REFLEXIONS AUTOUR DE L’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE
L’รฉvolution du lecteur : du lecteur ยซ en รฉmergence ยป au lecteur expert
Savoir lire est un des objectifs de l’รฉcole. En se basant sur la classification de Jocelyne Giasson (2003)ย , de lecteur en รฉmergence, l’enfant doit devenir lecteur expert : Le lecteur en รฉmergence ne lit pas de faรงon autonome. Il doit dรฉcouvrir le principe alphabรฉtique pour apprendre ร lire des mots nouveaux et devenir un apprenti lecteur. Celui-ci peut alors comprendre des textes simples et faire des hypothรจses pour comprendre ce qu’il lit. Sa lecture reste approximative. Avec de la pratique, il devient lecteur dรฉbutant et apprend ร dรฉcoder correctement un texte. Mais sa lecture peut rester hรฉsitante. Il consacre son รฉnergie cognitive au dรฉcodage plus qu’ร la comprรฉhension. Le lecteur en transition, maintenant qu’il possรจde un rรฉpertoire plus รฉtendu de mots, sait dรฉcoder aisรฉment un texte. Il doit dรฉsormais apprendre ร comprendre en parallรจle ce qu’il lit. L’apprenti stratรจge met alors en place des stratรฉgies de comprรฉhension qu’il affinera de plus en plus afin de devenir enfin un lecteur expert. L’objectif de l’enseignant est donc de transformer ses รฉlรจves de lecteurs en รฉmergence en lecteurs experts, tout en considรฉrant le fait que chacun n’en est pas au mรชme stade. La difficultรฉ de la tรขche va รชtre de prendre en compte ces disparitรฉs et d’accompagner chaque รฉlรจve individuellement. Regardons ce que prรฉconisent les programmes en ce qui concerne la lecture au cycle 2.
La lecture dans les textes officiels
ยซ Au terme des trois annรฉes qui constituent dรฉsormais ce cycle, les รฉlรจves doivent avoir acquis une premiรจre autonomie dans la lecture de textes variรฉs, adaptรฉs ร leur รขge. La pratique de ces textes les conduit ร รฉlargir le champ de leurs connaissances, ร accroitre les rรฉfรฉrences et les modรจles pour รฉcrire, ร multiplier les objets de curiositรฉ ou dโintรฉrรชt, ร affiner leur pensรฉe ยป Les programmes s’articulent autour de trois axes majeurs : le dรฉcodage, la comprรฉhension et l’acculturation. Ainsi, les activitรฉs de dรฉcodage doivent รชtre ยซ nombreuses et frรฉquentes ยป et en lien avec l’รฉcriture car ยซรฉcrire est lโun des moyens dโapprendre ร lireยป. Plus l’enfant sera ร l’aise avec le dรฉcodage, plus il sera disponible pour accรฉder ร la comprรฉhension de l’รฉcrit, ยซfinalitรฉ de toutes les lecturesยป. Enfin, la dimension culturelle de la lecture est mise en รฉvidence. Les รฉlรจves doivent construire un bagage culturel commun ยซautour de genres, de sรฉries, d’auteurs…ยป. S’y greffe une prรฉconisation (notons qu’elle est inscrite dans les programmes comme un encouragement, et non comme une nรฉcessitรฉ) : ยซ les lectures autonomes sont encouragรฉes ยป. L’enseignant doit donc mettre ร disposition de la classe des ouvrages de ยซย lecture plaisirย ยป pour orienter ensuite les รฉlรจves vers des livres plus compliquรฉs afin de diversifier leurs lectures. En cela, il devra jongler entre difficultรฉs textuelles / interprรฉtatives et intรฉrรชt pour l’intrigue afin de ne pas dรฉcourager l’รฉlรจve.
Apprendre ร lire est un des objectifs de l’รฉcole. Cet apprentissage est un processus continu qui s’inscrit dans toute la scolaritรฉ, de la maternelle au secondaire, et qui se poursuit tout au long de la vie. Aujourd’hui, les รฉcrits, et donc les faรงons de lire, se sont multipliรฉs, notamment chez les jeunes : rรฉseaux sociaux, SMS, blogs se sont ajoutรฉs aux livres et aux magazines. Il y a lร un paradoxe : on n’a jamais autant lu (en terme de nombre de lecteurs) mais le goรปt pour la littรฉrature diminue. Face ร la multiplication des activitรฉs culturelles possibles, les pratiques de lecture ont en effet changรฉ. Comme en tรฉmoigne une enquรชte, menรฉe en 2011 menรฉe chez des รฉtudiants , selon laquelle ยซ la lecture, mรชme si elle est considรฉrรฉe comme un plaisir, est souvent liรฉe ร la contrainte ยป.
Selon les chercheurs
J’ai donc poursuivi mes recherches sur les processus mis en jeu lors de l’apprentissage de la lecture afin d’essayer de comprendre ce qui empรชchait certains enfants d’entrer dans la lecture. Il a รฉtรฉ montrรฉ que, contrairement ร ce que l’on a longtemps pensรฉ, et comme le prรฉcisent les programmes, la lecture ne se limite pas au seul apprentissage du dรฉchiffrage du code รฉcrit, ni uniquement ร une activitรฉ de comprรฉhension, bien que ces deux points soient indispensables. L’apprentissage de la lecture est en rรฉalitรฉ beaucoup plus complexe et je partirai de la dรฉfinition de Chauveau selon qui l’activitรฉ de lecture est ยซ une activitรฉ ร la fois langagiรจre et culturelle ยป.ย Cela signifie que lorsqu’il apprend ร lire, l’enfant apprend ร maรฎtriser le dรฉcodage tout en essayant de comprendre ce qui est รฉcrit. Mais il dรฉcouvre en mรชme temps que lire, c’est aussi ยซ s’informer, se divertir, agir, imaginer, apprendre, se cultiver, rรฉpondre ร une question, satisfaire sa curiositรฉ, s’รฉmouvoir, etc. ยป .
En rรฉsumรฉ, tout activitรฉ de lecture implique trois actions :
โคย une action instrumentale : dรฉcoder les mots
โคย une action comprรฉhensive : comprendre l’รฉnoncรฉ
โคย une action culturelle : s’engager dans la lecture
Pour apprendre ร lire, il est donc indispensable que l’enfant entre dans le monde รฉcrit. Mais pour cela, il doit comprendre les finalitรฉs de l’รฉcrit afin de se dรฉfinir en tant que lecteur. Dโaprรจs Lafontaine, Terwagne & Vanhulle, ยซ la lecture nโest pas un simple outil technique, cโest un vecteur fondamental du dรฉveloppement de lโindividu dans la culture et la sociรฉtรฉ ยป . Il faut donc que l’enfant construise un projet personnel de lecteur et pour qu’il s’approprie les pratiques socio-culturelles de l’รฉcrit, Chauveau prรฉconise de :
โคย connaรฎtre rรฉguliรจrement le paisir de lire grรขce ร la lecture ร voix haute.
โคย frรฉquenter des supports et des รฉcrits variรฉs
โคย frรฉquenter des lettrรฉs
โค parler avec les lettrรฉs de leurs habitudes de lecture, s’identifier ร eux et les imiter en train de lire et รฉcrire.
Acculturation ร l’รฉcrit et lecture-plaisir
Roland Goigoux dรฉfinit l’acculturation ร l’รฉcrit ainsi : c’est le ยซ travail dโappropriation et de familiarisation avec la culture รฉcrite, ses ลuvres, ses codes linguistiques et ses pratiques sociales ยปย . Ce dernier ยซ donne du sens aux apprentissages linguistiques et fait dรฉcouvrir aux รฉlรจves le pouvoir dโaction et de rรฉflexion que confรจre la maitrise de la langue รฉcrite ยป. Or, lโenfant ne sโacculture pas tout seul ร lโรฉcrit. Comme le dit Christian Poslaniec, le passage ร la lecture-plaisir n’est pas ยซ motivรฉ d’une faรงon rationnelle ยป . Un adulte mรฉdiateur doit accompagner l’enfant.
Par ailleurs, pour Gรฉrard Chauveau, quatre volets de la culture รฉcrite sont nรฉcessaires pour entrer dans le monde de l’รฉcrit. Ces quatre volets sont :
โค les objets de l’รฉcrit (les supports) : livres, journaux, manuels, revues, affiches, courriers, prospectus…
โค la diversitรฉ des รฉcrits : textes fictionnels, littรฉraires, informatifs, listes, รฉcrits ordinaires…
โคย les lieux oรน l’on rencontre l’รฉcrit : librairies, bibliothรจques, coins lecture…
โค les lettrรฉs (les usagers de l’รฉcrit) : proches, รฉcrivains, enseignants, libraires, biliothรฉcaires…
C’est en entrant dans le monde d’รฉcrit qu’on peut ressentir le plaisir de lire. Mais qu’est-ce que la lecture plaisir ? Selon Christian Poslaniec, ยซ le plaisir nโest que la faรงon de ressentir, dโexprimer, le fait dโavoir vรฉcu intimement un moment de vie imaginaire paraissant avoir plus de rรฉalitรฉ, durant le temps de lecture, que la rรฉalitรฉ elle mรชme. ยป
Aimer lire, c’est donc comprendre les enjeux de la lecture : donner sens ร ce qu’on lit. C’est faire l’expรฉrience ยซ d’รชtre transportรฉ dans un univers inconnu ยป , de prรฉfรฉrer continuer son livre plutรดt que toute autre chose, de mieux se connaรฎtre et de mieux connaรฎtre le monde grรขce ร la littรฉrature. C’est en cela que la lecture est l’acte le plus intime et donc le plus subjectif qui soit : ร partir des mots รฉcrits par l’auteur, le lecteur construit ses propres reprรฉsentations, ce qui lui permet de ยซ devenir lโauteur de tous les textes en leur donnant sens, en se les appropriant; les livres [deviennent] une source de pouvoir imaginaire considรฉrable ยป (Poslaniec). Nรฉanmoins, comme le dit C. Poslaniec, ยซ les motivations ร lire dรฉpendent de lโhistoire personnelle de chacun. Beaucoup ne franchissent pas le seuil de la lecture plaisir ยป.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
I – REFLEXIONS AUTOUR DE L’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE
1. L’รฉvolution du lecteur : du lecteur ยซ en รฉmergence ยป au lecteur expert
2. La lecture dans les textes officiels
3. Selon les chercheurs
4. Acculturation ร l’รฉcrit et lecture-plaisir
5. Problรฉmatique
II – CONTEXTE
1. L’environnement de la classe
1.1. La bibliothรจque de classe
1.2. Les lectures offertes
1.3. Prรฉsentation de livres
1.4. Les moments de lecture libre
1.5. Emprunt de livres dans la bibliothรจque de classe
2. Reprรฉsentations initiales des รฉlรจves
2.1. Sondage
2.2. Discussion
2.3. Relations avec les parents
3. Evaluations : comportement, fluence et comprรฉhension
3.1. Le comportement face aux livres
3.2. Test de fluence
3.3. Test de comprรฉhension
III – EXPERIMENTATION
1. Les ateliers de lecture libre
1.1. Description de la mรฉthode
1.2. Mon rรดle
2. Participants
2.1. Eleve 1
2.2. Elรจve 2
2.3. Eleve 3
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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