Cette thèse possède une histoire. Celle-ci remonte à fin 2005 date à laquelle l’Etat, la Région Poitou-Charentes et les partenaires sociaux ont souhaité collaborer avec l’Ecole Doctorale de Sciences Humaines, Economiques et Sociales (EDSHES) de l’Université de Poitiers sur l’évaluation des politiques d’insertion des jeunes. Un projet de partenariat entre ses institutions a été conclu et une équipe de recherche pluridisciplinaire a été constituée incluant des sociologues, des économistes et des gestionnaires. Dans cette première étape, un travail a été réalisé sur les zones particulièrement touchées par le chômage des jeunes aboutissant à un master recherche, suivi, pour l’auteur de cette thèse par une convention CIFRE avec la Région Poitou-Charentes. A l’usage, cette convention se révélera une de toutes premières Conventions de Recherche pour l’Action Publique et Sociétale (CRAPS) signées dès la création de cette nouvelle possibilité (ouverture à des organisations non-marchandes) en décembre 2005. Cette convention cherche à répondre à une question de fond qui sera développée en détail dans le corps des développements, à savoir pourquoi les actions de qualification ont du mal à être suivies par ces jeunes. Pourquoi leurs résultats se révèlent-ils si peu probants ? Sont-elles alors utiles pour enrayer le chômage de ces catégories qui possèdent déjà un lourd handicap : celui de l’absence de scolarisation diplômante ?
Ainsi, dès 2005, on l’a vu, la Région Poitou-Charentes s’intéresse particulièrement au chômage et à l’insertion des jeunes. Elle attribue une grande part du déficit d’emploi soit à des caractéristiques propres à des zones géographiques de la Région (Confolens, Rochefort sur Mer en particulier), objet du travail initial (le master recherche), soit au manque de qualification des jeunes.
Tous les ans, de l’ordre de 130 000 élèves quittent le système scolaire sans qualification (CEREQ, 2007, DEPP, 2008, 2010). Leur insertion professionnelle, c’est-à-dire la transition entre le système scolaire et le monde de l’entreprise, s’avère particulièrement difficile. Ces jeunes souffrent, l’absence de qualification venant s’ajouter aux obstacles classiques à l’emploi. Ainsi, trois ans après leur sortie du système éducatif en 2007, les JSQ connaissent un taux de chômage de l’ordre de 40 %, alors qu’il se situe aux alentours de 18 % pour l’ensemble des jeunes sortis de formation initiale (CEREQ, 2011) .
Cette thèse possède ainsi une toile de fond : le chômage. Ipso facto, elle traite de l’exclusion, qui est double : a) pour ces jeunes sans qualification, dont l’insertion professionnelle reste éminemment problématique ; b) au sein des travaux des chercheurs en Sciences de Gestion. Il suffit sur ce point de consulter le site de la FNEGE (http://www.fnege.net/Actualits_des_tablissements) pour comprendre que depuis 2008, une seule thèse, celle de Lucas Dufour traite d’un sujet voisin et qu’en 2009 Yasmina Jaidi mène ses travaux sur « la recherche et le choix de premier emploi des jeunes diplômés ». Cette situation pose question : pour les chercheurs en Sciences de Gestion, ces jeunes sans qualification (désormais JSQ) sont-ils moins «nobles » que les cadres qui constituent le noyau central de leurs recherches, via la culture, les intentions de créations d’entreprises, etc. Ou bien les consommateurs, et leur comportement ? Ou encore la gouvernance et ses difficultés, mais aussi sa grandeur. Ces JSQ subiraient-ils de fait une « double peine » ?
C’est le créneau choisi par cette thèse de s’intéresser aux JSQ et aux conditions de leur insertion, via des processus de formation/qualification. S’agissant d’une expression « polysémique, [qui] survit et pollue » (Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, 2005), il convient de préciser la définition retenue de la notion de « jeunes sans qualification ».
La Région Poitou-Charentes regroupe sous ce terme, tous les jeunes âgés de 16 à 25 ans ayant quitté le système scolaire sans diplôme, à savoir les Certificats d’aptitudes professionnelles (désormais CAP), les Brevets d’études professionnelles (désormais BEP) ou les différents baccalauréats (généraux, technologiques, professionnels). La présente thèse s’intéresse, comme le demande cette Région, à deux catégories de JSQ en cours de formation professionnelle :
• des JSQ qui, en raison de leurs difficultés d’insertion, bénéficient des formations préqualifiantes créées par les Conseils régionaux. Il s’agit des « stagiaires de la formation professionnelle » ;
• des JSQ qui s’orientent vers des formations qualifiantes sous contrat d’apprentissage suite à leur sortie du système scolaire sans diplôme. Il s’agit alors des « apprentis » préparant un diplôme de niveau V, c’est-à-dire un CAP ou un BEP.
La Région Poitou-Charentes a demandé de contribuer à l’évaluation de ses actions préqualifiantes menées auprès des JSQ .
Il a bénéficié des travaux initiaux menés à Rochefort sur Mer (Sabouné et Duyck, 2007, 2008) et a ainsi pu rapidement être circonscrit autour de quatre cadres conceptuels : l’insertion professionnelle (Dubar, 1987, 1998, 2001 ; Mauger, 1998 ; CEREQ, 2011), les conditions de l’employabilité (Gazier, 1999, 2003 ; Saint-Germès, 2004a, 2004b, 2007 ) ; les représentations sociales (Moscovici, 1961 ; Jodelet, 1993; Abric, 2001) et les attentes observées via le contrat psychologique (Argyris, 1960 ; Rousseau, 1989, 1995 ; Morrison, Robinson, 1997, 2004). A « l’ère de la cognition » (Leyens et Beauvois, 1997), les attentes personnelles s’avèrent souvent le fruit d’une actualisation de la dimension d’histoire personnelle (son « autobiographie ») et de comparaisons sociales (Monteil et Genestoux, in ibid. pp. 269-271). Ce phénomène, observé lors de la recherche initiale a posé le cadre conceptuel de ce travail doctoral.
Concernant la posture, elle a fait l’objet d’un double apprentissage : celui de la Région, peu accoutumée à accueillir des doctorants, mais beaucoup plus à financer des travaux via les laboratoires de la Région ; et qui a dû comprendre le fonctionnement d’une convention CIFRE-CRAPS, une des premières en France ; celui du doctorant dont la situation à l’intérieur de la région a mis du temps à se préciser dans la mesure où, contrairement à une CIFRE traditionnelle, il n’a pas eu à étudier un problème interne, mais que l’objet des réflexions a consisté en un audit des actions de la Région Poitou-Charentes.
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Table des matières
Introduction Générale
Première partie : cadre théorique de l’insertion et des jeunes sans qualification
Chapitre I. L’insertion des jeunes sans qualification : les conditions de l’employabilité
Section I. Les jeunes sans qualification : de l’école à la formation
Section II. L’employabilité : un outil d’aide à l’insertion et au maintien dans l’emploi
Chapitre II. La question des représentations, du contrat psychologique et des attentes
Section I. La question de la représentation sociale
Section II. La question du contrat psychologique et des attentes
Chapitre III. Le terrain : les interrogations de la Région Poitou-Charentes
Section I. Le champ de la recherche
Section II. L’objet de la recherche
Seconde partie : approche empirique des attentes des jeunes sans qualification en cours de formation
Chapitre IV. La méthodologie de la recherche
Section I. La production de connaissances dans le cadre des CIFRE et des CRAPS
Section II. L’instrumentalisation et l’opérationnalisation de la recherche
Chapitre V. Le traitement statistique des discours
Section I. Les discours des acteurs de l’insertion
Section II. Les discours des jeunes et la discussion des résultats
Chapitre VI. Les résultats de l’analyse de contenu et la discussion
Section I. Les résultats de l’analyse de contenu
Section II. La discussion des résultats
Conclusion générale
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