REEDUCATION DE LA MEMOIRE DE TRAVAIL DANS L’APHASIE POST-AVC

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REEDUCATION DE LA MEMOIRE DE TRAVAIL DANS L’APHASIE POST-AVC

Apports d’une rééducation orthophonique spécifique

L’existence du plan AVC 2010-2014 rappelle l’urgence rééducative de cette pathologie. Brady, Kelly, Godwin, Enderby et Campbell (2016) ont noté des améliorations fonctionnelles des compétences en communication, lecture, écriture et expression au terme d’une rééducation. Selon ces auteurs, la perspective d’une rééducation intensive ou durable présente des bénéfices. Salis, Kelly et Code (2015) ont d’autre part revendiqué la nécessité d’intégrer des tâches spécifiques MDT-MCT dans la rééducation des PA, compte-tenu de leur implication dans le langage et de la fréquence des troubles post-AVC dans ce système de mémoire. Westerberg et al. (2007) ont soumis un programme informatisé intensif et spécifique de la MDT à 18 participants pendant cinq semaines : au cours de ce programme, un groupe de SC et un groupe de PA post-AVC doivent réaliser des tâches sollicitant la MDT (empans, diverses tâches de manipulation d’items). Le protocole comporte une évaluation pré et post-thérapie investiguant les capacités de MDT ainsi que d’autres fonctions cognitives non entraînées telles que les FE (PASAT). Au terme de cette rééducation, les auteurs ont relevé une amélioration des tâches travaillées en MDT, ainsi qu’une augmentation d’autant plus significative du score au test de MDT et d’attention non entraîné en ligne de base post-thérapie. Cela atteste non seulement d’une amélioration des capacités de MDT, mais aussi d’une généralisation des acquis. Cette dernière est objectivée grâce à une évaluation de l’expérience subjective du fonctionnement cognitif à l’aide d’un questionnaire de vie quotidienne. Cet exemple souligne la pertinence de la rééducation spécifique.
Par ailleurs, l’entraînement de la MDT peut se faire conjointement avec celui des FE, étant donné que celles-ci jouent un rôle majeur dans la récupération des PA dans le cadre de lésions cérébro-vasculaires. En effet, Park et al. (2015) s’intéressent à la récupération de 183 patients post-AVC. Pour cela, les auteurs évaluent les capacités des patients dans quatre domaines : FE, capacités visuo-spatiales, langage et attention à trois mois et à un an de l’AVC. Les résultats montrent que les patients ayant le mieux récupéré sont aussi ceux qui obtiennent les meilleurs scores à l’évaluation des FE. Blandino (2011) rappelle aussi la nécessité d’intégrer les fonctions cognitives non spécifiquement dévolues au langage dans la prise en soins de l’aphasie. En effet, en raison du lien étroit entre MDT et FE, une association de leurs deux rééducations semble à préconiser. Vallat-Azouvi (2008) a proposé un protocole de rééducation spécifique de la MDT en modalité verbale. Cependant, pour des PA sévères, le recours à du matériel verbal augmente la charge de la tâche, c’est pourquoi la mise en place du protocole non-verbal de ce mémoire semble présenter un avantage.
La littérature fait état de la nécessité de rééduquer les PA post-AVC. En outre, la prise en soins spécifique de la MDT a montré des améliorations significatives chez les patients. Si le bénéfice d’un travail en individuel n’est plus à démontrer, nous pouvons maintenant nous interroger sur celui d’une rééducation collective.

Apports d’une rééducation collective

Schultz (1958), cité par Marc et Bonnal (2014), voit dans la relation à autrui la recherche de satisfaction de besoins humains fondamentaux : besoins d’appartenance à un groupe, de contrôle de soi et des interactions, ou encore de relations affectives. Lewin (1959) cité par Clavel (2015) explique que le groupe thérapeutique tient son fondement dans la coarticulation des interactions, des relations, et de la communication elle-même entre les individus. Selon Courtois (2012) cité par Clavel (2015), dans le cadre d’une rééducation orthophonique collective, le groupe constitue un espace permettant au patient de se socialiser de façon moins douloureuse que dans son quotidien. Cet auteur considère alors l’orthophoniste comme garant du bon fonctionnement et de la dynamique groupale puisqu’il apporte un cadre et permet ainsi au groupe d’assurer sa « fonction contenante » pour le patient. Malgré une posture qui se veut en retrait afin de favoriser la libre expression du patient par une attitude d’écoute active, l’orthophoniste a la responsabilité de redynamiser le groupe au moyen de feedbacks et d’étayages.
La thérapie de groupe est souvent considérée comme un complément de la thérapie individuelle (Layfield, Ballard et Robin, 2013). Elle peut ainsi constituer un temps pendant lequel le patient peut expérimenter des stratégies vues individuellement dans un contexte de « transition », c’est-à-dire que le groupe se situe à mi-parcours entre la relation duelle avec le thérapeute, et la situation totalement écologique dans laquelle le patient se retrouve en interaction sociale dans un milieu non protégé. Dans cet espace, le patient est plus autonome compte-tenu de la posture de retrait du thérapeute, mais il peut être rassuré par la présence des autres patients. Ainsi, le partage de points communs avec les pairs peut rendre ceux-ci plus porteurs que le thérapeute, dans un espace souvent défini par la convivialité. Elman et Bernstein-Ellis (1999) ont comparé dans une étude deux groupes de PA. Vingt-quatre PA ont participé à un groupe de communication à raison de cinq heures par semaine pendant quatre mois. L’objectif de la rééducation était d’augmenter l’initiation verbale et les échanges d’informations en utilisant tous canaux de communication chez les participants. En comparaison du groupe contrôle n’ayant pas bénéficié de la rééducation, les résultats montrent une amélioration significative des compétences linguistiques et communicationnelles des patients ayant participé au groupe, à deux et quatre mois du début de l’expérience. Un examen post-thérapie montre que les performances se sont stabilisées  dans la durée. Il apparaît donc que la rééducation collective augmente significativement les performances en communication d’une part, et permet d’autre part une meilleure implication ainsi qu’un soutien des patients entre eux, ce qui renforce d’autant plus les performances.
Cette thèse est confirmée par de nombreux auteurs (Layfield et al. 2013 ; Simmons-Mackie, Raymer et Cherney, 2016), selon qui communiquer avec un partenaire permet de développer des stratégies et a des effets positifs sur le langage, la communication et la qualité de vie des PA chroniques. Mercat, Renouf, Koslowski et Rousseaux (2006) montrent qu’un travail en groupe autour de l’expression orale et de la resocialisation chez des patients cérébro-lésés améliore les scores obtenus par les patients au Test Lillois de Communication après six mois de prise en charge, lors de la ligne de base post-thérapie.
Les bénéfices du groupe s’inscrivent par ailleurs dans une dimension psycho-sociale. Ainsi, plusieurs études prêtent à la thérapie de groupe des apports en termes d’émulation, d’engouement pour la prise en charge et de réassurance vis-à-vis de sa propre maladie grâce à la coprésence des pairs (Brown, Davidson, Worrall et Howe, 2013 ; Northcott, Burns, Simpson et Hilari, 2015). En effet, la plupart des patients, dans des questionnaires de satisfaction, expliquent qu’être avec des pairs les aide à sortir de l’isolement social (Patry et al., 2006), à avoir un rôle plus actif sur leur vie et à prendre plus d’initiatives. Le fait de participer à un groupe thérapeutique place ainsi dans une dynamique d’écoute, de partage et d’entraide qui permet, au fil des séances, une réassurance du patient quant à ses compétences. Ainsi, le partage des expériences et le feedback des pairs permet, outre la création de nouvelles relations, de rassurer le patient lorsqu’il constate qu’il n’est pas seul face à ses difficultés. De plus, les interactions avec les semblables permettent d’apporter un nouvel éclairage sur une situation problématique et de trouver des solutions pour éviter qu’une situation ne se reproduise. Plus encore, Elman (2007) et Lyon et al. (1997) ont souligné le fait qu’entretenir des relations sociales avec un groupe engendre des effets bénéfiques sur la santé et permet une affirmation de soi. En conséquence, l’estimation de la qualité de vie par les patients se trouve également augmentée après avoir participé à des groupes.

POSITION DU PROBLEME ET HYPOTHESES

Les retentissements de l’aphasie font de cette pathologie une nécessité en termes de prise en soins. Ainsi, le PA en difficulté face à la communication voit son environnement basculer, aux prises de remaniements qui s’avèrent souvent douloureux, tant sur le plan professionnel que personnel (diminution des loisirs et des interactions sociales). Le cadre théorique a fait émerger un lien entre aphasie et déficits de MDT, c’est pourquoi il importe de pouvoir proposer une prise en charge de cette composante aux PA. Actuellement, la rééducation de la MDT se fait principalement au moyen de matériels verbaux, ce qui n’est pas satisfaisant en termes d’adaptation à des PA pour lesquels la modalité verbale engendre des difficultés.
L’intérêt certain présenté par la rééducation collective en regard de la littérature nous porte à envisager une prise en soins dans cette modalité. Ce mémoire se fixe donc pour objectifs :
– De remanier un matériel de rééducation spécifique de la MDT adapté aux PA créé dans le cadre d’un précédent mémoire d’orthophonie (Legros, 2013), en l’adaptant afin d’harmoniser la rééducation des sous-systèmes de la MDT ;
– De proposer la mise en place de ce matériel dans le cadre d’une rééducation collective afin de créer un contexte favorable à la récupération des patients, conformément aux données issues de la littérature ;
– De déterminer la faisabilité de ce protocole de rééducation de la MDT auprès des PA et de recueillir des premières données représentatives des effets de ce protocole.
En accord avec les données récentes de la littérature, nous nous attendons à :
– Pouvoir déterminer la faisabilité de ce protocole et les conditions de sa mise en place ;
– Observer une amélioration des capacités de MDT chez les premiers patients ayant bénéficié du protocole de rééducation collective, celle-ci sera avérée par de meilleurs scores en ligne de base post-thérapie ;
– Vérifier un transfert des acquis en vie quotidienne par l’obtention de meilleurs résultats aux questionnaires écologiques utilisés ;
– Observer un sentiment de réassurance et une impulsion en contexte de groupe mesurés au moyen d’une échelle de Likert.

METHODOLOGIE EXPERIMENTALE

Population d’étude

Nous avons recruté pour cette étude trois patients aphasiques post-AVC au Centre Hospitalier d’Aunay-Bayeux. Notre fenêtre d’intervention a été établie dans un délai minimum d’un mois après l’accident afin d’éviter un biais de récupération spontanée. Les patients devaient présenter une aphasie et des troubles de la MDT. Les déficits ont été objectivés au moyen de tests orthophoniques et neuropsychologiques. Nous avons exclu les patients présentant des tumeurs cérébrales, des traumatismes crâniens, des maladies neuro-dégénératives ou des troubles neuro-visuels.
Les performances de nos trois patients rééduqués (PR) ont été étudiées en regard de celles de trois patients aphasiques non rééduqués (PNR) post-AVC. Ces derniers devaient aussi présenter un trouble de la MDT, sans prise en charge spécifique de ces troubles. Ces patients ont été recrutés dans des cabinets d’orthophonie libéraux, c’est pourquoi certains se trouvent à une date plus avancée de l’AVC.
Tous les patients recrutés ont signé un formulaire donnant leur consentement éclairé pour cette étude.
Le premier patient bénéficiant de la rééducation (PR1), 73 ans, niveau socio-culturel (NSC) situé à 2, présentait une aphasie mixte à un mois d’un AVC ischémique sylvien gauche survenu le 28/08/2017. Le deuxième patient (PR2), 44 ans, NSC 2, présentait une aphasie de Wernicke avec une atteinte mixte à deux mois d’un AVC ischémique superficiel gauche fibrinolysé survenu le 06/09/2017. Le troisième patient (PR3), 63 ans, NSC 1, présentait une aphasie doublée d’une hémiparésie à deux mois d’un AVC ischémique sylvien gauche survenu le 20/09/2017.
Le premier patient non rééduqué (PNR1), 62 ans, NSC 1, présentait une aphasie de Broca doublée d’une apraxie de la parole à trente-deux mois d’un AVC ischémique sylvien gauche survenu le 27/03/2015. Le deuxième PNR (PNR2), 65 ans, NSC 2, présentait une aphasie transcorticale motrice à deux mois d’un AVC ischémique sylvien gauche survenu le 21/09/2017. Le troisième PNR (PNR3), 80 ans, NSC 2, présentait une aphasie de conduction à trois mois d’un AVC ischémique pariétal gauche survenu le 21/11/2017.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. PARTIE THEORIQUE
1.1 APHASIE, COMMUNICATION ET TROUBLES COGNITIFS
1.1.1 L’aphasie
1.1.2 Communication du patient aphasique au quotidien
1.1.3 Fonctions cognitives atteintes dans l’aphasie
1.2 DEFICITS DE MEMOIRE DE TRAVAIL DANS L’APHASIE
1.2.1 La boucle phonologique
1.2.2 Le calepin visuo-spatial
1.2.3 L’administrateur central
1.2.4 Le buffer épisodique
1.3 REEDUCATION DE LA MEMOIRE DE TRAVAIL DANS L’APHASIE POST-AVC
1.3.1 Apports d’une rééducation orthophonique spécifique
1.3.2 Apports d’une rééducation collective
2. POSITION DU PROBLEME ET HYPOTHESES
3. METHODOLOGIE EXPERIMENTALE
3.1 Population d’étude
3.2 Matériel et méthode
3.2.1 Déroulement du protocole expérimental
3.2.2 Présentation du protocole d’évaluation
3.2.3 Présentation du matériel de rééducation
3.3 Analyses statistiques
4. RESULTATS
4.1 Evaluation de la différence des performances cognitives aux bilans pré/post-protocole pour PR1 par rapport aux PNR
4.2 Evaluation de la différence des performances cognitives aux bilans pré/post-protocole pour PR2 par rapport aux PNR
4.3 Evaluation de la différence des performances cognitives aux bilans pré/post-protocole pour PR3 par rapport aux PNR
4.4 Comparaison des scores bruts pré et post-protocole aux questionnaires écologiques
5. DISCUSSION
5.1 Interprétation des résultats
5.2 Limites de cette étude
5.2.1 Limites du protocole d’évaluation
5.2.2 Limites du matériel et pistes d’amélioration
5.3 Observations cliniques
5.3.1 Adaptations survenues au cours de cette étude
5.3.2 Observation de la mise en place du matériel
5.3.3 Stratégies facilitatrices détournant de l’objectif initial
5.3.4 Apports de cette étude et perspectives de recherche
6. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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