RÉGIME ALIMENTAIRE ET COMPARAISON DE LA NICHE ALIMENTAIRE DES LARVES
Gestion des pêches
L’impact de la pêche moderne sur les stocks (portion exploitable d’une population), qui était jadis marginal, fait donc maintenant partie des principaux facteurs de mortalité au stade adulte et on l’estime parfois supérieur à la mortalité naturelle (Halliday & Pinhorn, 2009). Il est également important de se rappeler que même sans les impacts anthropiques, la taille des populations marines fluctue de façon importante en réaction aux variations des conditions environnementales (température, salinité, vents, courants, etc.).
Ces deux facteurs ont une influence sur plusieurs aspects du développement et de la dynamique des populations en milieu marin, notamment la reproduction, l’abondance, la croissance, la distribution, les migrations, la prédation et la transmission de maladies (Adams, 1980; Gunderson, 1980; Dominguez-Petit et al, 2008; Drinkwater, 2009; Halliday & Pinhorn, 2009; Wright & Trippel, 2009). Dans le cas des poissons de fond, les facteurs environnementaux dans le nord-ouest de l’Atlantique, particulièrement le refroidissement des eaux, ont été défavorables à plusieurs espèces à l’époque même où l’effort de pêche a atteint des sommets. Ces deux phénomènes combinés ont participé à l’effondrement de plusieurs stocks à la fin du siècle dernier (Dutil et al, 1998). Un des exemples les plus cités est l’effondrement de la morue franche (Gadus morhua) dans l’est du Canada, incluant le golfe du Saint-Laurent. Malgré l’imposition de moratoires au début des années 1990, plusieurs de ces stocks demeurent à des seuils ne permettant pas une récolte commerciale à long terme (Lilly, 2008).
La pêche, par les prises accidentelles, cause également des dommages aux populations d’espèces non commerciales. Elle détruit une partie de l’habitat par l’utilisation de chaluts qui labourent le fond marin (Kenchington et al, 2006). Elle modifie la composition démographiques des espèces présentent (Enberg et al, 2009). Elle augmente la vulnérabilité aux variations dans les conditions environnementales (Ottersen et al, 2006) et peut affecter le réseau trophique à plusieurs niveaux (Frank et al, 2005; Benoit & Swain, 2008; Bundy et al, 2009). Une saine gestion des ressources devient donc essentielle si on désire une exploitation durable pour les décennies à venir. Les principales mesures de gestion utilisées sont des mesures restrictives qui visent à limiter les captures aux espèces d’intérêts commerciales. Parmi ces mesures, on peut citer des normes strictes sur les engins de pêche, des quotas de pêche par secteur et, dans certains cas extrême, un moratoire complet sur la récolte d’une espèce. Dans la planification des détails techniques des mesures de gestion, la recherche fondamentale revêt un rôle important pour déterminer la source et l’intensité des facteurs jouant un rôle dans la survie et le recrutement des espèces.
Recrutement et stade larvaire
Afin de prévoir l’état de la ressource, les gestionnaires ont recourt à la modélisation de l’évolution des stocks. Ces modèles sont basés sur les connaissances antérieures de l’abondance des stocks et du recrutement dont les estimations sont issues en partie des pêches expérimentales et des débarquements de la pêche commerciale. Le recrutement est en grande partie lié à la survie au stade larvaire. On associe cette relation au taux de mortalité extrêmement élevé du stade larvaire qui en fait une période critique dans le cycle de vie d’une majorité de poissons osseux (Hjort, 1926; Houde, 2008; Leggett & Frank, 2008). Cette période charnière voit la poursuite du processus d’ontogénie amorcé au stade embryonnaire et le début de l’augmentation de la masse de l’organisme en réponse à l’apport de sources d’énergie et de nutriments externes.
En fonction de l’espèce, l’alimentation exogène peut débuter pendant ou après la résorption du sac vitellin. L’importance de ce stade a longtemps été négligée (Cushing & Horwood, 1994). Cependant, comme mentionné par Fuiman & Werner (2002), celui-ci est sujet à un plus haut taux de mortalité parce qu’il doit supporter des contraintes similaires à celles des autres stades (juvéniles et adultes), mais avec des changements beaucoup plus rapides de tailles, de structure, de comportement et de capacité physique. De plus, le stade larvaire est caractérisé par une moins grande résistance à la famine, variant de moins de 24 heures à quelques jours selon l’espèce. Après ce délai, une larve qui ne s’est pas alimentée est trop faible et incapable de se nourrir efficacement. Elle épuise donc ses réserves énergétiques avant de mourir (May, 1973; Houde, 2002). Les larves ont également une faible capacité natatoire et leurs déplacements sur de longues distances consistent principalement au transport passif des courants marins.
Dans certains cas, on observe une migration verticale leur permettant d’accéder à des courants plus favorables (Grioche et al, 2000), mais en général les courants créent une dispersion spatiale des larves pouvant les éloigner des zones productives nécessaires à leur survie (Iles & Sinclair, 1982; Fortier et al, 1992). Conséquemment, et considérant le nombre de larves produites, un faible changement du taux de survie peut avoir des effets importants sur le recrutement d’une population. Ainsi, on observe régulièrement des cohortes de survie extrêmement faible chez de nombreuses espèces, même non exploitées, associées à une forte mortalité larvaire (Leggett & Deblois, 1994).
Alimentation larvaire
L’éclosion des larves de plusieurs espèces est synchronisée avec la production accrue des proies préférées. Cette synchronisation entre la production intense de proies et la présence des larves augmenterait les chances de survie selon l’hypothèse du « matchmismatch » (Cushing, 1990). Ainsi, une plus grande abondance de proies aura pour effet d’augmenter le taux de croissance et de diminuer la durée du stade larvaire (Chambers & Leggett, 1987). La présence de proies en grande quantité lors du stade larvaire est donc essentielle à l’émergence de fortes cohortes surtout si l’on considère que ce stade est sujet en milieu naturel à un taux de mortalité qui avoisine les 99,99% (Anderson, 1988; Cushing, 1990; Campana, 1996; Robert et al, 2008; Brochier et al, 2011). Gerking (1994) affirme que le régime alimentaire d’une espèce de poisson au stade larvaire lui confère pratiquement un statut « d’espèce distincte » si on compare sa niche alimentaire à cette période avec celle de sa phase adulte.
Pour les espèces de poissons, plusieurs études ont démontré que même au stade larvaire le choix alimentaire est spécifique à certaines espèces de proies (Morote et al, 2008; Robert et al, 2008; Robert et al, 2011). Chez certaines espèces, on peut observer la consommation de phytoplancton dans les premiers jours de l’alimentation exogène, mais l’utilisation de ce type d’aliments est généralement temporaire et l’on observe rapidement un changement d’alimentation vers la consommation de copépodes chez la plupart des espèces. Le stade de développement de copépodes sélectionné augmente avec la taille de la larve, donc avec l’augmentation de la capacité de capture et d’ingestion.
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Table des matières
RÉSUMÉ
AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
I – INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 GESTION DES PÊCHES
1.2 RECRUTEMENT ET STADE LARVAIRE
1.3 ALIMENTATION LARVAIRE
1.4 GOLFE DU SAINT-LAURENT
1.5 OBJECTIF
II – ZOOPLANKTON PREY SELECTION AMONG THREE DOMINANT CHTHYOPLANKTON SPECIES IN THE NORTHWEST GULF OF ST LAWRENCE
2.1 INTRODUCTION
2.2 METHOD
2.3 RESULTS
2.4 DISCUSSION
III – CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES
ANNEXE
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