Reformulations, contacts de langues et compétence de communication

Langues en usage, francophonie et enseignement du français au Liban 

Le Liban a depuis toujours entretenu une relation particulière avec les cultures et les langues grâce à sa situation géographique à la frontière de l’Orient et de l’Occident, à l’est du bassin méditerranéen. Caractérisé par son plurilinguisme, il a su préserver, développer et enrichir sa diversité linguistique. Les recherches archéologiques et historiques montrent que le Liban a depuis toujours connu « une forme ou l’autre de bilinguisme ou polyglossie, et de contact avec les autres cultures correspondantes » (Abou 1962 : 158) .

Son ouverture sur l’Occident ne s’est pas limitée à la France, mais c’est avec elle, parmi tous les pays occidentaux, qu’il a tissé à tous les niveaux le plus de liens, à travers son histoire contemporaine. C’est grâce à cette relation interculturelle que le bilinguisme arabe/français s’est développé. Ainsi, le français jouit-il d’un statut particulier de langue seconde et de langue de scolarisation aux côtés de l’arabe, langue maternelle, et de l’anglais, langue devenue internationale.

Statuts des langues au Liban

Trois langues principales cohabitent aujourd’hui au Liban : l’arabe, le français et l’anglais . L’arabe est la langue officielle du pays. Le français l’a été à ses côtés pendant un moment, puis a perdu ce statut, mais garde une place privilégiée. Enfin, l’anglais, introduit bien plus tard occupe aujourd’hui une place de plus en plus importante.

Statut de l’arabe

La particularité de l’usage de la langue arabe, au Liban comme dans tous les pays arabophones, réside dans l’emploi d’au moins deux variétés de la langue : l’arabe classique et l’arabe dialectal. Nous pouvons alors parler de situation de diglossie (Feuguson 1959) entre ces variétés (cf. 1.1.3 infra). A chacune d’elles correspondent des emplois différents.

L’arabe standard : langue officielle

La langue arabe d’aujourd’hui n’a pas varié depuis le VIIIe siècle, époque à laquelle elle a pris sa forme définitive des points de vue de la grammaire et de la lexicographie. Sa première description se trouve dans l’ouvrage de Sîbawayh intitulé « Al Kitâb ». Cependant, au XIXe siècle, au cours de ce qu’on a appelé Nahda «c’est-à-dire la renaissance de l’identité arabe après plus de quatre siècles de torpeur sous le joug ottoman » (Makki 2007), elle a subi quelques modifications et une nouvelle variété, sécularisée, est née, celle qu’on appelle aujourd’hui l’arabe standard. Des réformateurs libanais, égyptiens mais aussi syriens et palestiniens entreprirent de moderniser la langue arabe par simplification de la syntaxe et par l’introduction de nouveaux mots pour décrire des objets ou des concepts modernes par le biais d’une arabisation.

Cet arabe, d’utilisation plus vivante que l’arabe littéraire, est utilisé dans le théâtre, les journaux télévisés, et les discours politiques et religieux. Il a acquis droit de cité sous sa forme écrite et permet la communication internationale entre pays arabophones. Cette variété sert donc également de véhicule dans la poésie, le roman, la publicité. C’est donc cet arabe modernisé qui est la langue officielle du Liban, langue écrite officielle commune à tous les pays arabophones. C’est la langue de l’administration et de l’enseignement. Elle est utilisée dans la rédaction des textes écrits et des lois.

Le dialecte libanais : langue maternelle

L’arabe dialectal libanais ou Levantin du Nord, est la langue de communication dans toutes les situations. Il est employé dans tous les usages informels quotidiens que ce soit à la maison, dans la rue, au travail ou à l’école, et même dans les médias audiovisuels. Il ne s’enseigne pas, et est rarement écrit . Il présente aussi une diversification en plusieurs variétés régionales avec des différences aux niveaux phonologique et lexical, mais cela ne cause aucune difficulté dans l’intercompréhension. Il a le statut de langue maternelle.

Une situation de diglossie

Dans un célèbre article publié dans Word, Ferguson définit la diglossie comme étant: a relatively stable language situation in which, in addition to the primary dialects of the language (which may include a standard or regional standards), there is a very divergent, highly codified (often grammatically more complex) superposed variety, the vehicle of a large and respected body of written literature[…], which is learned largely by formal education and is used for most written and formal spoken purposes but is not used by any section of the community for ordinary conversation (1959 : 336) .

Il qualifie la variété codifiée de langue « haute » et le(s) dialecte(s), qui en dérivent ou non, de langue « basse ». La dichotomie haute/basse s’explique en termes de prestige social. Ferguson prend l’exemple de quatre situations diglossiques dont celle de l’arabe, ainsi la variété « basse » est l’arabe dialectal, vernaculaire et la variété « haute » qui constitue l’origine de sa dérivation, l’arabe standard. La situation diglossique au Liban se traduit par la co-présence d’une langue, l’arabe standard, langue officielle du pays, langue enseignée et langue de l’administration et d’un dialecte (dialecte libanais) langue maternelle. Ainsi, la langue arabe n’est la langue maternelle d’aucun arabophone. L’apprentissage de l’arabe par la scolarisation peut être rapproché de l’apprentissage d’une langue seconde.

Statut du français

On a tendance à croire que la langue française a été introduite au Liban pendant le Mandat français (1920-1943). En réalité, l’implantation du français au Liban remonte au XVIe siècle, et plus précisément, à la signature en 1535 des Capitulations entre François 1er et Soliman II, qui a permis à la France d’obtenir des privilèges consulaires dans les territoires arabes administrés par l’Empire Ottoman, dont le Liban. Ce régime de Capitulations a permis à la France de protéger non seulement ses ressortissants mais tous les ressortissants européens présents sur les territoires de l’Empire, dont les missionnaires venant s’installer dans la région pour y créer des écoles et des dispensaires. C’est à partir de cette période que le français fit son entrée et remplaça peu à peu l’italien, langue déjà présente à l’époque grâce au grand nombre d’italiens. Jésuites, frères Maristes, Lazaristes et autres missions françaises s’implantèrent donc dans les grandes villes côtières et y fondèrent en plus des écoles, des hôpitaux, des orphelinats, des asiles, des dispensaires, etc. En 1875, les Pères Jésuites fondèrent à Beyrouth l’université Saint-Joseph, premier établissement d’enseignement universitaire catholique et francophone de la région.

Le 28 avril 1920, la France est officiellement investie par la Société des Nations d’un mandat pour administrer le Liban. Parmi les articles de la charte du Mandat, plusieurs concernent les missionnaires en leur donnant le droit d’établir leurs propres écoles, droit attribué aussi aux différentes communautés confessionnelles présentes sur le territoire. En ce qui concerne la langue française, la constitution de 1926 lui donne le statut de langue officielle aux côtés de l’arabe. Deux ans plutôt, la constitution de 1924 avait rendu obligatoire son enseignement dans les écoles parallèlement à celui de la langue arabe .

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Table des matières

Abréviations et système de référence des exemples
1. Liste des abréviations
2. Système de référence des exemples
Introduction
Chapitre 1 – Langues en usage, francophonie et enseignement du français au Liban
1. Statuts des langues au Liban
1.1. Statut de l’arabe
1.1.1. L’arabe standard : langue officielle
1.1.2. Le dialecte libanais : langue maternelle
1.1.3. Une situation de diglossie
1.2. Statut du français
1.3. Statut de l’anglais
2. Usages des langues au Liban
2.1. Le français aux côtés de l’arabe et de l’anglais
2.1.1. Les langues dans l’administration et le gouvernement
2.1.2. Les langues dans les moyens de communication de masse
3. Francophonie et valorisation du français
4. Les langues dans le système éducatif libanais
4.1. L’enseignement du français
4.1.1. Français langue seconde : délimitation de la notion
4.1.2. Le cas du français au Liban
5. De quelques pratiques plurilingues
Chapitre 2 – Corpus : élaboration, caractérisation et transcriptions
1. Elaboration du corpus
1.1. Protocole d’enquête
1.2. Les locuteurs
1.2.1. Données sociolinguistiques
1.3. L’interaction
1.3.1. Contexte du thème proposé
1.4. Le cadre
1.5. Le matériel
2. Réflexions sur le corpus
2.1. Corpus, protocole et réalité d’une pratique
2.2. Contrat didactique/contrat de collaboration
3. Caractéristiques des interactions
3.1. Endo-exolinguisme
3.2. Bi/plurilinguisme et répertoire linguistique
3.3. La situation dans son ensemble
4. Transcriptions des enregistrements
Chapitre 3 – La reformulation dans le discours : éclairages sur la notion
1. Formuler/reformuler (-ation) vs mots du dire
1.1. Dire, énoncer, exprimer, formuler
1.2. Les « re- » : répétition ou modification ?
1.2.1. Réénoncer
1.2.2. Redire, répéter
1.2.3. Reformuler
2. Formulation, reformulation : réflexion sur des statuts théoriques
2.1. Formuler/formulation comme activité discursive
2.1.1. De formule à formuler
2.1.2. Formulation et normes
2.1.3. Formuler : acte ou modalité de parole ?
2.2. Reformulation et élaboration de la pensée
2.2.1. La reformulation au centre de la problématique de la nomination
2.3. Reformulation, anticipation, dialogisme
2.4. Niveaux de reformulation
2.4.1. Réécriture/ reformulation et niveaux
3. Reformulation et les autres dans la terminologie de la linguistique
3.1. Reprise, répétition, reformulation quel terme pour quel(s) phénomène(s) ?
3.1.1. Les répétitions
4. Structures et instances de la reformulation
4.1. Structure discursive de la reformulation
4.1.1. La nature du segment source et du segment reformulant
4.1.2. La nature du marqueur de reformulation
4.1.3. Distance entre les deux segments de la reformulation
4.1.4. Structures simples et structures complexes
4.2. A propos de la production et de l’initiation de la reformulation
5. Reformulation : quel est l’invariant ?
5.1.1. L’invariant est-il sémantique ?
5.1.2. L’invariant : « l’état de chose visé » ?
5.1.3. L’invariant : une activité
6. Reformulation paraphrastique vs. non-paraphrastique
7. La reformulation contextuelle/situationnelle
7.1. La reformulation à l’oral et à l’écrit
7.1.1. Le pôle de la réception
7.1.2. La temporalité
8. Définition et terminologie adoptées
Conclusion

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