrée pendant l’enfance pour prévenir les infections à pneumocoque puisse avoir un effet protecteur en réduisant les niveaux de streptocoques mutans dans la cavité buccale diminuant ainsi le risque de carie dentaire [18, 34]. Une étude de Fukuda [34] a rapporté une diminution du taux de streptocoques et de caries chez les enfants recevant un traitement antibiotique de longue durée, mais après l’âge de 6 ans, les antibiotiques ont été arrêtés et il n’y avait plus de différence dans les concentrations bactériennes. Cela suggère que la pénicilline prophylactique ne sert de facteur protecteur que dans la petite enfance et ne fait que retarder l’acquisition de bactéries cariogènes [34].
Le facteur socio-économique a plus d’influence que la drépanocytose dans la survenue des caries dentaires. En effet d’après une étude de cohorte réalisée en 2006 par Laurence B [49] qui avait pour objectif de déterminer s’il existe un lien entre la drépanocytose et la carie dentaire chez les adultes afro-américains. C’était plutôt leur faible revenu qui entrainait un risque accru de caries dentaires chez les drépanocytaires car étant moins susceptibles de bénéficier d’un traitement conservateur. Les résultats de cette étude ont ainsi démontré que les drépanocytaires ayant un revenu de moins de 15 000 dollars avaient 6 fois plus de dents cariées que les non-drépanocytaires, s’ils ont les mêmes habitudes alimentaires et la même fréquence de brossage.
Passos 2012 [61] a rapporté des résultats similaires en étudiant la prévalence de la carie dentaire des drépanocytaires et en tenant compte de facteurs aggravants. Ils ont conclu que des facteurs tels que l’âge avancé, le sexe féminin et le tabagisme au quotidien influençaient plus sur la carie que la drépanocytose. Ces résultats sont similaires à ceux de Al-Alawi [3] et Singh J [72] qui trouvent une prévalence de carie dentaire significativement plus élevée chez les patients drépanocytaires comparativement à des personnes saines.
Par ailleurs selon Okafor [57] une réduction de l’ingestion de bonbons chez les drépanocytaires entraine une diminution de la prévalence de la carie dentaire. Toutefois, dans une étude cohorte réalisée par Fernandes en 2015 au Brésil, la prévalence de la carie dentaire chez les drépanocytaires est similaire à celle des personnes saines [28].
Altération du tissu osseux
La douleur osseuse est secondaire aux attaques occlusives vasculaires conduisant à une ischémie osseuse et à l’apparition de petites zones de nécrose. Ces événements douloureux sont plus fréquents dans l’os mandibulaire et plus particulièrement dans sa région postérieure en raison d’un réseau vasculaire moins développé et d’un remaniement osseux moins important en cas de thrombus artériel.
Une telle douleur osseuse peut être causée par une hypoxie (résultant d’une infection, d’une défaillance respiratoire, d’une modification de la pression artérielle, par exemple en raison de l’altitude, d’un effort prolongé) ou par une déshydratation (forte chaleur estivale, forte fièvre, effort physique intense). D’autres facteurs déclenchant ont été découverts, tels que l’anesthésie générale, le stress ou la chirurgie. Cette nécrose osseuse peut être observée par examen radiologique. Il existe en effet des lésions radio-transparentes de petite taille compatibles avec les épisodes douloureux. Ces lésions radiologiques sont toujours visibles après l’épisode de crise vaso-occlusive [45, 75].
Les lésions osseuses peuvent également être visibles radiologiquement dans tout le squelette et au niveau du maxillaire. Il s’agit d’une apparence ostéoporotique due à une hyperplasie médullaire, des lésions radio-opaques correspondant à des zones d’ischémie, des lésions d’ostéomyélite et un retard de croissance osseuse [45] (Figure 3).
L’ostéomyélite apparaît secondaire à un infarctus osseux. Il s’agit d’une infection osseuse dont les agents pathogènes sont le plus souvent d’origine hématogène. La fréquence des infections osseuses dans la drépanocytose peut être expliquée par l’hyposplénisme de ces patients et par l’hypovascularisation osseuse, en particulier lors d’attaques vasculaires occlusives rendant le tissu particulièrement vulnérable à l’infection. Les germes sont transmis par le sang et sont souvent d’origine digestive (cholécystite ou gastroentérite), ce qui explique la fréquence de Salmonella parmi les germes responsables des infections chez les patients drépanocytaires. Cependant, une étude a rapporté 16 cas d’ostéomyélite de la mandibule chez des patients drépanocytaires sans souche de Salmonella [59]. Dans cette étude, une prédominance de Staphylococcus aureus était notée dans la cavité buccale. L’hypothèse est que les germes se propagent localement [59].
Il est souvent très difficile de différencier l’infarctus osseux précoce de l’ostéomyélite. Dans les deux cas, la douleur osseuse est associée à la fièvre et il peut être difficile d’interpréter la vitesse de sédimentation des érythrocytes et la protéine C-réactive (CRP). Les examens radiologiques standard ne permettent pas un diagnostic différentiel [47]. Une technique de diagnostic consiste à effectuer des hémocultures pour identifier un agent pathogène. L’IRM peut également être une aide au diagnostic [45]. Les complications de l’ostéomyélite consistent en la survenue de fractures pathologiques ou en l’apparition d’une ostéite chronique pouvant causer une fistule.
Trouble de la morphologie faciale
On note une forte prévalence de malocclusion chez les enfants et les adolescents drépanocytaires (80,6% chez les adolescents) [4].
Dans l’étude d’Okafor [57] on note une malocclusion des dents avec over-jet et over-bite chez 35% des malades comparativement à 16,66% dans le groupe témoin.
Les patients drépanocytaires présenteraient des caractéristiques du squelette de classe II en raison de la rétrusion mandibulaire comparés aux sujets sains d’après Pithon [63].
Nécrose de la pulpe dentaire
La nécrose pulpaire se définit comme la mortification de la pulpe aboutissant à sa destruction. Il en existe deux formes principales :
– La nécrose totale septique résultant de l’envahissement de la pulpe par un processus infectieux bactérien le plus souvent secondaire à des lésions carieuses mais pouvant aussi compliquer des parodontites apicales ;
– La nécrose aseptique de la pulpe, à l’inverse, se produit en dehors de toute infection mais résulte le plus souvent d’un traumatisme dentaire (luxation, contusion) responsable de la lésion du paquet vasculo-nerveux. Les autres causes, plus rares sont les causes physiques (brûlure de la pulpe par meulage intempestif) ou les causes chimiques (obturation avec matériaux (composite) à pH acide).
Comme nous l’avons vu dans la première partie, les crises vaso-occlusives constituent la principale manifestation aiguë de la drépanocytose. L’occlusion des capillaires par les hématites falciformes agglutinées entraînent une ischémie d’aval se manifestant par une douleur locale intense [52].
Selon Andrews, [5] une nécrose pulpaire peut survenir chez les patients atteints de drépanocytose à la suite de certaines altérations de la microcirculation pulpaire notamment un infarctus ou une thrombose des vaisseaux de la pulpe dentaire exposant la pulpe vitale à l’hypoxie. Cette hypoxie persistante dans la chambre pulpaire peut provoquer une nécrose de la pulpe qui fait apparaître radiologiquement une lésion périapicale [5].
Ainsi, près de 38% des lésions périapicales ont été rapportées autour des dents de patients drépanocytaires [5].
Silva [71], quantifie cette relation et montrent que le risque de nécrose pulpaire asymptomatique est 8,33 fois plus important chez les sujets drépanocytaires que chez les sujets sains (p < 0,01) [71].
Il semblerait donc que les crises vaso-occlusives intéressant le réseau capillaire pulpaire entraîne une nécrose à bas bruit de la pulpe dentaire et que les patients drépanocytaires seraient plus exposés au risque de nécrose pulpaire asymptomatique
Par ailleurs, Demirba Kaya [16] ont mis en évidence une association statistiquement significative (p<0,05) entre la drépanocytose et la présence de nécrose pulpaire sur dents saines, le nombre de patients souffrant de douleurs dentaires ainsi que des anomalies radiographiques spécifiques (épaisseur de l’os cortical, densité osseuse, aspect de lacune osseuse en « marche d’escalier »). Les nécroses pulpaires concernaient majoritairement les prémolaires mandibulaires (40%) et maxillaires (20%) ainsi que les molaires mandibulaires (20%) [16].
Ces nécroses pulpaires peuvent être à l’origine de parodontite apicale en rapport avec le paquet vasculo-nerveux.
Atteinte nerveuse
La neuropathie du nerf alvéolaire inférieur avait été évoquée par Friendlander [33]. Il s’agit, en fait, d’une complication d’une crise vaso-occlusive mandibulaire se manifestant par une anesthésie de la région atteinte et pouvant persister pendant plus de 24 mois.
Cette perte de sensibilité serait due à un infarctus intéressant la microcirculation qui assure la vascularisation du nerf mandibulaire et de ses branches, particulièrement vulnérable du fait de son trajet à travers le foramen mentonnier [37].
Une crise vaso-occlusive à la mandibule peut causer des neuropathies permanentes affectant le nerf alvéolaire inférieur qui peut provoquer une anesthésie persistante pendant 24 mois, ainsi la fréquence des neuropathies est plus élevée chez les patients drépanocytaires. [16, 53, 70].
Ainsi plusieurs auteurs recommandent de réaliser des examens électrophysiologiques lors d’un bilan de routine pour diagnostiquer une neuropathie précoce chez les drépanocytaires sans symptômes neurologiques [44, 53,58].
Douleurs oro-faciales
O’Rourke et Hawley [60] ont comparé 51 adultes et adolescents jamaïcains drépanocytaires et 51 sains afin d’étudier la prévalence de la douleur orofaciale chez cette maladie. Les deux groupes de sujet âgés de 13 à 45 ans ont subi un interrogatoire et un examen clinique buccodentaire. La présence ou l’absence de poches parodontales profondes, de mobilité axiale ou horizontale, de traumatisme et d’érosion sévère avait été enregistré ainsi que l’expérience de la douleur maxillaire ou mandibulaire.
Les drépanocytaires présentaient des douleurs orofaciales et dentaires en l’absence de pathologie dentaire. Ceci serait probablement dû à des angiopathies au niveau de la microcirculation qui entrainent de petites zones de nécroses dans les os de la face [60].
Le chirurgien dentiste devant ces manifestations buccales spécifiques aux patients drépanocytaires doit adopter une attitude appropriée.
Prise en charge odontologique du patient drépanocytaire
La prise en charge de ces complications bucco-dentaires est souvent négligée, car les personnes atteintes de drépanocytose consacrent toute leur énergie à maintenir leur état de santé général face à ce grave trouble sanguin. L’absence de traitement des affections bucco- dentaires contribue à aggraver la situation, mais elle peut également entraîner une crise douloureuse de drépanocytose, qui nécessitera une prise en charge aux urgences. Afin d’éviter toute dégradation supplémentaire de l’état de santé des patients, les traitements des complications buccales doivent être adaptés individuellement.
La prévention
La prévention des maladies orales réduira le risque d’infection aiguë, susceptible de déclencher une crise de drépanocytose, et les besoins de traitements dentaires. Un régime préventif rigoureux devrait être mis en place chez tous les patients drépanocytaires. Les visites chez le dentiste sont recommandées dés l’éruption de la première dent ou du premier anniversaire de l’enfant. Des conseils et des informations concernant la prévention des caries devra être fournis aux jeunes enfants. Par la suite, les patients doivent se rendre deux fois par an pour l’application du vernis au fluorure, des conseils préventifs et des soins dentaires continus jusqu’à l’âge adulte. Un traitement rapide de toute lésion carieuse doit être instituée [62].
Dépistage et éradication des foyers infectieux
L’examen clinique lors du bilan initial et à chaque visite de contrôle permettra à l’odontologiste de dépister et d’éradiquer tous les foyers infectieux bucco-dentaires. L’avulsion des dents cariées infectées, ainsi que le traitement des pathologies du parodonte doit être de règle. Une hygiène bucco-dentaire rigoureuse doit également être instaurée [62].
Antibioprophylaxie
Les soins dentaires peuvent constituer la porte d’entrée d’un processus infectieux d’autant plus qu’ils ont un caractère invasif.
La réponse immunitaire des patients drépanocytaires étant diminuée, la prescription d’une antibioprophylaxie encadrant les gestes du praticien doit être envisagée. La Haute Autorité de Santé dans son rapport de 2005 sur la prise en charge de la drépanocytose précise «qu’une antibioprophylaxie identique à celle utilisée en prévention de l’endocardite infectieuse est recommandée en cas de soins dentaires particuliers : soins endodontiques, soins prothétiques à risque de saignement et tous les soins chirurgicaux. » [41]
En 2011, l’AFSSAPS [2] a par ailleurs émis des recommandations concernant la prescription des antibiotiques en odontologie. Il y est précisé les situations où l’antibioprophylaxie est requise pour les patients immunodéprimés dont les drépanocytaires :
-Pour la réalisation d’actes non-invasifs (actes de prévention non sanglants, soins prothétiques non sanglants, soins conservateurs, etc.) : aucune antibioprophylaxie n’est indiquée [2].
-Pour la réalisation d’actes invasifs, la majorité des gestes nécessite une antibioprophylaxie notamment les soins endodontiques à pulpe vitale ou nécrosée, une chirurgie péri-apicale, le détartrage avec ou sans surfaçage radiculaire, toute chirurgie parodontale et toute avulsion dentaire. Le schéma d’administration préconisé par l’AFSSAPS et l’HAS consiste en une prise unique de 2 g d’amoxicilline per os avant le geste pour un adulte ; la posologie pour un enfant est de 50 mg/kg en une prise per os [2].
Gestion du risque anesthésique
D’une manière générale, l’anesthésie locorégionale est recommandée par rapport à l’anesthésie générale. Les impératifs de l’anesthésie du patient drépanocytaire reposent avant tout sur la prévention de l’hypoxie, de l’hypovolémie, de l’hypothermie, et de l’acidose respiratoire ou métabolique, et non pas sur le choix d’une technique ou d’un agent anesthésique spécifique [83]. En pratique bucco-dentaire, l’anesthésie (locale ou locorégionale) est idéale si l’intervention n’est pas trop longue (inférieure à deux heures).
En pratique bucco-dentaire, l’anesthésie fait l’objet de recommandations. L’anesthésie locorégionale est possible [38]. Il n’y a pas de consensus sur l’utilisation des vasoconstricteurs [52]. En revanche, il est préférable d’obtenir une anesthésie locale profonde pour éviter les situations de stress pouvant être responsables de douleurs vasculaires occlusives ultérieures. L’utilisation d’un sédatif tel qu’un anxiolytique ou un mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA) peut être envisagée pour réduire le stress lié au traitement dentaire.
La sédation consciente par MEOPA est préférable à l’anesthésie générale, qui peut entraîner des complications. Cependant des précautions doivent être prises pour éviter l’hypoxie à l’arrêt de l’inhalation de MEOPA, ainsi il est conseillé d’administrer de l’oxygène à 100% pendant quatre à cinq minutes à la fin du traitement [26].
Si une anesthésie générale est inévitable, certaines précautions doivent être envisagées. L’anémie doit être corrigée avant l’opération. L’anesthésie générale devrait permettre de réaliser tous les soins bucco-dentaires lors d’une même séance afin d’éviter une nouvelle intervention [67, 82].
Prescription médicamenteuse
Les médicaments analgésiques sont souvent prescrits. Les anti-inflammatoires stéroïdiens sont contre-indiqués en raison du risque de déclenchement de pathologies graves [25]. La combinaison du paracétamol et de la codéine est la meilleure solution analgésique pour ces patients [67, 55]. L’utilisation de la morphine et de ses analgésiques dérivés est également possible (buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, nalbuphine, oxycodone et péthidine). Ces analgésiques centraux sont réservés aux douleurs intenses nécessitant souvent une hospitalisation.
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Table des matières
INTRODUCTION
I- NOTIONS FONDAMENTALES
I-1- Structure et physiologie de l’hémoglobine
I-2 Physiopathologie de la drépanocytose
II- MANIFESTATIONS GENERALES
II-1 Selon l’âge
II-2 Selon le syndrome
II-2-1 Syndrome vaso-occlusive
II -2-2 – Syndrome thoracique aigu (STA)
II-2-3 Syndrome anémique
II-2-4 Syndrome infectieux
III – TRAITEMENT
III -1 Traitement préventif
III -1-1 Éducation thérapeutique des parents
III-1-3 Régime alimentaire, supplémentation nutritionnelle et hydratation
III -1-4 Hydroxyurée
III -1-5 Prévention des infections
III -2 Traitement curatif
III -2-1 Greffe de moelle osseuse
III -2-2 Traitement de la crise vaso-occlusive
I- JUSTIFICATIFS DE L’ÉTUDE ET INTÉRÊT
II- MATÉRIEL ET MÉTHODE
III- MANIFESTATIONS ORO-FACIALES
III-1 Altération des tissus mous
III -2 Altérations des tissus durs
III -2 -1 Altération sur la structure dentaire
III -2 -2 Altération du tissu osseux
III- 3 Nécrose de la pulpe dentaire
III- 4 Atteinte nerveuse
III -5 Douleurs oro-faciales
IV- Prise en charge odontologique du patient drépanocytaire
IV- 1 La prévention
IV- 2 Dépistage et éradication des foyers infectieux
IV- 3 Antibioprophylaxie
IV- 4 Gestion du risque anesthésique
IV- 5 Prescription médicamenteuse
CONCLUSION
REFERENCES
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