Un transformateur électrique est un convertisseur permettant de modifier les valeurs de tension et d’intensité du courant délivrées par une source d’énergie électrique alternative, en un système de tension et de courant de valeurs différentes, mais de même fréquence et de même forme. Le transformateur de distribution HTA/BT a pour fonction de délivrer l’énergie électrique sous basse tension (410 V) à partir d’une haute tension (20 kV). Un transformateur est essentiellement constitué par un circuit magnétique fermé et par deux enroulements appelés :
– primaire, quand il reçoit de l’énergie
– secondaire, quand il restitue cette énergie après transformation.
Les transformateurs HTA/BT représentent une partie essentielle du réseau d’approvisionnement en électricité avec plus de 730 000 unités installées en France. En raison de leur fonctionnement continu et de leur longue durée de vie (minimum 30 ans), une légère augmentation en efficacité peut se traduire par d’importantes économies au fil du temps.
Conformément à son engagement pour le développement durable, ERDF a décidé de diminuer significativement les pertes dans le réseau de distribution. Les transformateurs ont été identifiés comme un important gisement de réduction des pertes. Les récents progrès dans les matériaux magnétiques constitutifs des noyaux de transformateurs ont permis d’accompagner les distributeurs d’électricité dans leur démarche environnementale et économique. Dans cette catégorie de matériaux, on y trouve les matériaux amorphes à base de fer qui réduisent les pertes à vide de 60 à 70% par rapport aux tôles conventionnelles à grains orientés.
Matériaux amorphes et nanocristallins. Organisation de la filière amorphe
Contexte
Pertes dans le réseau ERDF
Depuis 2006, l’UE invite les distributeurs d’électricité à s’équiper de matériels à haute efficacité énergétique pour réduire les pertes dans les réseaux électriques. La réduction des pertes à vide (pertes « fer ») des transformateurs de distribution publique constitue un enjeu environnemental et économique fort chez les distributeurs d’électricité dans le monde, dont ERDF filiale d’EDF pour la distribution. Les pertes annuelles totales dans le réseau de distribution ERDF en 2007 s’élèvent à 4,4 TWh dont les pertes à vide représentent 3 TWh/an soit plus de ⅔ des pertes totales.
Comme les pertes « fer » sont constantes et générées par le matériau magnétique lui-même, l’utilisation des matériaux magnétiques à haute efficacité énergétique permettra de réduire les pertes, d’où un enjeu économique. Outre leur rentabilité économique, les transformateurs à haute efficacité procurent également un avantage environnemental important.
L’évaluation des différents matériaux magnétiques
Il est possible de diminuer les pertes à vide en choisissant un matériau plus performant pour fabriquer le noyau. Au fil des ans, davantage de matériaux spécialisés ont été élaborés pour les noyaux de transformateurs :
– Vers 1900, l’acier au silicium laminé à chaud est devenu la matière de base pour construire le noyau, qui était constitué de feuilles isolantes individuelles servant à réduire les pertes à vide. L’acier laminé à froid et des techniques d’isolation plus perfectionnées ont progressivement été développés par la suite afin d’améliorer le rendement.
– Les aciers de silicium à grains orientés laminés à froid (CGO) ont été commercialisés dans les années 1950. Il s’agit d’un premier pas important vers la réduction des pertes.
– Différentes techniques de revêtement et de traitement ainsi qu’un contenu réduit en Si ont permis de créer les aciers à grains orientés hautement perméables (HiB: High Bsaturation). Ceux-ci demeurent aujourd’hui le matériau principal pour la fabrication de transformateurs de distribution en Europe.
– De nouvelles techniques d’amélioration de la technologie des tôles Fe-Si par le traitement laser ont été initiées au cours des années 1980 (laser scratching).
– La récente élaboration des matériaux amorphes à base de fer constitue un progrès important, qui permet de réduire les pertes à vide dans les transformateurs de manière efficace. L’utilisation de matériaux amorphes dans les noyaux magnétiques représente une rupture technologique dans le domaine des transformateurs de distribution.
Historique
En 1990, General Electric et EPRI [3] ont mis au point une technologie de transformateur de distribution à noyaux amorphes qui réduit les pertes à vide de 60 à 70% par rapport aux tôles conventionnelles. Les rubans amorphes permettent de produire des transformateurs offrant une meilleure efficacité énergétique en comparaison avec les transformateurs conventionnels à tôles Fe Si à grains orientés (GO). Bien que relativement récente, la technologie amorphe est assez largement diffusée en Asie et à plus petite échelle en Amérique du Nord.
Une nouvelle tentative
Il y a une dizaine d’années, les conclusions montraient que les transformateurs à noyaux amorphes n’étaient pas fiables et que leur coût était alors excessif. Cependant, l’application des matériaux amorphes aux transformateurs de distribution connaît actuellement un regain d’intérêt pour les raisons suivantes :
– L’UE incite les distributeurs d’électricité à s’équiper de transformateurs performants de haute efficacité énergétique.
– la diversification des sources d’approvisionnement de ERDF en raison de la demande pour faire face aux besoins ponctuels de renouvellement du parc.
– l’objectif d’ERDF de réduire les pertes dans son réseau en cohérence avec les recommandations de l’UE. La technologie amorphe permettrait des gains financiers immédiats et réduirait l’impact climatique des pertes .
Ce regain d’intérêt de la technologie amorphe avait encouragé EDF R&D à investiguer en 2008 sur les matériels issus de l’offre chinoise et japonaise. Les résultats d’investigation ont permis de conclure que les deux transformateurs asiatiques ne répondaient pas complètement aux exigences des spécifications HN-52-S-27 notamment du point de vue de :
➤ la tenue aux courants de court-circuit
➤ les décharges partielles
➤ les dimensions externes
➤ le remplissage d’huile qui n’est pas intégral .
A l’heure actuelle, ERDF se montre intéressé par la technologie amorphe car la réduction des pertes est une composante essentielle de ces engagements, beaucoup de fabricants européens de transformateurs et les distributeurs d’électricité (ENDESA, ENEL) se sont mis dans la voie de l’amorphe, et les conceptions des transformateurs (surtout vis-à-vis de la tenue mécanique) ont été remaniées afin de palier les difficultés rencontrées auparavant.
A retenir
– Pertes dans les transformateurs (2007) = 4,4 TWh dont 3 TWh constitue les pertes à vide.
– Objectif de ERDF : réduire les pertes dans le réseau de distribution en utilisant les matériels performants.
– Transformateurs amorphes Solution alternative de réduction des pertes.
Matériaux ferromagnétiques amorphes
Définition
Les amorphes métalliques sont définis comme des solides ne présentant pas d’ordre topologique à longue distance contrairement aux solides cristallins. Une structure amorphe peut néanmoins présenter un ordre à courte distance (préférence des atomes pour ses premiers voisins) qui ne persiste pas à longue distance (quelques angströms) [5]. A partir d’un alliage liquide considéré comme homogène, une structure cristallisée est obtenue par un refroidissement lent. Cette lente descente en température permet aux atomes de s’organiser en structure cristalline. En revanche, si le refroidissement est très rapide, une hypertrempe, la cristallisation peut ne pas se produire. Les règles permettant de repousser l’étape de cristallisation, donc d’obtenir une grande aptitude à former un amorphe, suivent principalement deux critères :
– suppression de la germination en augmentant l’énergie d’interface liquide-solide
– suppression de la croissance cristalline en rendant difficile les réorganisations structurales à longue distance (diffusion) .
Ce point peut être illustré schématiquement à l’aide d’un diagramme TTT (TempsTempérature-Transformation) . Sur ce diagramme est portée en ordonnée la température et en abscisse le temps. En partant de l’état liquide, dont la température est évidemment supérieure à la température de fusion Tm, il est possible d’atteindre l’état amorphe (trajectoire 1), si le refroidissement est suffisamment rapide pour éviter l’enveloppe « cristalline ».
Les alliages amorphes dotés d’une aptitude à la vitrification obéissent à des règles empiriques, par exemple les conditions d’Inoue :
– l’alliage doit comporter au moins 3 éléments chimiques différents, le fait d’avoir plusieurs éléments permet d’augmenter l’entropie S (car le désordre est favorisé), ainsi il y a une diminution d’enthalpie libre G. En effet, G est liée par la relation : G = H – T*S. Par définition, l’équilibre est atteint pour le minimum de G donc plus S est grand plus G est négative et la réaction est favorisée ;
– la différence entre les rayons atomiques des éléments doit être supérieure à 12%;
– les chaleurs de mélanges (H) doivent être négatives entre les principaux éléments ;
– la condition précédente implique que la composition définit une position d’eutectique profond où les écarts de température entre les éléments purs et l’alliage sont très grands.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
QUELQUES NOTIONS SUR LA SPECIFICATION EDF
LA FILIERE AMORPHE : ETAT DE L’ART ET ANALYSE DU CYCLE DE VIE
1. MATERIAUX AMORPHES ET NANOCRISTALLINS. ORGANISATION DE LA FILIERE AMORPHE
1.1. CONTEXTE
1.1.1 Pertes dans le réseau ERDF
1.1.2 L’évaluation des différents matériaux magnétiques
1.2. HISTORIQUE
1.2.1 Les premiers essais
1.2.2 Une nouvelle tentative
1.3. MATERIAUX FERROMAGNETIQUES AMORPHES
1.3.1 Définition
1.3.2 Entre le liquide et le verre
1.3.3 Aspect thermodynamique
1.3.4 Elaboration des matériaux amorphes
1.3.5 Propriétés
1.3.5.1 Propriétés mécaniques
1.3.5.2 Propriétés magnétiques
1.3.5.3 Influence des traitements thermiques sur les propriétés
1.4. MATERIAUX FERROMAGNETIQUES NANOCRISTALLINS
1.4.1 Préparation
1.4.2 Propriétés magnétiques
1.4.3 Particularité de l’alliage Finemet
1.4.4 L’avenir des matériaux nanocristallins
1.5. MATERIAUX AMORPHES POUR TRANSFORMATEURS
1.5.1 Pertes dans les matériaux magnétiques
1.5.2 L’intérêt des amorphes Fe-Si-B
1.5.3 Les alliages amorphes dans les noyaux magnétiques
1.5.3.1 Formulation Metglas®2605SA1
1.5.3.2 Formulation Metglas®2605HB1
1.5.4 Problèmes liés à l’utilisation des rubans amorphes
1.5.5 Evolution des matériaux amorphes
1.6. LES TRANSFORMATEURS AMORPHES
1.6.1 Les producteurs d’amorphes
1.6.1.1 Hitachi Metglas
1.6.1.2 Antai
1.6.2 Capacité de production et prix du matériau amorphe
1.6.3 La partie active
1.6.3.1 Le modèle « 5 legs »
1.6.3.2 Le modèle Evans
1.7. LES CONSTRUCTEURS DE TRANSFORMATEURS AMORPHES
1.7.1 Constructeurs européens
1.7.2 Constructeurs asiatiques
1.8. CONCLUSIONS
2. ANALYSE DU CYCLE DE VIE (ACV)
2.1. INTRODUCTION A L’ACV
2.1.1 Origine de l’ACV
2.1.2 Méthodologie de l’ACV
2.1.2.1 Définition des objectifs
2.1.2.2 Inventaire
2.1.2.3 Evaluation des impacts
2.1.2.4 Interprétation
2.2. OBJECTIFS ET CHAMP D’ETUDE
2.3. INVENTAIRE DES DEUX SYSTEMES DE TRANSFORMATEURS
2.3.1 Système amorphe
2.3.1.1 Elaboration et production de matières premières
2.3.1.2 Transport de matières premières et matériels
2.3.1.3 Utilisation des transformateurs amorphes
2.3.1.4 Recyclage
2.3.2 Système GO
2.3.2.1 Elaboration et production de matières premières
2.3.2.2 Transport de matières premières et matériels
2.3.2.3 Utilisation des transformateurs conventionnels
2.3.2.4 Recyclage
2.3.3 Résultats de l’inventaire
2.4. EVALUATION DES IMPACTS
2.5. ANALYSE DES DIFFERENTS SCENARIOS DE LA FILIERE AMORPHE
2.5.1 Fournisseur européen de noyaux magnétiques
2.5.2 Fabricant européen de noyaux et transformateurs
2.5.3 Fabricant étranger de noyaux et transformateurs
2.6. SYNTHESE DES RESULTATS
2.6.1 Emissions de CO2 de la part « Utilisation »
2.6.2 Emissions de CO2 de la part « Production et Recyclage »
2.7. COMPARAISON ENTRE TRANSFORMATEURS AMORPHE A0/2-CK ET CONVENTIONNEL A0CK
2.8. CONCLUSIONS
ETUDE SUR LA STABILITE DES MATERIAUX AMORPHES
3. ESSAIS DE COMPATIBILITE CHIMIQUE AVEC LES HUILES
3.1. ETAPES PRELIMINAIRES
3.1.1 Opération de recuit
3.1.2 Morphologie des rubans
3.2. COMPATIBILITE PHYSICO-CHIMIQUE
3.2.1 Mode opératoire
3.2.2 Résultats
3.2.2.1 Analyse chimique des huiles après essai
3.2.2.2 Pérennité des propriétés
3.2.2.3 Analyse par Diffraction des Rayons X (DRX)
3.3. CONCLUSIONS
4. VIEILLISSEMENT STRUCTURAL
4.1. PRINCIPE ET THEORIE
4.2. PREMIERE SERIE D’ESSAIS
4.2.1 Mode opératoire
4.2.2 Résultats
4.3. SECONDE TENTATIVE D’ESSAI
4.3.1 Mode opératoire
4.3.2 Résultats
4.4. DISCUSSIONS
4.5. CONCLUSIONS
ETUDE SUR LES TRANSFORMATEURS AMORPHES
5. ETUDE DE LA TENUE AU COURT-CIRCUIT ET DU NIVEAU DE BRUIT DES TRANSFORMATEURS AMORPHES
5.1. PRESENTATION
5.2. PROPRIETES DES MATERIAUX ET BRUIT
5.2.1 Origine du bruit
5.2.2 Relation entre le recuit et le bruit du noyau
5.2.3 Relation entre l’induction et le bruit
5.3. CONCLUSION INTERMEDIAIRE SUR LE BRUIT
5.4. MESURE DU BRUIT
5.4.1 Mesure de bruit normalisée
5.4.1.1 Cas du transformateur amorphe 250 kVA
5.4.1.2 Cas du transformateur amorphe 400 kVA
5.4.2 Signature sonore spectrale des appareils
5.4.2.1 Cas du transformateur amorphe 250 kVA
5.4.2.2 Cas du transformateur amorphe 400 kVA
5.4.2.3 Explications sur les émergences spectrales
5.5. ESSAIS DE TENUE AUX COURANTS DE COURT-CIRCUIT
5.5.1 Aspects normatifs et spécification
5.5.2 Calcul des courants de court-circuit
5.5.3 Calcul des efforts et localisation des contraintes
5.5.3.1 Calcul des efforts
5.5.3.2 Illustration des déformations engendrées
5.5.4 Résultats des essais de court-circuit
5.5.5 Incidence du critère Bruit sur la tenue au court-circuit
5.5.6 Retour d’expérience
5.5.7 Conséquences d’un défaut de tenue au courant de court-circuit
5.6. CONCLUSIONS
6. ETUDE ECONOMIQUE PAR CAPITALISATION DES PERTES
ETUDE SUR L’IMPACT DES TRANSFORMATEURS AMORPHES DANS LE RESEAU
7. COMPORTEMENT DES MATERIAUX AMORPHES FACE AUX HARMONIQUES
7.1. LES HARMONIQUES : DEFINITION ET EFFETS
7.1.1 La qualité de l’électricité
7.1.2 Définition
7.1.3 Origine des courants harmoniques
7.1.4 Effets des harmoniques
7.2. LES TRANSFORMATEURS FACE AUX HARMONIQUES
7.2.1 Pertes Joule
7.2.2 Pertes par courants de Foucault (ou classiques)
7.2.3 Pertes par hystérésis (ou quasi-statiques)
7.2.4 Variation des pertes en fonction de la fréquence
7.2.4.1 Cas des rubans amorphes
7.2.4.2 Comparaison avec les tôles à G.O
7.2.5 Les solutions
7.3. OBJECTIF DE L’ETUDE
7.4. PROCEDURES EXPERIMENTALES
7.4.1 Mode opératoire
7.4.2 Choix de la référence d’étude
7.4.2.1 Umax constant
7.4.2.2 Bmesure constant
7.4.2.3 Fondamental constant
7.5. RESULTATS EXPERIMENTAUX
7.5.1 Effet des harmoniques sur les matériaux amorphes
7.5.1.1 Sans déphasage
7.5.1.2 Avec déphasage
7.5.2 Effet des harmoniques sur les tôles Fe-Si
7.5.2.1 Sans déphasage
7.5.2.2 Avec déphasage
7.5.3 Etude de cas réels
7.5.4 Aspects normatifs
7.5.5 Pour l’exploitation
7.6. CONCLUSIONS
CONCLUSION GENERALE