Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Facteurs mécaniques et environnementaux
Les facteurs mécaniques et environnementaux représentent le premier niveau de risque à considérer.
Les tâches physiques et les contraintes environnementales exposent l’opérateur à un stress biomécanique, une hypersollicitation des tissus. Parmi celles qui ont été mises en évidence, il y a les contraintes posturales prolongées, les mouvements de force et/ou répétés, les positions articulaires extrêmes, mais également les chocs et les impacts, les températures extrêmes, un environnement vibratoire, bruyant et sombre [4].
Pour analyser les conséquences d’un risque mécanique sur un individu, il est très important de mesurer l’intensité, la fréquence, ainsi que la durée de l’exposition du sujet à ce risque [5].
Par ailleurs, la qualité des locaux et l’ergonomie du poste de travail rentrent en compte dans l’impact de l’environnement de travail sur la santé du travailleur.
Facteurs psycho-sociaux
Les facteurs psycho-sociaux sont considérés comme ayant un impact modéré sur les TMS, ils représentent un niveau moyen de risque [6].
Chaque situation perçue comme menaçante, frustrante ou conflictuelle peut générer un stress psychique, qui lui-même, peut créer un stress biomécanique [6] ; il faut considérer l’esprit et le corps comme un ensemble indissociable. Le stress représente un effort d’adaptation à une agression, et le lien entre stress et TMS n’est maintenant plus à démontrer [7]. Une mauvaise ambiance de travail, de la concurrence, des comportements individualistes, un manque d’autonomie, de soutien ou de reconnaissance sont autant de facteurs psychiques susceptibles d’augmenter la charge mentale et le stress.
Facteurs individuels
Enfin, les facteurs individuels représentent le niveau de risque minimal.
Des facteurs comme l’âge et les antécédents médicaux présentent une forte corrélation avec les TMS, mais il semblerait que cela soit dû à leur influence sur les facteurs biomécaniques. Avec l’âge, la durée d’exposition aux facteurs de risques augmente. La capacité fonctionnelle des tissus mous est dépassée, en parallèle d’une diminution progressive de la force musculaire [5]. Enfin, il a été montré que les facteurs génétiques ou anthropométriques sont peu prédictifs d’une susceptibilité pathologique [6].
Par ailleurs, chaque individu possède une méthode de travail avec des stratégies motrices qui lui sont propres, en lien direct avec des variations interpersonnelles du schéma moteur et de la somatotopie. Enfin, la prévention joue un rôle crucial dans la préservation d’une bonne santé au travail. Les connaissances et les formations en matière de prévention, de manutention et les bonnes pratiques à adopter, sont autant d’éléments indispensables à une prise de conscience des risques professionnels des troubles musculosquelettiques.
À l’instar de la robotique déjà présente sur de nombreux sites industriels, on assiste aujourd’hui à l’émergence de nouveaux dispositifs mécaniques d’assistance physique dans les entreprises. Dans un cadre professionnel, ces exosquelettes promettent de réduire l’impact de l’exposition aux facteurs de risques biomécaniques, et font naître un espoir d’amélioration des conditions de travail et de la santé du travailleur.
L’exosquelette, une technologie émergeante
Les progrès dans les domaines de l’informatique, l’électronique et de la mécanique ont permis l’apparition d’un nouveau type de technologie, issu de la rencontre entre l’ingénierie, l’ergonomie et la médecine.
L’exosquelette (Exo) ou squelette externe, est un dispositif mécanique, essentiellement revêtu pour tenir près du corps, permettant d’apporter une assistance physique dans l’exécution d’une tâche, par l’augmentation de ses capacités ou par une compensation de ses efforts. En fait, l’Exo peut en quelque sorte être considéré comme une orthèse évoluée [8] ; il y a création d’une interface entre la partie du corps et l’appareil. L’homme est l’entité intelligente qui commande alors que la machine est asservie à son assistance, ce qui nécessite un excellent calibrage et une robotique rapide et précise [9].
Historiquement, le premier brevet d’Exo fut délivré en 1890 à Nicholas Yagn qui avait imaginé un système capable d’accroitre la vitesse de course des fantassins de l’armée russe (bien qu’il n’existe aucune preuve de sa fabrication et de son bon fonctionnement). Les deux grandes lames métalliques courbes ont été conçus pour encaisser les forces de compression appliquées sur les membres inférieurs pendant la phase d’appui au sol, puis restituer l’énergie au moment de l’impulsion [10].
Quel que soit l’Exo que l’on observe, c’est toujours sa fonction qui détermine ses caractéristiques, comme la partie du corps concernée, les matériaux utilisés, le(s) type(s) d’énergie(s) utilisée(s) et sa forme. Dès qu’il existe un besoin d’assistance physique, c’est une application potentielle pour un exosquelette.
Pour mieux comprendre leur fonctionnement, il est important de distinguer les Exos selon le type d’énergie qu’ils utilisent. Il y a les passifs et les actifs.
Les Exos actifs, sont aussi appelés robots d’assistance physique, et utilisent un système motorisé alimenté par une source d’énergie externe. Ils sont en général plus couteux et également plus lourds, du fait du poids de composants comme la batterie3, le système électronique ainsi que les matériaux résistants. Le mouvement des différents axes de l’Exo est initié par la détection d’une intention de mouvement du porteur, à travers, bien souvent, des électrodes pour détecter l’activité musculaire ou bien de simples capteurs de pression et de contact. Un système électronique central (une puce ou un mini-ordinateur) va traiter l’information avant d’envoyer la commande à un effecteur (moteur).
L’Exo ne doit en aucun cas commander l’homme, c’est l’homme qui contrôle ses actions et la machine qui doit le suivre avec transparence et un temps de réaction le plus court possible (de l’ordre de la milliseconde)[11]. Un excellent calibrage avec le sujet est nécessaire pour assurer sa sécurité en évitant les risques mécaniques liés à l’interaction homme et robot. Et ces risques ne sont pas inexistants. Entre autres, il existe de nombreux risques induits par le décuplement des capacités physiques, comme les chocs, coincements, écrasements et les dépassements des plages articulaires et fonctionnelles physiologiques. Il existe aussi des risques thermiques et énergétiques propres aux appareils motorisés [12].
Les Exo passifs sont des dispositifs d’assistance physique. Ils assistent généralement leur porteur dans le maintien d’une bonne posture ou la réalisation d’un mouvement fatigant [13]. Cette assistance provient d’une restitution d’énergie mécanique corporelle stockée par des systèmes de type ressort, élastique ou bien hydraulique. Il n’y a ni batterie ni moteur. Ils sont donc considérablement plus légers et souvent moins chers que les actifs. Ils génèrent également moins de risques et sont plus faciles à mettre en œuvre in-situ, ce qui explique en partie leur prédominance sur le marché actuel.
Grossièrement, on peut répartir les Exo selon deux fonctions principales différentes.
Augmentation et préservation
C’est le domaine d’action des exosquelettes industriels et militaires. Ici, l’objectif est de renforcer, d’amplifier, des capacités déjà existantes et/ou garantir la sécurité et l’autonomie d’un individu apparemment « sain ». Le but de l’amplification est de donner à un individu des capacités physiques ou perceptives qu’il ne pourrait pas acquérir sans l’exosquelette. Les amplifications peuvent concerner la force musculaire, la vitesse de mouvement, la précision des gestes, le guidage d’outils de travail et la perception [11].
L’armée est bien souvent à l’origine des progrès scientifiques ou technologiques, et cela ne déroge pas pour les EXOS. L’application militaire constitue leur application historique d’origine. Aujourd’hui la perspective d’un « super-soldat augmenté » est étudiée et suscite l’intérêt des grandes puissances militaires internationales dans la course à l’armement.
En 2012, la PME française RB3D, soutenue par le financement du ministère de la Défense, a développé Héraclès®, un Exo permettant à son porteur d’embarquer jusqu’à une centaine de kilos et cela même pour un rythme de marche soutenue [14].
En 2013, le commandement des forces spéciales américaines a présenté TALOS®4, un concept d’exosquelette de combat comprenant entre autres, un système d’augmentation physique des membres supérieurs et inférieurs, un recouvrement pare-balles intégral, des outils de communication et des capteurs de constantes corporelles ainsi que des outils d’augmentation perceptive grâce à de nombreux capteurs et caméras, avec une interface visuelle de dernière génération, et un ordinateur intégré.5
L’augmentation humaine a également un intérêt pour les entreprises du secteur industriel qui cherchent à assister les travailleurs dans leurs tâches professionnelles. L’objectif principal est la diminution de la pénibilité et de l’impact sanitaire et financier des TMS. L’Exo est un outil de maintien dans l’emploi en limitant la charge physique mais aussi en considérant le vieillissement et les handicaps au travail [15].
Dans certaines situations, quand les démarches de prévention atteignent leurs limites, l’Exo peut avoir une utilité dans des taches où la charge physique est trop importante mais où il y a toujours la nécessité de garder le contrôle conscient et l’analyse cognitive humaine. Quoi qu’il en soit, leur introduction in-situ, dans un contexte professionnel réel, doit toujours être précédée d’une analyse ergonomique personnalisée poussée du poste et de l’environnement de travail [15].
Les Exos ne doivent en aucun cas être considérés comme une solution miracle systématique, mais ils peuvent se montrer très prometteurs dans la lutte contre les postures inadaptées et la fatigue physique au travail.
Chairless Chair® ou « la chaise sans chaise » créée par Gobio- Robot est un EXO passif qui propose une assise portative pour le travailleur, grâce à un système autobloquant qui n’entrave pas pour autant la marche [16].
L’exosquelette passif du membre supérieur – EPMS
Description
L’exosquelette passif du membre supérieur (EPMS) est un dispositif non-motorisé qui assiste son porteur en compensant le poids de son bras, pour réduire les contraintes subies par l’épaule, par une diminution du travail des muscles de l’épaule au cours d’un travail prolongé ou répétitif avec les bras en élévation. La plupart de ces Exo ont été conçus en collaboration avec de grandes marques de constructeur automobile, dans la perspective d’équiper leur personnel sur les chaines d’assemblage, et ainsi réduire l’apparition de TMS (les tendinopathies de la coiffe des rotateurs étant ciblées plus particulièrement).
Que ce soit dans le secteur automobile, dans d’autres industries manufacturières (grande distribution, métallurgie, plasturgie, logistique) ou dans le BTP (peintres, électriciens) où ils interviennent également, les EPMS ciblent tous une situation de travail bien précise, décrite dans la littérature sous l’appellation d’« overhead work ».
L’« overhead work » se caractérise par une tâche physique impliquant une flexion d’épaule importante, ce qui peut présenter un fort potentiel traumatique selon la pénibilité du poste de travail et la difficulté de la tâche (poids de la charge portée, travail en force, répétitivité) [20]. Les modalités du travail en usine automobile et les facteurs de risques biomécaniques de l’« overhead work » seront détaillés plus loin.
Si certains modèles d’EPMS sont encore des prototypes en phase test, une dizaine de modèles différents sont utilisés in-situ (Cf. Annexe, Figure B). Certains grands noms de la construction automobile, qui avaient besoin d’équiper leur personnel vulnérable sur site, se sont associés avec des concepteurs d’exosquelette à travers des partenariats. Par exemple, Ford a collaboré avec EksoBionics dans le développement du modèle EksoVest® (ci-dessus), pour enfin aboutir à son introduction en masse dès 2017, dans deux usines automobiles américaines, dans lesquelles une diminution de 83 % des TMS sur un an, aurait été mesurée (Source Ford Media Center, 2017). Airframe® de Levitate Tech Inc. est un EPMS qui commence à être utilisé sur les sites de nombreuses entreprises d’activités différentes comme Lufthansa, Nissan, Toyota, John Deere, Alcon et également l’US Air Force.
Du fait de sa facilité de mise en œuvre, de son poids léger et du fort potentiel qu’il représente, l’EPMS est actuellement l’exosquelette d’augmentation humaine le plus utilisé en contexte professionnel, et également le plus étudié par la communauté scientifique. Si de nombreuses études confirment leurs intérêts, leur efficacité ne fait pas encore de consensus et les interactions avec l’homme semblent être encore à comprendre. Leur conception varie mais leur fonction et leur action sont exactement similaires : ils assistent l’élévation du bras, que ce soit dans un plan sagittal strict (flexion d’épaule), dans un plan scapulaire, ou bien dans un plan frontal (abduction d’épaule).
Mécanique
Les EPMS se portent comme un sac à dos. La partie distale des bras est attachée par des bracelets qui sont reliés à la structure principale. En postérieur, sur le dos, cette structure rigide va rediriger les forces subies par la région de l’épaule vers le bassin par un système d’accumulation d’énergie comme un ressort ou un vérin (à travers un système de transmission d’énergie et de mouvement comme un câble Bowden par exemple) [21].
Selon les modèles, il existe différents niveaux d’intensité d’assistance avec un mode de réglage manuel (à l’aide d’un outil), ou bien géré électroniquement (avec interface par bouton). Le niveau d’assistance approprié est normalement calibré avant l’utilisation, en accord avec le poids du membre supérieur (MS) du sujet, le poids de l’outil utilisé (s’il y en a un) et de l’amplitude nécessaire à la réalisation de la tâche [22].
En réalité, ce calibrage correspond à une position d’équilibre à laquelle le poids du MS (et de l’outil éventuel) s’équilibre avec le couple délivré par le système. L’opérateur acquiert ainsi la capacité de maintenir son MS à l’équilibre, sans aucun effort musculaire [23].
L’EPMS apporte un couple moteur qui s’applique au bras comme une force (F en vert), pour contrer le couple résistant généré par le poids du bras et de l’outil (G en bleu). En situation normale, le bras serait soutenu seulement par la force (FM en rouge) des muscles spécifiquement élévateurs du bras, les muscles fléchisseurs de l’articulation gléno-humérale (faisceau antérieur du deltoïde, coraco-brachial, biceps brachial, faisceau claviculaire du grand pectoral) et d’autres muscles qui agissent comme stabilisateur ou ajusteur dans l’élévation d’épaule (trapèze, dentelé antérieur, petit rond)[24]. (Chaque couple est le produit de la force par le bras de levier correspondant)
L’EPMS est conçu pour délivrer un couple maximum à 90 degrés de flexion de gléno-humérale (Ө), quand le couple généré par le poids de l’épaule (G) est le plus important. Cette assistance décroit à mesure que le bras retourne vers la neutralité, où elle devient nulle. L’énergie produite par le sujet par l’extension active de gléno-humérale à partir d’une position de flexion, est stockée par la structure pour être ensuite restituée pendant l’élévation du bras.
L’épaule au travail, une zone fragile dans un contexte traumatique
Overhead work, en usine automobile
Ce monogramme de synthèse proposé par l’INRS se réfère à quatre familles de contraintes caractérisées par un excès en force (trop fort), en posture (trop loin), en vitesse (trop vite) et en durée (trop long). Il nous permet de visualiser de manière globale l’astreinte physique d’une situation type d’overhead work dans une chaine de montage automobile grâce à un tableau de référence des caractéristiques de cette tâche (Cf. Annexe, Figure C) [25].
L’environnement de l’usine automobile, combine les facteurs de risques d’hyper-sollicitation de l’épaule. Même si les charges portées sont de poids moyens (poids de l’outil ≈ 1-4kg) et que la charge de travail est perçue comme modérément contraignante, les ouvriers travaillent dans des amplitudes de flexion d’épaule importante, sous contrainte de temps (tempo dicté par la machine), avec des mouvements répétitifs pour au moins 4h de cycle de travail. L’usine est un également environnement bruyant. L’ouvrier a très peu de marge de manœuvre car la tâche à accomplir est bien décrite et le montage suit des exigences et un ordre bien précis.
Les matières premières, principalement le métal nécessaire à la carrosserie sont importées sur site et subissent une série de transformation opérées par une multitude de robots. C’est la partie de l’usine où l’automatisation (robotisation) est la plus présente. Les presses d’emboutissage forment les pièces qui vont ensuite être soudées et rivetées par des robots avant de passer à la peinture. C’est donc une carrosserie de voiture, complètement vide, qui va parcourir, suspendue à un rail les 1 ou 2 km de la chaîne d’assemblage. Les ouvriers y travaillent sous contrainte de temps car la voiture ne s’arrête jamais d’avancer et opérateurs doivent alors se coordonner et minimiser les erreurs pour être productifs. Cette étape qui constitue une production à la chaîne est une véritable fourmilière où les ouvriers vont intégrer
à la structure tous les composants de la voiture (garniture, câblage électrique, partie mécanique). Si certains ouvriers vont opérer à hauteur d’homme en se plaçant à côté de la voiture, une grande partie des ouvriers vont travailler sous le châssis : c’est la tâche d’« overhead work » ciblée par les EPMS. C’est également le scénario rapporté unanimement comme étant le plus contraignant physiquement par des ouvriers spécialisés (Vézina 2003) [26]. Ce poste est particulier car c’est le seul où tous les travailleurs doivent suivre le même ordre dans l’exécution des opérations. Cette absence de marge de manœuvre a des conséquences importantes, jusqu’à restreindre les possibilités de développer un mode opératoire préférentiel et normalise donc les gestes [26].
L’épaule, une zone ciblée
Parmi les TMS reconnus en maladies professionnelles par le Régime général de la Sécurité Sociale (RGSS), 90% sont des TMS du MS, dans lesquels l’épaule est impliquée pour 30 % (Source INRS) [12]. Le CNAMTS10 a observé depuis 2013, une augmentation nette des TMS reconnus comme maladies professionnelles (Cf. Annexe, Figure D) imputable en quasi-totalité à l’accroissement des TMS de l’épaule. Encore aujourd’hui, les travailleurs restent durablement exposés aux gestes répétitifs (63 % des actifs), aux efforts musculaires intenses (+ de 30 % des actifs), ainsi qu’aux postures contraignantes (46 %) (Source INRS) [12]. L’épaule est en première ligne aussi bien dans le secteur secondaire, dans les industries manufacturières (agro-alimentaire, grande distribution, plasturgie, métallurgie) et le BTP, que dans le tertiaire avec les aides et soins, à domicile, et en établissements de santé. Dans l’automobile, à eux seuls, les TMS imputables à l’épaule représenteraient plus de 50 % du total de blessures reportées [27].
Si l’apparition de TMS est sensiblement liée aux facteurs qui ont été présentés précédemment, elle est surtout vulnérable aux contraintes biomécaniques de l’environnement professionnel. La tâche d’« overhead work » soumet l’ouvrier automobile à des contraintes à fort potentiel traumatique pour l’épaule : le travail statique prolongé, la répétitivité.
Notion de fatigue musculaire
La fatigue est un symptôme à détecter car c’est le premier signe du dépassement des capacités de récupération d’une structure par rapport aux contraintes biomécaniques subies. Elle peut se traduire de manière différente : sensation de lourdeur, inconfort, DOMS, myalgie.
La notion de fatigue prend en considération une quantité d’effort fourni (lié à la difficulté de la tâche et d’autres modalités) pendant un certain temps.
Des chercheurs ont proposé un moyen de quantifier la fatigue musculaire du MS à travers une équation, ce qui permet de définir les normes de limite d’une fatigue acceptable par un sujet.
Pour le MS, le TLV (Threshold Limit Value) donne la durée pendant laquelle une personne peut fournir un effort égal à x % de sa MVC (Maximal Voluntary Contraction) dans une position donnée [28].
Par exemple, il a été suggéré que 40% de la MVC ne devrait pas être dépassé pour 10% du cycle de travail dans l’optique d’éviter une fatigue potentielle et donc de diminuer le risque de blessures. Si on prend la moitié du cycle de travail (50%), la limite à ne pas dépasser serait 17 % de la MVC et 8 % pour 90% du cycle (Chaffin 1999) [28].
A travers l’équation représentative de cette courbe proposée par l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGH), on voit bien que le TLV est bien dépendant de la durée d’exposition, c’est-à-dire à la durée du cycle de travail (Duty Cycle – DC (%)) : TLV = -0.143 x ln(DC) + 0.066.
La fatigue musculaire entraîne une perte de potentiel de force et une augmentation du niveau d’effort perçu. Elle peut apparaitre à cause d’une contraction trop forte, d’une contraction de basse intensité prolongée (contraction statique) ou bien de contractions répétées (répétitivité) [29].
Il a été décrit à travers des expériences in-vivo que la fatigue musculaire de l’épaule affecte la proprioception. Puisqu’un bon contrôle moteur nécessite une bonne proprioception, Pedersen (1997) a émis l’hypothèse que sa diminution pourrait être un facteur d’augmentation de charge des muscles affectés et d’inefficacité de leur utilisation [29].
La fatigue musculaire entraîne une modification des muscles recrutés pour une même tâche, ce qui affecte donc également les schémas de la mobilité scapulaire et gléno-huméral. Ces changements pourraient favoriser, à travers un schéma cinétique non-adapté, le risque de pathologies, comme notamment le conflit sous-acromial [27].
Des travaux ont montré que certaines fibres musculaires étaient actives continuellement, même pour une sollicitation inférieure à 8 % du MVC, ce qui expliquerait les myalgies locales persistantes du MS. Selon Hägg (1991), le recrutement musculaire se réalise de telle manière, que malgré une activité sous-maximale, certaines fibres musculaires de type I étaient recrutées en premier, et restaient actives jusqu’au repos total du muscle. Ces fibres ont été nommées « fibres de Cendrillon » (« première debout, dernière couchée »). De plus, il a été observé, pendant des gestes répétitifs (avec contraction sous-maximale) comme pour une contraction statique prolongée, que le même groupe de fibres musculaires était recruté de manière élective pour travailler jusqu’à saturation, jusqu’à la fatigue.
Travail statique
Pour se contracter, les muscles utilisent l’énergie chimique provenant du glucose acheminé dans le sang. Si cette contraction est prolongée, la compression des vaisseaux entraînera une diminution de l’apport sanguin, et donc une mauvaise perfusion du muscle, qui sera obligé de recourir à des voies métaboliques moins efficaces et productrices de déchets toxiques. Ces substances vont vite s’accumuler et faute d’une élimination efficace, vont être à l’origine d’une inflammation locale. L’inflammation marque une phase de réponse au stress au cours de laquelle l’inconfort, la fatigue et la myalgie sont fréquents. Une phase de récupération est ensuite nécessaire pour permettre aux tissus d’éliminer les substances irritantes, soit en respectant un repos entre les contractions ou bien en diminuant la durée de la contraction. Les ouvriers d’usine automobile sont exposés tous les jours à ce stress sans pouvoir réduire la durée, l’intensité et la fréquence de l’exposition aux risques. La phase d’utilisation de l’outil (visseuse, boulonneuse) est une phase statique d’environ cinq secondes, pendant laquelle la flexion et l’abduction des épaules est maintenue. Ce contexte accroit le risque de développer et d’entretenir une inflammation chronique des structures et augmente alors le risque de chronicisation des TMS [29].
Sources documentaires investiguées
A partir d’octobre 2019, plusieurs sources documentaires ont été investiguées à l’aide de notre équation de recherche finale (et certaines avec peu de succès) :
· PubMed : 151 résultats.
· Pedro, Cochrane et Kinedoc : 0 résultats.
· Google Scholar : 567 résultats.
Au vu de l’actualité que constituent les EPMS et, par conséquence de la nouveauté de la littérature les concernant 13, de nouvelles parutions étaient attendues au cours de la rédaction de la revue. Le travail de veille bibliographique s’est donc poursuivi jusqu’en mars 2020, de manière concourante à l’écriture de la revue de littérature, pour s’assurer d’inclure toute œuvre parue début 2020 14.
Finalement, cette recherche a obtenu 718 résultats issus aussi bien de bases de données scientifiques que de la littérature grise. Pour un aspect purement pratique, un logiciel de gestion bibliographique, Mendeley, a été utilisé pour l’exploitation des références.
Extraction et analyse des données
Critères d’inclusion
Plusieurs tris ont été réalisés à partir des 718 œuvres obtenues après investigation des sources citées précédemment. Un premier tri a été effectué à travers une simple lecture des titres des ouvrages pour éliminer rapidement les hors-sujets. C’est un tri qui s’est voulu conservateur, quitte à reléguer des articles conservés à une élimination ultérieure.
Puis, un second tri a été effectué par la lecture des abstracts. Ce tri a permis d’éliminer les articles retenus précédemment par précaution et de cibler le plus possible le sujet.
Enfin, l’étape de tri sur texte entier a eu pour objectif de ne garder que les articles pertinents, en détectant tous les contresens et les erreurs de sélection.
Voici les critères d’inclusion que doivent respecter les études pour rentrer dans la revue :
La synthèse qualitative :
– répondre aux critères d’éligibilité des études.
– examiner au moins un des deux critères de jugement.
– études de type défini (Série de cas, Essai Clinique Randomisé (ECR), EC quasi-R, EC non-R, étude expérimentale en Cas Unique (EECU).
La synthèse quantitative (méta-analyse) :
– études jugées d’une fiabilité méthodologique acceptable
Critères d’exclusion
Les études rédigées dans une langue autre que le français et l’anglais seront exclues.
Tout ouvrage présentant des conflits d’intérêt avec un constructeur d’exosquelette ou une autre corporation, seront exclus immédiatement.
Extraction des données
L’étape d’extraction des données consiste à collecter et retranscrire les caractéristiques obtenues ainsi que les résultats des études incluses dans la revue. L’objectif est de présenter les données de manière synthétique et tout à fait objective de façon à donner un portrait précis des études. Le format du tableau correspond tout à fait à ces exigences et synthétisera bien le contenu.
Les résultats présentés dans ces tableaux seront développés dans la partie Résultats, dans laquelle ils seront comparés statistiquement, puis présentés sous une forme graphique (tableau, graphique forêt), si l’hétérogénéité des études le permet.
L’interprétation des résultats fera l’objet de plus amples analyses et interprétations dans la partie Discussion.
Évaluation de la qualité méthodologique des études sélectionnées
Cette étape d’évaluation critique de la qualité des études permet de cibler les risques de biais suffisamment importants pour compromettre l’interprétation et les résultats. Le recueil d’informations et l’utilisation d’une grille de lecture choisie permettront de juger du degré de confiance accordée à la validité de chaque étude et de déterminer différents niveaux de qualité : qualité élevée, intermédiaire et faible.
Les grilles de lecture sont des échelles spécifiques à certains types d’études. Le type d’étude retenu a fait l’objet d’un critère de sélection (Cf. 3.1 Critères d’éligibilité des éudes) :
– Pour les essais cliniques (ECR, EC quasi-R, EC non-R), la grille PEDro sera utilisée.
– Pour les séries de cas, ce sera l’échelle JBI Critical Appraisal Checklist for Case Serie.
– Pour les études expérimentales en cas unique, le Risk of Bias in N-of-1 Trials (RoBiNT) Scale.
|
Table des matières
1. Contextualisation
2. Introduction
2.1 Les troubles musculo-squelettiques
2.1.1 Économie et santé publique
2.1.2 Facteurs de risques
2.2 L’exosquelette, une technologie émergeante
2.2.1 Augmentation et préservation
2.2.2 Réhabilitation
2.2.3 Directions
2.3 L’exosquelette passif du membre supérieur – EPMS
2.3.1 Description
2.3.2 Mécanique
2.4 L’épaule au travail, une zone fragile dans un contexte traumatique
2.4.1 Overhead work, en usine automobile
2.4.2 L’épaule, une zone ciblée
2.5Modèle d’évaluation des EPMS
2.6 Objectif de la revue de littérature
2.6.1Modèle PICO
3. Méthode
3.1 Critères d’éligibilité des études
3.1.1 Types d’études retenues
3.1.2 Population
3.1.3 Intervention
3.1.4 Comparateur
3.1.5 Critères de jugement
3.2 Méthodologie de recherche
3.2.1Mots-clés
3.2.2 Équation de recherche
3.2.3 Sources documentaires investiguées
3.3 Extraction et analyse des données
3.3.1 Critères d’inclusion
3.3.2 Critères d’exclusion
3.3.3 Extraction des données
3.3.4 Évaluation de la qualitéméthodologique des études sélectionnées
4. Résultats
4.1 Caractéristiques des études
4.1.1 Diagramme de flux
4.1.2 Études exclues
4.2 Préambule
4.3 Études incluses
4.4 Risque de biais des études incluses
4.4.1 Grille d’analyse utilisée
4.4.2 Synthèse des biais identifiés
5. Discussion
5.1 Une hétérogénéité importante
5.2 Analyse des résultats
5.2.1 Anthropométrie
5.2.2Muscles agonistes
5.2.3Muscles antagonistes
5.2.4 Une assistance idéale
5.2.5 Hauteur de tâche
5.2.6 Rating of Perceived Discomfort
5.2.7 Habileté
5.2.8 Réduction des contraintes rachidiennes
5.2.9 Autres notions
5.3 Applicabilité sur le terrain
5.4 Recherches futures
5.5 Biais potentiel de la revue
6. Conclusion
7. Bibliographie
Télécharger le rapport complet