Le reflux gastrooesophagien (RGO) et lโobรฉsitรฉ constituent deux pathologies dont la prรฉvalence est en augmentation certaine depuis plusieurs dรฉcennies (1) et cela globalement dans les mรชmes zones gรฉographiques, reprรฉsentant ainsi de vรฉritables problรจmes de santรฉ publique. Le RGO est une affection trรจs frรฉquente (25), souvent bรฉnigne, qui apparaรฎt cependant parfois associรฉe ร certaines complications telles que lโoesophagite, lโendobrachyoesophage, lโadรฉnocarcinome de lโลsophage (8). Le RGO est รฉgalement associรฉ ร une altรฉration de la qualitรฉ de vie et ร un retentissement รฉconomique non nรฉgligeables (32). Lโobรฉsitรฉ constitue la pathologie nutritionnelle la plus frรฉquente et atteint de nos jours des proportions ยซquasi รฉpidรฉmiques ยป (96). Elle sโassocie รฉgalement ร de nombreuses comorbiditรฉs (pathologies cardiovasculaires, NASHโฆ) (91) et apparaรฎt รชtre liรฉe ร certaines nรฉoplasies (sein, endomรจtre, colon/rectumโฆ) .
Lโaugmentation parallรจle depuis plusieurs dรฉcennies de la prรฉvalence de lโobรฉsitรฉ, du RGO, et des complications du RGO, essentiellement lโadรฉnocarcinome de lโลsophage dont lโincidence a รฉtรฉ multipliรฉe par quatre au cours de ces vingt derniรจres annรฉes (71) mais surtout la trรจs nette concordance spatiale et temporelle entre ces diffรฉrentes pathologies, a rapidement soulevรฉ la question dโune รฉventuelle association entre RGO et obรฉsitรฉ. Ainsi, de nombreux mรฉdecins recommandent actuellement une perte pondรฉrale en cas de RGO chez les sujets obรจses de maniรจre ร faire rรฉgresser la symptomatologie (pyrosis, rรฉgurgitationsโฆ) et ร prรฉvenir dโรฉventuelles complications. Toutefois, cette attitude thรฉrapeutique ne repose sur aucun fondement scientifique dans la mesure oรน aucune รฉtude nโa pu รฉtablir de lien de causalitรฉ entre RGO et obรฉsitรฉ et que la question de leur association est encore ร lโheure actuelle trรจs controversรฉe (64). Elle constitue donc un enjeu important dans la mesure oรน les symptรดmes de reflux et lโobรฉsitรฉ sont des facteurs de risque indรฉpendants dโadรฉnocarcinome de lโลsophage (105) avec un possible effet synergique .
La rรฉalisation dโune endoscopie digestive haute est trรจs frรฉquemment prescrite chez le sujet obรจse, notamment dans le bilan rรฉalisรฉ avant chirurgie bariatrique, pour faire un รฉtat des lieux des dรฉgรขts muqueux dโun รฉventuel RGO. La rรฉpรฉtition de ces examens nous a rรฉvรฉlรฉ de faรงon surprenante par rapport aux donnรฉes publiรฉes, que les lรฉsions dโoesophagite et la prรฉsence dโun endobrachyoesophage (EBO) รฉtaient des situations peu frรฉquentes chez ces grands obรจses. Un premier travail, rรฉtrospectif, chez 250 patients vus avant chirurgie bariatrique nous avait montrรฉ que des lรฉsions dโoesophagite ou un endobrachyoesophage existaient chez seulement 4.5 % des malades (126). Dans cette sรฉrie rรฉtrospective, lโexistence ou non de symptรดmes de RGO, les caractรฉristiques de lโobรฉsitรฉ (notamment son caractรจre androรฏde ou non, avec augmentation du pรฉrimรจtre abdominal) et la notion dโune prise dโinhibiteurs de la pompe ร protons (IPP) avant lโexamen nโรฉtaient pas toujours des donnรฉes disponibles, gรชnant lโinterprรฉtation de ces donnรฉes rรฉtrospectives.
Le reflux gastrooesophagien
Dรฉfinition
Le RGO est dรฉfini dโaprรจs la confรฉrence de consensus de Montrรฉal (119) comme une ยซ condition qui se dรฉveloppe lorsque le reflux du contenu gastrique entraine des symptรดmes et/ou des complications. ยป (79). Ce reflux peut รชtre dโorigine gastrique ou duodรฉnale. Dโautres dรฉfinitions prennent รฉgalement en compte lโaltรฉration de la qualitรฉ de vie qui en rรฉsulte et qui apparaรฎt comme un facteur dรฉterminant pour sโorienter vers un RGO pathologique (25). Le RGO est considรฉrรฉ comme pathologique lorsquโil sโassocie ร la prรฉsence de lรฉsions muqueuses ร type dโoesophagite ou, selon certains auteurs, lorsque surviennent des symptรดmes (pyrosis / rรฉgurgitations) avec une frรฉquence supรฉrieure ร une ou deux fois par semaine (86). Dans le cas contraire, ce RGO est dit physiologique. Sa survenue est essentiellement post prandiale et il existe chez tous les patients .
Le RGO se dรฉcompose en deux entitรฉs bien distinctes que sont la forme non รฉrosive et la forme รฉrosive. Il sโagit de deux pathologies prรฉsentant deux mรฉcanismes physiopathologiques diffรฉrents, deux tableaux cliniques diffรฉrents et deux rรฉponses au traitement distinctes.
Forme non รฉrosive
Cโest la forme la plus frรฉquente de RGO. Sa prรฉvalence serait de 50 ร 70% en population gรฉnรฉrale (8). Elle se dรฉfinit par la survenue de symptรดmes classiques sans lรฉsion muqueuse visible ร la FOGD. Parmi les patients rรฉpondant ร ces critรจres, 30 ร 50 % ont une exposition acide (% du temps sur 24h avec une exposition de la muqueuse oesophagienne ร un PH infรฉrieur ร 4) normale. 40% prรฉsentent une association temporelle entre les symptรดmes et les รฉpisodes de reflux acides malgrรฉ une exposition acide normale (29). On parle dans ce cas dโลsophage hypersensible et la rรฉponse aux IPP est alors partielle.
Forme รฉrosive
Elle se dรฉfinit simplement par la prรฉsence dโune oesophagite รฉrosive ร la gastroscopie.
Facteurs de risque
Le RGO est une pathologie dโorigine multifactorielle (87) (98) qui fait intervenir des facteurs dรฉmographiques (รขge รฉlevรฉ et sexe masculin). Ceux-ci apparaissent cependant controversรฉs. En effet, la majoritรฉ des รฉtudes rรฉalisรฉes pour รฉvaluer lโinfluence du sexe dans la survenue dโun RGO nโont retrouvรฉ aucune association significative (26). Lโinfluence de lโรขge nโest pas clairement รฉtablie (7). Dโautres facteurs sont impliquรฉs au cours du RGO avec notamment des facteurs environnementaux (alcool, tabac, cafรฉ, certains mรฉdicaments, obรฉsitรฉ ?…) ainsi que des facteurs gรฉnรฉtiques. Il existe, en effet, une meilleure concordance dans la prรฉvalence du RGO chez les jumeaux monozygotes (25).
Epidรฉmiologie
La prรฉvalence du RGO est difficile ร รฉtablir de maniรจre exacte dans la mesure oรน les รฉtudes sont limitรฉes par le manque de consensus dans la dรฉfinition de cette pathologie. Il nโexiste aucune dรฉfinition internationale (119). Cela explique lโhรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ des donnรฉes et leurs difficultรฉs dโanalyse. Une mรฉta-analyse rรฉalisรฉe sur ce sujet met en รฉvidence une prรฉvalence variable selon les territoires gรฉographiques et selon les origines ethniques. En effet, force est de constater que la prรฉvalence du RGO est supรฉrieure dans certains pays et ce notamment en Amรฉrique du Nord et dans les pays occidentaux oรน elle est estimรฉe entre 10 et 20% alors quโelle nโest que de 5% dans les pays dโAsie (25). La prรฉvalence du RGO est en constante augmentation depuis environ quarante ans et ce plus particuliรจrement aux Etats-Unis oรน elle atteint actuellement 40% de la population (39). La mรชme cinรฉtique est observรฉe en Europe de lโOuest et dans les pays scandinavesย .
En Amรฉrique du nord
La prรฉvalence du RGO varie entre 8 et 26% selon les รฉtudes (46). Celle-ci est par ailleurs en constante augmentation. Aux Etats โUnis, plus particuliรจrement, 20% de la population prรฉsente des symptรดmes de RGO ร type de pyrosis ou de rรฉgurgitations au moins une fois par semaine (37) et 7% de faรงon quotidienne .
En Europe
Une รฉtude a mis en รฉvidence au sein de la population occidentale une frรฉquence de pyrosis estimรฉe ร une fois par mois ou plus chez 25% des sujets, ร une fois par semaine ou plus chez 12% des sujets et enfin la survenue dโun pyrosis quotidien chez 5% des sujets (85). Une enquรชte rรฉalisรฉe en 2006 au moyen dโun questionnaire adressรฉ par voie postale ร 8000 adultes a rรฉvรฉlรฉ que la prรฉvalence du RGO en France sโรฉlรจve ร 31.3% (13). Lorsque les symptรดmes sont prรฉsents plus dโune fois par semaine, celle ci est de 7.8%. Le vieillissement de la population constitue probablement un des facteurs explicatifs. Son incidence quant ร elle apparaรฎt plus difficile ร รฉvaluer dans la mesure oรน le RGO constitue une pathologie chronique avec une symptomatologie souvent ancienne. Elle est cependant estimรฉe approximativement ร 5/1000 personnes par an .
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Table des matiรจres
I. INTRODUCTION
A. REFLUX GASTROOESOPHAGIEN
1. DEFINITION
2. FACTEURS DE RISQUE
3. EPIDEMIOLOGIE
4. DIAGNOSTIC
a. CLINIQUE
b. EXAMENS COMPLEMENTAIRES
5. PHYSIOPATHOLOGIE
a. ALTERATION DE LA BARRIERE ANTIREFLUX
โข DYSFONCTION DU SIO
โข RTSIO
โข HERNIE HIATALE
b. ALTERATION DE LA CLAIRANCE OESOPHAGIENNE
c. RALENTISSEMENT DE LA VIDANGE GASTRIQUE
d. DEFAILLANCE DE LA RESISTANCE MUQUEUSE OESOPHAGIENNE
e. LA THEORIE DE LA POCHE ACIDE GASTRIQUE
f. ROLE Dโ HELICOBACTER PYLORI
6. COMPLICATIONS
a. OESOPHAGITE PEPTIQUE
b. STENOSE DE L ลSOPHAGE
c. HEMORRAGIE DIGESTIVE
d. ENDOBRACHYOESOPHAGE
e. ADENOCARCINOME DE L ลSOPHAGE
7. RETENTISSEMENT SOCIOECONOMIQUE
8. TRAITEMENT
B. OBESITE
1. DEFINITION OMS ET METHODES DE MESURE
2. FACTEURS ETIOLOGIQUES
3. PHYSIOPATHOLOGIE
4. EPIDEMIOLOGIE
a. EN FRANCE
b. AUX ETATS-UNIS
c. DONNEES PREVISIONNELLES
5. CONSEQUENCES DE LโOBESITE
a. DIGESTIVES
b. NEOPLASIQUE
c. METABOLIQUE
d. MORTALITE
e. COUT
6. TRAITEMENT CHIRURGICAL DE LโOBESITE
a. INDICATIONS
b. MODALITES TECHNIQUES
C. RGO ET OBESITE
1. EPIDEMIOLOGIE
2. PHYSIOPATHOLOGIE
3. OBESITE ET LESIONS OESOPHAGIENNES
4. CHIRURGIE BARIATRIQUE ET RGO
II. BUTS DU TRAVAIL
III. PATIENTS ET METHODES
1. PATIENTS
2. METHODES
IV. RESULTATS
0. CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION
1. SYMPTOMES DE RGO
2. RESULTATS ENDOSCOPIQUES
3. CORRELATION RGO et IMC
4. CORRELATION RGO et PERIMETRE ABDOMINAL
V. DISCUSSION
VI. CONCLUSION
VII. REFERENCES
VIII. ANNEXE
RESUME