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Les récepteurs périphériques proprioceptifs
Pour parvenir à conserver un bon équilibre et à effectuer des mouvements, l’organisme utilise des systèmes de contrôle, d’une part extéroceptifs et d’autre part proprioceptifs en utilisant différents récepteurs sensitifs. [12]
Les récepteurs sensitifs extéroceptifs traitent les informations extérieures au corps, telles que la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût. Les récepteurs proprioceptifs sont les récepteurs de la sensibilité profonde, ils sont internes et propres à notre corps ; ils siègent dans les muscles et les articulations. Selon le type de récepteurs proprioceptifs stimulés, la proprioception permet d’évaluer la position d’un segment de corps dans l’espace, soit de façon statique, soit de façon dynamique. [13]
Les Fuseaux Neuro Musculaires
Les FNM (voir figure 1) sont considérés comme les principaux récepteurs proprioceptifs et sont notamment retrouvés en grande quantité dans les muscles de la motricité fine. Chaque FNM se compose de faisceaux, eux-mêmes composés de fibres musculaires enfermées dans une capsule de tissu conjonctif et innervées par des fibres motrices efférentes et des fibres sensitives afférentes. Dans un muscle squelettique, on va donc retrouver deux types de fibres musculaires, les fibres du fuseau à proprement parlé, elles sont dites intrafusales, et les fibres musculaires en dehors de la capsule conjonctive, donc dites extrafusales.
Les fibres intrafusales se divisent elles-mêmes en deux catégories, d’une part les fibres à sacs nucléaires et d’autre les part les fibres à chaînes nucléaires. La principale différence est que les premières comportent des groupements de noyaux nucléaires, alors que les secondes présentent un agencement en série de leurs noyaux et sont un peu plus petites.
Au niveau des efférences, les motoneurones innervant les fibres intrafusales sont appelés motoneurones gamma, afin de les différencier des motoneurones alpha, innervant les fibres musculaires extrafusales. Les fibres des motoneurones gamma, appelées fibres fusimotrices, ont un diamètre et une vitesse de conduction bien moindre que les fibres des motoneurones alpha, bien qu’elles soient également myélinisées, et proviennent de la corne ventrale de la moelle épinière.
Organisation d’un fuseau neuromusculaire
Enfin, l’afférence des FNM est assurée par deux types de fibres, qui permettent là encore de diviser les FNM en deux catégories, primaires (afférences Ia) et secondaires (afférences II). Les fibres afférentes primaires, myélinisées et de gros calibres, et forment des terminaisons dites annulo-spiralées, et se retrouvent plutôt sur la partie médiane des fibres intrafusales à sacs nucléaires et à chaînes nucléaires. Les fibres afférentes secondaires, elles, forment des terminaisons en bouquet, c’est-à-dire à ramifications multiples, et se retrouvent plus en périphérie des fibres intrafusales, et en majorité sur les fibres à chaînes nucléaires.
Les afférences de type Ia sont beaucoup plus sensibles à la tension appliquée sur la fibre musculaire que les afférences de type II (voir figure 2), c’est pour cela qu’on considère que les primaires sont dynamiques et que les secondaires sont statiques. Les FNM primaires vont indiquer la vitesse de changement d’état du muscle (contraction, relâchement, étirement) et vont donc nous informer sur le déroulement d’un mouvement effectué (ils participent aussi au réflexe myotatique), alors que les FNM secondaires donnent des informations sur la longueur du muscle et donc sur la position d’un segment de membre.
Les Organes Tendineux de Golgi
Les organes tendineux de Golgi (voir figure 3) siègent au niveau des jonctions tendineuses, ils sont situés en série par rapport aux fibres extrafusales évoquées plus haut. Ils sont sensibles à la tension intra musculaire et participent à la régulation de la raideur musculaire et au réflexe myotatique inverse. Ils se situent également au niveau des ligaments où ils signalent la tension appliquée à ces derniers et la direction du mouvement. Ils ont aussi un rôle statique, en participant à la statestésie [15]. Ils sont également retrouvés dans les ligaments. Leur afférence est assurée par des neurones de type Ib, myélinisés et d’un calibre similaire aux fibres Ia. Les fibres afférentes Ib pénètrent dans la moelle épinière au niveau des racines dorsales et forment des synapses avec des interneurones au niveau de la corne ventrale, qui vont à leur tour former des synapses avec des motoneurones alpha ; les connexions ainsi créées provoquent un relâchement musculaire lorsqu’elles sont activées [16]. A l’opposé des FNM, les OTG n’ont pas d’efférences directes avec le système nerveux central, et ne sont donc pas sujets à ses atteintes.
La fréquence des potentiels d’action dans l’afférence Ib est surtout augmentée par la force de contraction du muscle, alors l’étirement passif de ce dernier ne produit qu’une faible réponse des OTG. [15]
Il existe d’autres récepteurs proprioceptifs moins importants, comme les récepteurs de Ruffini, retrouvés dans les capsules articulaires, ou encore les corpusculaires de Pacini [17].
La centralisation de la proprioception
La proprioception est liée aux voies somatosensorielles, et plus précisément à la voie lemniscale (voir figure 4). En effet une fois les récepteurs proprioceptifs stimulés, les fibres nerveuses afférentes, primaires ou secondaires, vont faire circuler l’information en pénétrant dans la moelle épinière par les racines postérieures. Les afférences dites de premier ordre se déplaceront ainsi par les colonnes dorsales pour former des synapses avec les noyaux du cordon postérieur (noyaux cunéiforme et gracile) du bulbe rachidien. Dans un second temps, les afférences de deuxième ordre vont quitter ces mêmes noyaux dans un faisceau de fibres appelé lémnisque médial avant d’atteindre le thalamus ventral. Enfin, les fibres de troisième ordre, issues de ce dernier, vont rejoindre les régions somesthésiques du cortex cérébral. Le cortex somatosensoriel primaire droit va traiter l’information provenant de l’hémicorps gauche, et inversement. [15], [18]
Les méthodes d’évaluation de la proprioception post-AVC
Généralités
Comme expliquer précédemment, jusqu’à 2/3 des patients présentent des troubles proprioceptifs à la suite d’un AVC, et la sensibilité proprioceptive est indispensable à une bonne récupération motrice et de l’équilibre. Sa prise en charge étant une étape clé dans la réhabilitation du patient, il est fondamental de pouvoir l’évaluer de manière précise et objective, afin de pouvoir identifier les déficits induits et proposer un plan de traitement adapté au malade dans sa prise en charge. [1], [2]
Les kinésithérapeutes semblent accorder de plus en plus d’importance à l’évaluation de la proprioception chez les patients post-AVC, en effet 95% des kinésithérapeutes interrogés dans une étude de 2015 [19] affirment évaluer les déficits proprioceptifs de leurs patients post-AVC, contre 84% dans une étude de 1999 [20]. Bien que les deux études n’aient pas été menées auprès des mêmes groupes de thérapeutes, la plus récente émet l’hypothèse que cette augmentation de la préoccupation des rééducateurs envers les troubles somatosensoriels est due à la large diffusion des données scientifiques probantes relatives au sujet et au développement des guides de bonnes pratiques.
A ce jour, il n’existe pas de réel Gold Standard (GS) pour l’évaluation de la proprioception, même si certaines échelles sont plus utilisées que d’autres en pratique clinique. Certaines méthodes, souvent robotisées mais pas toujours, sont parfois considérées comme étant des GS par certains auteurs dans le cas d’études comparatives. [21]
Les méthodes manuelles
Le Joint Position Sense (JPS), pour la statestésie [22], [23] : il permet de mesurer en passif ou en actif la capacité à détecter la position d’un membre dans l’espace. Cet examen consiste à placer l’articulation passivement dans une position et on demande au sujet de placer la même articulation controlatérale dans la même position, les yeux fermés. Cet examen a été décliné en d’autres plus spécifiques comme le Thumb Localizing Test [24] ou encore le Wrist Position Sense Test [25]. Le Threshold for Detection Motion (TDM), pour la kinesthésie [22] : il consiste à mesurer la capacité à ressentir le mouvement à partir d’une phase immobile. Pour ce faire, on va imprimer, en passif et articulation par articulation une séquence de mouvements au sujet et, les yeux fermés, celui-ci doit effectuer cette séquence en actif avec le membre controlatéral. Ces 2 tests sont la base de l’évaluation de la proprioception et leurs principes sont retrouvés dans des examens de la sensibilité plus vastes. Voici les plus utilisés :
Le Nottingham Sensory Assessment (NSA) est une évaluation manuelle standardisée utilisée dans de nombreux pays pour les patients présentant des troubles sensitifs, et notamment en post-AVC. C’est une échelle britannique datant de 1991 et incluant les items suivants : toucher léger, température, piqûre, pression, localisation tactile, stimulation bilatérale cutanée, stéréognosie, proprioception, discrimination de deux points [26]. Sept ans plus tard, une version révisée et plus courte du NSA a vu le jour, le Revised Nottingham Sensory Assessment (rNSA) [27]. Enfin, neuf ans plus tard, en 2007, une version actualisée du rNSA a été publiée : le Erasmus MC Modifications to the Nottingham Sensory Assessment (EmNSA) [28]. Si toutes les modifications effectuées au fil des versions de la NSA ne seront pas détaillées dans ce travail, attardons-nous tout de même sur celles qui concernent la partie proprioception (pour rappel, chaque test doit être effectué 3 fois yeux fermés pour chaque articulation visée).
– Dans le NSA la partie proprioception se décomposait en 3 catégories à évaluer : l’appréciation du mouvement, la direction du mouvement et la position de l’articulation. Les scores possibles étaient les suivants :
o 0 Absente : Incorrect lors des 3 essais.
o 1 Atteinte : Correct lors de 1 ou 2 essai(s).
o 2 Normale : Correct lors des 3 essais.
– Dans le rNSA la partie proprioception a été totalement remaniée, en effet les 3 catégories évoquées précédemment disparaissent pour devenir à la place des critères de notation :
o 0 Absente : Aucune appréciation du mouvement
o 1 Appréciation du mouvement : Le patient indique lors des 3 essais qu’il y a un mouvement mais la direction est incorrecte.
o 2 Sensation de direction du mouvement : Le patient est capable d’apprécier et mimer la direction du mouvement à chaque fois, mais la position est incorrecte.
o 3 Sensation de position de l’articulation : .Le patient parvient à reproduire le mouvement à 10 degrés près de la position du test.
– Enfin, dans le EmNSA, la partie proprioception a été simplifiée en supprimant toute information relative à la sensation de position de l’articulation :
o 0 Absente : Le patient ne détecte aucun mouvement.
o 1 Atteinte : Le patient détecte le mouvement mais la direction n’est pas correcte lors des 3 essais.
o 2 Normale : le patient détecte correctement la direction du mouvement lors des 3 essais.
Rééducation du patient victime d’un AVC
La rééducation de l’AVC se décline en trois phases : la première est la phase aiguë parfois dite « flasque » qui s’étale sur les premiers jours/semaines après l’accident, et pendant laquelle le thérapeute lutte prioritairement contre les complications de l’immobilité et va travailler sur l’initiation de la commande motrice. S’en suit une phase de récupération, généralement de plusieurs mois, durant laquelle la prise en charge doit être intensive, afin de permettre une diminution des limitations d’activité du patient. On va maximiser le travail moteur et cognitif pour permettre au patient d’améliorer son autonomie, c’est un travail pluridisciplinaire. Enfin, le patient entre dans la phase de stabilisation, ou phase « séquellaire », durant laquelle on va axer la rééducation sur des objectifs plutôt précis dépendant des activités de la vie quotidienne de chaque patient pour augmenter leur qualité de vie ; bien sûr, il faut également conserver les progrès obtenus lors de la phase précédente. [53]–[55]
Et la proprioception dans tout ça ? Elle est généralement mise de côté dans la rééducation, les thérapeutes privilégiant la rééducation motrice pure. Il a cependant été prouvé que la proprioception entretenait un lien étroit avec les capacités motrices, que ce soit dans le contrôle de la marche, de l’équilibre ou dans les activités plus fines [56]. Il existe tout de même des exercices et méthodes à la disposition des rééducateurs comme les entrainements multi-sensorimoteurs [57], c’est-à-dire combinant à la fois des exercices d’équilibre et des exercices sensitifs par exemple, la thérapie miroir [58] ou plus récemment la réalité virtuelle [59] et les méthodes robots assistées [60]–[61], qui semblent avoir un intérêt.
Schéma d’étude
D’après le modèle PICO [62], détaillé plus bas, la question posée par ce travail est une question diagnostique. La fiabilité d’un outil de mesure diagnostic s’étudie généralement avec des études transversales et/ou longitudinales [63]. Pour rappel, une étude transversale porte sur une observation d’un phénomène et/ou d’un échantillon de population à un moment précis. A contrario, une étude longitudinale consiste en l’observation répétée pendant une période définie d’un phénomène et/ou d’un échantillon d’individus, permettant ainsi de pouvoir analyser l’évolution au fil du temps.
Population et pathologie étudiées
Dans le cadre de ce travail, la population présentée dans les études retenues doit répondre aux critères d’inclusion suivants : chaque protocole doit présenter des patients adultes, hommes ou femmes, atteints d’un AVC hémorragique ou ischémique, avec ou sans déficits apparents, et aucune limite d’âge maximale n’a été retenue. Les critères d’exclusion correspondent aux études portant sur la proprioception du tronc et aux études centrées sur les nouveau-nés victimes d’un AVC périnatal.
Si plusieurs pathologies sont traitées dans un article, seules les données en lien avec les critères d’inclusion seront extraites. Si, parmi les résultats, les données sur les patients AVC ne sont pas disponibles isolément, l’article sera exclu de la revue.
Outils de mesure évalués
Les outils de mesure qui seront évalués sont les techniques permettant d’évaluer la proprioception chez un patient dans le cadre d’un bilan post-AVC. Il s’agit plus précisément d’outils de mesure utilisés dans le cadre de diagnostics cliniques ou de recherche, et ils correspondent à une hétéroévaluation, c’est-à-dire une évaluation réalisée non pas par le patient, mais par une tierce personne. [64]
Critères de jugement
Les critères de jugement étudiés dans ce travail seront relatifs à la fiabilité des outils d’évaluation précédemment évoqués. Pour définir ces critères, nous nous sommes appuyés sur les recommandations du COSMIN et de leur représentation du consensus sur la taxonomie, la terminologie et la définition des propriétés de mesures (voir figure 9). [65]
Critère de jugement principal
Dans le cadre de ce travail, le critère que nous chercherons principalement à évaluer est la fiabilité (reliability), c’est-à-dire le degré auquel une mesure est exempte d’erreur de mesure. La fiabilité juge ainsi de la concordance d’un outil de mesure [65], à ne pas confondre avec la corrélation. [66]
Il existe 2 principaux types de fiabilité : la fiabilité intra-examinateur (intra-rater reliability) et la fiabilité inter-examinateur (inter-rater reliability). La première étudie si, lorsqu’un unique examinateur effectue plusieurs fois une même mesure à un temps d’intervalle, les valeurs obtenues sont identiques et, si non, dans quelles proportions elles sont différentes. La seconde étudie si, lorsque plusieurs examinateurs effectuent une même mesure, les valeurs obtenues sont identiques et, si non, dans quelles proportions elles sont différentes. [64]
Pour juger de la fiabilité d’un outil de mesure, il existe plusieurs coefficients dont 2 principaux : le Coefficient de Corrélation Intraclasse (ICC) et le Coefficient Kappa de Cohen (Kappa κ). L’ICC est généralement utilisé pour évaluer la fiabilité d’outils de mesure à variable quantitative, alors que le Kappa permet plutôt d’évaluer la fiabilité d’outils de mesure à variable qualitative [64]. Il est important que le kappa soit pondéré, c’est-à-dire que son calcul permette d’apprécier correctement la concordance d’un outil à variable qualitative ordonnée, sans cela le kappa ne permet d’apprécier la concordance que des outils à variable qualitative binaire. [66]
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Table des matières
1 – INTRODUCTION
1.1 La Proprioception
1.1.1 Généralités
1.1.2 Les récepteurs périphériques proprioceptifs
1.1.3 La centralisation de la proprioception
1.2 L’Accident Vasculaire Cérébral
1.2.1 Physiopathologie
1.2.2 Rééducation du patient victime d’un AVC
2 – METHODE DE RECHERCHE
2.1 Critères d’éligibilité des études
2.1.1 Schéma d’étude
2.1.2 Population et pathologie étudiées
2.1.3 Outils de mesure évalués
2.1.4 Critères de jugement
2.2 Méthode de recherche des études
2.2.1 Sources documentaires investiguées
2.2.2 Équation de recherche utilisée
2.2.3 Évaluation de la qualité méthodologique des études sélectionnées
2.3 Méthode d’extraction des données et de synthèse des résultats
2.3.1 Méthode de sélection des études
2.3.2 Méthode d’extraction des données
3 – RESULTATS
3.1 Sélection des études
3.1.1 Diagramme de flux
3.1.2 Études exclues
3.1.3 Études retenues
3.2 Extraction des données
3.3 Analyse des données des études retenues
3.3.1 Qualité méthodologique des articles
3.3.2 Caractéristiques générales de la population
3.3.3 Outils d’évaluation de la proprioception
3.3.4 Articulations évaluées
3.3.5 Propriétés métrologiques étudiées
3.3.6 Analyse descriptive des données
4 – DISCUSSION
4.1 Analyse et qualité des preuves des principaux résultats
4.1.1 La fiabilité inter-évaluateur
4.1.2 La fiabilité intra-évaluateur
4.1.3 La consistance interne et l’erreur de mesure standard
4.2 Niveaux de preuve
4.3 Applicabilité des résultats en pratique
4.4 Biais potentiels de la revue
5 – CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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