La formation d’un esprit éclairé de l’enfant favorisée par la présence du droit à l’École
Un élève ne peut devenir un citoyen lucide et éclairé s’il n’a pas conscience de son futur statut de citoyen dans la société, d’où la nécessité d’une éducation à lacitoyenneté à l’École. Être citoyen implique d’avoir une personnalité juridique et d’être responsable devant la loi. De ce fait, une réflexion quant à l’utilisation du droit dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté est à mener (A).
En second lieu, faire preuve d’un esprit éclairé consiste tout d’abord à avoir conscience de ses droits et devoirs. Dès lors, la question des droits de l’Homme doit être abordée à l’École. Cependant, le fait que les enfants disposent de droits qui leurs sont propres n’est pas connu et respecté par tous. Les moins avertis à ce sujet sont les principaux concernés, les enfants. Leur permettre de prendre conscience du fait qu’ils possèdent des droits particuliers, en raison même du fait qu’ils sont des enfants constitue une mission essentielle de l’École (B). Enfin, le droit, par le système judiciaire, vise bien évidemment à réguler les nombreux conflits présents dans la société. Les élèves peuvent être amenés dans le cadre de leur vie personnelle à rencontrer cette justice. Par ailleurs, de nombreux conflits peuvent voir le jour au sein même de l’École. Ainsi, aborder la question du rapport entre droit et gestion de conflit parait non seulement pertinent mais surtout nécessaire (C).
L’utilisation du droit dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté
Jean Le Gal souligne le débat qui a lieu concernant l’apprentissage de la citoyenneté par l’enfant.
La question se pose de savoir s’il faut, au sein de l’École, considérer l’enfant comme un citoyen, sujet de droit et responsable (allant ainsi dans le sens de la Déclaration de Barcelone de 1990, la Convention des Nations Unies de 1989 ou encore l’Institut Coopératif de l’École Moderne (ICEM)), ou comme un individu qui n’est pas citoyen mais en formation civique. L’École serait alors la forme pédagogique préparant au débat démocratique (Jean Le Gal et Jean-Pierre Rosenczveig, 2008).
Ainsi, de grands pédagogues (Freinet, Dewey, Meirieu) soulignent la nécessité de pratiquer l’exercice du droit pour devenir citoyen (Jean Le Gal et al, 2008). Cependant, au sein de ce débat, est aussi posée la question du « droit à l’enfance », droit qui implique d’être insouciant et peu responsable. Philippe Meirieu (2002) parle bien d’une « spécificité de l’enfance ».
La citoyenneté est aussi interrogée concernant la façon dont elle doit être abordée : un moyen plutôt qu’une fin à l’éducation. François Robert critique la manière dont elle est envisagée, considérant qu’elle renforce la fracture sociale. En effet, l’apprentissage de la citoyenneté constituerait pour certains élèves une « éducation au respect de l’ordre » alors que pour d’autres elle serait un « éveil politique ».
Ainsi, il est nécessaire d’adopter un point de vue qui fera de l’éducation à la citoyenneté un apprentissage chargé de sens pour les élèves. Il s’agira notamment de faire prendre conscience que ce sujet vise à leur garantir des libertés, libertés qui ne devraient pas être oubliées dans l’élaboration des règles de vie de classe, en veillant à bien adapter cet apprentissage, pour qu’il demeure signifiant, à la diversité des publics concernés (François Robert, 1999).
Constantin Xypas contribue lui-aussi à la réflexion concernant cette construction de la société. Il s’interroge quant au fait de savoir si l’École a pour but de former l’Hommeou le citoyen. Selon lui, la socialisation se définit comme étant l’acceptation de règles élémentaires du contrat social alors que la véritable éducation morale revient à la famille. Constantin Xypas s’appuie nettement sur les réflexions de Rousseau (Constantin Xypas, Philippe Meirieu, Guy Avanzini, 2003).
Ainsi, former le citoyen reviendrait à lui inculquer que la volonté générale s’impose aux individus comme une obligation supérieure à laquelle ils ne sauraient se dérober. Ceci passerait par un processus d’intériorisation favorisant une adhésion sans discernement en tout point à cette société.
En revanche, former l’Homme consisterait à l’aider à se forger un jugement autonome, l’autorisant à se détacher de l’avis de la majorité lorsqu’il estime qu’elle se trompe profondément. Constantin Xypas en arrive à la conclusion que l’École peut former l’Homme et le citoyen. Elle peut former les enfants aux concepts de respect et de loi, communs à l’apprentissage de la morale et à celui de la citoyenneté. En effet, la morale favorisera l’apprentissage de la loi intérieure, et par conséquent de la justice, alors que la citoyenneté permettra l’apprentissage de la loi de la cité, et ainsi de la loi à proprement parler (Constantin Xypas et al, 2003). Ainsi, Constantin Xypas souligne le fait que la citoyenneté est une notion polysémique provenant directement de l’Antiquité gréco-romaine. Il en relève quatre dimensions (politique, juridique, éthique et affective) qui interrogent le milieu scolaire.
Pour finir, donner toute sa place au droit au sein de l’École participe pleinement de la construction du parcours citoyen, instauré par la circulaire du 23 juillet 2016 (Eduscol, 2018).
La question des rapports entre droit et gestion de conflits
Denis Salas (magistrat, juge pour mineurs, essayiste, directeur scientifique des Cahiers de Justice de l’École Nationale de la Magistrature) affirme que « c’est un adulte qui est le vecteur de la rencontre des jeunes avec la loi ». Ce rôle d’introduction de la loi n’est pas réellement joué actuellement à l’École, d’où la nécessité d’y développer une véritable « culture juridique ». Par ailleurs, Denis Salas souligne qu’un véritable défi de la loi règne dorénavant dans certains quartiers populaires. Le vivre-ensemble n’est plus la loi commune. Il estime qu’il serait nécessaire que l’École règle en son sein certains problèmes d’ordre légal. Il souligne par ailleurs la nécessité de faire de la culture un vecteur de l’introduction de la discipline juridique, en montrant,par exemple à partir d’un film, qu’il est possible de répondre à la violence par le droit (Denis Salas, 2017).
De plus, François Robert (1999) milite pour la valorisation de médiation scolaire comme outil permettant l’institutionnalisation des conflits nés au sein de l’École. Or actuellement l’École se limite le plus souvent à rappeler les règles dont l’application n’est pas spontanée. Cependant, ces conflits ne devraient pas être vécus de manière exclusivement négative. Cette institutionnalisation permettrait d’apprendre à travailler de nombreux aspects favorisant des interactions humaines positives : apprendre à écouter, à différer ses sentiments et l’instinct de juger… Un lien peut être effectué avec l’apprentissage de la citoyenneté évoqué précédemment. En effet Christian LeBart (2003) définit la citoyenneté comme « la posture par laquelle des individus acceptent de s’extraire de leur intérêt particulier pour débattre, au nom de la raison, de l’intérêt, est à l’école, comme ailleurs, un mode de régulation des conflits ».
Bien que l’intérêt d’aborder le droit à l’École ait de nombreux intérêts, il s’agit néanmoins d’une discipline technique dont le traitement au sein du milieu scolaire doit être réfléchi (II).
Réflexions à propos du traitement d’une discipline technique au sein du milieu scolaire
Aborder le droit à l’École ne peut s’envisager sans effectuer une réflexion approfondie sur les sujets à aborder et sur la manière de le faire. De fait, il s’agira dans un premier temps de constater qu’il est préférable d’axer les apprentissages du point de vue de l’esprit des textes. Les apprentissages prendront ainsi plus de sens et éveilleront l’intérêt des élèves (A). Or, peu d’enseignants maîtrisent les questions d’ordre juridique (B). Enfin, un retour sur les théories du droit, fondatrices quant à la manière d’aborder le droit à l’École, permettra de donner des clefs de compréhension sur la manière d’aborder la discipline (C).
Un choix en termes d’apprentissages à axer du point de vue de l’esprit des textes
Le droit est une discipline immense, prégnante dans tous les aspects d’une société occidentale particulièrement judiciarisée. Il n’est cependant ni envisageable, ni souhaitable d’envisager d’en aborder tous les aspects à l’École, y compris dans le secondaire. Par ailleurs, les juristes ont pour habitude d’employer un langage spécialisé, technique et particulièrement rebutant pour un néophyte.
En conséquence, une réflexion s’impose quant aux aspects du droit à aborder au sein de l’École primaire. Ainsi, François Robert (1999) suggère d’orienter le plus possible les discussions sur les principes et les valeurs soulevés par une question de droit, et non vers sa solution. Il serait donc plus adapté à l’école primaire de s’intéresser à la substance du droit, c’est-à-dire à ce qui constitue l’ossature des Droits de l’Homme plutôt qu’à des points techniques biens particuliers. Il pourra ainsi s’agir d’aborder les principaux droits et libertés fondamentaux de l’Homme, tels que la dignité humaine, les principes fondamentaux de la démocratie élective ou encore les grands principes gouvernant le droit pénal (principe du contradictoire, présomption d’innocence…). François Robert souligne la tendance de l’École à effectuer une réification du droit, c’est-à dire à effectuer un mouvement par lequel l’objet de l’apprentissage se réduit progressivement à une collection d’objets isolés les uns des autres et sans emploi. Le droit, dépourvu de toute substance, ne se résumerait plus ainsi qu’à une liste de normes et d’institutions, sans aucun intérêt pour les élèves.
Passer en revanche par une pratique régulière du débat fondé sur des réalités tangibles et signifiantes empruntant au quotidien des élèves servira parfaitement les intentions de cet apprentissage transdisciplinaire et sera en outre d’un grand intérêt en ce qui concerne l’évaluation.
Par ailleurs, il importerait de lutter contre un mal très présent dans la sphère juridique : le fétichisme de la norme (François Robert, 1999), à savoir le fait de créer un nombre extrêmement important de normes visant à réguler chaque situation particulière. Il est en effet impératif d’éviter de le reproduire au sein du milieu scolaire. Ainsi, lors de la construction d’un règlement de classe par exemple, il vaut mieux privilégier la construction de quelques règles, compréhensibles, lisibles et effectivement applicables.
La question de la formation des enseignants
Alors même que Denis Salas et Jacques Toubon (revue Justice et droit à l’Ecole, 2017) soulignent que les juristes sont peu consultés sur la question de l’articulation entre droit et École, il est intéressant de se pencher sur la question de la formation juridique des enseignants.
Actuellement, la majorité des enseignants n’est pas formée du point de vue juridique. En effet, peu d’entre eux ont effectué des études supérieures juridiques avant de s’orienter vers l’enseignement et le Master MEEF 1er degré ne forme pas à cette discipline, alors même que l’apprentissage du droit figure aux programmes scolaires d’Enseignement Moral et Civique et mériterait d’être plus présent au sein de l’École. Actuellement, cette formation demeure limitée à la protection des enseignants et élèves mais ne porte pas sur le droit et son enseignement (Denis Salas et Jacques Toubon, 2017).
François Robert (1999) qualifie la formation juridique des futurs enseignants d’« insuffisante » et « d’ésotérique ». Dans ce contexte, avoir une connaissance plus aboutie du droit et de ses mécanismes peut constituer un atout pour pratiquer une initiation juridique de qualité et permettre à de nombreux enseignants tentés de fuir par incompétence l’apprentissage du droit à l’École, de s’atteler avec confiance à cet exercice. En complément de cette formation, il serait nécessaire d’aborder les enjeux didactiques et pédagogiques de l’introduction du droit en classe (débats, jeux de rôles…).
Les enseignants du premier degré sont fortement sensibilisés à une pratique pédagogique lors de leur formation initiale se prêtant très bien à l’apprentissage du droit, éventuellement dès la maternelle : le débat à visée philosophique. Un tel outil permet d’aborder le droit d’une manière qui peut probablement rassurer un certain nombre d’enseignants. La philosophie permet une « mise en marche » de la pensée des enfants (Michel Tozzi, 2012). Mr Tozzi explique qu’il s’agit « d’initier une entrée dans la réflexion, par le questionnement, la clarification de ses opinions, la conscience de leur origine, leur mise en question en tant que préjugés, la formulation de questions pertinentes, d’ouverture sur une pluralité de solutions possibles, de tentatives de réponses argumentées, etc. ».
Favoriser la pratique de l’oral et la mise en place de débats à visée philosophique en classe permet aussi d’encourager la participation des élèves, ce qui fait précisément partie des droits énoncés par la CIDE (Jean Le Gal et al, 2008). Ainsi, de nombreuses notions juridiques peuvent être abordées à travers des débats philosophiques (la responsabilité, l’intérêtgénéral…), à différents stades d’une séquence. Si le fait de « discuter » ou bien de « débattre » en classe pose question, l’intérêt en tout état de cause est de favoriser le conflit sociocognitif chez les élèves (Olivier Blond-Rzewuski, 2018).
Pour ce faire, les modalités pouvant être utilisées sont variées (écrit, oral, individuel, collectif, théâtre…), tout comme les supports (littérature de jeunesse, études de cas, œuvres d’arts…).
Ainsi, si le fait d’aborder le droit à l’école peut inquiéter un certain nombre d’enseignants, il est tout à fait envisageable d’y procéder en effectuant des choix pédagogiques et didactiques adaptés aux pratiques et connaissances juridiques caractérisant chaque enseignant.
Enfin, effectuer un retour sur les théories fondatrices du droit permettrait de confirmer le raisonnement établi jusqu’alors (C).
Une nécessaire réflexion au sujet des théories du droit à utiliser à l’École
En France le droit se fonde essentiellement sur les théories de Hans Kelsen pour qui le droit est un ensemble de normes articulées entre elles sous forme d’une pyramide par des relations très formelles. Le juriste a ainsi la charge d’effectuer un travail de déduction formelle. Il doit comparer la relation entre les normes et la manière dont elles sont appliquées.
Si tout étudiant en droit français connaît le nom de Hans Kelsen, bien peu ont connaissance de celui de Ronald Dworkin, grand philosophe du droit états-unien. Ses théories sont méconnues en France alors même qu’elles pourraient complètement intéresser la manière d’aborder le droit au sein du milieu scolaire. En effet, pour Dworkin, le droit ne réside pas dans des règles mais est « une affaire de principes » et une activité intellectuelle de raisonnement (François Robert, 1999). Il donne une place extrêmement importante aux droits de l’Homme dans sa philosophie.Il n’exclut ainsi pas, le fait d’aborder la morale, ce qui peut tout à fait avoir un intérêt dans le cadre de leçons d’EMC.
Une telle approche, opposée à celle de Kelsen, pourrait sans nul doute utilement alimenter la réflexion des enseignants. En se décentrant des textes normatifs, il serait ainsi possible de mettre à mal le processus de réification du droit qui règne à l’École, et de donner beaucoup plus de sens à cette discipline aux yeux des élèves.
Bien évidemment, le système juridique français étant régi par des textes écrits, il ne s’agira pas de les exclure totalement des apprentissages pour que les élèves comprennent bien le fonctionnement du système judiciaire au sein duquel ils évoluent.
Un projet intéressant des classes de REP et REP +
Le projet « Justice et droit » intéresse uniquement des écoles primaires, et éventuellement des élèves de 6ème, appartenant au réseau REP et REP + d’Angers, Cette année, quatre classes situées dans trois écoles différentes y ont participé.
Les élèves appartenant au réseau REP et REP + peuvent, globalement, être plus rapidement que d’autres confrontés à des actes de non-respect de la loi, que cela soit dans leur entourage ou leur milieu familial. Il s’agit en l’occurrence d’élèves dont on ne peut exclure qu’ils seront eux aussi susceptibles de procéder à des actes de délinquance dès l’adolescence, certains ayant déjà franchi cette étape dès l’école primaire.
Ainsi, alors que certains de ces élèves pourraient être amenés à avoir maille à partir avec le droit et la Justice dès un très jeune âge, ne sont-ils pas paradoxalement extrêmement peu informés des rouages de ce milieu. Ils n’ont ainsi que très peu conscience de ce qu’est la Justice, de son rôle et de la manière dont elle régule les infractions. Ils ignorent aussi à peu près tout du droit et des règles qui régissent les rapports humains au sein d’une société.
De ce fait, il m’a paru particulièrement intéressant de m’intéresser aux représentations initiales des élèves sur le milieu juridique pour, par la suite, effectuer un point d’étape et voir si ces représentations ont évolué après quelques mois de mise en œuvre de ce projet.
J’ai dans ce cadre été amenée à suivre deux classes de CM1-CM2 appartenant à la même école. Les échanges que j’ai pu entretenir avec les enseignants ainsi que mes observations au cours de l’année m’ont permis de cerner les particularités de ces classes. Ainsi ai-je pu noter qu’un grand nombre d’élèves rencontre des difficultés significatives relatives à la maîtrise de la langue : carences lexicales, difficultés de lecture, problèmes de structuration des phrases, tant à l’oral qu’à l’écrit. Il importe par ailleurs de noter que chaque classe comporte un chef, ce qui revêt un intérêt particulier dans le cadre d’un projet s’intéressant aux conflits et aux délits.
Consciente de l’opportunité qui m’était offerte de confronter les principes théoriques de l’enseignement du droit à l’Ecole à la réalité d’un projet juridique authentique et riche, j’ai eu à cœur de vivre ce projet de l’intérieur et d’en suivre pas à pas les différentes étapes.
L’observation de différentes étapes du projet « Justice et droit »
Ce mémoire portera sur les observations effectuées à partir de la réunion de lancement du projet du 4 octobre 2018 jusqu’à la réunion de bilan intermédiaire du projet du 7 février 2019. Ainsi, convient-il en premier lieu d’en présenter les principales étapes(a) avant de détailler le contenu de celles auxquelles j’ai assisté (b).
Entretiens menés avec les élèves de ma classe de stage filé
Ces entretiens confirment les écarts de résultats constatés par l’étude des questionnaires, l’élève E5 s’étant globalement mieux approprié le contenu de la séquence que l’élève E6. Cette dernière s’est souvent écartée de son sujet. Quant à l’élève E5, elle a notamment été marquée par le travail des enfants et a souvent orienté son propos sur cette préoccupation. Tout d’abord, les élèves E5 et E6 ont aussi enrichi leur définition du terme « droit » alors que l’une et l’autre n’en avaient aucune perception au début du projet. Toutes deux expriment l’idée de « pouvoir faire quelque chose», à laquelle l’élève E5 ajoute l’idée de « devoirs ». Elles expriment aussi le fait qu’il existe des inégalités entre les droits. L’élève E5 se réfère plutôt au non-respect de droits, l’élève E6 au fait que tout le monde n’est pas autorisé à faire les mêmes choses. Cette dernière estime que le droit est quelque chose de respecté par tout le monde (à l’échelle de la France ou bien mondiale) et admet qu’il existe des règles. En revanche, elle fait une distinction entre le droit concernant les adultes et celui des enfants, qu’elle rattache essentiellement à la volonté des adultes.
L’élève E5 assimile le droit au fait de pouvoir rappeler à l’ordre ceux qui ne respectent pas des droits, illustrant son propos du point de vue des enfants (travail desenfants) et du point de vue des adultes (droit du travail).
Travailler sur les droits de l’enfant à partir de la CIDE constituait une manière indirecte de sensibiliser les élèves au fait que les règles sont écrites et ont une source. L’élève E5 semble y avoir été réceptive. Les propos de l’élève E6 ont attesté d’une sensibilisation moindre à cette question. Elle est aussi parvenue à définir les droits de l’enfant comme « des droits réservés pour les enfants, mais aussi des fois pour les adultes, mais protégés très fort pour les enfants ».
Par ailleurs, concernant le fait d’explicitement donner des droits, l’élève E5 a donné des exemples se référant au contenu de la CIDE (aller à l’école, ne pas faire la guerre…), ce qu’elle n’avait absolument pas été en capacité d’exprimer en novembre. L’élève E6 est quant à elle restée bien plus limitée à ce sujet, en dépit de l’étayage qui lui a été proposé. En revanche, l’élève E5 a aussi abordé le fait que les droits de l’enfant ne sont pas toujours respectés mais protégés par certaines organisations (abordant les casques bleus, le 119 puis l’UNICEF).
Unanimement, ces élèves ont attesté du fait d’avoir aimé le contenu de la séquence. L’élève E5 a particulièrement apprécié le fait d’avoir mis en œuvre le droit d’expression au sein du débat mais a trouvé le contenu de l’étude de la CIDE difficile.
Durant ces entretiens, il a aussi été question du ressenti des élèvesà propos des délégués. Ces deux élèves ont partagé leur regret de ne pas être plus impliquées dans les choix effectués par les délégués et estiment qu’il n’y a pas assez de lien entre les délégués et le reste de la classe.
Enfin, sur la question de la citoyenneté, l’élève E6 n’a pas été en mesure de davantage s’exprimer qu’en novembre à ce sujet. L’élève E5 a en revanche élargi sa définition, assimilant la notion de citoyen à celle de respect de règles et, plus généralement, àcelle de respect des différences.
Elle n’applique cependant pas son raisonnement à l’échelle de la classe car les règles du quotidien de classe (lever la main, respecter les autres…) sont pour elles si évidentes qu’il ne s’agit pas de règles.
Pour elle, le terme « règle » ne s’applique qu’à un interdit important
Conclusions et réponse à la question de recherche
L’analyse des différents éléments d’enquête et d’évaluation relatifs à ces deux expériences d’une introduction des concepts de droit et de Justice au niveau du cycle 3 de l’école primaire suggère que l’on réponde avec humilité et de façon nuancée à la question posée initialement à savoir : Quelle familiarisation à la culture juridique est-il possible d’effectuer avec des élèves de cycle 3 ?
De fait, l’hétérogénéité des réponses des élèves et la difficulté manifeste de certains à exprimer un point de vue assuré sur des notions complexes et à tout le moins peu familières incitent à apprécier avec circonspection l’incidence des actions conduites dans le cadre de cette étude sur les apprentissages des élèves. Des limites sont de fait aisément identifiables.
Ainsi par exemple, si certains élèves se la sont bien appropriée, la notion de droits de l’enfant, au cœur du projet conduit en classe filée, demeure en revanche peu significative chez d’autres qui éprouvent une difficulté à se sentir détenteurs d’un droit qu’ils conçoivent mal et qu’ils associent spontanément dans leur esprit à l’autorité de l’adulte.
De la même façon, on aurait pu espérer à l’issue de ces projets, quela notion de citoyenneté fasse plus explicitement sens chez davantage d’élèves et constitue dece fait un acquis plus tangible et significatif. Cependant, il ne faut pas considérer ce constat comme un échec car il s’agit d’une notion abstraite, difficilement intelligible pour de jeunes esprits peu ou pas préparés à se confronter à un cheminement intellectuel aussi exigeant et difficile.
Aborder les questions de droit et de Justice suppose en effet que l’on aille bien au-delà de l’appropriation de notions d’apprentissages objectives et explicites. Se confronter à ces questions implique de fait que l’on conduise les élèves à engager une réflexion ambitieuse qui exigera aussi d’eux qu’ils réfléchissent à leurs comportements individuels et collectifs dans le contexte de la société et de l’environnement social dans lesquels ils évoluent. Les élèves issus de l’école de REP+ ont pu voir leurs repères particulièrement bouleversés, ce qui rend l’appréhension desconcepts juridiques d’autant plus difficile. Ainsi, une telle réflexion doit être inscrite dans une durée longue.
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Table des matières
Partie 1
Introduction
I – La formation d’un esprit éclairé de l’enfant favorisée par la présence du droit à l’Ecole
A – L’utilisation du droit dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté
B – Permettre aux enfants de prendre conscience de leurs droits en tant qu’enfants
C – La question des rapports entre droit et gestion de conflits
II – Réflexions à propos d’une discipline technique au sein du milieu scolaire
A – Un choix en termes d’apprentissage à axer du point de vue de l’esprit des textes
B – La question de la formation des enseignants
C – Une nécessaire réflexion au sujet des théories du droit à l’Ecole
Problème de recherche
Hypothèses
Partie 2
I – Une expérimentation ayant pour cadre un projet de grande ampleur et un projet organisable à l’échelle d’une classe
A – Un projet de grande ampleur : « Classes Justice et droit »
1 – Un projet rare visant à une sensibilisation au monde judiciaire
2 – Un projet intéressant des classes de REP et REP +
3 – L’observation de différentes étapes du projet « Justice et droit »
a – Principales étapes du projet « Justice et droit »
b – Observations de certaines phases du projet « Justice et droit »
B – Une approche accessible du droit dans la classe par l’étude des droits de l’enfant et l’élection de délégués
1 – Le choix de l’acculturation au droit par le prisme des droits de l’enfant
2 – Un projet expérimenté dans le cadre d’une classe d’une école rurale et plutôt favorisée
3 – Une séquence sur les droits de l’enfant associée à un apprentissage de la démocratie par l’élection de délégués de classe
II – Une expérimentation procédant par pré-tests et post-tests
A – La phase de pré-tests
1 – Un recueil de donnés quantitatif et qualitatif : le questionnaire
2 – Un recueil de données qualitatif : les entretiens
B – La phase de post-tests
1 – Les questionnaires
2 – Les entretiens
Partie 3– Résultats et analyse
I – Résultats des pré-tests
A – Résultats quantitatifs des questionnaires
B – Précision des résultats des questionnaires à l’aide des entretiens
1 – Des entretiens très différents menés avec les élèves deREP +
2 – Mise en perspective avec les entretiens effectués avec les élèves d’une école rurale
C – Conclusions des pré-tests
II – Résultats des post-tests
A – Résultats quantitatifs des questionnaires
1 – Résultats des post-tests au sein des classes participant au projet « Justice et droit »
2 – Des résultats quantitatifs plus nuancés au sein de ma classe de stage filé
B – Précision des résultats des questionnaires à l’aide des entretiens
1 – Entretiens avec les élèves participant au projet « Justice et droit »
2 – Entretiens menés avec les élèves de ma classe de stage filé
III – Réponse à la question de recherche
Bibliographie
Annexe 1 : déroulé général de la séquence sur les droits de l’enfant (école B)
Annexe 2 : exemples de questionnaires issus des pré-tests
Annexe 3 : exemples de questionnaires issus des post-tests
Annexe 4 : trames des entretiens
Annexe 5 : retranscriptions des entretiens
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